"Il y a toujours des serpents dans la forêt." [ft. Les Lockwood]

"Il y a toujours des serpents dans la forêt."

-ELVIS! me mis-je à hurler dans notre humble demeure.

La raison de ce cri? Non pas une réunion improvisée mais un problème existentiel, une chose hors du commun que je me sens obligé de dénoncer, ou du moins, de raconter. Je recule de quelques pas, un regard effrayé et énervé à la fois sur le visage avant d'apercevoir mon cousin débouler dans le salon. Je ferme les yeux, la rage me montant, préférant pour le moment garder le silence avant d'exprimer ce que je ressens. Mon pied tape le sol nerveusement, mes mains deviennent de plus en plus moites, je secoue la tête pour essayer de m'enlever cette image affreuse que je viens de voir dans ma tête.

-Elvis, lui dis-je plus calmement, me redressant imposant ma grandeur, les mains jointes se rapprochant à mon visage avant de me tourner vers lui. Que vois-tu dans le coin là-bas, derrière moi? continuais-je en lançant un coup de tête vers le coin de la pièce. Est-ce que tu aurais l'obligeance de retirer ceci sur le champ, je te prie.

Il ne bouge pas. Je ne bouge pas. La chose n'a pas intérêt à bouger. Et je ne sais même pas où est Alexander. Bien. Nous sommes dans de bonnes conditions. Pourquoi suis-je le seul à paniquer? Ce n'est pas comme si je n'avais pas de bonnes raisons après tout. Je veux bien que nous soyons en contact avec la nature mais je préfère voir cette dernière, comment dire... Comme les chiens, à leur place. Autrement dit, dehors. Je fais deux ou trois pas m'avançant vers mon cousin avant de me placer devant lui et de baisser la tête pour le regarder, mes mains toujours se touchant, mes yeux se fermant délicatement.

-Bien entendu, c'était une question rhétorique, ajoutais-je en respirant un grand coup et d'expirer lentement, essayant de mon contrôler.

Alors qu'il s'en va vers la chose, je me tourne sur moi-même pour observer chacun de ses faits et gestes. Cependant, il n'a pas l'air d'être si dérangé que ça. Après tout, il a toujours plus ou moins aimé les reptiles. Je les aime aussi mais que lorsqu'ils sont signées par Berluti ou A. Testoni si vous voyez ce que je veux dire. Je n'ose pas vraiment montrer la peur qui traverse mon corps, ayant l'habitude de donner une image forte et courageuse aux gens, même parfois, avec la famille, il est vrai.

-Bon tu ne veux pas te dépêcher for God's sake! lui dis-je en faisant de écartant brusquement mes bras sur le côté, commençant à perdre mon sang froid.

"Il y a toujours des serpents dans la forêt."

Il fallait bien s'en douter que cette chose soit sienne. A peine nous arrivons ici, bien que cela fait bien trois mois, il décide de se procurer un animal. Va-t-il le garder indéfiniment? Il n'y a de place pour lui c'est impossible. Je pense à le faire piquer lorsque mon tendre et cher cousin sera ailleurs à faire sa vie. Suis-je cruel? Je ne le pense pas. Qui voudrait d'un serpent chez soi? Non pas que ça soit immonde bien que c'est la première pensée qui traverse mon esprit en pensant à ces bêtes après celle qui est susceptible de m'injecter son venin mais pourquoi ne pas prendre un animal digne d'avoir de la compagnie comme un chien ou un chat ou un cheval si l'envie lui prend bien qu'il serait capable de le faire abattre pour le manger.

Je me passe les mains sur le visage avant de faire craquer mes doigts pour ensuite poser l'une d'elles sur le haut de la chose, l'autre à la hanche, mes jambes croisées me permettant de lui montrer mon expression agacée mais décontracté en même temps. Pourquoi ai-je constamment l'impression de gérer des enfants? Entre lui et ses folies et les tendances destructrices de mon autre cousin Alexander, je ne sais plus où me mettre. A croire que je suis le seul un minimum sensé dans cette maison. Je sais que je devrais parfois rigoler de tout mais pas pour un coup comme ça.

-Tu as de quoi le ranger quand même? Une boîte, un hangar ou dehors, c'est bien dehors. Tu n'as pas peur qu'il soit malheureux? Les animaux c'est faut pour être dans la nature, en liberté... lui dis-je.

