Stay with me (Charley)

Alors que les fondations branlantes de la vie de Liam semblaient peu à peu se stabiliser, le destin avait décidé de se montrer - à nouveau - tyrannique. Ce samedi, il aurait dû voir Sasha. Mais ce jour-là, la Terre avait tremblé. Littéralement parlant. Un terrible séisme avait secoué Bowen et l'ensemble de ses habitants. Des bâtiments entiers étaient redevenus poussière et des personnes avaient perdu la vie. Les cris d'effroi résonnaient encore dans l'esprit de Liam, qui s'était retrouvé livré à lui-même. Cette fois-ci, il avait été épargné. Il s'en sortait avec une arcade sourcilière ouverte, un visage quelque peu tuméfié et une côte fêlée. Des broutilles, bien évidemment. Côté famille, les nouvelles étaient tombées. Ses parents et ses frères étaient sains et saufs. Quant à Charley et Sasha... silence radio.

Il avait retourné Bowen. Il s'était rendu à l'appartement de la belle blonde, à son boulot, chez son frère. Mais toutes ces investigations se soldaient par un vaste échec. Pourtant, Liam ne ployait pas. La peur était un moteur incontestable. Il n'avait pas envie de penser au pire. Il n'osait imaginer une vie sans Charley et Sasha. C'était impossible. Impensable, même. Rien ne battait Charley Hawkes. On l'avait alors amené chez les parents de son ex-coéquipière. Quand la porte s'ouvrit, Liam entendit une voix enfantine. Sasha. Le rire de l'enfant le délesta d'un poids énorme. C'était comme s'il inspirait une bonne bouffée d'oxygène après être resté trop longtemps en apnée. Son fils était sain et sauf. Il était là, à rire, à sourire, à jouer, sans se douter de la panique qui survenait à l'extérieur. Les yeux de Liam s'embuèrent, bien qu'il tentait de garder la face. Il n'eut pas besoin de dire quoique ce soit. Sa présence et son attitude étaient bien plus parlantes que n'importe phrase qu'il aurait pu sortir. La mère de Charley l'invita à entrer. Elle ne semblait pas surprise de sa venue. Cela levait même les doutes qu'elle avait depuis bien longtemps. Charley était indissociable de Liam. Et vice-versa.

Le couperet était tombé : Charley avait disparu. Elle n'avait plus donné signe de vie depuis qu'elle avait déposée Sasha, la veille du séisme. Liam posa sa main sur le bras de Madame Hawkes, dans un geste de soutien. Les traits de l'ex-policier étaient tirés, mais l'espoir continuait de vivre en lui. Et c'était cela qui changeait toute la donne. L'attente fut longue. Chaque minute semblait être des heures. Et les jours semblaient interminables. Liam passait ses journées chez les Hawkes, sursautant à chaque appel téléphonique. Chaque sonnerie le faisait espérer. Puis tomber de haut. C'était l'ascenseur émotionnel. Jusqu'à ce fameux matin où, de nouveau, le téléphone sonna. Sasha se trouvait sur les genoux de Liam, livre en main, racontant une histoire dans son charabia. Mais soudainement, ce fut la voix de Monsieur Hawkes qui surpassa toutes les autres. Charley avait été retrouvée. Elle était à l'hôpital. D'un seul bond, ils se levèrent tous et grimpèrent dans les véhicules, en direction de l'établissement hospitalier.

Une fois arrivés à destination, Liam tenait la petite main de Sasha dans la sienne. Madame Hawkes tapa un bref coup à la porte et s'empressa d'entrer dans la chambre, bien vite suivie de Monsieur Hawkes et d'Alex. Il était prévu que Liam garde Sasha, le temps de vérifier que Charley était en mesure de recevoir la famille. Quelques minutes s'écoulèrent avant qu'Alex ne vienne récupérer le garçonnet, ce qui arracha un léger sourire à Liam. Cela voulait dire qu'elle allait relativement bien. Volontairement, le jeune homme resta en-dehors de la chambre. Il voulait les laisser en famille. Les laisser se retrouver, sans tierce personne. Il s'installa alors sur un siège, plongeant son visage entre ses mains. La pression retombait peu à peu, laissant place à un épuisement extrême. Il ne sut combien de temps il resta ainsi mais ce fut la voix de Madame Hawkes qui le fit sortir de ses rêveries. "Va donc la voir, Liam." Il ne se fit pas prier, sur ce coup-là. Le jeune homme hocha la tête et se releva, esquissant un sourire à destination de la mère de Charley, qui posa une main réconfortante sur son épaule. Il entra dans la chambre. Sasha était resté près de sa mère. Liam avança lentement jusqu'au pied du lit. On pouvait lire le soulagement dans le regard du jeune homme. Doucement, il finit par lâcher : "Tu sais, si tu voulais vraiment que j'arrête de te faire la gueule, il suffisait de le dire. Tu n'étais pas obligée de disparaître comme ça, pendant plusieurs jours." Le jeune homme lui adressa un sourire triste. Sa blague était nulle, mais c'était une bonne entrée en matière. Pourtant, sa main alla chercher celle de Charley, qu'il serra fortement, alors qu'il murmura : "Ne nous refais plus jamais une telle frayeur. On a besoin de toi, tu le sais ça ?!"
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AVENGEDINCHAINS

Plus le temps passait et plus Charley se rendait compte à quel point elle détestait les filatures. En solo, ce n'était décidément la même chose. Et puis, il manquait les crachats de la radio du central. Tout ce que sa nouvelle activité avait en commun avec sa nouvelle vie, c'était les emballages de nourriture éparpillés dans l'habitacle et la montagne de gobelets de café qu'elle laissait traîner. Sinon, Dieu que c'était barbant ! Surtout que bon, on ne pouvait pas dire que ceux et celles qu'elle observait avaient la trempe des criminels qu'elle s'était coltinée. Encore un peu et elle en aurait regretté sa plaque. A dire vrai, plus le temps passait, plus elle se surprenait à repenser à toutes ces années en tant que flic. Elle balayait toujours ces souvenirs d'un revers de la main imaginaire. Elle ne voulait pas revenir en arrière. Elle avait perdu la foi, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ? L'argument lui-même semblait ne plus tenir la route et pourtant, bornée qu'elle était, elle s'y accrochait comme à une bouée. Tout ça, c'était terminé. Tout ça, c'était avant.

Une partie de cet avant dont elle avait pris le retour de bâton quelques jours auparavant. Elle l'avait franchement mérité, néanmoins, elle ne cessait de ruminer. Matthews lui en voulait. Elle s'en voulait. Et dans plusieurs années, quand son fils se teindrait les cheveux en noir et porteraient des tee-shirt de hard rock, il lui en voudrait aussi. Au moins, ils en seraient tous au même point. A se demander pourquoi elle avait gardé le silence, ce qui lui était passé par la tête quand elle avait décidé de faire un bébé toute seule alors que le père était le type idéal. De quel droit elle avait privé un père et son fils de moments à eux. Blablabla. Okay, elle ne pétait pas la forme, il fallait le reconnaître. L'envie la tenaillait de se jeter hors de l'habitacle, d'aller toper le mari infidèle et de lui passer les menottes, juste pour le plaisir de voir sa tête de VRP au rabais se décomposer quand elle lui annoncerait qu'il était en état d'arrestation pour avoir brisé les liens sacrés du mariage. Elle aurait eu l'air diablement crétine, mais qu'est-ce que ça l'aurait amusé ! Bon, de toute façon, elle avait rendu ses menottes en même temps que sa plaque. Elle souffla du nez tout en avalant une gorgée brûlante de café. Le plus raisonnable était de prendre son mal en pat ... Une secousse terrible agita la voiture et le gobelet lui échappa des mains, se répandant sur ton tee-shirt et lui arrachant un cri de douleur. " Qu'est-ce que ... " Une nouvelle secousse. Elle regarda autour d'elle, effarée. Soit trois éléphants s'écharnaient sur l'auto, soit quelque chose n'allait pas. Elle vit plusieurs personnes sur les trottoirs s'affaisser, aussi pris de court qu'elle. Son premier réflexe fut de sortir, observant autour d'elle. Naturellement, elle termina à quatre pattes à son tour. La terre tremblait sous ses pieds. Un séisme ?! eut-elle l'instinct de penser, sans trop y croire. Non, ça ne pouvait pas arriver. Pas ici. A Bowen ! Et quoi aussi ? Un tsunami ?! Pourtant, alors que les pavés s'agitaient de plus en plus sous ses genoux, elle dut se rendre à l'évidence. La nature se rebellait. A quelle amplitude, elle l'ignorait encore. Cependant, elle n'allait pas tarder à le savoir.

