How much you wanna bet ?

Fin de ma journée de boulot. Tout ce qu'il me reste à faire c'est passé par le billard pour apporter la commande. Un plateau avec tout un tas de pâtisseries. Fraisiers, éclairs, religieuse, tartelettes, … La totale. Il nous avait pris un peu de court en ne passant à la boutique qu'en fin de matinée mais on avait fait le maximum pour satisfaire ses besoins. Mon patron avait hésité un peu avant de me demander mon avis. Comme souvent, je ne voyais pas pourquoi on aurait refusé. J'ai donc fait deux heures supplémentaires et me suis porté volontaire pour venir moi-même livrer les gâteaux ici-même. Une situation qui se produit de temps en temps. On me dit parfois que je suis un peu trop docile mais comme je prends plaisir à faire mon métier je ne prends pas ça pour une corvée. Et puis je n'avais pas de plan pour la journée. Une petite sortie à la plage ou faire un peu de ménage chez moi. Des choses qu'on peut remettre au lendemain. Surtout le ménage.

Les bras chargés j'arrive donc devant la porte de l'établissement. Un gros paquet qui m'empêche d'ouvrir la porte. Et je n'ai pas envie de me contorsionner ou de tenter quoique ce soit. Je ne tiens pas à faire tomber le paquet. Non seulement je me ferais engueuler par le client mais surtout par le patron. Il m'est déjà arrivé de faire tomber un Baba au rhum ou une Forêt noire mais jamais une livraison complète ou un énorme gâteau d'anniversaire ou de mariage. Imaginé la déception des jeunes mariés … A peine deux secondes que j'attends et que je réfléchis à comment me dépatouiller de cette affaire qu'on m'ouvre la porte. Je remercie la personne et file directement voir le gérant.

Un échange de politesse en bonne et due forme, un début de conversation tout à fait classique et je suis prêt à partir. Sauf que j'aperçois Elliott. On ne travaille pas dans la police à cette heure là ? N'ayant pas de projets pour les heures à venir donc, et n'ayant pas envie de passer un coup sur le sol de chez moi, je l'interpelle.

« T'es pas en service ? Et qu'est-ce qu'il se passe ? Ca fait une semaine qu'on te voit plus à la boutique. T'es pas tombé malade ? Tu peux me le dire. Je connais bien le pâtissier. Je pourrais lui en toucher deux mots. Ahah. »

Une remarque dite avec le sourire. Elliott est un bon gars, un bon pote. On se connaît pas forcément plus que ça mais j'apprécie traîner de temps en temps avec lui. On a le même âge donc ça facilite la chose. Il est d'ici et je sais que si j'ai un soucis quelconque je peux toujours lui demander un coup de main. Que ça soit par rapport à son métier ou une autre chose plus ordinaire. S'il n'a pas de plats sur le feu, pourquoi ne pas se faire une petite partie. Je ne suis pas un pro au billard mais je m'améliore. Faut dire qu'avant de venir pour Bowen, je n'avais pour ainsi dire jamais jouer au snooker. Une occasion de plus donc. Enfin peut-être ...

Comme quoi, le hasard fait parfois bien les choses. A deux minutes près on aurait pu ne pas se croiser et retourner chacun à nos occupations. En solitaire. Toujours mieux d'être à deux pour une partie de billard non ? A moins de justement vouloir s’entraîner de son coté pendant des heures. Pour parier un truc la prochaine fois qu'il joue contre un collègue ou un pote. Le partenaire naïf accepte le pari car il sait qu'il y a de fortes chances qu'il gagne, connaissant le niveau de l'autre. Et là bam. Il te met à enchaîner les coups en te rentrant des trucs improbables. Oui bon je pousse le raisonnement un peu loin … Il semble pas avoir perçu plus que ça le trait d'humour sur sa santé et me répond sérieusement qu'il va bien. Je m'attendais à une remarque un peu con. « Bah oui j'ai eu la gastro de toute la semaine. ». Une prochaine fois peut-être.

