first breath after coma (lily-anaëlle)

Il semblait paniquer à l'idée d'organiser le mariage en si peu de temps. Tu le comprenais toi aussi tu l'étais. Pourtant tu n'avais pas l'impression de laisser les choses aux hasard. Vous aviez deux mois pour tout faire, deux mois pour mobiliser tout le monde. Une fois que tu aurais parlé de cet engagement à tout ceux que tu connaissais, tu étais certaine qu'ils seraient tous prêt à mettre la main à la pâte pour t'aider à obtenir le mariage parfait. « Je ne me suis marié qu'une fois et c'était du total imprévu alors je ne sais pas. » avouais-tu doucement. On ne pouvait pas dire que ton mariage avec Noé avait été une super idée. Sur le moment oui, parce que tu avais voulu lui venir en aide. C'était un saut rapide à la mairie et les choses étaient finis aussi vite qu'elles avaient commencés « Pour le gâteau oui il le faudra, pour la cérémonie je ne pense pas, si on le fait chez moi avec mon ami et après il faudra penser à ton costume mais je pense qu'on a tout dans l'ensemble ! » Dis comme ça tu avais l'impression que c'était aussi facile que ça d'organiser un mariage. Qu'il suffisait d'un claquement de doigt et le tour était joué mais pourtant, dans les films les fiancés semblaient mettre plus de six mois à le faire. Surtout parce qu'elles voulaient un lieu cosy alors que tu t'en moquais pas mal de faire ça dehors ou dedans. Tu t'en moquais pas mal d'avoir une allée fleurie, d'avoir des demoiselles d'honneurs jetant des fleurs avant ton passage. Il est vrai que petit tu rêvais de te marier sur le belvédère de la ville parce que tu trouvais l'endroit cosy et que le cadre était romantique. Mais aujourd'hui, tu avais l'homme que tu aimais et tu saurais te contenter d'un rien parce que ce n'était pas le lieu le plus important. C'était de lui dire oui, à lui. Aussi simplement que ça. Il te complimentait déjà sur ta tenue alors que tu ne l'avais pas encore essayé, que tu ne l'avais pas encore demandé à sa mère. Mais c'était une très belle robe, tu avais déjà eu le droit de regarder tous les albums de familles, encore et encore. De revoir Nelligan petit et de le regarder grandir au fur et à mesure des pages. A chaque fois tu avais l'impression de le découvrir, d'en apprendre un peu plus sur lui jusqu'à tout savoir, jusqu'à connaître chaque histoire qui se cache derrière chaque photo. « Oh il n'y en aura pas dix, mais est-ce que tu crois que deux ou trois c'est acceptable ? » Tu avais trop de personnes importantes dans ta vie pour te contenter d'en choisir qu'une. Il y avait Léo, il y avait Nevaeh mais il y avait aussi Concho. Sans oublier Ally. Ces quatre personnes sont celles qui t'ont vu le plus grandir, celles qui t'ont aidé et soutenu dans chaque moment de ta vie. Tous plus ou moins à une période assez différentes d'ailleurs mais chacun comptait trop pour que tu fasses un choix. Tu les voulais tous même si ça paraissait excessif. De son côté, tu ne savais même pas à qui Nelligan pourrait demander. Peut-être Ally, puisqu'elle était votre amie en commun ou peut-être Lou. Même si actuellement son état était assez critique à elle aussi. Tu n'avais même pas osé lui en parler, peut-être dans les jours à venir. Il finirait bien par demander des nouvelles des gens à qui il tient. « On fera tout ensemble, ne t'inquiète pas pour tout ça ! » Tu esquissais un grand sourire. Ton mariage était prêt depuis des années à vrai dire. Chaque nuit quand tu avais seize ans, tu l'imaginais avec Nelligan puisque c'était ton copain de l'époque. Et pendant longtemps il n'y avait eu que lui dans ce rêve, même après votre rupture. Même pendant que tu sortais avec Zach. Ce qui t'avait apporté de la confusion, mais tu pensais que ta tête te jouait de mauvais tours. Mais maintenant ce n'était plus ton mariage, c'était le vôtre et tu étais prête à passer autant temps qu'il le faudrait sur pinterest afin de peaufiner tous les détails. « Tu sors du coma, le médecin a dit que si tu avais faim, il ne fallait pas hésiter et quand ça irait mieux, tu devras te plier aux horaires ! » Un peu comme un privilège même si tu aurais aimé que rien de tout ça ne se produise. Mais puisqu'il avait faim, tu appuyais sur le petit bouton accroché au mur qui enverrait une alerte aux infirmières. Et le temps qu'elles arrivent, tu laissais ta tête glisser sur son épaule.

