(#23) cheering up -r.

Tu étais dévastée. Tu avais passé toute la nuit à pleurer. Tu ne pensais pas tomber sur son caleçon pizza, mais en faisant glisser ton livre sous ton lit, il était là. Tu l'avais vu, tu l'avais attrapé et tu avais pleuré. Pourquoi était-il parti ? Parce qu'il doutait de toi, de tes sentiments. Il ne voulait pas se confronter à Nelligan. Il te laissait à lui. Se résignant, refusant de se battre pour toi, comme si c'était un combat perdu d'avance. Tu avais vu Nelligan, c'est vrai. Tu l'aimais toujours, c'était vrai aussi. Mais pouvait-il vraiment te blâmer de ne pas savoir oublier ton premier amour ? Non. Ce n'était pas juste. Ce n'était vraiment pas juste. Et toi dans cette histoire ? Tes sentiments pour lui ? Il en faisait quoi ? Ce n'était pas la seule raison, tu le savais, mais c'était celle qui te faisait le plus mal. Aux premières heures de la matinée, tu avais fait le ménage en large et en travers de ton appartement. Puis tu avais posté une annonce de colocation. Tu avais retrouvé des boîtes entières de souvenirs, avec Noé, avec Nell. Et tu mettais ceux avec Zach, dans une autre boîte comme pour oublier tout ça. Mais tu ne pouvais pas oublier, tu avais besoin d'en parler. Mais pas à Ally, elle avait un avis déjà fait sur la question. Léo n'était sûrement pas en ville. La seule vers qui tu pouvais te tourner, c'était Nevaeh. Sans plus attendre, tu fonçais chez elle, tapant à la porte de son ancien appartement. La mémoire ce n'était vraiment pas ton truc quand tu étais comme ça. Elle n'habitait plus là, tu le savais, elle t'avait prévenue. Tu fis un petit retour en arrière, descendant d'un étage pour frapper à la bonne porte cette fois. « Bonjour Alfie, Nev est là ? » Mais elle n'était pas là. Maintenant que tu posais la question, tu te souvenais qu'elle avait un rendez-vous. Elle te l'avait dit, mais on ne pouvait pas dire que tu avais la tête à ça en ce moment. Tu ne le quittais pas des yeux, le pauvre. Tu venais de sonner chez lui, dans tous tes états, il allait te prendre pour une folle. Ce qui ne changeait pas trop de d'habitudes, mais il n'avait jamais vécu tes états d'âmes. Les yeux rouges, le visage fatigué, tu avais presque envie d'aller dans ses bras et pleurer tant que tu le pouvais.

Cette nuit a été courte pour lui, comme pratiquement toutes les autres. Alfie n'a jamais été du genre à rester souvent dans son appartement, plutôt à passer ses débuts de nuit ou nuits entières dehors, avec n'importe quelle compagnie qu'il trouve en chemin. Plus que d'habitude par contre, il a eu besoin de se changer les idées et de se vider la tête pour plusieurs raisons. La première concerne Freja ainsi que leur voyage à Vegas. Alfie ne s'en souvient que comme si ce n'était qu'un rêve, et il a encore du mal à réaliser tout ce qui arrivé entre eux-deux là-bas. La deuxième, c'est Jordan. Elle qui a débarqué chez lui il y a quelques jours, qui lui a pris la tête avec ses histoires de secrets, mais qu'il n'arrive à nouveau plus à sortir de ses pensées. Ça l'énerve, alors il boit. Il sort, il s'amuse, il prend du bon temps et il oublie. C'est si facile pour lui, tellement simple quand on a cette capacité de ne jamais tomber amoureux. Alors qu'il est encore paisiblement endormi dans son lit malgré l'heure avancée de la journée, Alfie est soudainement réveillé par un bruit de sonnette. En grognant comme un ours qui hibernait, il s'extirpe de ses couvertures, passe une main dans ses cheveux, puis enfile un pantalon de training trouvé sur le sol par-dessus son boxer. En se frottant les yeux, il traîne les pieds jusqu'à la porte d'entrée et l'ouvre. Lorsqu'il voit Lily et sa petite mine sur le pas de la porte, il bat des cils à plusieurs reprises pour vérifier si elle est bien là ou si il est encore en plein rêve. « Hum, je crois pas. Attends. » Il se tourne, regarde dans le salon, et attend quelques secondes avant de se tourner à nouveau vers Lily. « Personne ne crie alors elle n'est pas là. » Toujours un peu dans les vapes, il passe rapidement une main sur son visage puis repose son attention sur Lily qui semble attendre quelque chose. « T'as pas l'air en forme Lily-A, Tu veux rentrer ? J'allais justement préparer du café si ça te tente. Parce que oui, je sais faire du café. » Il lui offre son premier sourire de la journée et ouvre la porte en grand.