« Je suis venu déposer une commande. Une bonne grosse boîte avec un peu de tout. Et puisque tu le proposes si gentiment je vais accepter avec plaisir. Enfin le temps de souffler un peu. J'étais censé terminer ma journée il y a deux heures mais … commande de dernière minute. »

Pointant le bar du pouce. Le patron. Le responsable de mes heures supp'. Evidemment le ton est léger, pas méchant ou rancunier pour un sou. Mais j'apprécie que le boulot soit enfin fini. Et puis on ne va rechigner alors que les affaires marchent. Je jette un coup d'oeil sur le billard. Tout est déjà prêt. Les boules en triangle et la blanche posé sur le point. Il n'y a plus qu'à. Mais d'abord … « Et pour pimenter un peu les choses on parie quoi ? N'oublie pas que c'est le moins doué de nous deux qui propose ce pari hein !  » Faudrait pas non plus qu'il me fasse cracher un mois de salaire. Je plaisante. Et puis ce ne serait pas drôle. Mieux vaut un petit gage débile. Le genre de truc que tu proposes dans un « pas cap ». Jeu qui commence toujours gentiment, qui continue en surenchère, et qui finit jamais très bien. Je rentre une main dans la poche à la recherche d'une petite pièce pour le toss. Je trouve ce que je recherche et la sort du jeans.

Pile je casse. Face c'est à toi. Je projette la pièce dans les airs. La rattrape. La pose sur le dos de la main. Face. A toi l'honneur donc. Je m'en vais chercher une queue en attendant. Puis je me dis que ce sera plus facile pour jouer quand même. J'ajoute un peu de bleu dessus et je regarde le premier coup de mon redoutable adversaire.

Game on.

En tout cas, s'il a commandé tout ça pour lui pour tout seul, mieux vaudrait appeler l'ambulance de suite car notre homme risque de faire une sacrée crise de foie. Il en sera pas arrivé à la moitié que son ventre aura déjà explosé. Ou ? Pour tout le monde je ne sais pas. A priori il doit y avoir une soirée ou je ne sais quoi. En fait j'ai pas trop saisi son histoire juste qu'il lui fallait autant de pâtisseries. A vrai dire quand il est venu toute à l'heure je me suis simplement arrêté à « Il me faut ça, ça, ça, ... ». Il ne l'a pas formulé de la sorte évidemment, il y a mis les formes mais je résume. Tout le reste de la conversation rentrait d'un coté et sortait de l'autre. Certainement parce que ça me faisait « un peu » chier de devoir prolonger ma journée. Sauf que j'ai quand même dit oui. Je suis comme ça.

Doué ? Oh je le pense bien plus doué que moi. En plus il me le confirme en disant qu'il vient s’entraîner. Souvent. Ca veut dire quoi souvent ? Tous les jours ? Trois fois par semaine ? Et je propose quand même mon pari. Quel âne. Si je me fous dans la galère, je ne pourrais m'en vouloir qu'à moi-même. Il se permet même de me souhaiter bonne chance. Ne manque plus que le « Parce que tu vas en avoir besoin. » et un petit rire moqueur, hautain. Pas le genre d'Elliott. Mmmh. M'en faudrait un sacré paquet. De chance. Mais du coup moi je ne te le souhaite pas. Ahah. C'est dit en rigolant mais une toute petite partie de moi est tout de même un minimum sérieuse. Le pari donc ? Pâtisseries pendant une semaine. A condition qu'il n'abuse pas cela ne me dérange pas. Entre nous, je dois parfois me « forcer » à manger deux ou trois desserts restants. Pauvre Jake, la vie est dure. Ahah. Lui refourguer une tartelette qu'on aurait de toute façon dû donner, jeter ou manger, sans soucis. Sauf que changement d'avis. Cinq numéros ! Cinq ! Oh merde. M'aurait-il dit deux que je ne me serais déjà pas senti à l'aise mais cinq … Je ne suis pas timide, je ne suis pas non plus extra-extraverti mais ce n'est pas vraiment mon genre d'aborder une inconnue et de lui demander derechef son numéro. Enfin bon, un pari est un pari.

