l'élégance du hérisson + annushka

Annushka hocha doucement la tête, comprenant bien que l’établissement dans lequel on se trouvait devait jouer. Le fait que ce soit privé ou public, aussi, par exemple. Le français et l’espagnol était des langues européennes, du coup pour un pays européen c’était sans doute plus logique et utile de l’enseigner. La Russie n’accueille pas tant d’étrangers que cela après tout.

-Oui je comprends. Nous on apprend l’ anglais même si nos rapports avec les Etats-Unis sont plutôt tendus. Mais je ne vais pas m’en plaindre, maintenant que je suis ici ça me sert beaucoup.

Et puis durant les tournées, c’était toujours pratique de parler une langue dont une majorité de personne connaissait au moins les rudiments.
Annushka eut un large sourire alors qu’il lui disait qu’il s’agissait de très beaux romans. Elle aimait que la culture et tout particulièrement l’art de son pays soient reconnus à sa juste valeur. Elle hocha alors vigoureusement la tête.

-On est toujours pris dedans ! On ne se rend pas compte de la longueur quand on est plongé dedans. Il faut juste le courage d’ouvrir le livre.

La demoiselle lui expliqua qu’elle avait appris l’anglais à l’école, comme lui y a appris le russe. Il est vrai que c’est un réel atout de savoir parler anglais à l’heure actuelle mais il ne pensait pas qu’il soit enseigné dans les écoles. Certes la guerre froide est terminée depuis plus de vingt-cinq ans mais ce n’est pas pour autant que les rapports entre la Russie et les États-Unis se sont réchauffés (c’est le cas de le dire). Au moins il aura appris quelque chose sur la Russie aujourd’hui. Emrys se contente donc d’hocher la tête comme réponse.
Ils parlèrent par la suite de lecture et plus particulièrement des œuvres russes qui en générales sont assez longues. Cependant il existe des romans contemporains ayant une taille beaucoup plus raisonnable et donc étant bien plus accessibles. « Rien n’empêche d’en choisir des plus courts aussi. Les romans de Nabokov sont beaucoup moins longs que ceux de Tolstoï par exemple. » Pour Nabokov il s’agit plus de romans entre cent et trois cents pages même si Lolita en fait cinq cents, seulement il a été écrit en anglais donc ça ne compte pas.

Annushka fut impressionnée par la culture d'Emrys. Il semblait connaître un certain nombre d'auteurs russes et même bien les connaître, pas juste de nom comme la plupart des gens.

-Vous êtes vraiment instruit !

Elle eut un sourire en se remémorant ses lectures. Elle aimait beaucoup lire, et la peinture aussi, la musique évidemment...

-Quel est votre auteur préféré ?

Emrys baissa la tête, flattée de la remarque de la jeune femme. Il ne voulait pas étaler sa culture pour se faire bien voir et avoir l’air intelligent mais simplement parce qu’il aime en parler et il lui semble que la jeune femme l’a bien compris. Elle lui posa ensuite une question classique mais tout de même compliquée à répondre : son auteur préféré. Comment choisir ? Il y a beaucoup d’auteurs qu’il apprécie, certains plus pour une œuvre en particulier que pour l’ensemble de leurs romans. « Je ne peux en choisir un. Pour ce qui est des romans j’apprécie grandement Balzac et George Orwell dans des styles très différents. Et pour la poésie je ne me lasse pas des poèmes d’Emily Brontë et Verlaine. » deux auteurs français, sûrement dû à son éducation. « Et vous ? »

Annushka écouta ses choix en hochant doucement la tête. Elle connaissait de nom ces auteurs mais n’en était pas une grande spécialiste.

-Je ne les connais pas bien, il me semble avoir déjà lu des extraits de George Orwell, sans doute en cours d’anglais, et avoir vaguement entendu le nom de Balzac, mais je ne parle pas un mot de français.

Déjà que l’anglais avait été assez laborieux quand elle était arrivée, elle ne s’était pas essayé à une autre langue. En effet, même si elle avait fait beaucoup de tournées dans son métier de ballerine, elle n’avait cependant jamais eu à parler une autre langue. Il y avait des personnes dans la troupe pour ce genre de choses, ceux qui s’occupaient de la communication et de l’organisation. Il n’y avait que le mot théâtre qu’elle savait sans dire dans un nombre incalculable de langues.