Tu le regardais tourner sa tête vers le salon et attendre. Sa réponse te fit rire. Pas un bruit dans l'appartement, il semblait être le seul présent même. Tu le regardais, hochant la tête doucement, pas de Nevaeh, mais ça tu le savais déjà en fait, tu ne savais pas trop si tu devais lui dire, par peur de passer pour une idiote. Tu n'étais plus vraiment à ça prêt. « Oh, oui, je viens de me souvenir qu'elle était ailleurs.. » Tu lui avais dit. Tu avais baissé la tête, pour regarder tes pieds. Tu ne savais pas vraiment quoi faire. Tu avais besoin de parler, tu ne te souvenais pas de quand elle revenait et tu n'avais pas vraiment une personne vers qui te tournait. Alors tu attendais, tu ne savais pas trop ce que tu attendais à vrai dire. Alfie semblait attendre que tu partes, mais tu n'étais pas décidée à partir. Tu aurais pu passer la journée entière à regarder tes pieds tout en attendant dans le couloir, pourtant il t'avait proposé de venir. Tu relevais le regard vers lui, les yeux tristes, prête à te laisser pleurer une nouvelle fois. « Je ne voudrais pas te déranger.. Je t'ai réveillé non ? » demandais-tu doucement. Tu passais ta main sur le coin de tes yeux pour chasser les larmes qui perlaient, et tu lui offrais un petit sourire, qui était plus une grimace qu'autre chose. Tu ne voulais pas t’épancher plus que ça sur le sujet, il avait vu ta mine triste, mais le café te ferait probablement le plus grand des biens. « Mais je ne dirais pas non à une tasse de café ! » Tu ne te moquais même pas de lui, qui venait de te prévenir qu'il savait le faire. Pourquoi aurais-tu eu un doute là dessus ? La dernière fois que tu l'avais vu, il t'avait dit qu'il travaillait comme serveur dans un café, ça voulait donc dire qu'il lui arrivait de préparer le café non ? En tout cas, bon ou pas, ça serait un café, c'était tout ce qui comptait.

Il a bien remarqué qu'elle a besoin de quelqu'un, d'une épaule sur laquelle pleurer et d'une personne qui pourrait la réconforter. Alfie voit bien les larmes aux coins de ses yeux, sauf qu'il sait pertinemment qu'il n'est pas la personne la mieux placée pour ça. Et puis, il n'est d'ailleurs même pas celui pour qui elle est venue jusque ici puisqu'elle devait s'attendre à voir Nevaeh lui ouvrir au lieu de lui. Sauf que la voir dans cet état, ça ne le laisse pas entièrement insensible. Cela aurait pu être n'importe qui d'autre, une amie d'une de ses deux colocataires qui aurait déboulé en cognant à la porte et qu'il aurait gentiment remballée, lui proposant de repasser plus tard afin de ne plus être là pour subir une énième peine de cœur. Sauf que c'est Lily, et Lily n'est pas n'importe qui. « Tu ne me dérange pas, tracasse. Et puis, il était bien temps que je me lève. » Étant donné leur dernière conversation, Alfie a du mal à réaliser que c'est cette Lily, celle qui se disait si heureuse l'autre jour, qui est aujourd'hui sur le pas de la porte prête à pleurer. Il la laisse passer et ferme derrière elle avant de se diriger vers la machine à café qu'il allume. Pendant quelques secondes, aucun bruit ne se fait entendre dans l'appartement à part le grondement de la machine à coté de lui. Alfie se tourne en direction de Lily tout en prenant appui sur le meuble derrière. « Je crois que toi plus que n'importe qui d'autre sait que je ne suis pas la personne la plus douée quand il faut réconforter quelqu'un mais... » Il marque une pause, croisant le regard de Lily. « Si t'as besoin de parler, ou même de crier ou de taper dans quelque chose, je suis là. » Il sort deux tasses d'une armoire et les remplit de café chaud avant d'en apporter une à Lily, prenant ensuite place sur le canapé du salon.

