steal my sunshine + neal

Je sortais d’une aventure de ski nautique et je riais de bon cœur. Je marchais sur la plage seule. Le fait d’être seule ne m’empêchait pas de faire quoi que ce soit et c’était bien ainsi. J’essorais mes cheveux sur le sable et le fait d’être bien vivante me faisait sentir bien. Je m’allongeais sur le sable chaud, puis je me relevais lentement. Mes yeux se perdaient sur la plage. J’étais vivante, à Bowen, ma sœur allait bien et avait survécu au séisme. Je tombais peu à peu amoureuse d’un homme et mes sentiments étaient davantage amplifiés envers la vie. Mon cœur battait à tout rompre et j’étais reconnaissante. Reconnaissante de la vie qui m’avait apportée jusqu’ici. Reconnaissante à mes employeurs de m’avoir laissé un peu plus de temps avec ma sœur, du temps pour me retrouver avant toute la saga qui avançait pour moi. Je buvais un peu d’eau et je regardais autour de moi, les enfants jouaient avec leurs parents, des couples s’aimaient publiquement, des amis déconnaient un peu partout. Moi, j’étais seule. Enfin, je croyais l’être. Puis, mon regard se posa sur lui et un frisson trahit ma présence. Ça ne pouvait pas être lui... Il était toujours incarcéré, non? Mon bonheur s’envola en quelques secondes seulement pour laisser place à une inquiétude, une boule se nouait dans mon estomac. Je restais sur place, il me rejoindrait bien tôt ou tard, non? Comment m’avait-il retrouvé? C’était presque impossible après tout ce temps. Et que faisait-il à Bowen... Il était à moitié Australien et j’avais bien tendance à oublier ce détail. J’imitais même son accent à cette période où nous étions heureux. Avant qu’il ne commette ce délit, cette faute grave. Je déglutissais alors qu’il semblait s’approcher davantage. « Neal. » dis-je alors plus pour moi-même que pour lui. Comme si son nom allait me ramener à la réalité.  

La mer était probablement le truc qui lui avait le plus manqué. Il était à peine arrivé à Bowen et c’est ici qu’il avait passé la majorité de son temps: devant elle, cette masse bleue et riche et surtout infinie. Il s’était remis aux sports nautiques, ceux qu’il avait le plus affectionné dans sa jeunesse…mais il était très rouillé et cela l’avait frustré assez vite. Aujourd’hui, il s’était contenté d’une baignade bien tranquille.  Le corps dans l’eau, il se laissait tranquillement porter par le courant. Cela faisait bien quelques dizaines de minutes qu’il se laissait flotter au loin, de plus en plus loin, testant ses limites,  et qu’il revenait ensuite à la nage, répétant ce manège sans cesse, simplement satisfait de la sensation de la baignade. Quatre ans…ce n’est pas toute une vie, mais dans le début de la vingtaine, c’est assez long pour avoir l’impression d’oublier les sensations les plus primaires...et toute façon, la notion du temps en prison était tout à fait étirée et tordue… Il revenait pour une énième fois vers la côte quand il aperçut une silhouette…une des rares qui n’avait pas perdu sa définition dans sa tête.  Elle avait sur son visage un sourire serein, rassasié, tranquille. Elle avait aussi vieillie, un peu, mais elle était encore plus belle. Son cœur se serra dans sa poitrine. Il sortit de l’eau en marchant et passa ses deux mains dans ses cheveux épais, dégageant son front. Il remarqua la détresse dans son regard lorsqu’elle l’aperçue de loin. Il la remarqua, mais une partie de lui voulue l’ignorer Elle murmura son nom, toujours étendue sur le sable.  Il n’avait pas pensé à ce qu’il lui dirait. Il faut dire qu’il n’avait pas pensé non plus qu’il la rencontrerait dans ces conditions. Il avait passé ces quatre dernières années entouré exclusivement d’hommes… il regarda le corps de Thiago avidement. Il prit place à côté d’elle sans rien dire fixant l’horizon devant lui pour ne pas trop paraître obsédé. Il pris son temps avant de tourner la tête vers elle, cherchant à respirer plus normalement…il en était incapable… Il attrapa de ses deux mains les cou de Thiago, glissant ses doigts dans ses cheveux humides et l’embrassa assez intensément, respirant son odeur, goûtant au sel sur ses lèvres. Neal était impulsif, l’avait toujours été.  Il ne fit pas attention à la durée de cette étrange étreinte, mais finit par déposer son front sur le sien, rompant le contact de leur bouche.