Un serpent vegan? Il m'aura vraiment tout sorti. Pourquoi Alexander n'est pas ici, avec nous? Il ne serait pas vraiment utile et probablement contre moi, je me sentirais soutenu, à ne pas avoir à le supporter aussi longtemps dans une même pièce avec un fichu serpent de malheur! J'espère cependant qu'il n'est pas sérieux dans sa proposition. Je me recule de quelques pas pour ainsi partir dans la cuisine et prendre un bocal que je ramène dans le salon où nous nous retrouvons. J'ouvre ce dernier d'un coup, le "plop" étant bien sonore et j'apporte une olive à ma bouche tout en douceur avant de la mâcher en levant les yeux au ciel comme signe de jouissance culinaire.

-Tu en veux une? lui demandais-je.

Il joue de ma phobie, pourquoi ne pas jouer sur la sienne? C'est donnant-donnant après tout. Je continue de manger mes olives une à une tout en le regard de ces yeux de défi. Je fais le tour de la table en la caressant de ma main pour être plus proche de ce dernier et me retourne légèrement tout en gardant son Sergie des yeux pour attraper mon bocal et le ramener vers mon torse, le bras plié, mon autre bras qui continue de piocher. Mon expression faciale se transforme en quelque chose relatif à la haine me provocant en moi une envie de meurtre. S'il tente quelque chose, je lui balancerais des olives dessus, peu importe que ce soit salissant, je ferais ceci comme si j'envoyais des pokéballs sur un Arbok.

-Pourquoi ne pas partir sur de bonnes bases, Elvis, lui dis-je en insistant bien sur son prénom. Ce soir, on peut se commander des pizzas, et oublier le traiteur pour une fois, une simple soirée entre cousins, des personnes sensées qui ne se prennent pas la tête pour une fois, qu'en dis-tu? lui proposais-je toujours cette expression meurtrière au visage.

"Il y a toujours des serpents dans la forêt."

-Ne sait-on jamais. Parfois vaut mieux prévenir que guérir, répondis-je tout simplement à son attaque.

J'aurais pu aussi lui dire de baisser le ton de sa voix mais la façon dont il m'a dit ceci me rend perplexe. "Calme un peu ta parole". Mais oui mon garçon, un jour tu sauras parler correctement. Ce gars-là est un vrai spécimen et malheureusement pour moi, je dois me le farcir et sans l'aide de mon autre cousin. Je ne sais pas qui je préfère entre les deux, ces derniers étant aussi catastrophiques l'un que l'autre. Je laisse échapper un soupir en le voyant me supplier mais bien entendu il lâche son serpent, il n'était pas bien obligé surtout lorsque celui-ci se dirige vers moi. Je me recule doucement, la bestiole ayant réussi à prendre mon pied. Je reste là comme tétanisé. Mon souffle commence à se faire court, mes membres se mettant à trembler un à un. Je me retiens à la table de derrière, essayant de dégager mon pied de la bête bien que cela ne soit pas chose facile. Il est hors de question que je la touche pour la retirer et c'est ainsi que je regarde mon cousin droit dans les yeux avant de les fermer et de faillir tomber sous l'effroi qui submerge mon corps puis me sers de la table comme appui pour ne pas m'écrouler au sol. Je gémis légèrement et m'entends siffler autant que ce serpent. Il ne manquait plus que ça.

-Ventoline... Vas me chercher ma ventoline au lieu de te masturber sur ce spectacle! l'ordonnais-je en lui balançant des olives dessus pour qu'il s'active.

Des olives sérieusement? Je ne comprendrai décidément jamais sa peur quant à ces fruits. Il n'aurait pas pu trouver quelque chose de plus stupide par hasard? Comme des choux de Bruxelles par exemple. Vu l'odeur que ça dégage et le goût que ça a avec sa forme, ça serait limite plus crédibles que ce que je mange depuis tout à l'heure. Mais passons. Là n'est pas la question ni le problème. Le problème étant Sergie qui me grimpe dessus sans que je puisse y faire quoique ce soit. J'ai l'impression de me trouver dans une tragédie grecque à être affalé de la sorte sur la table, ne manquant plus que ma main sur mon front pour me donner un air théâtral.

Elvis revient et j'arrache de ses mains la ventoline, la peur m'ayant causé de l'asthme. Oui, je sais, pas un merci ni un merde mais là c'est une question de vie ou de mort. Qui donc va mourir à cet instant précis? Je rêverai que d'une chose de voir mourir cette bête. J'ai beau le dire à plusieurs reprises, mais il n'y a pas un moment où je ne le pense pas, vous pouvez en être sûr. J'essaie de secouer ma jambe pour faire déguerpir le serpent au risque de le faire montrer et s'agripper un peu plus à moi mais au mieux il s'en ira. Je continue de secouer ma jambe comme un arriéré avant de réouvrir les yeux et de le fixer intensément avec un regard haineux.