Alfie confortait ton idée sur lui. C'était toujours un brave type, il était toujours gentil avec toi, quoiqu'il arrive. Tu n'étais pas sûre que si ça avait été une personne il aurait été aussi amical, mais tu aimais le croire. Quoiqu'il arrive, tu entrais dans l'appartement sans plus attendre, fermant la porte derrière toi, le rejoignant dans la cuisine, où tu te posais avec un air abattu sur une chaise. « Tu as aussi le droit de faire la marmotte ! » Toi aussi tu aurais aimé en être une, tu voulais rester sous ta couette toute la journée et dormir toute la journée, peut-être toute la vie. Tu voulais hiberner tant que c'était possible mais c'était idiot d'être aussi triste quand tu savais qu'il existait une promesse d'amour pour toi. Tu avais peut-être était largué il y a quelques jours, mais tu avais aussi ouvert ton cœur à Nelligan. Maintenant tu attendais qu'il revienne à toi, pour enfin partager un baiser. C'était un peu le bordel, tu devais l'admettre, mais l'idée d'avoir retrouvé les affaires de Zach te rendait triste. Il avait eu raison, tu avais toujours des sentiments pour un autre, mais ça te laissait toujours un goût amer dans la bouche. Tu levais ton regard vers Alfie, qui savait ne pas être la meilleure personne pour en parler.. Toi-même tu ne savais pas vraiment ce que tu faisais là.. « J'suis pas sûre d'avoir vraiment envie de parler.. Et puis j'vais pas te taper non plus. » Surtout qu'il t'offrait un café. Tu attrapais ta tasse dans laquelle tu glissais deux sucres et tu touillait. Encore et encore, pendant de longues secondes sans quitter ta cuillère du regard, comme si tu étais absorbée par ce que tu faisais, jusqu'à ce que tu finisses par relever son regard, posant ta cuillère sur la table. « Tu crois que je suis une mauvaise personne ? » demandais-tu doucement, baissant les yeux. Tu avais peur de sa réaction, toi qui accordait toujours trop d'importance aux regards des autres, tu avais peur de ce qu'il pouvait penser de toi.

Une part de lui aimerait que Nevaeh soit là. Il ne sait pas si il sera capable de réconforter Lily si celle-ci se met soudainement à pleurer, ni même si il saura trouver les mots qu'il faut pour lui changer les idées. Sauf qu'il sait que le retour de sa colocataire signifierait qu'elle l'enverrait balader, peut-être même qu'elle l'expulserait de l'appartement pour quelques heures. Elle lui dirait que ce sont des histoires de filles, que ça ne le regarde pas, puis ajoutera une réflexion bien à elle qui pourrait déranger mais qui fera sourire Alfie. Il a fini par la connaître Nevaeh, c'est peut-être même pour cette raison qu'il préfère la savoir à son rendez-vous plutôt qu'ici. À la réponse de Lily, il pousse intérieurement un soupir de soulagement. Si elle ne parle pas, il ne risque pas de dire de mots maladroits qui pourraient empirer la situation au lieu de l'améliorer. « Je comprends, puis je suis sûrement pas le mieux placé pour ça. » Car non seulement Alfie n'a jamais été doué pour soutenir qui que ce soit qui en a le besoin, mais c'est encore plus délicat quand il s'agit d'une ex petite-amie à qui ont a brisé le cœur deux années auparavant. Il boit une gorgée de son café sauf qu'à la question de Lily, il manque de s'étouffer avec. Il lève les yeux et croise ce regard rempli de tristesse qui lui fait l'effet d'un pincement au cœur. Si Alfie ne peut pas la réconforter, il a au moins la capacité de lui dire la vérité. « Toi, une mauvaise personne ? Tu plaisantes j'espère. Cherche la définition de "gentillesse" dans le dictionnaire et tu trouveras Lily-Anaëlle Hadley en synonyme. » Peut-être que sa plaisanterie ne la fera pas rire, mais c'est tout ce qu'il a trouvé à dire sur le moment. Une parole impulsive, irréfléchie, tout ce qui caractérise Alfie. Il se racle la gorge et lève à nouveau les yeux vers elle. « Non, tu n'en es pas une. Je crois que tu es même la personne la plus attachante que je connaisse sur cette Terre. À part peut-être le dalaï-lama, ce type a un self-control de dingue. » Il balaie sa réflexion stupide d'un léger soupir avant de reprendre. « Tu es quelqu'un de bien Lily, ne laisse personne d'autre te faire croire le contraire. »