- J’imagine que je devais pas vraiment faire ça.

Elle avait probablement quelqu’un dans sa vie. Elle avait probablement une vie point. Il retira ses mains qu’il avait gardées sur le cou de la jeune femme et en passa une sur son propre visage.

- Désolé, soupira-t-il, C'est juste...ça fait longtemps..

Il laissa tomber sa phrase.

Je ne m’attendais pas à le voir ici. Il avait la nationalité double, nous en avions parlé à l’époque où je souhaitais venir voir Ezekielle. Un peu avant son procès, avant toutes ses conneries qu’il avait fait sans que je comprenne. Nous étions heureux au départ, non? Suite à son regard, il s’installait près de moi et je lui faisais un petit sourire. Un sourire qui aurait montré beaucoup d’assurance si j’en avais été capable... Mes yeux démontraient quant à eux toute leur vulnérabilité. Mon corps tressaillait à sa présence, comme s’il avait été une drogue dont on m’avait privé. Mes pensées allaient à toute allure et Neal, lui, m’embrassait avec une étrange intensité. J’en tremblais tout en lui remettant le baiser. « J’imagine que je devrais pas vraiment faire ça. » Je ne savais pas quoi répondre, je ne savais pas quoi faire. Je gardais donc le silence alors que ses mains me quittaient, laissant une trace anormalement chaude où elles étaient posées un peu plus tôt. « Désolé. C’est juste ... ça fait longtemps... » Je hochais la tête, je comprenais. C’était bien la seule partie que je comprenais. Parce qu’entre temps, le visage d’Ezra était venu dans ma tête et j’avais eu une pensée pour Woody et notre secret. « Pourquoi? » demandais-je alors donc. Pourquoi ce baiser? Pourquoi avait-il commis ce crime? Nous étions pourtant si bien à cette époque qui me semblait lointaine. Je me mordillais la lèvre nerveusement. Mon corps se rappelait de toutes ses caresses, il avait été le premier à l’avoir aussi bien connu, après tout. C’était normal que je tressaille, non? J’avais peur de foutre le bordel. J’avais peur que lui, foute le bordel, mais surtout j’avais peur de lui. De l’emprise qu’il pouvait avoir sur moi avec tous ces souvenirs, ce passé commun et surtout l’amour de l’époque qui s’était dissipé au moment où le juge l’avait condamné à ce temps de prison. 

Il était à présent incapable de détacher son regard d’elle. Elle se trouvait là assise devant lui…touchable. Il aurait pu faire mille une chose après sa sortie...mais sa relation brusquement interrompue avec cette femme qu'il trouvait sublime et avec qui il avait partager tant de moments complices l'avait obsédé trop longtemps. Il avait fallu qu'il la voit. Cela faisait quatre années qu’il ne pouvait que se rappeler, puis oublier, puis ensuite imaginer, cette sensation….Cette sensation de passer sa main sur sa peau, sur ses côtes…de la laisser glisser jusqu’au bas de son ventre…Oui, il avait très bien connu ce corps…tout comme elle avait connu le sien. Les jambes de Thiago étaient tremblantes. Il posa une main sur une de ses cuisses. La dernière fois qu’il l’avait tenue ainsi, elle n’avait que 17 ans. Il la parcourut des yeux…avant d’observer son visage…c’était comme irréel. Tenir son regard était le plus difficile. Il l’avait tellement aimée…ils avaient été bien…en fait il avait l’impression de toujours l’aimer, puisqu’il ne l’avait jamais cessé en réalité. C’était un sentiment suspendu au dessus de lui et elle, près à tomber et à éclater. Elle avait peur de cela. Il le voyait dans son regard. Il était une menace…quelque chose pouvant potentiellement briser ce qu’elle s’efforçait de construire…

Pourquoi?