Le reste de l'épisode infernal s'était déroulé dans une espèce de flou cotonneux. Elle se souvenait vaguement être restée dans cette position un moment, puis s'être levée ... Il lui semblait avoir croisé ses anciens collègues du commissariat et s'être entretenue avec eux, ainsi qu'elle l'aurait fait si elle avait toujours été en service. Son système de défense anti-traumatique s'était manifesté de la manière qu'elle contrôlait le mieux. Mais ensuite, il y avait eu cette petite fille. Elle se tenait devant une maison aux vitres brisées. Elle pleurait. Elle vivait avec sa grand-mère qui était partie chercher un pot de confiture à la cave quand le tremblement de terre avait commencé. Elle avait essayé d'ouvrir la porte mais l'escalier s'était effondré et lui barrait le passage. Le plus intelligent aurait été d'aller chercher les secours, seulement, ils étaient débordés. Et surtout, elle avait une furieuse, une impérieuse envie d'agir. Sans réfléchir, elle avait demandé à l'enfant d'attendre ici et s'était précipitée à l'intérieur. Ce n'était pas la première fois qu'elle agissait ainsi. Son patron du club de strip-tease lui devait la vie après qu'elle l'ait sorti de sa boite en flammes. C'était inscrit dans sa chair, dans ses os. Elle ne pouvait pas s'en défaire. En revanche, elle était parvenue à atteindre la porte de la cave obstruée. Elle s'était acharnée jusqu'à la dégager, des bouts de plâtre lui tombant de tout côté, dont un sur la pommette qui ne la rata pas, tout comme le morceau de poutre sur son poignet. Malgré la douleur, elle ouvrit la porte, hurlant au pensionnaire de la cave de se bouger les fesses. Sauf que la vieille dame s'était cassée la jambe. Elle n'eut d'autre choix que de descendre à son tour. A peine eut-elle atteint la dernière marche qu'un formidable rugissement retentit au-dessus d'elles. Elle se recroquevilla, priant pour que les rumeurs disant que les sous-sols étaient encore l'endroit le plus sûr durant ce genre de catastrophe soient vraies. Elles le furent, dans leur cas. Sauf que le plus dur venait juste de commencer.

" Je vous connais, Maddy va dans la même crèche que votre petit garçon. " Elles étaient enfermées là depuis plus de vingt-quatre heures et se faisaient la conversation pour passer le temps. Ladite Maddy avait dû signaler leur disparition, mais il faudrait encore un moment avant qu'on parvienne à elles. Assise contre le mur froid, son poignet ramené douloureux ramené contre sa poitrine, Charley força un sourire. " Oui, Sasha. " La dernière chose qu'elle voulait, c'était penser à son fils. Ses yeux s'embuèrent, ce qui n'échappa pas à sa colocataire aux traits crispés par la souffrance. " Je suis sûre qu'il va bien. Si Dieu vous a envoyé jusqu'à moi, alors Il veille sur lui. " La blonde hocha la tête d'un air absent. Elle n'était pas certaine, pour sa part, qu'une entité quelconque ait quelque chose à voir dans cette affaire.

" Il y a quelqu'un là-dessous ? Répondez ! " La bouche sèche à cause de la déshydratation, il fallut un moment à Charley pour répondre. " Ici ... " Sa voix était faible. Quarante-huit heures qu'elle n'avait rien bu ni mangé. Réalisant qu'elle n'avait pas à faire à un mirage, elle se réveilla d'un coup, forçant sur ses cordes vocales. " En bas ! Ici ! " Cette fois, on l'entendit. Elle distingua vaguement la lumière d'une lampe torche et des silhouettes se dégageant des décombres. " Comment vous vous appelez, mademoiselle ? Mademoiselle ? Vous m'entendez ? " Ses paupières papillonnèrent. " Je ... " Et elle sombra.

Elle dormit une journée entière, d'après les infirmières. Dès qu'elle put décliner son identité - elle avait laissé tous ses papiers dans sa voiture -, on lui affirma que sa famille allait être prévenue. " Sasha. Demandez-leur comment va Sasha. S'il vous plaît. " insista-t-elle dans les restes du brouillard de son semi-coma. La soignante lui jura qu'elle se renseignerait. Cette attente-là fut, finalement, la plus terrible de toutes. Le personnel étant débordé, on ne revint pas la voir avant un long moment. Après tout, excepté son état de déshydratation, un poignet foulé et une balafre à la pommette, elle se portait plutôt bien. Ses esprits retrouvés grâce aux traitements, elle commença à s'agacer. Ce fut à ce moment-là qu'on frappa à la porte. Elle reconnut les traits familiers de ses parents et de son frère. " On va bien, tout le monde va bien. " la rassura Minnie Hawkes en la serrant dans ses bras. Elle avait rarement vu sa mère aussi peu cynique et aussi tendre. Cette fois, elle ne put retenir ses larmes, un hoquet lui échappant tandis que Sasha débarquait à son tour et lui sautait contre la poitrine en criant un 'Mamaaaaaan' enjoué. Elle le pressa tellement fort contre elle que l'enfant grogna qu'elle lui faisait mal. Elle desserra légèrement son étreinte, sans toutefois accepté de le relâcher. " Mon bébé, mon chéri ... " murmura-t-elle dans sa chevelure blonde, respirant cette unique, merveilleuse, qu'elle avait cru ne plus jamais retrouver. Son coeur battait à tout rompre dans sa poitrine et, contrairement à son habitude, Sasha ne s'agitait pas en tous sens. Il sentait le désarroi de sa mère, la peur dans sa voix et la solennité de l'instant. Peut-être mesurait-il que quelque chose ne tournait vraiment plus rond dans son petit monde, aussi se lova-t-il contre elle, passant ses petits bras autour de son cou. Alex les observait depuis la porte, couvant sa soeur d'un regard soulagé. " Merci. " articula-t-elle entre deux sanglots. Il lui renvoya un sourire avant de répliquer : " C'est pas moi qu'il faut remercier. Je le fais entrer. " Sur ces mots, il quitta la chambre. Quelques instants plus tard, le battant se rouvrit. Sauf que ce n'était pas son frère. Cette fois, son palpitant rata un battement et sa langue, une bonne paire de mots. Matthews était là. Matthews aux traits tirés, pâle comme un linge, fébrile ... La peur se lisait encore dans ses prunelles voilées. Pourtant, il trouva le moyen de tenter un trait d'esprit. Elle échappa un léger rire mouillé. " Tu me connais, j'ai toujours eu un don pour ménager mes effets. " Il chercha sa main et elle ne se déroba pas. Au contraire, elle affermit leur prise, le tirant légèrement vers le duo qu'elle formait avec son fils. Leur fils. Ses dernières paroles avaient fait céder toute forme de raison. Elle n'écoutait plus que ses émotions. " Viens là. " Une fois qu'il se fut assis près d'eux, elle laissa aller sa tête contre son torse, déplaçant légèrement Sasha pour que Liam puisse sentir son poids contre lui, lui aussi. Jamais sa présence ne lui avait paru aussi rassurante qu'en ce moment. " Moi aussi, j'ai besoin de vous. Tu peux pas imaginer à quel point. " lâcha-t-elle d'une voix nouée. Peut-être qu'elle regretterait son geste, ses mots. Plus tard. Quand l'orage se serait dissipé et que ses vieilles habitudes auraient repris le dessus. Cependant, pour l'instant, elle se contentait de faire exactement ce qu'il lui avait manqué ces trois derniers jours.

Depuis qu'il avait appris qu'il était papa, Liam avait imaginé la vraie rencontre avec Sasha, dans ses moindres détails. Bien sûr, la peur était présente. Il avait du mal à enfiler la casquette du père, mais il ne voulait pas laisser échapper une telle opportunité. Il avait fui bien trop de fois et il ne comptait pas faire la même erreur une deuxième fois. Mais voilà, lorsque l'on s'appelait Liam Matthews, rien ne se passait comme prévu. Oui, il avait bien rencontré Sasha. Mais c'était juste après ce fichu tremblement de terre. A cet instant, il n'avait eu envie que d'une chose : être près de son fils. Et être près de Charley, ce qui était révélateur des sentiments profonds qu'il avait à l'égard de Hawkes. Mais la belle blonde n'était pas là. Cette fille avait vraiment le chic pour lui causer de véritables frayeurs. Avec elle, son coeur risquait de ne pas faire long feu. Au sens propre, comme au sens figuré, pensa-t-il un bref instant. Elle avait toutes les cartes en mains pour le mettre à terre, mais c'était un risque qu'il voulait prendre. Les journées avaient été longues. Heureusement, Sasha était là pour remettre du baume au coeur. Liam trouvait que ces rires d'enfant étaient le son le plus agréable qu'il avait entendu depuis des années. Le jeune homme était en train de craquer face à ce petit garçon, face à cette part de lui-même. La seule chose qu'il avait fait de mieux dans sa vie. Mais il ne pouvait l'apprécier au maximum, parce qu'il manquait Charley.

Fort heureusement, l'appel de l'hôpital mit fin à ce calvaire. Charley était vivante, saine et sauve. La tornade Hawkes avait battu le séisme. Plus les heures passaient et plus Liam avait gardé espoir. Il avait confiance en elle. Il savait qu'elle ne les aurait pas abandonné de cette manière-là. Sur le chemin, un tas de questions assaillait Liam. Allait-elle bien ? Était-elle blessée ? Que lui était-il arrivé ? Les informations tombaient au compte-goutte. Liam comprit que c'était l'anarchie totale à l'hôpital et qu'ils s'en feraient une meilleure idée sur place. Quand ils arrivèrent à leur lieu de destination, le jeune homme avait suivi la famille Hawkes sans hésitation. Sasha avait insisté pour que ce soit 'iam - comme il le disait si bien - qui lui prenne la main. Heureusement, Alex était resté à proximité pour le guider, au cas où. Mais Liam s'en était bien sorti et il avait su profiter de l'instant, malgré toute l'horreur qui se déroulait autour d'eux. Ils étaient dans leur bulle, Liam suivant le petit Sasha dans son monde empreint d'innocence.