Tu avais ri de bon coeur. Tu ne pensais pas qu'il te dirait ça. Mais tu étais certaine qu'on n'y trouverait pas ton nom. C'était ainsi qu'il te voyait, comme la gentillesse incarnée, en deuxième position après le Dalaï-lama. C'était presque flatteur pour toi, si tu n'avais pas été emplie de doutes à ce moment là. « Je ne sais pas Alfie.. Je doute.. » Tu haussais les épaules, te mordillant la lèvre. Devais-tu t'étendre sur le sujet ? Ce n'était pas une simple question anodine pour toi. Il y avait toute une réflexion derrière et tu ne pouvais pas laisser les choses là. Alors tu ouvrais la bouche rapidement pour ajouter quelque chose. « Sur l'île j'ai pu revoir un garçon et je lui ai demandé de quitter sa copine pour moi.. En sachant que c'est une de mes amies les plus chères » Tu avais sauté l'étape des noms et des détails, tu ne voulais pas trop t'épancher, juste les grandes lignes. Après tout, si tu pleurais ce matin c'était parce que tu avais retrouvé un caleçon sous ton lit. Que tu avais repensé à l'épisode de l'île, avec un peu de recul et que tu avais couru jusqu'ici sans même prendre le temps de réfléchir un instant. « Et je me sens coupable d'en avoir rien à faire, d'ignorer la peine que ça va lui causer. Je me trouve si.. Si égoïste ! » Et ceux qui te connaissaient pouvaient dire sans hésiter que ce mot n'avait jamais fait parti de ton vocabulaire. Tu pensais toujours aux autres, les mettant toujours en priorité sur toi. Cette fois tu te moquais bien de Juliet, de sa peine quand Nelligan prendrait le large pour toi. C'était une des pires choses pour toi, mais d'un côté ça te faisait un bien fou de savoir que pour une fois, tu avais aussi le droit d'être heureuse, même si ton bonheur passait par la destruction d'une amitié.

Quelques fois, Alfie se dit qu'il a peut-être rencontré Lily au mauvais moment. Elle était déjà si gentille et remplie de tendresse, alors que lui n'était qu'un amas de stupidité à l'époque. Il a changé, sans jamais savoir si c'est l'âge qui a crée cette transformation en lui ou simplement Bowen. Ou autre chose. Aujourd'hui, Alfie n'est plus ce crétin qui ne pense qu'à s'amuser en se bourrant la gueule ou en écoutant du rock dans sa voiture sur les routes. Peut-être que si ils s'étaient rencontrés aujourd'hui et non deux ans plus tôt, l'histoire aurait été différente. Sauf qu'il est impossible de changer le passé, et qu'il n'a maintenant plus la même place qu'il a autrefois eue dans le coeur de cette adorable brunette. C'est sûrement mieux ainsi. Sûrement oui. Le regard perdu dans sa tasse, il l'écoute parler en fronçant lentement les sourcils. « T'es pas en couple toi ? » demande-t-il avant de lever les yeux vers elle. Sa curiosité malsaine lui pousse à demander des prénoms, histoire de voir si il connait ou pas les personnes impliquées. Sauf qu'il se retient, préférant laisser ce choix à Lily-A. Devant sa culpabilité, une moue dubitative s'installe sur les lèvres d'Alfie. Il prend appui sur le dos du canapé, toujours tourné vers elle. « Pourquoi coupable ? C'est pas toi qui me disait que l'amour te tombait toujours dessus quand tu t'y attendais le moins ? » Il hausse un sourcil avant d'esquisser un demi-sourire. La dernière fois qu'ils se sont vus, Lily semblait si heureuse de lui parler de son copain, ce fameux Zach. Voilà qu'aujourd'hui, elle a l'air bien plus malheureuse avec, en plus, une autre histoire avec un autre garçon. Décidément, tout ça suffit à lui faire comprendre que l'amour n'est décidément pas quelque chose pour lui. « T'es retombée amoureuse, c'est tout. Ça fait partie de la vie. » Enfin, de celle de Lily. Pas de la sienne.