Pourquoi? Quoi….Pourquoi le crime? Pourquoi ce retour ici? Pourquoi cette main sur son corps? Pourquoi lui et elle? Pourquoi maintenant? Il n’avait rien à répondre à cette question…ou trop de choses en réalité.

- Thia…

Il pensait à ce regard qu’elle avait eu quand on l’avait condamné. C’est lui qui avait peur maintenant.

- Pourquoi tu as arrêtée de venir me voir… Je suis plus que cette soirée là... Je comprends que…que tu aies voulu avancer…mais ce silence…

Sa main, celle qui n’était pas sur la cuisse de la jeune femme, se glissa délicatement sur le côté de sa tête, son pouce sur sa pommette et ses doigts s’emmêlant dans ses cheveux blonds. De voir devant lui ce visage dont il ne s’était contenté que du souvenir depuis trop longtemps le rendait fou.

- God. Tu m’as manqué, murmura-t-il.

À une certaine époque, on se connaissait par cœur. Dessiner son corps les yeux fermés aurait été une tâche facile à l’époque. Maintenant, nous n’étions que deux étrangers un peu maladroits l’un avec l’autre. Il posait sa main sur ma cuisse, comme si rien n’avait changé et bien que les tremblements physiques s’arrêtaient, une décharge électrique me secouait rapidement. À ma question, il ne répondait que mon surnom. Ma question avait été si vague et je la regrettais presque. « Pourquoi tu as arrêté de venir me voir... Je suis plus que cette soirée là... Je comprends que... que tu aies voulu avancer... mais ce silence... » Je déglutissais difficilement. Chaque mot qu’il prononçait n’était qu’une écharde de plus qu’il faisait entrer dans ma peau. Il ressassait ma culpabilité et mon silence ne quittait pas mes lèvres. Aucun mot ne pouvait sortir. Peut-être parce qu’il n’y en avait pas un suffisamment bon pour que je puisse le lui dire. Aucun groupe de mots existants n’était assez bien. Peut-être que la vérité suffirait après tout. Ma bouche s’asséchait. « Ce n’était pas facile, Neal. » commençais-je doucement. Jamais ça ne le serait, d’ailleurs. Son nouveau toucher me perturbait. Il recommençait et je sentais une chaleur folle me pénétrer. « J’avais mes études... J’avais ce voyage, ce contrat. Je ne pouvais pas te dire la vérité, c’était bien trop cruel de te dire que je continuais à vivre sans toi. » J’avais failli ajouter que ça lui aurait briser le cœur, mais je me doutais qu’à elle seule, mon absence avait fait tout le travail. Et malgré moi, les larmes perlaient mes yeux. Je ne les autorisais pas à devenir une chaîne sur mes joues. « Et parce qu’encore trois ans plus tard, je ne comprends pas pourquoi t’as fait ça. On était heureux. » avais-je laissé tomber tristement, ma voix se cassant presque. Me demandant si au fond de moi, ça avait été ma faute. Avais-je été trop exigeante envers lui? Avais-je été trop mauvaise? Je me sentais étrangement coupable d’avoir recommencé à vivre. Il s’attardait de trop près sur mon visage. Il me faisait de ces aveux qui me tuaient un peu plus intérieurement, ceux qui me faisaient du mal : le vrai. « À moi aussi. » admis-je après quelques secondes de silence. La culpabilité en moi remontait. Il m’avait manqué, oui. Mais j’étais passée à autre chose alors que mon corps réagissait à chacun de ses mouvements.

Neal tenait toujours son visage dans sa main, ses yeux étant incapables de se détacher de ses traits. Toutefois, c’était son sourire qu’il aurait aimé voir. Il avait devant lui ce même regard brisé que celui qu’elle avait arboré cette journée-là. Il avait devant lui ces mêmes yeux qui l’avaient suivie à chaque visite, de plus en plus tristes, de plus en plus torturés, jusqu’à ce qu’il ne les voit plus.

Du moins jusqu’à aujourd’hui.