Seulement, les moments comme celui-là n'étaient pas éternels et la réalité rattrapa rapidement Liam, puisque le petit groupe arriva devant la chambre de Charley. Les peurs refirent surface encore plus violemment et Liam sentit son coeur se serrer. La blonde était son talon d'Achille et ce, depuis bien longtemps. La savoir blessée était une idée que Liam ne pouvait accepter. Ainsi, les minutes suivantes furent longue pour ce jeune homme qui attendait patiemment dans ce couloir. Les bruits de machines et les paroles pleines d'inquiétudes des personnes présentes aux alentours causaient un véritable brouhaha dans l'esprit de Matthews. Et cela n'arrangeait en rien son état. Heureusement, l'instant de délivrance sonna rapidement, quand la famille de Charley lui informa qu'il pouvait la voir. Ils donnaient toute légitimité à sa présence ici. Il entra alors doucement dans la chambre, écoutant avec tendresse le blabla incompréhensible de Sasha. Liam devait dire quelque chose, mais il ne savait pas par où commencer. L'humour lui semblait le meilleur moyen de lancer la conversation. Quand il entendit la voix de Charley, le poids qu'il avait sur l'estomac sembla disparaître. "En effet, tu es très forte pour ça. Mais, à force, tu vas finir par avoir ma peau, Hawkes." Oh oui, elle finirait par l'avoir ! Déjà qu'elle avait la main mise sur une bonne partie de Liam... Alors qu'il chercha sa main, une part de lui-même se disait qu'elle allait probablement le refouler. C'était un geste irréfléchi, mais qui sembla trouver sa réponse dans le geste qu'eut Charley à son égard. Il n'opposa aucune résistance quand elle l'attira à elle. Il avait saisi toute l'intensité du geste et comprit le message qu'elle voulait lui donner : elle le voulait près d'elle. Il s'installa à ses côtés, passant son bras autour d'elle pour qu'il la sente tout contre lui. Sasha était entre eux, pas le moins du monde intrigué par la proximité de Liam. Un sentiment de bien-être se dégagea. Liam retrouvait son souffle - et le sourire - après toutes ces heures sombres. Les paroles de Charley ruinèrent les dernières barrières qu'il s'imposait. Elle venait de l'atteindre, en plein coeur. Touché... coulé. Mais Liam répondit doucement : "Tu as dû prendre un sacré coup sur la tête pour avouer une telle chose. Fais attention, je risque de te prendre au mot, Charley. Déjà que là, installés comme ça, on doit passer pour la vraie petite famille aux yeux de tous." Il ne se foutait pas d'elle. Bien au contraire, puisqu'il resserra son étreinte. Il était touché par un tel aveu et Charley était la mieux placée pour le savoir. Elle était celle qui le connaissait le mieux, qui savait mettre des mots sur le moindre sentiment du jeune homme. Enfin... en majorité. La famille, ils pouvaient l'avoir. Il suffisait d'un seul mot et Liam rappliquait en vitesse. Encore faudrait-il qu'elle le sache. Sur cette pensée, il reprit, bien plus sérieusement : "Tu sais, ces derniers jours ont été insoutenables. ça a été un vrai calvaire. Parce que tu étais je-ne-sais-où, parce que je n'étais pas avec toi et parce que nous étions en froid. J'ai eu peur qu'il te soit arrivée quoique ce soit." Il s'arrêta un instant, s'éclaircit la gorge avant de murmurer : "Et c'est là que je me suis rendu compte que je n'envisageais pas ma vie sans toi, sans Sasha. Je veux que tu saches que je..." Il n'eut pas le temps de finir sa phrase puisque la porte s'ouvrit sur une infirmière qui s'exclama : "Oh je vois que vous êtes bien entourée Mademoiselle Hawkes ! Comment vous sentez-vous ?" Liam esquissa un sourire de convenance alors qu'il se redressa, prenant Sasha dans ses bras et reculant un peu, afin de laisser l'infirmière faire son travail. Tant pis s'il venait d'être coupé en pleine déclaration, c'était pour la bonne cause.
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AVENGEDINCHAINS

La tête contre le torse de son ancien partenaire, le poids rassurant de leur fils lové entre eux, Charley eut l'impression que pour la première fois depuis un temps immémorial, elle respirait enfin tout à fait. Les paupières closes, elle se laissa envahir par leurs respirations entremêlées, par un sentiment de bien-être et de soulagement d'une intensité incomparable. Peut-être aurait-elle pu s'endormir, ainsi bien entourée, se laisser emporter par cette sensation de calme après la tempête. Au vu de la révélation qu'elle venait de lui faire, la blonde n'attendait pas vraiment de réponse de la part de Liam. Pourtant, alors qu'elle l'imaginait embarrassé ou simplement trop choqué pour répliquer, il n'hésita pas à lui partager le fond de sa propre pensée. " Ça pourrait être pire, je suppose. " argua-t-elle à son tour, à son commentaire concernant le joli paysage qu'ils offraient tous les trois, un sourire dans la voix. Elle ne se sentait pas d'y aller d'un petit trait d'esprit cynique. Pas aujourd'hui. Pas pour l'instant. Elle refoulait déjà une volée de larmes insidieuse coincée sous ses paupières, c'était tout ce qu'elle pouvait offrir sans se liquéfier sur place. Quoi que la tâche s'avéra encore plus ardue lorsque Matthews reprit la parole, creusant davantage ses confidences. Par réflexe, elle releva légèrement la tête, plongeant ses prunelles dans celles, opaques, de son compagnon. Le rouge lui montait aux joues. Les battements de son coeur s'étaient accélérés, entre angoisse et expectative, incapable de déterminer quel sentiment primait sur l'autre. C'était si soudain, tellement inattendu. Elle profita d'une brève pause pour lâcher un : " Liam ... " atone, perdu. Elle ne l'avait pas vu venir, ce coup-là. Même si elle comprenait parfaitement la peur qui l'avait étreint, la panique dans laquelle elle l'avait plongé. A sa place, elle aurait retourné tout Bowen. Elle aurait rongé son frein, tempêté, jusqu'à un signe de vie, n'importe quoi. Ils s'étaient retrouvés depuis peu et elle avait déjà conscience, malgré l'impression qu'elle voulait bien donner, que le voir disparaître de sa vie à nouveau lui serait insupportable. Dans quelle mesure ? A quel point ? Elle avait évité de creuser la question, trop soucieuse des retombées de cette découverte et voilà qu'elle allait devoir y faire face.

Ou pas. Une infirmière bien intentionnée fit irruption dans la chambre, coupant le blond dans son élan, ainsi que toute possibilité de réplique à son double. Le charme fut rompu en quelques secondes. Elle n'aurait su dire si cela la mettait en colère, ou si, au contraire, c'était un soulagement. Elle se redressa tout à fait, sous les petits grognements de Sasha, lequel avait commencé à s'assoupir. " Bien, merci. Je ... J'aimerais sortir. " Sa voix était incertaine, encore troublée. L'infirmière fronça les sourcils tandis qu'elle vérifiait ses constantes. " Vous avez souffert d'une déshydratation importante. Je doute que ce soit une bonne idée. Le médecin souhaiterait vous maintenir en observation pour la nuit. " Ses esprits légèrement retrouvés, Charley balaya sa réplique d'un revers de la main. " Vous l'avez dit vous-même, je suis bien entourée. J'ai juste un poignet foulé et une plaie. Et vous avez besoin de ce lit pour des gens plus mal en point que moi. " La soignante soupira. " Comme vous voudrez. Je fais préparer vos papiers de sortie. " Elle lui retira sa perfusion dont la poche était vide, adressa un au revoir chaleureux à la petite famille et s'en alla. A peine eut-elle franchi la porte que l'ex-flic confia la petite silhouette endormie de Sasha à son père afin de se lever. Une étape après l'autre, bien sûr. D'abord s'assoir, vérifier que la tête ne lui tournait pas. Puis, une jambe après l'autre. Elles la portaient sans difficultés, c'était déjà ça. Charley "Catastrophe" Hawkes était du genre résistant. Ses parents entrèrent à ce moment précis, suivis d'Alex. Ce dernier tenta de récupérer son neveu, mais c'était sans compter sur la motivation de l'enfant qui s'accrochait obstinément au cou de son père. " 'aisse ! " gronda, ronchon, le petit garçon. Alex n'insista pas, un rire résonnant dans sa gorge. " Je crois qu'il est pas prêt de te lâcher ! " philosopha-t-il pour Liam. Il retourna un regard malin vers sa soeur, se prenant une oeillade mitrailleuse en retour. Si le premier point la perturbait déjà un brin, elle savait surtout ce qu'il avait derrière la tête. Il en connaissait deux autres, d'inséparables. " Ramène-nous chez papa et maman plutôt que de faire le singe. " bougonna-t-elle. Elle refusa toute aide, bras tendus comme fauteuil roulant. Avant de quitter l'enceinte, elle fit un détour par les admissions : elle voulait savoir comment se portait Colette, la vieille dame avec qui elle avait partagé quarante-huit heures d'atrocités. On l'informa que sa jambe avait été plâtrée mais qu'elle allait bien et se reposait depuis qu'on l'avait transporté, en même temps que sa "Sauveuse" la qualifia gentiment l'agent d'accueil, au grand dam de Charley. Quel adjectif ridicule. Rassurée, elle put enfin prendre la route du retour.

A demi-mots, elle avait signifié à son ex-coéquipier qu'elle préférait qu'il reste dans le coin, au moins pour quelques heures. L'idée même d'être loin de lui, même de seulement quelques kilomètres, tout à coup, lui filait un noeud à l'estomac. Son indépendance en prenait un tir dans l'aile, mais pour ce que ça lui importait, pour l'instant ... Heureusement, il avait accepté. Les images de l'attente dans le sous-sol continuaient de défiler dans son esprit, la prenaient par surprise dès qu'elle avait le malheur de somnoler et elle se réveillait en sursaut. Elle restait près de Sasha, dans le salon. Le petit garçon ne cherchait pas à échapper à sa mère, pas plus qu'à "Tonton 'iam" alors qu'il jouait gentiment sur le tapis, ses playmobils et autres cubes colorés autour de lui. Les heures défilèrent dans cette atmosphère de paix, faite de peu de mots, de beaucoup de regards à la dérobée, de gestes doux et de petites attentions. " Vous resterez bien pour dîner, Liam ? " interrogea Minnie Hawkes, alors que le crépuscule tombait. Charley ne broncha pas. Ce n'aurait tenu qu'à elle, il ne serait allé nulle part, pas même aux toilettes. Alex avait dû s'excuser et retourner à l'hôpital pour prendre sa garde, maintenant que sa soeur avait été retrouvée.