En repensant à Alfie, tu étais ravie d'être là. Ça aurait été il y a deux ans, il ne t'aurais même pas proposé d'entrer pour prendre un café. Les choses étaient différentes, il se souciait moins de toi qu'aujourd'hui. Il avait changé, il avait mûri et ça faisait de lui un autre homme. Plus ouvert, plus compréhensif et moins effrayé par l'amour. A l'époque c'était un mot qu'il ne voulait pas entendre mais depuis votre conversation l'autre jour au restaurant, tu savais qu'il était plus ouvert sur ce sujet. « Il est parti pour être honnête.. » Tu avais baissé le regard en te mordillant la lèvre. Tu n'étais pas très fière de toi. A peine parti, déjà dans les bras d'un autre. Mais l'autre ce n'était pas n'importe qui, c'était l'amour de ta vie. C'était peut-être trop romantique comme vision, peut-être trop fleur bleue mais comme il venait de le dire, l'amour ne se contrôlait pas. Il te tombait dessus, à nouveau. Tu avais parlé de tes sentiments, était-ce ta faute s'ils étaient réciproques ? Ce n'était pas ta faute s'il était toujours amoureux de toi. « Tu as raison. L'amour est un trouble-fête. » Tu ne devais pas te laisser miner ton moral. Tu n'avais pas choisi d'aimer l'homme, tu n'avais pas choisi de faire souffrir Juliet. Enfin si, ça tu l'avais choisi puisque tu avais décidé de parler. Tu aurais pu te taire et laisser couler, le laisser être heureux dans son coin, mais tu avais été égoïste et tu devais faire avec maintenant. « Enfin voilà, ma vie est un champ de bataille .. Mais ton café est délicieux ! » Tu le portais à nouveau à tes lèvres pour la terminer. Cette boisson chaude et les confidences qui allaient avec t'avaient fait du bien. « Et toi alors ? Ça fait quoi de vivre avec Nevaeh ? » demandais-tu en souriant. Nevaeh était une petite tornade, tu avais bien vu l'état de son appartement l'autre jour, mais tu te demandais bien qui était la troisième personne à vivre ici. Tu laissais ton regard se perdre dans la cuisine, observant chaque détail, pensant qu'une colocation, ça te ferait du bien aussi. Et avec une femme cette fois.

Alfie n'a jamais vraiment pris le temps de s'intéresser à ce qui se passe à Bowen, surtout quand ça parle des relations amoureuses de ses habitants. Il sait qu'un blog circule sur le net, un lieu où on peut même retrouver des rumeurs sur Monsieur et Madame tout-le-monde, sauf que jamais il ne s'est assez intéressé à ce site que pour aller y faire un tour. Il ne savait donc pas que Lily et Zach, c'était terminé. Peut-être qu'il aurait été plus délicat si il avait été au courant, ou bien au contraire ça l'aurait rendu encore plus maladroit. Le domaine sentimental ne sera décidément jamais un sujet qu'il arrivera à maîtriser. « Abruti, » ajoute-t-il simplement, sans trop savoir quoi répondre d'autre. Après tout, lui-même a fait la même chose avec elle. L'insulter reviendrait à s'auto-critiquer. La savoir déjà prête à se battre pour quelqu'un d'autre ne lui donne évidemment pas envie de la juger. Après tout, Lily mérite d'être heureuse, pas de pleurer pour un garçon qui a agi aussi bêtement que lui. « Je te dirais bien de te laisser du temps, de profiter d'être seule pour faire le vide dans ta tête et t'amuser, mais je ne suis clairement pas un expert en conseils alors... fais ce que tu penses être le mieux. » Elle complimente son café, alors qu'Alfie n'a aucun mérite, à part pour avoir appuyé sur le bouton de la machine. En plus, cette machine n'est même pas à lui. Il se contente de lui sourire avant de terminer sa tasse qu'il pose ensuite sur la table basse. À sa question, Alfie hésite sur ce qu'il doit dire ou garder pour lui. Il sait que Nevaeh et Lily sont bonnes amies, il n'a donc pas intérêt à dire quoi que ce soit de négatif par rapport à sa colocataire. Et puis, sans trop devoir y réfléchir, les mots finissent par venir tous seuls. « Parfois, c'est fatiguant. Tu connais Nev, une véritable pile électrique que rien n'arrête et qui a toujours son mot à dire sur tout. » Il rit légèrement avant de reprendre. « Mais franchement, c'est sympa. Je l'apprécie beaucoup tu sais, je risque pas de lui faire du mal si ça peut te rassurer. Vivre avec elle, c'est amusant et rassurant en même temps, parce qu'elle est toujours là pour t'écouter quand t'as besoin de parler. C'est une bien meilleure amie que moi je peux l'être. » Il sourit brièvement. « On a une troisième coloc, je suppose que tu le sais. Grace. Elle est sympa, plus discrète mais sympa. »