Il avait ouvert la bouche, comme pour parler, mais il se ravisa. Il avait eu envi de lui cracher au visage, dans un excès de douleur, que ce qui pouvait avoir semblé difficile pour elle avait été atroce pour lui, mais il n’était pas là pour comparer leurs blessures et la façon dont ses yeux devenaient de plus en plus humides, la façon dont sa voix se brisait, le convainquirent, qu’en réalité, il ne pouvait peut-être pas comprendre.  

Sa réponse lui donna le vertige…ces études, ce contrat, cette vie. Il constatait l’ampleur de son retard sur elle. Sa vie à lui avait été mise sur pause et jusqu’à maintenant, il n’avait pas trop senti le passage de toutes ces années qui s’étaient égrainées sans lui. Qu’avait-il à offrir à cette femme qui s’accomplissait? Encore des mensonges probablement.  Il eut presqu’envie de se lever et de partir. D’une fois encore quitter l’Australie et de simplement se convaincre que c’était une idée folle que d’être venue la voir ici, une lubie, une erreur de parcours. Il oublierait la honte et ferait autre chose de sa vie.

Mais elle lui dit «moi aussi».

Et ça changeait tout. Elle ne réalisait pas qu’un simple mot de sa part pouvait tout changer. Si elle acceptait, un tant soit peu, sa présence dans sa vie, il savait qu’il ne pourrait se permettre de la décevoir une seconde fois. Il fit taire cette voix qui l'agressait, cette voix qui lui disait que, chez lui, un jeu de bon garçon, fidèle et capable de se sortir du crime, ne rendrait personne crédule.

La main qu’il avait posée sur sa cuisse se glissa sur sa taille et celle qui tenait son visage s’enfouit dans ses cheveux. Il l’attira vers lui, l’enlaçant en silence, déposant son menton sur sa tête. Leur peau se touchait à nouveau et cette sensation oubliée refit surface comme une éclaire. Un étrange sentiment de soulagement l’envahit, comme s’il vivait sa sortie de prison réellement pour la première fois et que toutes journées passées avant n’avaient été qu’un rêve fait derrière les barreaux. Il lui donna un premier baisé sur le dessus de la tête, qu’elle avait enfouie dans le creux de sou coup et de son épaule. S’en suivirent frénétiquement plusieurs, sur  le front, sur l’oreille, sur la joue et dans la nuque. Il avait envi de goûter son odeur.

- Je ne sais pas ce que ça implique pour toi…Mais je suis revenu. Je suis là.

Ce questionnement était le plus atroce pour lui. Une partie de lui avait simplement envie de l’ignorer, mais l’autre respectait trop Thiago pour ne pas se le demander.

- Thia…ta vie…elle ressemble à quoi là…

Il était trop faible pour lui poser directement la question pourtant simple; celle lui permettrait de savoir s’il tenait dans ses bras une femme qui était impliquée dans une relation sérieuse avec un autre.

Si j’avais le même sourire absent qu’il y a quelques années, il n’y avait au moins plus de larmes. Il y avait même une jeune femme fière qui se tenait devant lui. Une jeune femme qui s’en était sortie. Un cœur brisé, mais réparé. Un peu maladroitement, certes, mais il l’était. Je pouvais paraître égoïste dans toute cette histoire, mais au fond de moi-même, j’essayais de me convaincre que c’était lui l’égoïste. Lui qui avait décidé de braquer une banque, lui qui avait décidé de suivre ces mecs... Je me sentais comme une idiote au fond de cette histoire, la copine qui n’est pas informée. La copine qui apprend que son mec quitte pour la prison le jour même. J’aurais pu dire que ce n’était qu’un salopard, mais ce n’était pas le fond de ma pensée. Ma pensée elle-même ne comprenait pas ses raisons, ses motifs. Je ne les comprendrais sans doute jamais. En attendant, il me serrait un peu contre lui et peu à peu, je me sentais redevenir sienne. Je tremblais doucement alors que nos échines s’effleuraient. Ses lèvres joignaient ma tête, mon front, mon oreille, ma joue puis ma nuque, me créant quelques frissons. « Je ne sais pas ce que ça implique pour toi... Mais je suis revenu. Je suis là. » Je relevais la tête vers lui, cherchant son regard alors que mes mains ne voulaient que retrouver les siennes. « Ça implique quoi pour toi de revenir? » lui demandais-je donc doucement, trop doucement. Il me demandait ce à quoi ressemblait ma vie. Je poussais un long soupir et j’envoyais une main maladroite dans mes cheveux alors que je cherchais les bons mots. Je ne tardais pas à réaliser qu’il n’en avait pas de bons, mais qu’il en restait quand même. « J’ai pris une année sabbatique de mes études en diététique. Camille, mon agent m’a proposé un contrat de maillot de bain que je ne pouvais pas refuser, dans tous les sens du terme. Je retrouve ma sœur lentement mais surement. » Je cherchais quels mots dire une fois de plus... Il y avait bien Ezraël, oui. Mais au delà de tout ça, étais-je amoureuse? Et Woody avec qui j’avais couché récemment... Je souffrais un peu intérieurement de tout ressasser. Il avait été le premier avec qui j’avais décidé de le faire... Le premier avec qui j’avais trompé Neal physiquement. Parce que psychologiquement, j’étais dans les emmerdes et je savais m’y enfoncer mieux que quiconque. Donc, ouais, c’était l’ensemble de la chose. Je ne disais rien à ce propos. Je ne disais rien sur ce qu’il voulait entendre au même titre que je ne voulais rien dire concernant ce que j’ignorais réellement.  