Bon ... Ok ... Mais je sais pas pourquoi je suis en train de me dire que ça ne te dérangerait pas de perdre. C'est un pari qui t'arrange bien hein. Ahah.Petit enfoiré. Pensé très fort. Amicalement bien entendu. Le pile ou face perdu – annonciateur du résultat de cette partie ? – Elliott casse. Un bon coup qui éparpille pas mal les boules mais rien de ne rentre. Au moins il ne va pas commencer par prendre une avance considérable. A moi. Je fais un peu le tour de la table pour regarder quel coup serait le mieux. J'opte pour essayer de faire rentrer cette boule rouge là. Ca devrait pas être trop dur. Je me penche. Vise. Répète le mouvement sans taper et puis bang. Ca rentre. C'est cool. Hé hé … Faudrait pas trop jouer les vantards non plus. Ce n'est que le début. Je réitère le petit manège et tente d'en faire entrer une nouvelle mais elle tape juste sur le coin et reste bloquée à quelques centimètres du trou. Merde ... La prochaine fois sera la bonne. Et donc tu viens t’entraîner c'est ça ? Avoue plutôt que c'est pour venir draguer …Elliott est pas le dernier venu pour faire un peu de charme aux femmes. Et puis si j'entame le sujet de discussion au moment où c'est à lui de jouer ce n'est absolument pas pour le déconcentrer. Absolument pas.

Ahah. Je me doute bien qu'il n'a pas besoin d'un enjeu, d'un pari ou quoique ce soit pour aller draguer. Un vrai charmeur. Mais pas un salop avec les femmes pour autant. Enfin il y a une différence entre les hommes à femmes et les connards. Je ne suis pas comme ça mais ceux qui enchaînent les coups du soir sans jamais revoir la demoiselle ensuite ne sont pas pour autant des enflures. Par contre, ceux qui profitent de la gente féminine, qui promettent monts et merveilles, … eux je ne les supporte pas trop. Une chance qu'Elliott n'est pas comme ça. Mais bon, s'il était comme cela, on ne serait sûrement pas bons copains.

Ecoutez le. « Une c'est déjà bien ». Je t'en foutrais moi des « une c'est déjà bien ». Ahah. Tu me rappelles un peu qui est devant là ? Hein ? Ouais bon, je m'enflamme un peu trop. Je pourrais faire le malin quand la dernière sera rentrée. Il admet ne rien y connaître au billard. Etre là pour prendre quelques numéros de jolies filles. Suivi du petit clin d’œil évidemment. Je lui rends d'un sourire. Ahah. Je me disais bien ... Il plaisante. Mais je me demande bien à quel point. Doué ou pas alors le Elliott ? Son deuxième coup fait mouche. Un partout. Il essaye d’enchaîner mais se rate complètement. Et c'est bien l'une des miennes qui entre. Deux contre un. Pas de chance. Enfin … Pas de chance pour lui. Pour moi, tout le contraire. Et bah … Continue comme ça et je vais même pas avoir besoin de jouer. Ahah. Un coup un peu trop risqué qu'il dit. Pourquoi ne pas jouer la sécurité dans ce cas ? Une excuse voila tout. Ou alors il le fait exprès ? Non quand même pas. Il me laisse prendre de l'avance et au moment où je crois avoir gagné il rentre tout et me dégoûte encore plus ? Est-ce son genre ? Pas trop mais je trouverais pas ça blessant pour autant. Ce n'est peut-être pas le plus amusant mais il y a pire.

A mon tour. Soupir. Celle là ou une autre ? Le choix est fait. On se penche, on répète un peu le mouvement. Bang. La boule que je visais entre. Parfait ! Mais la blanche la suit d'un peu trop près et tombe elle aussi dans le trou. Moins parfait. C'est donc à Elliott de jouer. Ca fait tout de même trois-un. M'en manque donc plus que deux avant de pouvoir rentrer la noire. Ca part bien. Ce sentiment que ça part « trop bien » même. Etre sur son petit nuage avant de retomber durement sur terre. Et quoi pas de vacances cette année alors ? 'Fin t'es parti nulle part je veux dire ? Parce que même si on se fait une partie à enjeu et qu'il faut se concentrer, il ne faut pas non plus oublier qu'on peut avoir un brin de conversation.