Tu n'étais pas d'accord avec lui pour le coup. Mais tu n'avais plus envie de t'éapendre sur le sujet. Tu connaissais les raisons de son départ, certaines étaient correctes, d'autres étaient justes là par peur mais tu comprenais son choix. Tu serais incapable de faire le même puisque si tu étais amoureuse, tu étais aveuglée pour tout ce qui t'entourait. C'était bien pour cette raison que tu n'avais pas vu tes sourires, tes regards quand il y avait Nelligan dans les parages. Tu pensais être normale alors que tu étais encore clairement amoureuse de lui. Tu l'avais réalisé le soir de l'île, tu te voilais trop la face, mais aujourd'hui, tu voyais clair. « Tu as peut-être raison.. » Tu ne voulais pas non plus foncer une nouvelle fois tête baissée dans une relation. C'était peut-être Nelligan, mais votre histoire avait subi pas mal de ratures, de fausses notes. Tu ne voulais plus de tout ça, tu ne voulais plus d'une relation qui vous déchire, au contraire. Peut-être qu'il faudrait y aller doucement, étape par étape, comme si c'était la première fois que vous vous mettiez en couple. Après tout, vous ne pouviez pas reprendre l'histoire là où elle s'était arrêtée puisque vous aviez changés. Les choses n'étaient plus les mêmes, le contexte non plus. De toute façon, pour le moment tu attendais qu'il revienne vers toi, quand il serait libre de ses mouvements, libre de t'embrasser où il veut, quand il veut sans tromper qui que ce soit. « Tu devrais la bâillonner des fois tu sais, mais je vois. Et encore, moi je ne vis pas avec elle ! » avais-tu ajouté en rigolant. Tu connaissais ton amie par cœur oui, pour la faire taire, il fallait soit qu'elle bosse, soit qu'elle soit concentrée sur quelque chose, mais ce n'était pas toujours évident. « Tu te dévalorises trop, tu es différent c'est certain, mais tu n'es pas non plus un mauvais ami ! » Peut-être que c'était toi qui continuait de voir le bon partout, pensant qu'il était capable de bien plus qu'il ne pensait. Mais tu étais toujours là, tu avais un sourire sur les lèvres et tu ne déballais pas ta vie en pleurant, réclamant un câlin comme une guimauve. Pas sûre que ça aurait été pareil avec Nevaeh. « Non, je ne savais pas. » En même temps, tu n'étais pas certaine que Nev soit vraiment au courant de toute l'histoire qu'il y avait pu y avoir entre Alfie et toi, pour la simple et bonne raison qu'il était son ami et que tu ne voulais pas qu'elle prenne partie pour l'un ou l'autre. Tu voulais préserver ce qu'ils avaient, mais tu évitais de parler le plus possible de lui quand tu étais avec elle. Tu ne voulais pas qu'elle puisse ressentir ton malaise. Aussi, quand elle avait dit qu'elle emménageait avec lui et une autre personne, tu lui avais dit qu'elle était folle, mais que ça lui ferait du bien. « Grace Darwin ? » demandais-tu, à la fois surprise et intriguée par cette annonce.