-Moi je suis très… patriote, je crois.

Le mot adéquat aurait été chauvine, mais elle ne savait pas le dire en anglais.

-J’aime énormément Tolstoï et surtout Boris Pasternak, je suis une grande fan du Docteur Jivago et de ses poèmes.

Annushka était étonnamment heureuse de parler de ses goûts littéraires avec quelqu’un. Il était assez rare que les Australiens lisent des romans russes mais Emrys était vraiment cultivé.

Les noms qu’évoquent Emrys semblent bien vagues pour la demoiselle, ce qu’il peut comprendre. La culture russe est assez éloignée de l’occidentale, de plus c’est un pays qui fut longtemps isolé et qui encore aujourd’hui n’est pas connu pour sa grande ouverture sur le monde. Il ne sait pas si Balzac est traduit en russe mais George Orwell ne doit pas être très bien vu des autorités dans le pays du grand Nord.
Avant de lui répondre elle lui explique être assez patriote et donc aimer surtout les œuvres de son pays. Elle lui parle une fois encore de Tolstoï et du Docteur Jivago qui sont des auteurs et œuvres très connues et pas seulement en Russie. « Vivre ici à présent peut vous permettre de lire d’autres romans anglais. Bien évidemment il ne faut pas commencer par les plus complexes, surtout si vous ne maîtrisez pas totalement la langue. Certaines œuvres sont très abordables ! » lui répondit-il. Le vocabulaire employé ou les tournures de phrases sont plus ou moins complexes. Par exemple, contrairement à ce que l’on pourrait penser, Harry Potter n’est pas un roman très abordable pour une personne encore débutante en anglais tout simplement car il y a un vocabulaire spécifique et des jeux de mots qui sont parfois difficiles à comprendre.

Annushka hocha doucement la tête quand il lui dit que vivre ici pouvait lui permettre de découvrir la littérature locale, en quelques sortes. Annushka lisait pas mal mais elle avait emmené pas mal de romans de chez elle, elle ne s’était donc pas encore penché sur la question, mais maintenant qu’elle y pensait… c’est vrai que ça pouvait être une très bonne idée !

-Vous pourriez m’aider à trouver quelque chose ? Je n’ai jamais encore lu de romans en anglais mais c’est vrai que ce serait une bonne idée, et je suis sûre qu’il y a une quantité de romans qui me passionneraient.

La Russe était quelque peu fleur bleue, il suffisait de lui trouver un roman avec une histoire d’amour un peu dramatique et elle était tout de suite prise dedans. Il était evident qu’elle ne devait pas avoir les mêmes goûts littéraires qu’Emrys mais peut-être qu’il connaissait tout de même de grands classiques.

A force de donner des conseils aux gens sur leurs lectures Emrys devrait peut-être se reconvertir en libraire. Seulement cela voudrait dire abandonner son autre passion qui est l’histoire. Et puis de toute façon il n’est pas assez fin psychologue pour savoir réellement ce qui conviendrait le mieux à chaque personne. De plus il ne lit pas tous les styles littéraires, il ne pourrait donc pas conseiller tous les types de lecteurs. Rester sur l’histoire est une bien meilleure chose.
La jeune femme aimerait commencer à lire des livres en anglais mais ne sait pas par lesquels commencer. « Vous pouvez lire des livres que vous avez déjà lu en russe pour vous familiariser mais sinon certains classiques comme Gatsby le magnifique ou encore Oliver Twist sont assez accessibles. » Après il ne sait pas quel genre préfère la demoiselle.

Annushka écouta très attentivement les conseils d'Emrys. Il est vrai que si elle lit un livre dont elle connait déjà l'histoire, elle pourra plus facilement se focaliser sur la langue. Cependant, elle aura beaucoup moins envie de continuer le livre si elle connait déjà l'histoire. Surtout si elle a du mal à comprendre. Elle hocha la tête aux deux noms qu'il lui donna.

-Et bien je vais déjà commencer par ça !

Elle lui adressa un large sourire.

-Sinon je suis plutôt du genre livre romantique, à tendance romantique parfois. Mais je ne suis pas sûre que ce soit votre genre à vous.

Elle savait que c'était beaucoup plus féminin comme goût.