Effectivement il n'a pas quitté Bowen cette année. Enfin « pas vraiment ». A définir ce qu'on l'entend pas ces deux mots mais à priori cela veut dire qu'il est resté ici. Ou qu'il est parti pour un week-end tout au plus. Mais comme il ne s'éternise pas plus que cela sur le sujet ça ne doit pas avoir beaucoup d'importance. Quant à moi, pour partir en voyage, il aurait déjà fallu avoir des congés. Un luxe que je n'ai pas pu m'offrir ces derniers. Et non je ne me plains pas. J'avais – avec plaisir – accepté de ne pas prendre mes congés pour aider Charlize. Surtout avec la boutique dans laquelle je travaille. Charlize m'avait donné quelques libertés quant à la gestion de l'établissement. Elle n'avait plus eu à trop s'occuper de l'endroit et ça avait pu la soulager dans sa période difficile. Je n'aurais pas pu tout laisser tomber et me prendre une semaine tranquille dans un hôtel dans le sud de l'île. Je ne pouvais clairement pas laisser tomber ma patronne, mais surtout mon amie. Oh bah on a eu beaucoup de boulot ces derniers temps alors non. Mais ça va je suis pas en burn-out. Début de l'année prochaine sans doute. Oui c'est encore dans longtemps mais bon. Je me dis qu'il serait p'tet bien de souffler après la période des fêtes de fin d'années qui est toujours très remplie. On en vend des desserts lors de la dernière semaine du mois de décembre. On ne compte pas les heures supplémentaires. C'est une semaine vraiment très éprouvante, je ne le cache pas. Mais on est aussi bien content de recevoir la prime qui suit. Prendre une semaine après me semble être nécessaire. Mais prendre une semaine vers la mi-octobre peut s'avérer très bénéfique également. Ca me permettra d'être au top de ma forme pour le mois de décembre. Je verrais.

Il enchaîne le partenaire. Le rival devrais-je dire ! C'est vrai que le fait de pouvoir mettre la blanche où il voulait – ou presque – lui a donné un sacré coup de pouce. Non je ne râle pas. Et puis je ne peux en vouloir qu'à moi-même de toute façon. Trois partout. Il s'en vante. Oui bon il en fait pas non plus des caisses. Je profite qu'il soit lancé, car je suppose qu'il va encore en rentrer une ou deux pour aller commander une bière. Je suis servi, reviens à la table pour constater que mon adversaire a raté son dernier coup. Ouf. Le jeu est bien dispersé. Directement je sais déjà quelle boule je vais viser. Je bois une gorgée, dépose la bouteille sur la table. Je me penche pour taper. A ce moment là la porte s'ouvre. Machinalement je tourne la tête. Quatre femmes, sans doute un peu plus jeune que moi, entrent. Des femmes relativement charmantes et qui n'ont pas l'air d'être des drôles. Elles partent s'installer dans un coin de l'endroit. Une grande table. Bien une dizaine de places. Pourtant elles sont quatre. A moins qu'elles attendent leur homme. Ou d'autres copines. Bref. Je me reconcentre, pas qu'elles m'aient déstabilisé ces demoiselles, et frappe. Ca rentre. Je reprends l'avantage. Machinalement je souris. Oh ça va je peux bien me la péter. Ahah. Je remets un peu de bleu. Plus pour faire genre que pour l'utilité. Et pour me prendre le temps de visualiser le prochain coup. Je me dis que j'essaierais bien de toucher celle-là là-bas. Même s'il y en a une à Elliott juste devant et qu'à quelques millimètres je me loupe. Mais vu la disposition du reste sur la table je n'ai pas trop le choix. Je me penche. Je prends le temps. Mime le geste. D'un rien ça tape sur la sienne d'abord. Merde. En et plus la mienne rentre pas. Ca fait donc deux coups pour lui. Mais je garde l'avantage.