Lui, il ne peut pas comprendre ce que ça fait. Il n'a jamais connu ce que peut ressentir une personne amoureuse, n'a jamais été attirée par une personne assez que pour avoir envie de long terme avec elle. Alfie essaie de s'imaginer dans quelle situation se trouve actuellement Lily, elle qui est si différente de lui et qui, à son contraire, a tendance à peut-être un peu trop s'attacher. Alfie pourrait lui dire de faire attention, de ne pas aller trop vite pour éviter d'avoir encore une fois le coeur brisé. Peut-être que ce type n'est qu'une passade pour elle, un moyen de se sortir de son malheur crée par la rupture. Il n'en sait strictement rien, sa tête bouillonne et ses idées se mélangent en un bordel immense. Heureusement pour lui, la conversation dévie sur Nevaeh. Sa réflexion sur sa colocataire le fait rire et Alfie hoche lentement la tête. « Bah, tu finis par t'y faire. Ça anime l'appart, » dit-il, sans trop savoir pourquoi il perd son temps à la défendre alors que Lily connait certainement bien mieux Nevaeh que lui. Après tout, elle est rapidement devenue une personne particulière pour le jeune homme qui a toujours fui ce genre d'attachement. Nev, elle est tellement différente. Spéciale, un peu bizarre parfois, et ça doit d'ailleurs être pour cette raison qu'elle l'a tant marqué. Suite aux paroles de Lily, Alfie sourit, yeux levés au ciel, en faisant semblant d'être touché par sa remarque. En réalité, il s'est toujours foutu d'être un bon ami ou pas. Il parle, il ne réfléchit pas, viendra ce qu'il doit arriver. « Si tout le monde était aussi bon que toi, le monde serait vachement meilleure ma chère Lily-A., » lâche Alfie avec sincérité, s'accoudant sur le dos du canapé avant d'appuyer sa tête contre le dos de sa main. En y repensant, il réalise qu'elle est une des seules filles avec qui il est sorti qui accepte encore de lui parler sans avoir envie de lui envoyer une claque bien méritée en plein visage. Aujourd'hui, Alfie est différent. Plus mature, plus compréhensif, peut-être pas plus malin mais au moins, il n'agit plus comme un sombre crétin comme il a malheureusement pu le faire avec elle. À sa question, il fronce les sourcils. « Oui, tu la connais ? » demande-t-il, curieux.

Tu avais mis de côté tes larmes, tes histoires de cœur et tes sentiments. Rien ne servait d'en parler plus, Alfie avait déjà donné de sa personne pour essayé de te réconforter, tu ne voulais pas le mettre plus mal à l'aise encore. Tu avais changé la conversation sur votre amie commune, qui n'était autre que sa colocataire. « Je n'en doute pas une seconde. Elle est amusante et a toujours une idée folle pour mettre de l'ambiance ! » Tu l'aimais ta Nevaeh. Oui, ça c'était certain. Elle était folle, mais c'était un grain de folie que tu avais toi aussi, vous vous entendiez parfaitement. Et elle avait toujours su être là pour t'aider dans les coups durs de ta vie. « Le monde serait aussi sûrement chiant et nian-nian ! » Tu t'étais mise à rire. Oui, le monde serait sûrement pacifique, mais bon Dieu que la vie serait triste. Tout le monde tomberait amoureux au premier coup d'oeil, tout le monde aurait une vie bien rangé et sans trop de folie. Autant dire que y avait mieux, même toi, tu n'imaginais pas un monde qu'avec des toi. Il fallait des Alfie, des Nev, des Ally et même des Woody. « Je.. Oui.. » Tu balbutiais, te mordant la lèvre sans vraiment savoir si tu devais parler un peu d'elle ou non. C'était sa coloc, donc il devait savoir qui elle était, ce qu'elle faisait dans la vie. Du moins, tu l'espérais. « Elle était dans les ordres. Ma mère appréciait beaucoup le père Darwin. » Tu avais le souvenir d'un homme doux, toujours avec un conseil et prêt à vous écouter. Tu n'étais pas allée à l'église depuis des années maintenant et tu ne le connaissais pas en dehors de ce cadre là non plus. « Je suis contente de savoir qu'elle vit avec vous, c'est une chic fille ! Puis pour l'aider à changer de vie, elle ne pouvait pas mieux tomber. » ajoutais-tu avec un grand sourire. La conversation que tu avais eu avec Grâce remontait à quelques mois maintenant, mais la savoir ici, te rassurait. « C'est amusant de voir comment le monde peut-être petit parfois. » Tu faisais bien sûr référence au fait que malgré la population de Bowen, il s'était lié d'amitié avec une de tes meilleures amies et qu'il vivait en colocation avec la bonne sœur qui t'aidait à ranger ta vie pour que tu passes sous les Ordres.