-Holy shit... Mais tu vas me lâcher les basques toi? ELVIS! Récupère ton truc ou je continue avec mes olives et t'empoisonne avec en les mettant dans ta pizza! me mis-je à gueuler.

C'est à cet instant précis que je me dis que nous avons de la chance ne pas avoir de voisins. Imaginez le bazar que ça serait. Ils appelleraient pour tapage nocturne ou pour suspicion de meurtre avec de tels cris ou sanglots bien que la plupart du temps ils soient nicher dans la voix. Mon cousin s'exécute enfin et j'ai l'impression de pouvoir enfin respirer l'air ambiant comme une délivrance ou une bouchée d'air frais que je me prends en pleine poire en faisant un saut en élastique. C'est dans ces moments que vous vous dites à quel point l'oxygène c'est important quand même. Je reprends un coup de ventoline avant de porter l'une de mes mains sur mon coeur, le sentant battre comme un tambourin excité.

-Commande les pizzas et on n'en parle plus. Tu comprendras que je ne suis pas apte à téléphoner, lui dis-je en baissant la tête vers le sol, en fermant les yeux histoire d'avoir un peu de calme pour que je puisse reprendre mon souffle correctement.

Je me redresse doucement et me dirige lentement vers la cuisine, le bocal d'olives en main que je continue de grignoter une à une, jusqu'à vider la moitié du pot. Je range ce dernier dans une poche en papier pour ne pas qu'Elvis le voit, pour son bien dirons-nous et prends mon portable pour chercher une pizzeria avant de repartir vers mon cousin et lui montrer le numéro ainsi que le menu, en espérant qu'il ne se mette pas à avoir une attaque en voyant les olives noires traditionnelles des pizzas.

-Prends moi une pizza patate/raclette s'il te plait, lui demandais-je. Non en fait deux, c'est bien deux et un Schweppes Agrum s'ils ont et un grand pot de Ben&Jerry's aux brownies aussi. Merci! lui dis-je en laissant mon portable dans sa main pour qu'il choisisse ce que lui veut. Et il s'appelle revient! rajoutais-je avant de me diriger dans le salon et d'allumer la télévision qui détient le home cinéma.

J'attrape la télécommande des volets électriques et les baisse à moitié pour que nous commençons à être dans le noir et histoire de voir un minimum. Je me dirige vers la bibliothèque de DVD que les habitants de cette maison ont laissé avant que nous la prenions en tant que location, pour le moment. Nous essayerons de trouver un moyen pour leur acheter, comme une maison de vacances. Nous avons au moins un logement à chaque endroit où nous avons un hôtel. Je prends quelques DVDs qui m'intéressent et les étale sur la table pour qu'Elvis en choisisse un bien que je quitte le salon voir s'ils n'ont pas des jeux de société. Je regarde chaque nom avant de prendre avec moi un UNO et un autre jeu de cartes que je ramène aussitôt.

-Tu veux faire quoi? lui demandais-je après qu'il soit revenu vers moi. Un UNO et chaque +4 ou chose du genre on les prends non pas en cartes mais en gorgée ou un autre jeu avec des cartes classiques? Sauf si tu préfères partir sur l'idée de base du DVD, bien qu'on puisse faire les deux en même temps.

Je prends l'initiative de le laisser mijoter un temps histoire qu'il y réfléchisse et pars dans ma chambre pour me changer d'une tenue un peu plus décontractée, un simple bermuda et un polo. Je me dirige vers le lit sur lequel je m'assois et récupère dans ma table de chevet une petite capsule que j'ouvre avant d'éparpiller le contenu sur la petite table, de quoi faire un ou deux rails à l'aide d'une lame de rasoir tout en prenant un billet que j'enroule sur lui-même pour pouvoir la sniffer. Tout en respirant je me recule légèrement pensant que cela fera effet plus vite et range le tout dans le tiroir servant à cet usage. Je m'en vais dans la salle de bain de ma chambre, m'essuie le nez avant de prendre de l'eau dans mes mains et de me la passer sur le visage, faisant un détour à la cuisine et repartant voir Elvis.

-Alors que faisons-nous? lui demandais-je deux bouteilles d'alcool en main.