Le repas fut un peu plus animé. Le stress retombant déliait les langues. Son père partageait quelques anecdotes de son passé de militaire et de policier, racontait comment il avait surpris sa fille, un jour où il l'avait amené au commissariat, en train d'essayer de piquer un uniforme dans le vestiaire, à la barbe et au nez de ses collègues. Il fallait dire qu'elle avait cinq ans. Charley riait beaucoup plus, se défendant sans trop de convictions. Sa mère en profitait pour en ajouter quelques couches avec d'autres histoires, son hyperactivité à la maison, tout ce qu'elle avait cassé, la rampe d'escalier qu'elle descendant sur les fesses en hurlant "Banzaïï !". Aucun sujet réellement sérieux ne fut abordé. On aurait réellement cru à un repas ... de famille. Comme un autre. Comme si Liam en avait toujours fait partie. Parfois, la blonde profitait d'une intervention pour poser la main sur le bras du jeune homme, lui filer une petite bourrade ou frôler sa main. Elle-même ne s'expliquait pas ce besoin de le sentir sous ses doigts, mettant son attitude sur le compte de sa nature tactile.

Ils avaient à peine terminé le dessert et ceux qui pouvaient débarrassaient la table lorsque la sonnette retentit. Il était près de vingt et une heures, Sasha dormait à l'étage. Minnie s'empressa d'aller ouvrir, persuadée, comme son mari et sa fille, qu'il s'agissait de Leonard, l'aîné de la fratrie, lequel les avait appelé un peu plus tôt alors qu'il se trouvait à la gare de Sydney, dans l'attente du premier train pour Bowen. " Bonsoir Madame Hawkes. " Charley en lâcha les verres qu'elle tenait dans les mains, ceux-ci se brisant dans l'évier. Ce n'était pas Leo. " Elijah ! Quel plaisir de vous voir ! Charlotte, Elijah est là ! " La blonde fila vers le salon où un grand brun était apparu. Il la fixa d'un regard intense. " Je suis venu dès que j'ai pu. Je suis tellement soulagé de te voir saine et sauve. " Un poisson. Un poisson jeté hors de l'eau. Voilà à quoi elle devait ressembler. Elle l'avait complètement oublié. Peu perturbé par son manque de réaction, Elijah parcourut la pièce de ses prunelles sombres, tombant sur la silhouette de Liam. La blonde se secoua. " Merci, je ... Tout va bien. Liam, voici Elijah. Elijah, je te présente Liam. " Minnie se retira sans bruit, consciente de l'orage qui couvait dans la pièce. Toute aussi tempêtante qu'elle fut, elle ne voulait pas affronter cette catastrophe-là. " Liam est mon ancien coéquipier. Elijah ... Euh ... " Seigneur tout puissant, sortez-la de là ! Elle était complètement à la ramasse. " Son fiancé. " Elle écarquilla grand les yeux. Non non non non, pas ça ! " Elijah, tu tombes un peu mal, à vrai dire ... " L'homme se rembrunit, ses prunelles passant tour à tour d'un blond à l'autre. Il était plutôt doué pour sauter aux bonnes conclusions, en avocat confirmé qu'il était. " Pourquoi ça ? Ma présence me paraît plutôt justifiée, au contraire. " affirma-t-il, hautain. Les choses étaient claires : il y avait un homme de trop dans cette pièce et ce n'était certainement pas lui. Il était légitime. Charley déglutit avec peine, le sifflet complètement coupé. La situation lui échappait. Euphémisme total.

Il s'en était fallu de peu, de très peu pour que Liam lui sorte tout ce qu'il avait sur le coeur. Et il en avait des choses à dire ! Pendant des années entières, Liam avait mesuré ses paroles, mais depuis son accident, il n'avait plus vraiment de filtre. Quand une chose l'énervait, il le disait. Quand une personne lui plaisait, il le disait aussi. Charley était l'exception... comme toujours. Il la couvait énormément, faisait en sorte de mettre ses rancoeurs et ses sentiments de côté, juste pour la garder près de lui. Parce qu'au fond, Liam se rendait compte qu'il ne ressentait pas que de l'amitié envers elle - oui, il l'avait enfin compris - mais il craignait de se prendre un mur en le révélant. Comme à cet instant, où il entendit la blonde prononcer son prénom. L'avait-il mise mal à l'aise ? La réponse à cette question ne viendrait sûrement jamais puisqu'une infirmière avait décidé de pointer son nez. Simple coïncidence ou signe du destin, telle était la question. Il s'était donc reculé afin de laisser l'infirmière faire son travail. Liam se sentait complétement stupide. Il avait été à deux doigts de tout gâcher. Il était d'un égoïsme profond. Il avait pensé à lui, à ses sentiments, sans se dire que oui, cela pouvait être un fardeau pour la demoiselle.

Sortant de ses pensées, il afficha une mine réprobatrice quand elle affirma son envie de sortir, malgré les réticences de l'équipe médicale. Mais il ne s'opposa pas à elle, tout simplement parce qu'il aurait agi de la même façon. Leur ancien côté flic, prêt à se sacrifier pour la population, probablement. Quand l'infirmière s'en alla, Charley confia Sasha à Liam, qui amena le garçonnet tout contre lui. La présence de l'enfant dans ses bras apaisa notre ex-policier, comme si ce petit bout était capable d'aspirer toutes les craintes de Matthews. Quand la famille de Charley entra dans la chambre, Alex se mit en tête de récupérer le petit. Mais Sasha semblait avoir son petit caractère - il n'était pas le fils de Charley et Liam pour rien ! - puisqu'il refusa de lâcher Liam. Aux paroles d'Alex, Matthews esquissa un léger sourire et répondit : "ça me convient totalement." Liam savait qu'Alex était au courant de toute l'histoire. Il était dans son droit total. Et puis il avait du temps à rattraper avec son fils, entre autres. Charley semblait l'avoir compris parce qu'elle ne le rejeta pas, une fois arrivés à destination. Au contraire, elle lui fit comprendre qu'elle voulait de lui à ses côtés. Liam accepta sans réfléchir, se disant qu'il était là tel l'ami fidèle qui se devait d'apporter tout le soutien nécessaire. L'après-midi passa à une vitesse folle, entre les rires de Sasha et les réveils en sursaut de Charley, dès qu'elle avait le malheur de s'assoupir. Liam posait à chaque fois une main réconfortante sur elle, afin de lui montrer qu'elle n'était pas seule et que tout le calvaire vécu était bel et bien terminé. Il ne savait pas ce qu'elle avait vu et vécu, mais il savait qu'il lui faudrait quelques jours pour s'en remettre pleinement. Alors que le soleil se couchait, Liam estima qu'il devait rentrer chez lui, afin de les laisser en famille. Pourtant, Minnie l'invita à rester dîner. Instinctivement, Liam s'était tourné vers Charley, comme s'il attendait son feu vert, avant de répliquer : "Ce serait avec plaisir, Madame Hawkes.".

Le repas, ponctué d'anecdotes hilarantes, se passa à merveille. Liam écoutait avec plaisir les souvenirs énoncés par les parents de Charley, ne se gênant pas, par ailleurs, de raconter à son tour quelques anecdotes incroyables qu'il avait partagé avec la jeune femme, durant leurs années de patrouille. Pour une fois, Liam ne ressentait pas cet éternel pincement au coeur qu'il avait toujours dès qu'il se souvenait de leurs années en tant que policiers. Non, il était serein. Taquin, même. Charley en prenait pour son grade, que ce soit venant de son père, de sa mère ou de Liam. Et elle ne bronchait pas. L'atmosphère était bon enfant. Liam et Charley cherchaient toujours un moyen d'établir un quelconque contact entre eux. C'était inné, naturel et sincère. Le jeune homme n'avait pas l'impression d'être "de trop", bien au contraire. A cet instant, il était heureux. Profondément heureux. Cette sensation, il avait fini par l'oublier. Oui, il avait aimé sombrer dans une débauche particulière - c'était ce qui l'avait sauvé - mais il n'était pas heureux. Il ne savait plus ce qu'était le bonheur. Charley et Sasha étaient ceux qui lui réapprenaient à goûter à ce sentiment. A l'apprécier de nouveau. Avec eux, il baissait les armes et retrouvait celui qu'il était auparavant. C'était un renouveau. Une deuxième vie qui s'offrait à lui. Liam avait fini par se rendre compte de ses erreurs. S'il avait su... il ne serait jamais parti de Bowen. Ses antidotes étaient ici, dans cette maison. Rien ne semblait pouvoir entacher cette bonne entente.