Sous ses mains le corps de Thiago semblait frêle et tremblant comme une feuille. Il le sentait réagir à chacun de ses gestes et cela lui donnait simplement envie de le toucher davantage. Elle déposa ses mains dans les siennes et chercha son regard. Il le soutint un moment. Ni lui ni elle ne souriait. Toute cette scène était si chargée. Un bonheur indescriptible l’envahissait, mais il se faisait détruire tout aussi rapidement par la réalisation des distances qui les séparaient. Quatre années de distance pour être exact. Comment pouvait-il avoir le sentiment de partager autant avec elle sans même ne l’avoir effleurée depuis autant de temps, sans qu’il ne partage plus rien avec personne, en réalité, depuis un moment déjà. Il tiqua à la mention de sa sœur. Retrouver? Eze était ici? Il chassa cette idée inconfortable de son esprit. Il constata que Thiago ne répondit pas à sa question. Et il savait très bien pourquoi. Elle ne voulait pas laisser la réponse glisser entre ses lèvres pour la même raison qu’il ne voulait pas l'entendre. L’ignorance pouvait justifier n’importe quelle de ses paroles ou des ses actions envers elle. L’ignorance le protégeait du reproche. Il le savait. Elle le savait. Et elle le voulait. Elle voulait qu’il en profite. Neal sourit, d’un sourire à la fois amusé et dépité. Elle avait tant pleuré, tant souffert….mais en réalité tout ce qu’elle trouvait lâche et égoïste en lui était ce qu’elle aimait le plus. Cette façon qu’il avait de tout prendre. Il était insatiable en réalité. Et si elle ne disait rien, il la prendrait elle aussi.  

La bouche de Neal rejoignit la sienne pour la deuxième fois, mais cette fois-ci ce n’était plus un geste impulsif. Chaque mouvement, il les sentait aussi fort qu’un coup de masse dans la poitrine et s’en délectait. La façon dont la peau de leur visage se touchait, dont leur langues s’effleuraient, la façon dont sous ses doigts il sentait Thiago frissonner et ses muscles se tendre. C’était doux, c’était tendre, c’était intense et c’était fort. Lentement, ses dents vinrent attraper délicatement sa lèvre inférieure avant qu’il ne s’éloigne.

- Ça implique que je vais devoir trouver un moyen pour te ravoir. Je n’ai rien d’autre à faire ici.

Dans un geste ferme, mais léger, il la fit s’étendre sur le dos en faisant remonter ses bras au dessus de sa tête. Il laissa se déplacer une de ses mains le long de son corps, la faisant passer sur sa poitrine sans aucune gêne apparente. Il connaissait si bien ce corps en réalité. Il appréciait en observer les détails. Ses yeux le parcouraient, curieux, curieux de le redécouvrir et surtout pressés, comme s’il fallait subitement rattraper tout ce temps gaspiller sans lui. Peu chose ne passaient inaperçues sous son regard. Il voyait à la façon dont son torse se soulevait et à la façon dont sa taille se cambrait légèrement qu’elle était dans le même état que lui.