Raah putain je le savais ! A rien n'empêche ! Je secoue la tête de droite à gauche. Je prends la bouteille en main et m'envoie une gorgée. La porte s'ouvre à nouveau. On tourne tous les deux la tête …

Je fais claquer la langue des suites de sa remarque. Non mais celle là ou l'autre c'était pareil. Fin disons que j'ai fait le rapport risque-récompense. Celle que j'ai visé était peut-être plus difficile à taper mais si je la tape correctement elle rentrait sans trop de difficultés. Alors que l'autre était somme doute facile à toucher mais difficile à rentrer. J'ai pesé le pour et le contre. Bon pas longtemps parce qu'on est pas des pro et que même s'il y a un pari c'est une partie entre pote. J'ai tapé, j'ai raté. Et bah voila il le dit lui-même. J'ai pris un risque ! Ouais c'est bien ça …

La porte s'ouvre et je regarde à nouveau. Même scène. Quatre nanas. Sans trop savoir si Elliott a zieuté ou pas je lance en montrant de la tête Remarque le perdant aura de quoi faire ... Humm. Pas très classe dit comme ça. J'aurais pu mieux tourner la phrase. Elles rejoignent leurs amies. Du coup ça doit être pour elles la commande de pâtisseries. Bon en fait il a l'air d'être plus intéressé par le jeu. Peut-être qu'il chercher un moyen de perdre sans que ce soit trop voyant. Ahah. Essaye pas de malencontreusement rentrer la noire hein ! Je te vois déjà venir … Ahah. Ouais je le vois bien venir. Il tape. Bam. Il perd la partie « par hasard ». « Alala. Quel dommage. Je vais devoir aller récupérer cinq numéros ... ». Et v'la le policier en unifrome qui part faire un strip-tease auprès de ces femmes. Non je ne me fais pas de film. NON !

Je finis ma bouteille et dit au patron d'en remettre une. Enfin deux. Une pour moi, une pour mon pote. Elliott s'apprête à taper. Et … ATCHOOUUMM Promis j'ai pas fait exprès. Et puis il venait de tellement loin. A part se mettre du poivre dans le nez, pas possible d'éternuer si fort !

Il va essayer ? Mais il va essayer quoi ? De ne pas perdre ou de faire semblant de gagner en perdant « par hasard » la partie sur la dernière boule. « Ce n'est qu'une ENORME coïncidence » qui me dira. Je le vois venir. Enfin bref. Il va essayer. Et je lui fais un signe de la tête quand il me remercie. Il n'y a pas de quoi. Même si, en gros, ça ne veut pas forcément dire que c'est moi qui la paye. Enfin peut-être qu'il le sait et qu'il me remercie juste pour la commande de la bière qu'il payera avant de partir. Je réfléchis de trop. Ca me réussit pas ce pari on dirait … Ahah.

Et atchoum donc. Ce qui fait qu'Elliott rate son coup. De la chance ? Pas de chance ? Ca dépend pour qui. Mais c'était totalement involontaire de ma part. Est-ce qu'il croit que je l'ai fait exprès ? Il me fait une remarque comme quoi je suis pas bon joueur. Mais c'est qu'il m'en veut ! Nan je t'assure j'ai … Aa … Aa … Aaatchoum ! Tu vois qu … Atchoum ! Et bah je sais pas ce qui m'arrive mais j'ai les sinus en éruption. Un, deux, trois éternuements. Et c'est pas du cinéma. Qu'il ose encore me traiter de tricheur. Oula je sais pas ce qui se passe dis donc … J'allais te dire. Je te jure que c'était pas fait exprès. T'as bien vu d’ailleurs. A moins je ne cache une poivrière dans ma poche. Je ne cache pas de poivrière dans ma poche. A moi du coup. Désolé encore … Bon à moitié désolé seulement. Moi arrêter de jouer ? Mais on vient tout juste de commencer ? Puis bon hein ... Si jamais on veut vraiment aller chercher ces fameux numéros de téléphone, pas besoin de perdre un pari. Surtout qu'il risque d'y avoir assez de nanas pour chacun. Ca ne fait pas très chevaleresque de dire ça. Très élégant. Et sincèrement, je suis bien mieux avec une seule femme qu'avec une dizaine.