Enfin... presque... Alors que le repas touchait à sa fin, Liam s'était relevé afin d'aider à débarrasser. Ce n'était pas parce qu'il était aveugle qu'il était devenu impotent. Il venait de poser la corbeille à pain dans la cuisine, quand la sonnette se mit à retentir. Le jeune homme se doutait qu'il s'agissait de l'aîné de la fratrie. Ou pas. Liam sursauta en entendant des verres se briser. Il se tourna vers la porte qui reliait le salon à la cuisine, espérant que Charley ne leur faisait pas une baisse de tension. Mais il comprit bien vite que cela n'était pas le cas. Il sentait la présence de Hawkes à ses côtés. La voix du nouvel arrivant résonna dans la pièce. Elijah. Qui était-il ? Liam jeta un regard interrogateur à son ex-coéquipière, espérant que celle-ci finirait par comprendre sa requête. Elle fit enfin les présentations. Du moins, à moitié. Ce fut le dernier arrivé qui prit la peine de se présenter un peu plus précisément. Liam tomba des nues. Son fiancé. Elijah était son fiancé. Charley était en couple ! Le jeune homme resta bête un long instant, répliquant simplement, un poil sonné : "Enchanté, Elijah." Comment vous dire qu'il se maîtrisait fortement à cet instant. Pourtant, il se retourna vers Charley et reprit doucement : "Je comprends mieux maintenant." Pour être honnête, il ne comprenait plus rien. Liam voulait garder la face, pourtant il semblait... abattu. Oui, c'était le mot parfait. Pourquoi ne lui avait-elle rien dit ? Pourquoi l'avait-elle fait mariner, le laissant presque se ridiculiser avec une grande déclaration ? Avait-elle voulu se venger d'être parti sans un mot ? Un tas de question l'assaillait, sans qu'il ne puisse voir l'opportunité d'y avoir une réponse. Il pourrait mettre le bordel, c'était indéniable. Mais il ne le ferait pas. Tout simplement parce qu'il l'avait cherché. Il était parti deux ans et demi. Une vie pouvait changer du tout au tout durant une telle période. C'était le cas pour Charley. Elle avait fait sa vie. C'était son droit. Une fille comme elle, quoiqu'elle puisse penser, avait le droit de partager sa vie avec un homme qui la chérirait et qui saurait comment agir avec elle. Qui l'aimerait, sans l'étouffer. Elle le méritait. Sur ses pensées, Liam tâtonna vers la table, à la recherche de sa canne blanche. Il était temps pour lui de tirer sa révérence. Elijah avait sa place ici. Pas lui. Pourtant, il s'arrêta en chemin et prit la peine de demander : "Tu veux que je vous laisse tous les deux ?" Il n'y avait pas d'ultimatum caché. Il n'était pas là en train de dire "c'est lui ou moi" comme dans ces films à l'eau de rose. Il n'était pas de cette trempe-là.  Mais ce fut Elijah qui répondit : "Oui, ce serait mieux. Merci." Liam redressa la tête vers l'endroit où l'homme se trouvait et répondit, avec une froideur qui ne lui ressemblait pas : "C'est à Charley que je pose la question." Même si son regard était dénué de toute lueur, on sentait qu'il le toisait. Que c'était dur de laisser sa place. Il se retourna vers la belle blonde et enchaîna : "Je passerai voir Sasha demain, si ça ne te dérange pas." Il ne se rendait pas compte qu'il venait d'ouvrir une nouvelle brèche, contre sa volonté. Ce qui n'échappa pas au jeune avocat qui questionna, perplexe : "Charley, pourquoi doit-il voir Sasha ?" C'était comme si l'on voyait marqué sur le front de Liam qu'il n'était pas que le simple coéquipier de la blonde. Matthews était mal-à-l'aise. Comme il n'avait pas envie de briser le couple de Charley, il inventa un mensonge de toute part en répondant à sa place : "Je suis le p... le parrain de Sasha. " Stupide. Vraiment stupide, Liam ! Dans le genre "je-pédale-dans-la-semoule", il était fort, très fort. Mais qu'est-ce qu'il ne ferait pas pour elle ?! Il tourna la tête vers elle, l'air de dire "qu'est-ce que tu voulais que je dise d'autre ?!". La vérité était-elle bonne à dire ?! Liam était prêt à crier haut et fort qu'il était le père de Sasha. Mais il ne voulait pas aller à l'encontre de la volonté de Charley. Elle avait caché l'identité du père durant ces dernières années. Il n'était pas en droit de briser cela. C'était son choix. Il devait l'accepter. Même s'il fallait devenir l'homme de l'ombre.
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AVENGEDINCHAINS

Dans la série des nanards qu'un mauvais producteur aurait pu imaginer, la blonde aurait probablement gagné le Razzie Award du pire scénario jamais écrit. De deux choses l'une : non seulement elle avait légèrement omis d'informer Liam qu'elle fréquentait à quelqu'un - mais après tout, il ne lui avait pas posé la question -, mais en plus, elle n'avait pas cru bon de préciser à ce quelqu'un qu'un autre homme avait tenu une place plus qu'importante dans sa vie. Pourquoi utiliser le passé, d'ailleurs ? Il avait toujours cette place, quoi qu'elle ait laissé paraître ou ait pu dire. Ou ne pas dire, en fait. Charley ne parlait pas de Matthews. Le sujet était tabou et ses proches ne s'y étaient pas risqués jusqu'à sa réapparition. Et encore, par petites touches, comme un fakir débutant effleurant du bout de l'orteil un tapis rempli de clou. C'était un coup à s'y trouer les fesses, cette histoire.

On ne croyait pas si bien dire. Après les clous, les charbons ardents. Un peu plus et la jeune femme se serait mise à danser d'un pied sur l'autre de malaise. Elijah se la jouait mal dominant, son regard fier - pour ne pas dire terriblement hautain - toisant l'inconnu. Il se moquait bien de son handicap. Aussi cartésien que fut l'avocat, il disposait d'un instinct quasi infaillible. Rusé, retors, il pouvait renifler une embrouille à plusieurs mètres. Quant à Liam, il faisait preuve de beaucoup moins d'ego, ce dont elle lui aurait été gré dans d'autres circonstances. L'un prêt à assoir sa position, l'autre à se retirer. Charley ne savait pas si elle devait se sentir abattue ou fichtrement énervée. " Son parrain ? " Entre scepticisme et surprise, Elijah avait reporté son attention digne d'un faucon sur sa 'fiancée'. Le silence lui répondit. " Et bien, Charley, j'attends que tu explicites cette histoire. Pourquoi n'en ai-je pas entendu parler auparavant ? " Elle voyait déjà Matthews répliquer qu'il était à l'étranger, qu'il venait de rentrer ou n'importe quel autre mensonge qui aurait pu émerger de sa cervelle trop bien faite. Elle se surprit à prendre les devants. " Parce que ce n'est pas vrai. " répliqua-t-elle, bougonnant presque. Sans le vouloir - bien au contraire -, son ex-coéquipier la mettait dans une posture encore plus fâcheuse qu'elle ne l'était déjà à l'origine. Cette fois, le juriste fronçait les sourcils. Il ouvrit la bouche pour répliquer, cependant, elle le coupa : " S'il te plaît, rentre chez toi. On se verra plus tard. Là, je suis très fatiguée et j'aimerais juste un peu de tranquillité. " La blonde connaissait un Elijah imperméable à toute épreuve. Il haussait rarement le ton, de fait, elle n'avait pas vraiment besoin de tempêter avec lui. Disons qu'elle s'y amusait pour la forme, pour tromper l'ennui profond qu'était leur relation. Si elle leurrait son monde à ce sujet et bien qu'elle fut inscrite au parti de la politique de l'autruche depuis des années, au moins était-elle réaliste à ce sujet. Rien d'étonnant à ce qu'elle sursaute donc lorsque son interlocuteur gronda : " Tu es fatiguée ? Allons, Charley, tu es absolument ridicule ! Je suis ton fiancé et je ne partirai pas d'ici pour le moment. Certainement es-tu en état de choc. Soit, je l'entends et peux absolument le comprendre. Mais me rejeter n'est pas une solution. Merci, Liam, je prends le relai. " Déjà, il s'approchait d'elle, ses doigts prêts à se refermer sur les siens ou l'entraîner, peut-être, vers le canapé le plus proche, telle une enfant capricieuse. Paternaliste et paternel, avec ça.

Minnie surprit la scène par l'interstice de la porte entrouverte où elle épiait la conversation et même elle esquissa une moue d'anticipation douloureuse. Elle savait parfaitement ce qui allait se passer.