La jeune femme écouta ses conseils avant de lui confier que son genre préféré est les romances mais que ça ne doit sûrement pas être celui d’Emrys. « Détrompez-vous, j’en ai lu énormément en réalité. » Même si depuis la mort de sa femme il a plus de mal à se laisser emporter par une histoire d’amour, avant il en a lu un nombre relativement important. Le jeune homme est plutôt quelqu’un de romantique, il emmenait souvent sa femme dîner dans un restaurant avec des chandelles et des pétales de roses. Pour lui la Saint-Valentin n’était pas une fête commerciale mais l’occasion d’offrir un moment un peu plus spécial que les autres à sa femme. Évidemment aujourd’hui ce n’est plus pareil. La vie a pris un goût fade, morne et gris. Il ne voit plus le monde avec autant de couleurs et de nuances. « Je ne suis pas fermé à un seul genre. » Leur conversation a tout de même nettement déviée de son axe original, si bien que le professeur en a presque oublié le lieu où il se trouve.

Annushka eut un sourire ravit quand il lui dit qu'il avait lu beaucoup de romans romantiques. Découvrir des gens avec qui on partageait des passions, c'était toujours unique pour la brunette.

-C'est vrai ? C'est génial. J'ai toujours tellement peur que les hommes trouvent ça ridicule...

Elle hocha doucement la tête quand il lui dit ne pas être fermé à un seul genre. C'est vrai que c'était trop bête d'être aussi sélectif, et puis il fallait essayer de tout pour se découvrir des passions. Parfois on était entraîné par des styles qu'on n'imaginait pas.

-La diversité c'est ce qu'il y a de mieux.

Emrys ne se cantonne pas à un genre ni même à ce qu’il représente. Il ne se dit pas : ne lis pas ça, c’est pour les femmes, c’est pas ton âge ou encore c’est pas des vrais romans. Il n’est pas dans ce genre de jugement. Même s’il peut parfois être vieux jeu, il n’en est pas pour autant un macho aux idées arriérées. C’est pourquoi il ne pense pas qu’il n’ait pas le droit de lire des histoires d’amour car il est un homme. Il est profondément sensible à l’amour et un grand romantique dans l’âme, c’est comme ça. « Ce n’est pas mon cas. » Lui répond-il simplement. Il hoche ensuite la tête à la phrase de la jeune femme avant de conclure. « Si jamais nous nous revoyons, vous me donnerez des nouvelles des livres que vous avez lu. » Il est intéressé par les avancés qu’elle peut faire mais aussi de l’amélioration de son anglais.

Annushka eut un sourire quand il lui dit que ce n'était pas son cas. La brunette était contente d'être tombée sur un homme comme lui.

-Tant mieux.

Si Bowen était rempli de gens comme lui, alors elle serait trop heureuse de son déménagement.
Elle hocha vigoureusement la tête quand il lui dit qu'elle lui donnera des nouvelles de ce qu'elle avait lu.

-Bien sûr qu'on se reverra, et puis j'écrirais mon avis sur les livres que je lis pour pas oublier !

Elle arborait ce large sourire des moments où elle était vraiment heureuse. Il faut croire que la vie ne lui avait pas encore tout pris.

S’ils se revoient au moins Emrys n’aura pas à se demander de quoi ils pourraient parler et il ne laissera pas un silence gênant comme il en a l’habitude. « Je pourrais peut-être vous en recommander d’autres à ce moment-là. » Suivant si elle a aimé ou non il pourra peut-être trouver quelque chose plus adéquat ou au contraire continuer sur le même style. A force de conseiller les gens il devrait ouvrir sa propre librairie. Mais non, le contact humain si proche ce n’est pas ce qu’il préfère. Lorsqu’il fait cours il s’implique et y met beaucoup de passion mais il fait ça devant un groupe, c’est moins personnel que de ne parler qu’à une seule personne. « Si ça ne vous dérange pas je vais continuer la visite. » dit-il avant de se lever. Après tout il reste encore des choses à découvrir sur cette rétrospective photographique sur la guerre froide

Annushka hocha vigoureusement la tête à sa proposition, ça lui semblait être une très bonne idée. Et elle hâte de le revoir à présent.

-Oui !

Puis Emrys décida qu'il fallait qu'il finisse la visite, ce qu'Annushka approuva d'un signe de tête.

-Bonne fin de visite alors.