Effectivement, Nelligan paniquait un peu. Non seulement cette demande était inattendue mais, au surplus, tout semblait arriver tellement vite. Il avait l’impression que dans les films, organiser un mariage était toute une épopée. C’était d’ailleurs les raisons justifiant l’existence des organisatrices de mariage. La seule qu’il connaissait, malheureusement, était son ex petite amie, Lola, qui s’était reconvertie suite à l’arrivée d’une amie qui lui avait tout montré du métier. Nelligan se doutait fort bien qu’elle ne prendrait pas à cœur la tâche et lui non plus n’avait pas vraiment envie de la mêler à l’organisation de son mariage. Malgré ses excuses, Lola et lui n’étaient pas dans les meilleurs termes, ce qu’il comprenait tout à fait. Ils ne seraient que des ex, pour toujours. L’amitié qu’ils avaient eue autrefois ne pourrait jamais revenir. Pas sans un fond de rancune, et ça, ça ne servait jamais de très bonne base à une relation. Bref, ils allaient devoir tout faire par eux-mêmes, et Nelligan voyait cela comme une montagne d’ici Noël. Lily-Anaëlle, de son côté, ne semblait pas si anxieuse par rapport à ces détails. Il était vrai que l’important était qu’ils s’aimaient, peu importe la grandeur et la réussite totale de cette journée du mariage. Mais lui ne prévoyait se marier qu’une fois, alors il voulait bien le faire. « On pourrait passer une commande chez Imogen pour le gâteau ? Et faudra passer une commande pour les fleurs, aussi. Et la nourriture … je sais pas trop qui fait le meilleur service de traiteur en ville … » Il réfléchissait à voix haute. En tout cas, autant il avait encore de la difficulté avec ses capacités motrices, autant son débit de voix était revenu rapidement à la normale avec cette demande en mariage. Nelligan inspira profondément, tentant de retrouver son calme, sinon ses battements cardiaques sur la machine allaient alarmer le personnel infirmier. « On a le temps d’y penser. C’est pas aujourd’hui qu’on passera les coups de fil de toute façon. » Déclara-t-il, surtout pour se raisonner lui-même, car clairement c’était lui qui en avait besoin. Il prit alors le temps de s’imaginer Lily-Anaëlle dans la robe de sa mère et il ne put s’empêcher de la complimenter d’avance, car rien que son imagination arrivait à le convaincre de sa beauté. Ils parlèrent ensuite des garçons et des demoiselles d’honneur, songeant à combien ils devaient se limiter. « Trois me semble être un bon chiffre. » Conclut-il, voyant les noms de Jayson, de Heather ou encore Lou et Liam défiler dans sa tête. Ça, c’était parce qu’il ignorait encore que Lou ne serait sans doute pas en état de venir à son mariage, alors encore moins de se tenir à ses côtés pendant la cérémonie. Déclarant vouloir organiser ce mariage avec elle, Nelligan parla de catalogue et de sites Internet. Elle accepta, évidemment. Bref, toute cette réflexion avait creusé l’appétit de l’homme et la brunette lui apprit qu’il avait droit de manger à l’heure qu’il désirait, pour les premiers jours. Il hocha la tête alors que la jeune femme appuyait sur le bouton relié au bureau des infirmières au bout du couloir. L’une d’entre elles arriva bien vite, et s’en retourna chercher un plateau quand Nelligan lui demanda de quoi manger. Une fois bien installé, il s’apprêtait à manger mais quand il voulut porter le sandwich à ses lèvres, c’est plutôt son front qui reçut le petit triangle de pain et de jambon haché. « Haha. » Un rire nerveux s’échappa d’entre ses lèvres. « Ça fait trop longtemps, j’en oublie comment on mange … » Ce fut avec lenteur et essais et erreurs que Nelligan arriva finalement à porter le sandwich à sa bouche. Il mangea tranquillement, attrapant à tâtons une petite serviette qu’il porta à son front, en visant plus ou moins juste encore une fois, pour se nettoyer. « J'suis un peu légume ou c’est normal ? » Demanda-t-il, inquiet.