" Touche-moi et je te jure que je te mets un coup de plâtre en plein dans ton joli nez. " Cette fois, ce fut Elijah qui afficha une moue choquée. " Enfin ! Qu'est-ce qui ne pas chez toi ? Qu'est-ce qui te prend ? " La jeune femme s'agita. Inutile de la voir pour deviner son visage rougi par la colère et la tension qui animait soudain ses muscles. Le plus ennuyeux, là-dedans, c'était que là encore, inutile d'avoir des yeux valides pour savoir que quand la Tornade Hawkes se soulevait, elle fracassait tout sur son passage. Etait-ce un effet de son imagination où Liam avait reculé à côté d'elle ? Elle l'ignorait et de toute façon, elle était bien trop occupée à rassembler la force volcanique qu'elle sentait bouillonner en elle. " QU'EST-CE QUI ME PREND ? " beugla-t-elle soudain. Voilà, l'Etna était rentré en éruption et Pompeï Elijah allait finir en cendres. " Il me prend que je t'ai demandé de partir. Il me prend que j'avais même oublié jusqu'à ton existence avant que tu te pointes comme une fleur après que j'aie passé deux jours dans une cave ! Il me prend que je ne suis pas ta foutue fiancée, Elijah, parce que je te rappelle que quand tu m'as fait ta demande dans ma cuisine pendant que Sasha hurlait après ses fraises Tagada, je t'ai répondu qu'on en reparlerait un autre jour ! Et tu sais quoi ? Il me prend qu'on en reparlera jamais, parce que je veux pas me marier avec toi ! Il me prend que c'est pas le parrain de Sasha, c'est son père ! LIAM JE T'INTERDIS D'ESSAYER DE FILER EN DOUCE OU C'EST A TOI QUE JE REFAIS LE PORTRAIT ! Tu sais que j'en suis capable, je te mettais toujours la misère en entraînement au corps à corps ! " Il avait dû esquisser un geste moindre, quelque chose de trompeur pour elle, vu l'état dans lequel elle se trouvait. La Charley rationnelle en elle savait pertinemment que Matthews n'était pas un couard. Elle reprit, son courroux à nouveau dirigé ... Et bien, vers son ex, semblait-il : " Il me prend même pleins d'autres trucs, tu n'imagines même pas ! Il me prend que je me demande tous les jours pourquoi j'ai quitté la police pour finir comme serveuse et détective privé ! Je suis nulle pour l'un et l'autre, bon sang ! Il me prend que j'ai failli mourir, que j'ai failli ne jamais revoir mon fils ! Il me prend que pendant ces quarante-huit heures et des brouettes dans ce sous-sol, je ne pensais qu'à lui et à son père ! Un père avec qui j'ai couché une seule fois et paf heureux accident, tu vois ! Il me prend que ce type-là, cet ingrat égoïste qui m'a laissé tomber le lendemain matin, il m'a manqué pendant deux ans et me manquera probablement tous les autres jours de ma fichue vie où il ne sera pas avec moi ! Voilà ce qui me prend ! "  Elle avait débité toute sa petite tirade si rapidement qu'elle manqua s'étouffer en reprenant enfin son souffle. " Alors maintenant, Elijah, tu prends tes clics, tes clacs et ta cravate et tu dégages fissa. Moi, je vais aller voir Sasha que j'ai probablement réveillé à cause de tes simagrées de bébé gâté ! Encore merci d'être passé, tu as été fort utile, comme toujours ! " Alors qu'elle se dirigeait à grands pas vers la porte, laquelle s'ouvrit à la volée sur son passage sous le sursaut de Minnie, on put l'entendre baragouiner : " Mais purée de purin, c'est pas possible d'être aussi ... " Heureusement, le reste de sa phrase se perdit dans le grincement des marches de l'escalier.

D'ici quelques minutes, à l'abri dans la chambre, elle réaliserait l'énormité de ce qu'elle venait de faire. Après tout, elle venait juste d'avouer, à peu de choses près, des sentiments enfouis depuis une éternité. Et la gagnante du Razzie Award est ...

Tout se passait bien. Tout se passait trop bien. Quand on s'appelait Hawkes et Matthews, il fallait se douter qu'une tuile allait leur tomber dessus. Aujourd'hui, la tuile s'appelait Elijah, le fiancé de Charley. Liam s'était pris une belle douche froide. Glacée même. Elle ne lui avait pas dit qu'elle avait quelqu'un. Et de ce fait, il avait failli se ridiculiser devant elle, en lui faisant part des sentiments qu'il avait à son égard. C'était digne des Feux de l'amour, tout ça ! Et pourtant, Liam était prêt à s'écraser. Cela lui coûtait, bien évidemment, mais il n'était pas en droit d'imposer ses sentiments à Charley. Il préférait largement les taire, plutôt que de tirer un trait définitif sur elle. Il était prêt à jouer l'ami, l'ancien partenaire et le père de Sasha. Ou le parrain... Pris au dépourvu, Liam n'avait pas trouvé mieux et il avait clairement l'impression que cela ne fonctionnerait pas. Mais au moins, il montrait à la jeune femme qu'il ne serait pas une entrave. Il avait disparu pendant deux ans et demi, il n'avait pas le droit de débouler dans sa vie, telle une boule de bowling fonçant dans un jeu de quilles.

Mais il oubliait, parfois, que Charley était très forte pour faire tomber elle-même son propre jeu de quilles. Quand elle renia les paroles de Liam, ce dernier lui jeta un regard en coin, l'air déterminé, du style à lui dire "ne fais pas ça, Charley.". Elle avait caché son identité depuis deux ans. Pourquoi voulait-elle faire éclater la vérité, à cet instant ? N'y avait-il déjà pas assez de dommages collatéraux ? Mais visiblement, ce cher Elijah ne connaissait pas notre chère Charley. En effet, alors que la jeune femme lui avait demandé gentiment de partir, Liam retint une grimace quand l'avocat émit un refus. Pauvre fou ! Ne connaissait-il pas la tornade blonde ?! Une certaine tension s'était emparée de la pièce. Liam n'avait pas besoin de voir Charley. Il la connaissait tellement bien et avait subi maintes fois ses foudres pour comprendre qu'elle allait exploser. Il ne se trompa pas. Elle explosa, mais ce fut la première fois que Liam assistait à une telle scène. Il la connaissait depuis ses dix-huit ans, il l'avait entendu hurler plusieurs fois, il l'avait affronté à chaque fois. Aujourd'hui, c'était une bombe à retardement. La blonde n'avait jamais été tendre dans ses paroles, mais il était vrai qu'elle ne ménageait vraiment pas ce pauvre Elijah. Un Elijah qui avait simplement voulu lui montrer qu'il était là. Il était tombé au mauvais endroit, au mauvais moment, dirons-nous. Liam baissa la tête quand elle évoqua une demande en mariage ratée. Le jeune homme ne pouvait que compatir. Il s'était lui-même pris un tel revers. Malgré cela, il sentit que cette idée lui déplaisait, sans pour autant être capable de qualifier cette réaction de jalousie. Il avait les idées en vrac et il avait l'impression que sa réaction était anormale, qu'il n'avait pas le droit de ressentir tout cela. Il sortit de ses pensées quand, sous le coup de la colère ou de l'émotion ou il-ne-sait-quoi-d'autre, elle annonça, tout haut, ce qu'il pensait ne pas entendre aujourd'hui. Elle venait de dire qu'il était le père de Sasha. Choqué, Liam décroisa les bras et avança d'un pas. Une gestuelle qui sembla porter à confusion, puisqu'elle lui annonça, avec une douceur digne de Hawkes, qu'elle n'hésiterait pas à lui refaire son portrait s'il comptait filer. Il tourna la tête vers elle et arqua un sourcil : "Je ne comptais pas filer.", se contenta-t-il de répondre simplement. Mais il ne put retenir ce léger sourire, sur le bout des lèvres. Elle venait de le ramener des années en arrière, quand ils s'affrontaient l'un et l'autre, sans ménagement. Leur relation de chien et chat n'avait jamais vraiment disparu. Mais là n'était pas la question, puisque Charley s'intéressait de nouveau à Elijah, pour le plus grand malheur de l'avocat.  

Même s'il n'était pas le principal visé, Liam se prenait aussi toute la colère de la belle. En l'écoutant, il se rendait compte à quel point elle était une femme forte. Elle avait gardé tout cela pour elle, pendant des années et des années, alors que lui avait ployé bien avant elle. La perte de son poste, le séisme, la peur de ne plus voir Sasha, tant de choses qui faisaient qu'aujourd'hui, elle était là, à anéantir ce qu'elle avait tenté de construire, peut-être maladroitement. Et puis vint le passage sur Liam. ça allait être sa fête, se disait-il. Mais cela ne se produisit pas. Le "ingrat égoïste", il l'encaissait sans ronchonner. Elle venait de lui faire un aveu qui effaçait tout, qui produisit en lui une douce chaleur réconfortante. En quelques mots, elle parvenait à combler le vide qu'il y avait eu dans la vie de Liam quand il était parti de Bowen. Quand il était parti loin d'elle, tout simplement. Tourné vers elle, il la laissa terminer, sans un mot, sans un geste vers elle. Et quand elle quitta la pièce, Liam se déraidit et souffla un bon coup, comme s'il était resté en apnée tout le long. De sa main, il se frotta l'arrière du crâne, comme à chaque fois qu'il était mal-à-l'aise. "Je... enfin... je suis désolé." finit-il par lâcher à Elijah, se doutant qu'il n'était pas celui avec qui l'avocat voudrait discuter. La place de Liam n'était pas ici. Mais à l'étage. Il prit sa canne blanche et quitta le salon, passant devant une Minnie, toute aussi abasourdie. Elle lui annonça juste que Charley était en haut, première pièce à droite, ce à quoi il répondit par un simple signe de la tête. Il monta les escaliers et tâtonna jusqu'à la première pièce, où la porte était ouverte. Il replia sa canne et s'appuya simplement sur le chambranle de la porte. "Il a pris cher..." Au son de sa voix, on comprit que ce n'était pas un reproche. Elle le connaissait bien. Elle savait qu'il aimait son caractère de merde et ses excès de colère. Combien de fois l'avait-il taquiné à ce sujet ?! Il reprit doucement, toujours en murmurant, pour éviter d'apeurer un Sasha somnolant : "Je peux ?". La question, c'était pour la forme, parce qu'il avançait déjà dans la pièce, à tâtons. Il finit par trouver le bras de Charley. Il posa une main réconfortante sur l'épaule de la blonde et s'installa à ses côtés. "Je ne sais pas par où commencer. Je ne suis pas là pour juger ce que tu as fait, ou pour tout te dire que tu n'aurais pas dû agir de cette manière avec Elijah. Même s'il a l'air d'être un gars bien, je pense que tu es la seule en mesure de choisir de passer ta vie avec lui, ou non. Je veux que tu sois heureuse, Charley. Et ce qu'il s'est passé ce soir montre bien que tu ne l'es pas. Enfin, pas totalement." Il y avait Sasha, qui était une source de bonheur intarissable. Mais il voulait revenir sur tout ce qu'elle avait dit. "Pourquoi tu ne reprends pas ton poste de policière ? Je suis d'accord avec toi sur le fait que tu es une piètre détective privée. Et je ne parle pas de ton poste de serveuse." Il lui adressa un sourire afin de lui montrer qu'elle ne devait pas mal prendre ce qu'il dit. "Je veux dire, tu es faite pour être flic. Tu t'es toujours épanouie au sein de ce métier et tu le sais aussi bien que moi. Je ne veux plus que notre accident soit un obstacle à notre vie, qu'elle soit professionnelle et personnelle. Il est temps que l'on tourne la page et qu'on aille de l'avant." Il utilisait le "on" parce qu'il savait qu'il ne l'avait pas aidé de ce côté-là, qu'il s'était apitoyé sur son sort, au lieu de regarder devant soi. "Après, je ne veux pas te forcer à reprendre un poste. C'est ce que j'ai fait la dernière fois que nous étions dans le commissariat. Je voulais que tu prennes la tête de l'équipe, pour moi, rien que pour moi. Je n'avais pas pensé à toi sur ce coup-là et je ne veux pas que ça se reproduise aujourd'hui. Réfléchis simplement à ce que je te dis là. J'accepterai dans tous les cas ta décision. Et je serai là pour te soutenir. Je suis parti une fois et je ne compte pas refaire cette erreur, une deuxième fois." Mais où était donc passé le Liam hippie, nonchalant, qui prenait tout à la rigolade ? Charley semblait avoir éveillé le Liam qu'il était, qui prenait ses responsabilités et qui retrouvait confiance lui et en les autres. Il voulait lui montrer qu'elle pouvait s'appuyer sur lui. Comme avant. Il s'arrêta un instant, comme s'il cherchait ses paroles. "Quant au reste... j'ai toujours su que tu étais à fond sur moi. ça se voyait comme le nez au milieu de la figure, Hawkes !" Un large sourire s'afficha sur ses lèvres, dévoilant ses fossettes qui en faisaient craquer plus d'une. Charley n'avait jamais dit cela, mais c'était encore une plaisanterie de Liam. Ou une manière de détourner joliment ce sujet sensible.
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AVENGEDINCHAINS

Au rez-de-chaussée, Minnie raccompagnait un Elijah complètement sous le choc. Pour un avocat du barreau habitué aux requins les plus belliqueux, il semblait qu'il n'ait pas encore eu affaire à furie en plein déchainement. Disons qu'il était surtout habitué à ce qu'on l'écoute et à ce qu'on se soumette. Ce qui l'avait attiré chez Charley au premier abord, à savoir sa fougue et son côté farouche, lui était revenu tel un boomerang, en pleine figure. Il n'avait su que répondre aux excuses de Liam et ne trouva pas davantage les mots lorsque maman Hawkes s'y risqua à son tour, bien qu'elle sembla assez peu désolée, finalement. Elle ne l'appréciait pas beaucoup. Elle les trouvait mal assortis et lui, beaucoup trop guindé en comparaison de sa truculente engeance. Alors qu'elle refermait la porte derrière le juriste, elle jeta un regard à l'étage où l'ex-policier venait de disparaître pour rejoindre sa petite famille. Un sourire creusa les joues de Minnie au moment où son mari réapparaissait. Il avait du entendre les hurlements, mais considérant qu'ils venaient de sa cadette, le militaire à la retraite n'en avait pas fait grand cas. Au moins, cela voulait dire qu'elle avait retrouvé une partie de sa forme. " J'ai raté quelque chose ? " s'enquit-il néanmoins, l'air indolent. Sa femme lui retourna un regard complice. " Pas encore, mon chéri. Mais reste attentif, je sens que nous ne sommes pas au bout de nos surprises ! " Sur ces mots, elle prit le chemin du salon d'un pas léger.

Loin de l'allégresse de l'étage inférieur, dans son ancienne chambre d'adolescente, Charley berçait Sasha. Elle l'avait trouvé éveillé, comme elle le craignait, les yeux grands ouverts. Il ne pleurait pas. D'ailleurs, il n'avait jamais été genre d'enfant à la larmichette facile. Passés les premiers mois, il avait cessé de s'émouvoir à la moindre colique, se contentant de petits geignements. On aurait dit que très tôt, loin de vouloir la compenser, il s'était imprégné de la rétention émotionnelle de sa mère. Ce qui ne l'empêchait pas d'être absolument tétanisé par la dispute qu'il avait entendu sans la comprendre. Assis entre sa paire de draps My little poney, il avait renvoyé un regard si effrayé à sa mère quand elle était apparue sur le seuil que la colère de cette dernière avait aussitôt fondu comme neige au soleil. Remplacée par une immense culpabilité. Elle avait préféré se précipiter dans une maison branlante après le séisme plutôt que de rejoindre son fils et voilà qu'elle lui provoquait d'autres peurs, d'autres monstres dans le noir. Une mère minable, voilà ce qu'elle était. Ce petit bout méritait tellement mieux, ne pouvait-elle s'empêcher de se dire tandis qu'elle le rassurait d'une voix douce, lui jurant que maman n'était plus fâchée, qu'il n'avait rien fait de mal, qu'elle était juste très fatiguée et tout ce qu'un enfant avait besoin d'entendre. Les paupières de Sasha ne tardèrent pas à papillonner. Il était épuisé, lui aussi. Et maintenant qu'il avait retrouvé cette présence et cette odeur familières, il était sûr de ne plus rien risquer. Elle tirait le drap sur sa petite silhouette endormie quand Liam les rejoignit. " Il a pris cher ... " Elle haussa les épaule, le tissu de son haut bruissant sous son mouvement. " Il l'a cherché. " se contenta-t-elle de répliquer, encore peu scrupuleuse. Elle s'en voulait davantage pour les conséquences sur son fils que sur son ex petit ami. " Je peux ? " Elle n'eut pas besoin de lui répondre, le jeune homme s'était déjà avancé. Elle le laissa s'emparer de son bras sans le moindre mouvement de recul, pas plus qu'elle ne rejeta la main qu'il posa sur son épaule. Pourtant, sa peau lui picota à l'endroit où il la touchait. Un contact agréable. Plus qu'elle ne voulait bien l'avouer. " Je ne sais pas par où commencer. " Elle soupira mollement, se retournant pour lui faire face. " Liam, laisse tomber ... " tenta-t-elle de l'interrompre. En vain. Après tout ce qu'elle avait balancé, il était naturel que son compagnon ait des choses à dire, lui aussi. Bien qu'elle aurait préféré qu'il s'abstienne, pour le coup. Elle avait parlé à tort et à travers, sans réfléchir. Si tout était vrai, impossible désormais de se le cacher à elle-même, elle n'avait aucune envie que cela soit dévoilé au grand jour. Elle le réalisera d'autant plus tandis que Matthews reprenait ses révélations point par point. Pour peu qu'elle n'ait pas manqué d'étouffer sous plusieurs mètres de béton à peine quelques heures auparavant, elle aurait souhaité que le sol s'ouvre sous ses pieds. Cette conversation était embarrassante à plusieurs niveaux. D'une part, parce qu'elle lui renvoyait ses confessions et leur réalité malgré le soin qu'elle avait mis à les enfouir, d'autre part, parce qu'elle la ramenait à de vieux souvenirs dont elle n'avait pas fait le deuil. La police, leur binôme et surtout ce soir, cette fameuse nuit ... Cette fois, elle ne put retenir un mouvement de recul. Elle ne voulait pas y repenser. A rien de tout ça. Ni passé, ni présent, ni rien. C'était compliqué. Tout était toujours trop compliqué avec la terrible blonde.

Heureusement que son interlocuteur crut bon de terminer son discours par une phrase plus légère, parce qu'elle n'aurait su comment aborder les choses, à ce stade. Le tour que prenait cette journée était plus que déstabilisant, l'expulsait de sa zone de confort et ébranlait des fondations qu'elle avait trop peiné à construire à grands renforts de déni. Elle s'esclaffa gentiment face à la plaisanterie, ses doigts venant tapoter la joue du blond. " Navrée de te contredire, sourire à fossettes, mais tu sais bien que j'ai toujours été plutôt genre ... Jimmy Duncan ! " Et c'est sans honte aucune qu'elle venait de prendre à parti l'une de leurs anciens collègues. Rugbyman de son état, il s'agissait d'un gros balourd qui n'avait pas l'intelligence à tous les étages et surtout, possédait la finesse d'un rhinocéros. Le premier - et dernier - de leur promotion à l'avoir comparé à Charlotte aux Fraises. Il n'avait plus marché droit pendant des semaines après ça. Mais parce que "qui aime bien châtie bien", on avait longtemps soupçonné que les deux avaient fricoté durant leur formation. Rumeur qu'elle avait nié à s'en péter les cordes vocales, ce qui n'avait fait que renforcer les soupçons. Aujourd'hui, elle préférait en rire. Cependant, la légèreté ne dura pas bien longtemps. Alors que le silence se réinstallait, elle sentait bien qu'elle ne s'en sortirait pas aussi facilement. Vaincue, elle finit par avouer : " Je n'aurais pas du m'emporter ... Enfin, si, Elijah méritait son sort. Crois-moi, c'est un abruti suffisant et égocentrique. Il s'en remettra. " C'était vraiment à se demander pourquoi elle avait décidé de se mettre à la colle avec lui, dans ce cas. Elle prit grand soin de ne pas développer le sujet. " Je veux dire que j'aurais ... Enfin, je n'aurais pas du dire tout ça, voilà. Mes mots ont dépassé ma pensée. Les pompiers m'ont certifié que je n'avais pas pris de coup sur la tête, mais je n'en suis pas si sûre ! " Elle tenta un rire. Pas très convainquant. Elle devenait de plus en plus nulle pour désamorcer les situations. Heureusement qu'elle ne s'était pas reconvertie en médiateur pour les forces spéciales. Bon, de toute façon, ils n'auraient jamais voulu d'elle. " Je mène la vie que j'ai choisi. Je ne veux pas revenir en arrière. " reprit-elle plus sérieusement, ses doigts venant se triturer entre eux, comme souvent lorsqu'elle était nerveuse. " Je suis peut-être une serveuse moisie et une détective encore pire, mais ... L'uniforme, ce n'est plus pour moi. C'est fini. Pas à cause de toi, Matthews. C'est comme ça, c'est tout. Tu l'as dit, il faut se tourner vers l'avenir. " Instinctivement, elle jeta un coup d'oeil derrière elle où Sasha ronflait doucement. Son futur, c'était lui. Peu importaient les sacrifices. " Tout ce que je peux te dire, c'est que je n'ai plus peur que tu disparaisses. " osa-t-elle souffler d'une traite, pour reprendre aussitôt : " Mais merci. Pour aujourd'hui. Pour ce soir. Pour ton soutien. Pour tout ce que tu as dit. J'apprécie. Vraiment. D'ailleurs, si tu veux rester pour la nuit, il y a une chambre d'amis et promis, je mettrai le traversin entre nous, au cas où tu aurais peur que je te saute dessus entre deux cauchemars ! " On avait connu invitation moins gênante, néanmoins, c'était tout ce que la jeune femme avait trouvé sur l'instant. La vérité ? Elle ne voulait pas dormir seule. La vraie vérité ? Elle était le seul avec qui elle pouvait s'imaginer partager une lit après ce qu'elle venait de traverser. Pour la première fois, elle aurait souhaité être capable de l'exprimer. Dommage, le petit génie de la lampe n'était pas avec elle sur ce coup-là.