Il s’allongea, appuya sa tête sur son coude. Leurs regards se retrouvèrent.

- Laisse-moi venir chez toi ce soir.

Je réagissais à ses doigts qui se faufilaient sur ma peau, ils étaient chauds, mais froids à la fois. Ça m’effrayait, ça me paralysait. Il n’y avait plus le bonheur latent, il y avait la crainte. La crainte qu’on lui demande de retourner dans cet endroit froid et sombre qu’était la prison. La crainte qu’on me l’enlève une fois de plus, la crainte qu’il soit forcé de partir. La crainte que rien ne soit plus comme avant, tout avait changé, n’est-ce-pas? La situation était si singulière, si particulière. Moi qui avait eu quelques aventures alors que je le croyais toujours derrière les barreaux et bien qu’au fond de moi, je voulais le retrouver. Je devais au moins lui admettre la vérité. Mais cette vérité était si cruelle, elle faisait si mal. Le silence, lui, était doux. Il ne blessait personne. Il ne caressait que l’ignorance lorsqu’elle le lui permettait. Ses lèvres retrouvaient les miennes une nouvelle fois. Je tressaillais de plus belle et je m’oubliais, j’oubliais tout et je l’embrassais sans retenue. Je le retrouvais pour de bon, cette fois. Je le laissais contrôler ce baiser et le laissait le rompre également. « Ça implique que je vais devoir trouver un moyen pour te ravoir. Je n’ai rien d’autre à faire ici. » Je souriais, je rougissais. Un peu comme une pucelle amoureuse et flattée par un homme. Il ne mentait pas et me poussait à m’allonger. À délaisser ce contrôle qu’il prenait avec joie. Il m’observait et bien qu’un bon nombre de personnes m’observaient sur le catwalk, c’est son regard qui me troublait le plus. Je caressais sa joue comme par instinct. Puis, lorsqu’il se laissait tomber contre moi, je respirais un peu mieux. Comme si le poids était plus léger à l’intérieur de moi. Cette gêne, cette pudeur était partie maintenant. « Laisse-moi venir chez toi ce soir. » Je hochais la tête positivement. Je n’avais pourtant pas envie d’attendre à ce soir. Les hormones bouillonnaient en moi. Je m’approchais de son cou que j’embrassais doucement, je mordillais lentement son oreille en lui susurrant quelques mots doux, quelques mots un peu plus érotiques. Je montais à califourchon par dessus lui, le corps suave. J’allongeais mon corps sur le sien pour mieux lui murmurer à l’oreille. « J’ai pas envie d’attendre à ce soir. » Non, aucune envie. Juste celle de le retrouver.

La voir rougir comme ça à ses mots…cela faisait si longtemps que ce n’était pas arrivé…Oui, la Thiago qu’il avait connu se trouvait bien là, cachée derrière la jeune femme grandie, décidée et professionnelle qui se tenait devant lui. La Thiago qui n’avait pas encore connu grand chose, peut-être plus crédule, peut-être capable de donner davantage, sans se poser de question, sans peurs ni blessure. Celle qui rougissait quand il ne faisait que passer une main dans ses cheveux. Fragile et énergique à la fois. Intelligente et généreuse. Celle dont il était tombé amoureux. Après, il avait eut celle qu’il s’était imaginé, qui l’avait accompagné tout au long de son séjour en prison. Une image, ou souvenir, une sensation transposée. Une représentation palpable qu’une fois les yeux fermés, une personnalité figée dans le temps, qui tranquillement vacillait entre le fantasme et la mémoire : un combat entre son besoin de de fantasmer et sa capacité à se rappeler chaque détails. Et il y avait maintenant. La Thiago qui en réalité était la somme de tout cela, une solution à l’équation. Il se demandait comment ses mains ne tremblaient pas plus tandis qu’elles parcouraient la chaleur de ce corps trop concret.

Sans parler, elle accepta sa requête avant que son souffle ne vienne chatouiller son cou. Il ferma les yeux. Sa bouche douce, chaude, et un peu humide vint danser jusqu’à son oreille. Cette petite morsure le fit frissonner. Elle lui lança quelques paroles suggestives…avec une assurance qu’il ne lui connaissait pas.