Peut-être que tu prenais tout ça un peu trop à la légère, peut-être que tu ne réalisais pas vraiment tout le travail que ça allait impliquer mais le fait était qu'il avait dit oui. Qu'il voulait t'épouser, tu avais le sentiment qu'à partir de là les choses se feraient en douceur. Il allait être alité quelques jours voire des semaines, tu n'avais pas de travail puisqu'il fallait reconstruire la librairie et tu attendais encore l'argent de l'assurance, ce qui voulait dire que vous alliez passer les prochains jours ensemble à traîner sur un ordi pour regarder les tableaux Pinterest, à se mettre d'accord sur les petits détails et vous auriez de l'aide. D'abord de ses parents parce qu'ils étaient toujours là et aussi de vos amis puisque votre union était une évidence pour pas mal d'entre eux. Il avait juste fallu le temps. « On fera tout en temps et en heure. » Et tout irait pour le mieux à partir de maintenant. Vous alliez surmonter la mort de Lexi et de tous vos proches, organiser un beau mariage et être heureux. Le repas venait d'arriver et tu allais lui proposer ton aide mais tu te retenais. Tu ne voulais pas l'infantiliser et il était important pour toi de voir où il en était neurologiquement parlant. C'était affreux pour toi de le voir planter son sandwich dans le front plutôt que dans la bouche mais il avait fini par y arriver. Tu le fixais en tentant d'être le plus impassible, mais s'il était attentif il pouvait très facilement lire l'inquiétude sur ton visage. Tu n'avais même pas réussi à sourire lorsqu'il avait fait un commentaire sur le fait que ça faisait longtemps et qu'il avait oublié comment s'y prendre. « Tu n'as rien d'un légume. C'est des petites séquelles que les médecins ont envisagées à cause de ce que tu as pris sur la tête et du coma mais ils ont dit qu'avec un peu de pratique tout se remettrait rapidement en place. » Tu dessinais un léger sourire sur ton visage, tu ne voulais pas l'affoler m, le faire paniquer. Tu avais repris les mots des médecins mais tu avais mis de côté le fait qu'il pouvait aussi rester comme ça toute sa vie. Il y avait eu assez de mauvaises nouvelles pour le moment et tu voulais qu'il croit en lui, qu'il ne se prenne pas la tête si ça mettait un peu de temps à se remettre en place.

Une fois la surprise de toutes les nouvelles passée, Nelligan redescendait peu à peu sur Terre. Enfin, la moitié de lui-même qui s’était envolée, du moins. L’autre moitié, celle qui était atterrée par le décès de sa sœur, tentait de se relever pour aller rejoindre l’autre, mais c’était trop tôt. Malgré les bonnes nouvelles, malgré le futur qui s’offrait à lui, il venait de perdre sa meilleure amie depuis toujours. Ils avaient fini de parler de leur mariage, parce que ce ne serait pas dans son lit d’hôpital que Nelligan pourrait réellement se pencher sur l’organisation, et parce qu’ils devaient encore se faire à l’idée, aussi. Ça ne servait à rien de se presser, pas dès la première journée de leurs fiançailles qui en seraient de très courtes vue la date proposée du jour J. Plus vite il s’unissait à Lily-Anaëlle, mieux Nelligan se porterait. C’était sans donc mieux ainsi, donc. Bref, l’homme demanda à l’infirmière de service s’il avait droit à un repas, ce qu’elle accepta. Elle revint quelques minutes plus tard avec le plateau, et c’est en tentant de manger son contenu que le jeune homme réalisa à quel point le coma avait pu lui laisser des séquelles, même si au premier regard, il ne laissait rien paraître. Il n’arrivait même pas à porter sa fourchette à sa bouche, mouvement pourtant imprégné dans la mémoire motrice de n’importe quel adulte. Ne relevant même pas l’humour nerveux de son fiancé - ! -, Lily-Anaëlle expliqua ce que les médecins lui avaient sans doute dit, à elle et à ses parents. Il hocha la tête. « Et en attendant que ça se remette en place … » Nelligan regarda sa fourchette, et la nourriture dans son assiette. Au rythme où il allait, ça lui prendrait bien trois mois avaler tout ce qu’il y avait. Il leva donc les yeux vers la brunette et termina sa phrase : « … Tu voudrais m’aider à manger ? » Il avait faim et la patience n’était pas au rendez-vous. Il allait envoyer valser le plateau avant d’avoir réussi à prendre une bouchée. Nelligan ne voulait pas trop s’inquiéter mais, en même temps, il se demandait jusqu’où allait la liste de ces petites séquelles dont Lily-Anaëlle parlait. Aurait-elle à le faire vivre pendant des semaines et des semaines ? Il ne supporterait pas d’être un tel fardeau, même s’il s’agissait de sa dorénavant fiancée.