Il n'est pas doué quand il s'agit de faire face à la douleur d'une personne, il ne l'a d'ailleurs jamais été. Alfie s'est trop longtemps fermé aux sentiments que pour réussir à comprendre ceux des autres. Il n'arrive pas à se projeter, à comprendre, à se mettre à leur place de petit coeur brisé. Lui, il s'en est trop longtemps foutu. Il a vécu sans ressentir le moindre attachement pour une fille, ça n'a jamais été plus loin qu'un simple intérêt rapidement transformé en lassitude. Alors qu'ils sont seulement séparés d'un mètre, il se sent tellement loin de Lily. Pour une fois dans sa vie, il aimerait être capable de pouvoir faire quelque chose. La rassurer, la soutenir, n'importe quoi qui puisse aider la demoiselle en détresse qu'elle est. Sauf qu'il n'y arrive pas. Il en est tout bonnement incapable. Alors ils évitent le sujet, et ils parlent de tout ce qui n'implique pas de devoir étaler ses émotions à plat devant l'autre. Il se contente de hocher la tête, ne trouvant rien de plus à redire sur sa colocataire que Lily sait déjà. Et puis, Alfie rit de sa réflexion sur elle-même. Il secoue négativement la tête. « T'es pas si insupportable à vivre que tu le laisses sous-entendre Lily. » Il ne dit pas ça pour lui faire plaisir, ce n'est à ses yeux qu'une simple pensée qui vient de traverser son esprit à la vitesse de la lumière. Des mots prononcés à la va-vite, trop rapidement que pour y avoir réfléchi. Il sourit, brièvement, sa tête toujours posée sur le plat de sa main. Elle est tellement mignonne, Lily. Remplie de tendresse, d'innocence, de tout ce que lui ne connait pas. Put-être que lui n'a pas été capable de tomber amoureux d'elle, mais ce n'est clairement pas sa faute à elle. C'est lui. Lui et ses complexes, ses peurs, ses a priori. Quand elle lui parle de Grace, il fronce légèrement les sourcils. « On est pas vraiment du genre à parler de nos vies, elle et moi. » Puis il hausse un sourcil. « Changer de vie ? » répète-t-il, intrigué par cette partie de la phrase en particulier. Il hoche pensivement la tête quand elle dit que le monde est petit, mais Alfie ne peut s'empêcher d'attendre une réponse à sa question, qu'elle soit détaillée ou totalement évasive.

T'es pas si insupportable à vivre que tu le laisses sous-entendre Lily. Ces mots sonnaient bien dans le creux de ton oreille, toi qui voyait toujours le mal quand il s'agissait de toi. Tu avais parfois le sentiment d'être la pire personne au monde alors qu'il n'y avait aucune raison concrète. Juste ta connerie. « T'es sweet, Alfie. » Tu rougissais, tu avais eu envie de te lever pour te glisser dans ses bras et lui voler un câlin mais vu ton état émotionnelle, valait mieux que tu restes assise sur ta chaise en terminant ton café. Tu ne voulais pas prendre le risque de te mettre à pleurer une fois contre lui parce que ça vous mettrez tous les deux mal à l'aise et vous aviez réussi à vous en sortir. « Oh je vois. Elle vit là mais reste dans son coin plutôt ? » Tu aurais dû t'en douter, après tout pourquoi serait-elle une fille différente de celle que tu avais pu connaître ? Elle voulait changer de vie mais peut-être qu'elle n'y arrivait tout simplement pas. Tu n'étais pas dans sa tête, tu n'étais même pas assez proche d'elle pour en savoir plus. Toi qui avait voulu l'aider à avoir une vie normale, tu la laissais tomber, la laissant se débrouiller seule. « Elle était bonne sœur mais elle a décidé de quitter les ordres. Je ne sais même pas si je devrais en parler.. » De toute façon, pour maintenant c'était un peu tard puisque tu avais déjà tout déballé. En soi, ce n'était pas terrible, ni même un gros secret, si on connait un tant soit peu la famille Darwin, on sait qu'ils sont dans la religion, qu'ils ne vivent que pour ça sauf Grâce à présent puisqu'elle avait fait le choix de s'en éloigner. La dernière fois que tu avais pu la voir, tu savais que ça ne se passait pas super bien, elle avait encore du mal à accepter qui elle était, qui elle devenait. Ce n'était pas toujours facile de changer, de changer de vie. Toi-même tu étais passé par là, tu avais fais des choix parfois étranges, parfois douteux mais tu ne les assumais pas tous aujourd'hui, il y a certaines choses que tu tairas. « Tu aurais quelque chose à grignoter ? » Tu commençais à avoir faim avec tout ça. Tu avais passé la soirée de la veille à ressasser tout ça, à pleurer, à hésiter de savoir si tu ne faisais pas commettre une erreur à Nelligan et tu avais sauté le repas. Ce matin tu étais venue à la première heure que tu trouvais convenable et tu avais bien sûr sauté le petit déjeuner alors maintenant, tu voulais bien manger quelque chose mais tu ne voulais pas non plus t'imposer.