Dans un mouvement qu’il n’avait pas anticipé, il se retrouva sur le dos, la peau du ventre de Thiago venant se frôler à la sienne. Ses abdominaux se serrèrent sous le joug de l’excitation.  C’était elle qui avait à présent prit le contrôle de leurs sensations. Sentir le bas de son corps contre ses hanches l’enlisait dans des pensées de désirs qu’il ne savait plus contrôler…et ni lui ni elle, probablement, ne pouvait physiquement l’ignorer. Il laissa glisser ses mains le long de ses cuisses et attrapa ses fesses avant d’étirer la nuque et de glisser sa langue sur la sienne, effleurant ses lèvres au passage. Ses doigts parcourent ensuite son dos, ses côtes, puis le côté de ses seins qu’il s’efforçait à ne pas résolument caresser. Leurs souffles s’accéléraient. Le bassin de Thiago roulait sur le sien dans une envie quasi-débridée. Il ne voulait pas attendre lui non plus. Un sourire amusé se dessina sur sa bouche dont les lèvres effleuraient toujours les siennes, leurs souffles s'entremêlant.

- Alors amène-moi tout de suite…? expira-t-il avant de l'embrasser encore, incapable de s'arrêter.

Évidemment, il avait envi de parler avec elle, d’apprendre à la connaître à nouveau. Il était curieux de voir cette nouvelle vie, il espérait qu’elle était heureuse et qu’elle pourrait lui communiquer la satisfaction de cette installation à Bowen, de ses projets qu’elle entamait. Bien sûr, il avait envi de tout cela. Il avait envi que Thiago redevienne enfin quelque chose de réel dans sa vie.  Toutefois, il n’était pas dupe. Ces deux corps brûlants ne seraient bons à rien tant qu’ils ne se seraient pas retrouvés. Pour le meilleur ou pour le pire, seul l'avenir allait pouvoir leur dire.

On évoluait de façon tellement différente, dans des milieux différents. J’avais l’impression que des lieues nous séparaient tant tout était différent, si loin. Ses réactions physiques ne tardaient pas à se faire sentir, tout comme les miennes. Les mouvements s’alignaient et se complétaient comme une danse endiablée. Les baisers s’intensifiaient, les retrouvailles se faisaient. Il me demandait de l’emmener avec moi... Je me questionnais à savoir s’il parlait du septième ciel ou de mon appart. Dans tous les cas, les deux allaient se faire. Je ne tardais pas à l’inviter chez moi, à quelques appartements d’ici où on allait pouvoir se retrouver pleinement, retrouver cette entière satisfaction. Les escaliers se montaient deux à deux. La porte avait claquée rapidement, celle d’entrée puis celle de ma chambre que je verrouillais à double tour. Les vêtements virevoltaient dans tous les sens. Les baisers étouffaient les longs soupirs et les gémissements dûs aux deux corps qui se retrouvaient. Lentement, après l’acte j’emmêlais mes doigts aux siens. « Tu m’as manqué. » lui confessais-je donc. Je me relevais lentement pour me blottir dans ses bras avec la couverture couvrant ma poitrine. « Tu vas vraiment t’installer à Bowen? » que j’lui demande, les yeux brillants par l’amour plus tôt consumé.

Spoiler:

Thiago ne se le fit pas demander deux fois. Elle ramassa rapidement son sac de plage et l’amena directement à son appartement qui était tout près. Pour tout dire, il ne remarqua pas grand chose sur le chemin, trop occupé à la dévorer du regard. Une fois à l’intérieur de l’immeuble, leurs étreintes reprirent de plus belle alors qu’ils montaient les escaliers. Ils traversèrent l’appartement en titubant jusqu’à sa chambre sans jamais vraiment se lâcher. Encore là, il ne remarqua pas grand chose non plus, hormis qu’elle avait probablement une colocataire. Du moins il l’espérait. Pour ce qu’il en savait elle habitait peut-être avec un nouveau gars apparut dans le portrait …elle n’avait pas tout à fait encore répondu à sa question. Toutefois, en vérité, tout cela l’importait peu à cet instant précis. Il lui retira avec dextérité le maillot encore mouillé et effleura des doigts la peau douce de sa poitrine encore un froide à cause de l’humidité du vêtement. Ensuite, tout sembla se passer très vite. Le moment fut particulier pour lui qui ne l’avait pas fait depuis plusieurs années…Par chance Thiago était aussi excitée que lui et les deux prirent leur plaisir assez rapidement. Et il connaissait si bien ce corps…