Tu lui avais vite expliquer la situation, qu'il semblait prendre assez bien. Il avait essayé l'humour mais avec l’ascenseur émotionnelle qu'il venait de vivre depuis son réveil, tu avais un peu de mal à rire pour tout et n'importe quoi. Peut-être que ça l'aurait aidé mais tu ne t'en étais pas sentie capable. « Ça va vite passer. » En tout cas, c'est ce que tu tenais à croire et si ça ne l'était pas, tu serais là. Tu le serais toujours pour lui parce que tu l'aimais et que l'amour était plus fort que tout ça. Tant que tu l'avais à tes côtés, tu serais assez forte pour deux. « Bien sûr ! » Tu attrapais la fourchette de ses mains pour la lui porter à ses lèvres, tu l'aidais à le manger jusqu'à la dernière bouchée, l'aidant par la suite à boire un peu d'eau et tu terminais en lui essuyant la bouche. Tu jetais tous les déchets à la poubelle, repoussant l'adaptable dans le coin de la pièce, comme il l'était, habituellement. Tu retournais rapidement t'asseoir au bord de son lit, glissant sa main dans la sienne, un léger sourire sur le visage. « Tu devrais te reposer maintenant, je reviendrais demain à la première heure, d'accord ? » Tu lui déposais un baiser sur le front avant de l'embrasser doucement, lui murmurant un dernier « je t'aime » au creux de l'oreille. Tu serrais sa main dans la sienne une dernière fois, tu espérais qu'il arriverait à dormir, qu'il arriverait à se vider la tête parce que tu te doutais bien qu'en le laissant seul, il allait cogiter, être triste et sûrement pleurer. Mais tu ne pouvais pas rester, tu avais déjà eu l'autorisation de rester un moment parce que l'heure des visites étaient finies depuis bien longtemps. Mesures exceptionnelles, cas exceptionnel. Tu n'avais pas le cœur de le laisser là, mais tu n'avais pas ton mot à dire. Tu éteignais la lumière, refermant la porte derrière toi.

Lily-Anaëlle n’avait pas hésité une seule seconde à attraper la fourchette et à l’aider à manger. Nelligan réalisait qu’elle était sans doute la seule qu’il aurait pu laisser faire, hormis sa mère, sans être submergé par la honte. Certes, il ne se sentait absolument pas glorieux en ce moment, mais il savait que Lily-Anaëlle ne le jugeait pas pour autant, au contraire, elle savait les raisons de cet état et était prête à tout pour l’aider à faciliter son réveil, son retour à la vie, en quelque sorte. « Merci … » Avais soufflé Nelligan, gêné après que sa copine ait essuyé ses lèvres. Il posa sa tête sur son oreiller quand la brunette lui suggéra de se reposer, ajoutant qu’elle reviendrait demain matin. Son cœur se serra, mais il opina quand même. « D’accord … » Il n’avait pas du tout envie de la voir partir, il n’avait pas du tout envie de se retrouver seul, mais il savait qu’ils n’avaient pas le choix de se séparer pour la nuit. Il lui murmura à son tour qu’il l’aimait, et la laissa partir, ne la quittant pas du regard jusqu’à ce qu’elle disparaisse au bout du couloir. Ses parents revinrent une vingtaine de minutes plus tard, eux aussi autorisés à rester plus longtemps, mais ils venaient de se faire prier de partir pour la nuit, cette fois. Ils saluèrent leur fils, promirent de revenir le lendemain également, et partirent. Les lumières éteintes pour la nuit, Nelligan fixait le plafond qu’il distinguait à peine et, comme Lily-Anaëlle l’avait pressenti à l’intérieur d’elle-même, il passa la nuit à affronter sa peine, son angoisse, son deuil de sa sœur et d'une partie de lui-même.

FIN