Freedom fighter. + Aslander C.

Aslander C. & Endre V.

Freedom fighter.

Aller. Regardons les choses en face. C’est quoi ? La trentième fois aujourd’hui que l’on passe au niveau de cette falaise. L’eau… L’eau nous semble tellement belle. Tellement calme. Tellement attirante. Oui. Nous essayons. Nous luttons en vain. Toi comme moi, Endre. Nous le savons… Le repos, il est là-bas. Regardons-nous un instant. Magnifique dans notre costume hors de prix. Cela fera ça de moins à prendre en charge pour l’enterrement. Ou la crémation. Peut-on brûler un corps trempé ? Nous ne nous sommes jamais posés la question. Dès ce matin, nous savions. Nous nous entendions. Nous raisonnions. La douceur. La délicatesse. Le charme. Nous sentons la larme couler le long de notre joue, alors que nous regardons dans le vide. Un pas. Nous ne sommes qu’à un pas. Avons-nous des raisons ? Certainement plus que d’autres. Mais cela ne fait rien. De toute façon, personne ne peut nous comprendre. Délicats. Basanés. Métissés entre le chagrin et la dépression. Un pas. Nous ne sommes qu’à un pas. Trente fois. Nous sommes passés trente fois contempler la beauté de la mort potentielle. Vingt-neuf fois, nous avons pleuré. Nous avons regardé. Nous avons réfléchi. Il n’y a plus rien pour nous. Rien de beau. Rien de bien. Notre monde est gris. Rongé par le cancer de la grisaille. Même se lever est compliqué lorsque nous finissons dans notre lit. Parler aux gens ? Quel crime. Respirer ? Nous ne faisons que gâcher de l’oxygène qui pourrait servir à quelqu’un d’autre. Oui. Tous les problèmes. Nous sommes la source de tous les problèmes. De toutes les tares. Sans nous… Ce monde se portera mieux. Un pas. Il ne faut qu’un pas. Nous inspirons fort. Sans la moindre hésitation. Sans le moindre doute. C’est notre seule solution. « Adieu… » Un murmure. Un chant léger. Comme des oiseaux à un enterrement. En l’espace de quelques secondes, la froideur de l’eau cette nuit cingle notre visage. Elle remplit notre bouche. Notre nez. Nos poumons. Inspirons. Respirons fort. Cette fois-ci. Juste cette fois-ci. Il est trop tard pour nos regrets. Les flots nous portent déjà. La mort… Nous sentons ses bras sur notre corps.  Un pas. Tout ça pour un pas.

Aslander C. & Endre V.

Freedom fighter.

Dans l’inconscience qui nous gagne si sereinement et calmement, nous nous empêchons de verser une larme. Une larme de soulagement. Une larme de paix. Parce qu’à ce moment précis, c’est exactement ce que nous faisons. La paix avec ce monde. Plus de lutte inutile. Plus d’acharnement pour notre survie. Plus de fatigue. Plus de guerre. La paix par le biais de notre sacrifice. Nous ne ferons plus jamais pleurer personne. Nous ne ferons plus jamais… Rien de mal. Jamais. Et si la joie commence à envahir notre corps quand il s’éteint progressivement, nous le sentons. C’est brusque. Violent. Désolant. Nous essayons presque de nous débattre. Arrachés. Nous sommes arrachés de notre liberté. De notre choix. Pourquoi… Nous ne voulons pas savoir. Nous voulons rester là. Nous voulons la mort. Nous voulons ne plus être un fardeau. Alors pourquoi au grand diable… Froid. Nous avons froid maintenant. Et ce n’est pas le froid de la mer qui nous calmait et nous emportait. Le vent sur notre visage. Violemment une quinte de toux nous prend à contre-gré. Notre corps se libère de l’étreinte, refusant les envies de notre cerveau. Vivants. Nous demeurons vivants. Un échec de plus à rajouter sur la liste de notre vie… « Non je… Pitié. » Un vulgaire gémissement. Le hurlement d’une agonie qui nous a été imposée. Ce n’est que ça. Nous ne voulions pas… Nous ne devions pas… Ça nous prend à la gorge. Une vaste arnaque. Ce n’est qu’une vaste arnaque. Doucement, nous tournons la tête sur le côté, croisant la jeunesse du corps nous ayant dérobé à notre paix. Trois reprises. Nous clignons à trois reprises.  « Pourquoi m’avoir… aidé ? » Il n’y a rien en nous. Aucune volonté. Aucune folie. Aucune fougue. Tels des mots écrits sur du papier, creux, notre voix ne reflète aucune expression. Et s'il n’en tenait qu’à nous… Nous retournerions dans la mer aussitôt.