La tête sur l’oreiller, il ne put s’empêcher de fermer les yeux un moment. Ce sont les doigts de la jeune femme se mêlant dans les siens qui le firent soulever ses paupières. Il se tourna sur le dos et se souleva légèrement sur ses coudes. Elle vint se réfugier contre son torse et il passa un bras autour d’elle.

- À moi aussi Thia, souffla-t-il dans ses cheveux sur lesquels il déposa un baiser.

Elle recula alors un peu son visage. Elle était encore plus belle comme ça. Échevelée, les joues rougies et les yeux scintillants. Il devait lui aussi ressembler un peu à cela. Il ne put réprimer un sourire que sa question fit dissiper légèrement. Il comprenait pourquoi elle voulait discuter, mais une partie de lui préférait rester dans ce moment et oublier le reste. Il avait peur d’en apprendre plus. Il savait que plus ils parleraient, plus les choses se montreraient sous leur vrai jour : compliquées.

- Oui. Je retournerai pas aux États-Unis du moins, ça c’est certain….répondit-il à voix basse.

Ses yeux parcourent la chambre de Thiago. Pas de photos particulières ou de vêtements d’homme. Beaucoup d’objet qui faisait très «Thia» par contre. Comme quoi on ne change jamais vraiment fondamentalement. Il fit machinalement glisser ses doigts le long de son dos jusqu’à la limite de ses fesses pour ensuite les faire remonter, puis redescendre, les yeux toujours observant la pièce. Elle le connaissait, elle savait qu’il était observateur. Elle resta silencieuse avec lui un moment. Il finit par tourner la tête vers elle.

- À moins que tu me demandes de partir. Ma famille est à Sydney après tout et…Tu ne m’as toujours pas dit…si je suis un problème dans ta vie…si je suis de trop pour toi en ce moment…

Il soupira et laissa glisser ses coudes, son dos retombant sur le matelas. Il leva les yeux sur elle, ses cheveux blonds tombaient sur lui. Il enroula un doigt dans une des mèches. Dans un sens, il s’en foutait un peu. Il savait que malgré les relations qu’elle ou que lui pourraient bien avoir…eux deux ne pourraient jamais se défaire complètement émotionnellement l’un de l’autre. Et c’était peut-être pour le pire en réalité.

Arrivés à l’appartement, ses caresses s’étaient intensifiées. Son toucher me donnait des frissons et la chair de poule, tour à tour. Tout revenait à la normale, enfin ce qu’on pouvait qualifier de normal dans cette situation. Il m’avait manqué, je lui avais manqué. Tout aurait pu être beau et merveilleux, mais ce n’était pas comme ça. À ma question, il me disait qu’il ne retournerait pas de l’autre côté de l’océan. Je hochais la tête simplement en lui volant un baiser rapide pour lui faire retrouver son sourire. Je remarquais qu’il observait cette nouvelle vie que j’avais. Son discours me surprenait et je secouais la tête négativement. « Je n’ai pas envie que tu partes. » dis-je simplement sans arrières pensées. « Je ne crois pas que tu sois de trop. » Un problème, oui. Il en était un. Avec Ezra et lui, j’ressentais déjà cette culpabilité étonnante. Il entortillait mes cheveux autour de son index et bien que ça les emmêlait plus qu’autre chose, je ne disais rien. « Et toi, est-ce que t’as vraiment envie de rester? » Dans ma vie, oui. Et pas seulement qu’à Bowen. Tout était tellement implicite entre nous deux. Tout était tellement complexe. Mon regard le fixait lui et guettait toutes ses réactions avant de me laisser doucement tomber contre lui et de l’enlacer tendrement. Il m’avait réellement manqué.

Spoiler: