hostage (bérénice)

Malgré qu’Isaiah détestait la routine, ses vendredi passés au zoo ne lui semblaient jamais routinier. Même que c’était un moment qu’il attendait tout particulièrement, avec impatience, à chaque semaine. Pas pour le zoo en tant que tel, car au fond ce n’était qu’une cage brimant la liberté de toutes ces belles bêtes, mais plutôt pour ces dernières, justement, qui mettaient de la joie dans sa vie. En retour, Isaiah tentait de s’assurer que les lois étaient respectées au maximum – pour une fois qu’Isaiah respectait les règles ! – et il prenait toujours le temps de les nourrir et de s’amuser avec eux. Puisqu’il n’était qu’un bénévole et donc pas rémunéré, Isaiah avait plus ou moins un horaire à respecter. Il avait une liste de tâches à accomplir, certes, mais tant que l’aide était apportée, la direction du zoo ne pouvait pas vraiment lui reprocher de passer tant de temps avec tel ou tel animal. Ainsi, Isaiah prenait bien son temps et jouait avec ses bêtes préférées, et par jouer il n’entendait pas ces stupides tours qu’on leur apprenait par la force pour faire rire les spectateurs. Non, par jouer il entendait les laisser faire ce que bon leur semblait eux, et lui s’adaptait. Il ne tentait certainement pas de leur apprendre quoi que ce soit qui n’était pas dans leur nature. Bref, tout cela pour dire que ce matin encore, Isaiah se rendait au zoo avec un sourire au visage et le cœur léger. Il était souvent comme ça, c’est vrai, mais les animaux le transportaient encore plus haut dans son petit bonheur. Le jeune homme consulta la liste des enclos qui nécessitaient entretien, et il remarqua que celui des rhinocéros n’avait pas été fait depuis un bon moment. Il secoua la tête en soupirant, et passa dans l’édifice des employés pour s’armer du nécessaire de nettoyage. Chaudière, sacs, une sorte de balai industriel, gants, etc. Il se rendit jusqu’à l’endroit en question en offrant des sourires discrets aux employés qui préparaient l’ouverture du parc animalier. Quand il arriva à l’enclos des rhinocéros, une jeune femme se trouvait déjà là, à les regarder, du côté touriste de la clôture. Elle n’était pas habillée comme une employée et n’avait pas l’air d’une bénévole, puisqu’elle ne faisait qu’observer. « T’es arrivée à te faufiler avant l’ouverture donc sans payer et sans te faire voir ? Chapeau. » Blagua Isaiah, même si au fond, peut-être était-ce vraiment le cas. Il s’en fichait, il ne dirait rien.

Une clôture avait beau les séparer, l’enthousiasme et l’ouverture que démontrait Isaiah faisait en sorte que même ce grillage matériel disparaissait entre eux. Aucune distance, aucune gêne. D’ailleurs, débuter la conversation avec une blague était typique de l’homme, question de briser la glace et d’éviter certaines formalités parfois barbantes. La jeune femme leva ses grands yeux vers lui, légèrement surprise d’être interpellée et même peut-être d’être prise en flagrant délit. Elle lui répondit ensuite avec tout le sérieux du monde qu’elle avait escaladé la clôture sans se faire remarquer, et pendant un moment, Isaiah y crut. Il avait même froncé les sourcils, un sourire en coin malgré cela vue l’audace de la jeune femme d’avoir commis ce geste. Sauf que son sourire, à la toute fin, lui fit comprendre qu’elle se moquait ouvertement de lui. Il hocha la tête en riant. « Oh, oh, je vois, tu fais ton clown. » Il lui sourit, se rapprochant des barreaux sans cesser de s’assurer que les rhinocéros dormaient toujours, au fond. Il n’avait pas envie de se faire empaler par derrière, hein. « En même temps, heureusement que c’est une blague, y’aurait un sérieux problème si tout le monde pouvait escalader la clôture. » Bon, pas qu’elle était nécessairement Madame Tout-le-monde, si ça se trouve elle était cascadeuse et ça expliquerait son agilité, mais ce n’était pas le cas, puisqu’elle était entrée comme tout le monde par la guérite. Isaiah posa finalement ses yeux sur le petit calepin que la demoiselle tenait juste devant elle ; il ne l’avait pas remarqué avant cela. Il le désigna d’un petit coup de menton, et s’intéressa tout de suite à la chose : « Tu fais des recherches, un projet ? » Demanda-t-il, curieux. Beaucoup d’étudiants de zoologie venaient à Bowen justement parce que c’était un des seuls zoos du genre de la région. Isaiah avait donc l’habitude d’en croiser. Après tout, c’était exactement ici que l’homme avait rencontré Aisling, qu’il comptait depuis un an parmi ses meilleures amies. Les meilleures rencontres étaient celles qui étaient inattendues, pour lui. Comme là, ce matin, devant cette belle demoiselle et son calepin.

Une autre étudiante en zoologie, une autre Aisling. Rencontrée au même endroit. Isaiah sourit en l’apprenant, parce qu’un paquet de souvenirs lui remontait en tête, provenant de l’année dernière. Il avait rencontré la blonde dans un enclos dans lequel tous les deux se portaient volontaires. Et une amitié des plus fortes en était née, avec bien d’efforts de la part de tous les deux évidemment, puisqu’ils étaient loin de se ressembler. Isaiah avait fait bien des pas vers l’avant pendant qu’Aisling reculait, mais au final, elle avait finalement accepté de le laisser rentrer dans sa vie. En se retrouvant dans une situation aussi similaire, Isaiah ne pouvait s’empêcher de se demander où se trouveraient la belle brunette et lui-même dans douze mois. Ils auraient peut-être parcouru bien du chemin, ou peut-être que leurs routes se sépareraient dès la fin de leur conversation. Connaissant Isaiah, lui qui aimait tellement parler aux autres et qui s’accrochait aux nouvelles rencontres, cela était peu probable. Tout de même, il était possible que le courant ne passe pas autant qu’avec d’autres. Après tout, la vie est remplie de surprises. « Tu n’aimes pas trop venir ici ? Explique ! » Demanda-t-il avec douceur, voulant en apprendre davantage sur son point de vue. Isaiah lui-même n’avait pas très une très bonne opinion des parcs animaliers, mais il ne voulait pas mettre des mots dans la bouche de la jeune étudiante. « Et sinon, tu vas à quelle université ? Tu connais Aisling ? » Demanda-t-il avec intérêt. Si elles étaient à peu près du même âge, forcément, elles se connaissaient. Bref, la jeune femme s’était davantage approchée du grillage, donc d’Isaiah et des rhinocéros par le fait même, et lui parla de la chance qu’il avait. « Alors qu’est-ce que t’attends ? » Demanda Isaiah en haussant les sourcils, un sourire au visage. Il montra du menton l’entrée de l’enclos, qui était verrouillée certes mais dont il avait les clés – forcément, sinon il ne se retrouverait pas à l’intérieur. Il marcha jusqu’à celle-ci, suivie de la jeune femme qui suivait ses pas de l’autre côté du grillage. « Certes, ce n’est pas en pleine nature, mais … tu pourras apprendre à les connaître ici d’abord, d’un peu plus près, avant d’aller les voir à l’état sauvage, un jour. » Il déverrouilla la porte et l’ouvrit devant la demoiselle, qui se présenta. « Et moi Isaiah. Tu viens ? » Demanda-t-il avec un sourire et un air confiant, même si techniquement, il n’avait pas le droit de l’emmener là-dedans, la belle Bérénice.