Mais nan on vient tout juste d'entamer la partie ! Et c'était pas un mauvais cou. De ma part j'entends. Parce que toi tu t'es vachement loupé. Ahah. Je fais le tour du billard. Je me penche. Je vise. Bang. Enfin ! Une quatrième qui rentre. Et je reprends une boule d'avantage. Plus que trois. Avant de mettre la noire. Le coup suivant est largement évidemment. Ce sera celle-là. Je vise. Bang. Et de deux ! De cinq plutôt ! Oula j'enchaîne. Je serre le poing. Allez Jake, on dit jamais deux sans trois. Je me penche. Je vise. Raté ! Raaah. Fais chier. Bon deux c'est vraiment pas mal. Il a du retard le coco. Essaye de faire aussi bien que ça tiens ! Et s'il me prend l'envie d'éternuer je le dirai pour pas te déconcentrer au moment exact où tu frappes. Une gorgée de la nouvelle bière fraîche. Je me dis que je peux le faire. Gagner. Ouais j'ai mes chances. Finalement Elliott est pas un tueur au billard. Il ne passe pas toutes ces journées ici. Encore heureux …

S'attendre à tout, s'attendre à tout. Non mais. Je ne suis pas mauvais perdant. Je suis même très bon joueur. J'accepte la défaite. Sauf si mon adversaire triche. A moins bien sûr que cela se passe dans la bonne humeur. Et non je ne triche pas en ce moment. Même si la situation fait que. Et puis c'était un simple éternuement. C'était pas comme si j'avais fait un truc à chacun de ses coups. On est en à cinq-trois donc après mes deux coups gagnants. Il m'en reste que deux ce qui complique forcément un peu les choses. Parce que je n'ai plus trop le choix de quoi taper. Elliott lui a plus de possibilités. On ne dira pas que c'est une chance puisque c'est moi qui suis devant ! Alors oui c'est en partie de ma faute s'il a foiré le coup précédent. Mais le vrai coupable c'est le « hasard », le « destin ». Nan mais on dirait que tu me crois pas … Tu me connais je suis pas du genre à faire ces trucs là … C'est bon enterre la hache de guerre ? Guerre qui n'a jamais vraiment commencé si ? Je m'envoie une petit gorgée. Ca diminue vite dans la bouteille. Je devrais peut-être ralentir un peu la cadence. Je ne veux pas passer pour un pilier de comptoir. Bien que trois ou quatre bières ça ne fait de mal à personne.

Elliott joue. Je le laisse faire. Le destin ne me fait pas éternuer cette fois-ci. Ouf. Au moins il peut voir ma bonne foi. Et l'idée de lui faire foirer son coup, par quelconque moyen que ce soit, ne m'est pas venu en tête. Je le disais. Je suis bon joueur. Il a pas voulu tenter le diable alors il a en quelque sorte « sabordé » son tir. C'est intelligent. Surtout qu'il me place dans une situation un peu similaire. De là je peux difficilement atteindre la boule de l'autre coté de la table. Et je ne peux pas atteindre l'autre car une boule d'Elliott me barre la route. Mmmh. Pas mal joué. Et donc je fais pareil que lui et je joue sans trop jouer. Je tape très faiblement et la blanche n'avance que de quelques centimètres. Un pro vous aurait taper un coup où la boule aurait taper dans deux bandes avant d'en faire rentrer une autre mais je ne suis pas un pro. Pas de solution … Obligé de faire pareil … Ton tour. Je bois une nouvelle lampée de bière. Une petite. Parce que la mienne est déjà bientôt finie. Alors dis-moi tu comptes passer des examens et gravir des échelons dans la police ? Agent de police c'est bien. Lieutenant ou sergent c'est quand même mieux. Il a vingt-huit ans, un bon moment pour se faire. Elliott est un bon élément. Un homme bon. Je ne doute pas une seule seconde qu'il soit capable de monter dans la hiérarchie. Lt. Miller. Ca donne quand même.