Screw this ✘ Marnie ♡

“their heart grew cold they let their wings down”

22h42. Entre les murs endormis du Quaterly.
«Je n’avais que des envies éparses, sans but, un peu répétitives, mais en sa compagnie, je n’avais que des rêves, des espoirs, de futurs désirs. Je m’avançais au bord de la mer, prise avec moi-même et le rythme des vagues, le claquement de l’eau contre le gravier, le soleil plongeant ses mains rayonnantes dans l’eau, je voyais l’horizon, je voyais enfin un sens à tout, à absolument tout ce qui m’était problématique. Parce qu’il y avait elle dans ma vie, même aussi loin ou inconnue avait-elle été, je savais qu’elle avait creusé sa place, tranquillement dans mon existence et qu’encore aujourd’hui, elle n’arrêterait pas de l’agrandir, à mon plus dam. Elle avait fait de mon cœur sa tombe où elle savait qu’elle y mourait, un jour l’autre, seul le temps nous étant encore indéterminé.»  ©Sosocha

Il surlignait des mots, avalait une énorme gorgée de fort, pliait les yeux sur une phrase, laissait de nouveau la sensation de brûlure s'installer dans sa gorge, recommençait la lecture du début, termina son verre, arracha le papier de ses mains tremblantes. Il y arrivait pas. Il voulait vraiment, mais ça y arrivait pas. Nolan restait aggripé à cette partie, à cette partie en particulier, tous ces mots, ce sens, tous ce qu'ils évoquaient lui rappellaient beaucoup de souvenirs, beaucoup d'émotions du passé, des états d'âme envolés, des bribes de jours malheureux et gâtés par les incidents de la vie. Sa tête était étourdie. Ses yeux pétillaients. Il laissait parfois l'amertume de cette nuit l'envahir, respirant fortement, essayant de reprendre ses esprits. La projection de la lune contre ses papiers, l'éclat des astres noctambules sur cette partie, cet amour qu'on croit plus fort que tout, le seul paragraphe que Nolan ne pouvait échapper. Autour de lui régnait un silence d'une lourdeur accablante. On y voyait à peine son reflet. C'était plus fort que lui. Il ne pouvait pas échapper au cycle. C'est ce qu'il avait toujours pensé. Mélancolie, acrimonie, tourbillon d'un esprit qui l'envahissait lorsqu'il se décidait de prendre un verre, innocemment avait-il songé. Ça revenait, ça l'empêchait, ça le hantait même dans son refuge en papier, dans sa tour d'ivoire, il n'était pas sauvé. «Screw that shit» Il envoya sa chaise se fracasser contre un bureau au loin. C'était pas vrai, il allait pas se laisser avoir par des songes enivrés. Il empoigna son manteau. Le feu de la nuit qui éclaire cette partie. Comme une boucle infinie. Les mots s'effacent. Les idées restent.

23h05. Elm Street.
Regard perché sur un monde artificiel, les yeux qui s'emparent d'une énergie démentielle, une énergie qu'il a furieusement besoin. Son sang bouillait. Les mots l'encerclaient. Il se sentait déséquilibré, assoiffé, livré à lui-même, une meute de chacals lui ayant lacéré la peau. Il était entouré de pensées abstraites qu'il était incapable de tuer. Nolan scruta l'endroit, les yeux graves, le visage tendu. «Screw all of it» C'est ce qu'il voulait. Les bras se relâchent, sa volonté diminuait, les liens se brisaient. Il prit place au comptoir, les yeux baissants vers la terre, le souffle saccadé. Nolan sentait l'étau se refermer sur lui. Il ne sentait plus lui-même ce soir, tout ce qu'il avait compris semblait n'être qu'à la limite de ce qu'il pouvait contrôller, il ressentait la fragile brisure. Un rhum. Un de vodka, un autre de rhum puis finalement un verre de scotch pour finir en beauté. Il gardait le verre entre ses mains engourdis, le regard perdu, la tête encore qui lui jouait des tours. Il avait le coeur lourd, il songeait à nouveau cette partie délaissée. Hazel, il pensait à elle maintenant. Sa fragilité, l'idée de retomber, tous ces jours perdus dans la brume, tout ce passé qui semblait si frais, si réel qu'il ne croyait n'en être jamais vraiment sorti. Nolan n'était pas lui-même. Doucement, ses yeux ténébreux se tournèrent. Une silhouette, un fantôme. Il passa ses yeux sur cette entité, son coeur tombait en pièces, le besoin de réalité le dévorait. «Tu veux à boire? » Sa voix était chaude, cassée, mais quand même vibrante. Son allure, il ne savait rien. Il avait l'impression d'être une forme mouvante, disloqué, démembré. Il soupira. Brûlûre dans la gorge. «C'est moi qui offre ce soir, c'est moi qui donne. » Pourquoi? Parce qu'il se sentait disparaitre, avalé complétement par les griffes fumantes de sa pensée, juste pour ça. Pour l'instant, il laissait toutes ses gardes retomber, ignorant ce qu'il en adviendrait.   

©junne.