Il aurait peut-être dû se taire. Ne pas évoquer Elijah, la police ou contester les choix professionnels de Charley. Il aurait dû s'asseoir à ses côtés et laisser le silence apaiser une atmosphère électrique. Oui, c'était ce que Liam aurait dû faire. Mais il n'était pas celui qui ménageait Charley, bien au contraire. Depuis leur rencontre, il était celui qui la poussait à bout, qui savait où appuyer pour faire mal. Leurs années de rivalité avaient au moins eu un mérite : Charley n'avait plus de secrets pour Liam, et inversement. Quand ils étaient ensemble, ils pouvaient lire l'un en l'autre, comme dans un livre ouvert. Et c'était pour cette raison qu'il était le mieux placé pour l'écouter, la conseiller, la rassurer ou au contraire, lui faire ouvrir les yeux. Voilà pourquoi il osait donner son avis, même si cela pouvait lui retomber dessus à n'importe quel instant. Quand il s'avança jusqu'à elle, il osa poser une main sur son bras. Il avait besoin d'établir un contact parce qu'il savait qu'en reprenant chacun des points qu'elle avait énoncés, il risquait de la froisser ou de la mettre mal-à-l'aise. Ce n'était pas ce qu'il voulait, en premier lieu, mais il voulait lui faire comprendre qu'il n'y avait aucun mal à ressentir cela. Qu'elle ne devait pas en avoir honte. Qu'elle devait l'accepter. Fini le temps durant lequel ils fuyaient comme deux autruches. Il n'avait plus le droit de faire cela. Pas maintenant qu'il y avait Sasha entre eux.

Le mouvement de recul qu'elle eut était un signal. Le signal comme quoi il frôlait dangereusement la limite de l'inacceptable. Il termina donc par une pointe d'humour pour lui montrer qu'il n'était pas là pour lui faire la leçon. D'autres avaient dû le faire bien avant lui. Il réprima un sursaut quand il sentit ses doigts se poser sur sa joue. C'était inattendu... et pourtant si agréable. Mais cela lui laissait aussi un goût amer. Chaque contact, chaque geste qu'elle avait à son égard lui rappelait cette nuit ô combien inoubliable. Même si Liam ne le montrait pas, même s'il en riait ou évoquait cette nuit pour la rendre mal-à-l'aise, le jeune homme n'avait pas oublié un seul instant de ce moment privilégié. Son parfum et la douceur de sa peau resteraient sûrement gravés à jamais dans sa mémoire. Depuis, il avait eu d'autres femmes dans les bras, mais aucune n'avait laissé un tel souvenir. Charley restait son idéal féminin par excellence. Un idéal, encore bien inaccessible. Il leva les yeux au ciel face à sa réponse, ne s'empêchant pas de rétorquer : "Jimmy Duncan ? Tu veux dire l'armoire à glace qui réfléchit plus avec son poing qu'avec son cerveau ?" Mauvaise foi ? Évidemment. "Ne me dis pas que les rumeurs étaient vraies ?!" Il lâcha un rire, en secouant la tête. Ils faisaient partie d'un univers, en grande partie masculin, mais les rumeurs circulaient tout aussi rapidement. Alors oui, les rumeurs d'une idylle entre Hawkes et Duncan étaient parvenus aux oreilles de Matthews. Qui s'en contrebalançait à l'époque. Jusqu'à ce qu'il soit, lui aussi, victime de rumeurs. Beaucoup croyaient que Liam et Charley menaient une relation passionnelle, qu'il trompait Tara avec la blonde et qu'ils dissimulaient cette relation à travers une rivalité bien jouée. Cela l'avait grandement énervé, surtout pour un homme comme lui qui était d'une fidélité sans failles. "Mouais... au final, c'est avec le sourire à fossettes que tu as fait un enfant. Pas avec Duncan." Il sourit de toutes ses dents, sachant que cette réplique lui clouerait le bec. Mais petit à petit, la discussion reprenait un tournant plus sérieux. Charley le surprenait. Elle se confiait, s'expliquait là où, quelques années auparavant, elle se serait butée ou murée dans un silence. Liam aimait encore plus la femme qu'elle était devenue et le petit sourire qu'il avait sur les lèvres en témoignait. Elijah. Elle ne le ménageait décidément pas. "Il est tellement différent de toi..." Il ne rajouta rien d'autre. On disait que les contraires s'attiraient, mais là, ils étaient littéralement à mille lieues l'un de l'autre. Liam l'avait constaté en cinq minutes. Elijah n'était pas pour elle. Et Charley n'était pas pour lui. Il se retint de lui demander la raison pour laquelle elle s'était mise avec lui, mais estima que cela ne le regardait absolument pas. La suite de ses confidences touchèrent Liam en plein coeur. Elle l'avait dit : elle ne voulait pas revenir en arrière. La police, c'était terminé pour elle. Bien sûr, ces paroles étaient difficiles à entendre parce que Liam voyait en elle un agent de police hautement expérimenté, qui avait parfaitement sa place dans ce milieu-là. C'était sûrement le Boss qui parlait à cet instant-là. Mais malgré cela, il comprenait son choix. Elle n'avait pas besoin d'en dire davantage. Sasha était là et il passait avant tout. Un nouveau sourire élargit les lèvres de l'ex-policier. Il ne lui en voulait pas, au contraire. Il était désormais fixé. Rassuré de voir que l'accident n'avait pas laissé autant de séquelles chez elle. Doucement, il reprit : "Dans ce cas, on va faire de toi une détective privée au top." Il serait là, encore une fois. Charley évoqua d'ailleurs ces propos-là et le remercia pour tout ce qu'il avait fait aujourd'hui. Liam secoua la tête et répondit : "Tu n'as pas à me remercier pour cela. C'est normal d'être là et de te soutenir. Tu restes ma partenaire, Hawkes... et la mère de mon fils, de surcroît, ce qui fait que je serai encore plus collé à tes basques. Je te plains tellement." termina-t-il avec un sourire malicieux. La suite de sa phrase, en revanche, il ne l'avait pas vu venir ! Il se tourna vers elle, le sourcil arqué, à se demander s'il avait vraiment bien entendu ce qu'elle lui demandait. "S'il y a bien le traversin, je suis partant. Je ne voudrais pas que tu me sautes dessus, tout court." Oui, il se la jouait relou pour essayer de la faire rire. De lui remonter le moral coûte que coûte. Il continua sur cette voie-là : " Et précise à ton père que je dormirai par terre. Je ne voudrais pas me faire trucider." Mais il reprit, toujours plus sérieux : "Si tu tiens à ce que je sois présent, dans ce cas, je veux bien rester avec toi cette nuit." Au fond, cela l'arrangeait aussi. Il n'avait pas envie de retourner chez lui, dans son mobile-home dénué de vie. Pas en sachant Charley et Sasha si proches de lui. Il s'éloigna de Charley, sa main tâtonnant sur le lit jusqu'à trouver son fils. Liam posa une main réconfortante sur le visage du petit garçon et déposa un baiser sur son front, chuchotant doucement : "Bonne nuit, mon p'tit gars." Il revint vers Charley, posant une main sur son dos, pour se guider. "Je te suis." Il avança jusqu'à cette chambre d'amis, au sein de laquelle ils prirent rapidement place. Un sourire malicieux sur les lèvres et afin de l'embêter comme il se doit, Liam tapota le traversin qu'il avait installé entre eux. Mais très vite, le traversin reprit sa place initiale et ce furent les bras de Liam qui attirèrent la blonde contre lui. La conversation était légère. Ils refirent le monde à leur manière, tentant de faire fi des horribles heures vécues ces derniers jours. Quand la respiration de Charley se fit plus forte, signe qu'elle s'était enfin endormie, le jeune aveugle déposa un tendre baiser sur sa chevelure blonde, se laissant à son tour tomber dans les bras de Morphée.
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