We messed up (Cameron)

Plusieurs semaines se sont écoulées depuis le séisme qui a secoué Bowen, or cela ne fait que quelques jours que les bars de Bowen sont à nouveau remplis de monde. Comme il l'a si souvent fait, Alfie traîne dans l'un d'eux. Il boit, moins que d'habitude, sort de temps en temps pour fumer, toujours autant qu'avant. Cependant, il y a une chose qu'il ne faut plus ou en tout cas beaucoup moins. Il n'a accosté aucune femme depuis qu'il a presque avouer à Jordan ressentir quelque chose pour elle. Il n'en a plus envie, elles ne l'intéressent plus autant que lorsqu'il ne ressentait pas la moindre attache pour qui que ce soit. Faisant tourner son verre presque vide entre ses doigts, Alfie réfléchit. Et puis, sans savoir comment, ses pensées finissent par dévier vers Bérénice. Il n'a plus de nouvelle d'elle depuis longtemps, il ne sait d'ailleurs même pas si elle a été blessée, ou pire. Il espère sincèrement que non. Finissant son verre d'une traite, il quitte son siège et se dirige une nouvelle fois vers la porte d'entrée. Il sort, tire son paquet de cigarettes de sa poche et s'apprête à s'en griller une quand il reconnait Cameron s'approchant de lui. « Salut mec, » lui dit-il simplement avant de glisser sa cigarette entre ses lèvres.

j'erre, seul de bar en bar, j'avance les mains dans les poches, la cigarette au bec, dans la rue, déjà un peu trop alcoolisé pour le début de soirée. pourtant, je me sens mieux que jamais. je me sens presque revivre. c'est peut-être bien le meilleur moment de la semaine, pour l'instant. la semaine qui n'a pas été de tout repos, qui a été plutôt riche en émotions et en contradictions. j'sais même plus où j'en suis, je sais juste que mon sang ne fait qu'un tour quand je vois alfie sortir du bar. mon cerveau vrille, je deviens fou. je jette ma cigarette au sol et l'approche à grands pas, les poings serrés. salut mec, salut mec. j't'en foutrais, moi, des salut mec. le regard noir, j'arrive à son niveau et ma main prend place autour de son cou, pour le faire reculer, jusqu'à percuter le mur non loin, derrière. - ça t'amuse, de jouer avec les filles? mince, mince, mauvaise formulation, je vaux pas mieux que lui. attends, je me réexprime. - bérénice est pas le genre de fille avec qui tu peux te permettre de faire ça. tu comprends, alfie? j't'aime bien et j'veux pas te frapper. mais peut-être que je serais obligé.

Putain, qu'est-ce qu'il lui arrive ? Alfie n'a pas le temps de comprendre que déjà, il se retrouve plaqué contre un mur avec une main autour du cou. Celle de Cameron. Il le dévisage, d'abord étonné par ce geste brusque qu'il ne lui connait pas, puis sent la colère l'envahir. Ça lui rappelle son père. Bordel. Par réflexe, il repousse Cam de ses deux mains et serre la mâchoire. Il ne veut pas lui faire du mal, pas à lui, mais les images de son père essayant de le cogner resurgissent dans son esprit comme une claque en pleine face. « C'est quoi ton problème ?! » lui lâche-t-il avant de comprendre. C'est Bérénice. Évidemment, il savait que ça allait lui retomber dessus un jour ou l'autre. On ne couche pas avec une fille comme elle sans en payer les conséquences. « Faire quoi ? Coucher avec ? Je l'ai pas violée hein, elle était totalement consentante. » Ses mots sont durs, son ton est froid, mais Alfie fait tout de même de son mieux pour éviter de s'énerver. « Puis qu'est-ce que ça peut te foutre ? » finit-il par demander, ne sachant même pas que les deux se connaissaient.

il me repousse, alfie, et il fait bien. j'y vois tellement rouge, que j'aurais été capable de lui coller une droite dans le nez. c'est pas plus mal que je me retrouve subitement plusieurs pas en arrière. j'ai toujours la haine, j'ai toujours les poings serrés, mais pour l'instant, j'arrive à me retenir de foncer droit sur lui. pas sûr que ça tienne encore longtemps. - soûler une fille ne la rend pas consentante, on te l'a jamais appris? de quel droit tu t'es permis de la toucher, de poser tes mains sur elle, de l'embrasser, de coucher avec elle? on vaut pas mieux l'un que l'autre, aussi désespéré pour attendre qu'elle ait suffisamment bu avant d'essayer de la serrer. m'fais pas croire le contraire, j'suis persuadé que c'est comme ça que ça s'est passé. - ça me fout que la prochaine fois que tu l'approches, ne serait-ce que pour lui dire bonjour, j'te refais le portrait alfie. pote ou pas pote. tu restes loin de bérénice.

Il ne comprend d'abord pas, ça le dépasse totalement cette situation. Ça fait longtemps qu'un abruti de petit-ami n'est pas venu le trouver pour une question de jalousie, tout simplement parce que ça commence à dater la dernière fois où Alfie s'est tapé une inconnue juste pour le plaisir du corps contre corps. Sauf que Bérénice, il ne se l'est pas tapée. Et de ce qu'il sache, Cam n'est pas son mec. Ou si ? Et merde. Fais chier. Les mots qui sortent de sa bouche déformée par la colère frappent Alfie avec violence. Pote ou pas, il a du mal à accepter qu'on vienne lui parler comme si il n'était rien de mieux qu'un putain de violeur en chasse. « Mais t'es complètement malade mon pauvre gars ! » s'exclame-t-il, les poings serrés. Il ne s'emporte que très rarement Alfie, il en faut beaucoup pour arriver à faire partir le premier coup. Mais là, devant ce crétin aux allures de fier, il est trop tenté de lui en coller une pour le raisonner une bonne fois pour toutes. « Elle était sobre bordel, et seule ! Depuis quand t'es dans le tableau toi ? Je te ferai remarquer que pas une fois je l'ai entendue parler de toi. » Puis il se met à rire. Comme si lui, il allait suffire à l'interdire de voir Bérénice. Et puis quoi encore ? « Tu crois que tu me fais peur ? Mais vas-y Cameron, » lâche-t-il froidement, levant les mains. « Fais-toi plaisir, déchaîne-toi sur le mec qui plaît à la fille qui veut pas de toi. »

oui, j'suis malade, j'suis clairement malade et j'ai besoin de me faire interner. c'est clair et net, j'ai un grain, un gros grain qu'on pourra jamais faire partir. j'suis fou, parce que bérénice me rend fou, parce que l'amour me rend fou. j'suis plus capable de réaliser quoi que ce soit, plus capable de me rendre compte de ce que je fais. c'est comme si ma sagesse avait quitté mon être, comme si j'étais en dehors de mon propre corps et que je me regardais faire, impulsif, sauvage, animal, sans être capable de m'empêcher de quoi que ce soit. comme si je n'étais plus qu'un pantin dont les fils étaient tirés par la folie. ses mots me percutent de plein fouet et j'entends mon coeur partir une nouvelle fois en mille morceaux, tomber dans mon estomac, tout au fond, que j'ai envie de vider tout à coup. j'ai envie de dégueuler. sur ses chaussures. son rire me file des frissons. c'est mauvais, c'est agressif. ça me touche exactement là où ça fait mal. je sais bien qu'elle ne veut pas de moi. je le sais que trop bien, j'en souffre tellement. mon âme en crie à l'abandon. - va te faire foutre. la vision floue de rage, les réactions guidées par la peine, j'abats mon poing contre son visage, franc, sans hésitation. je souffre et j'ai besoin qu'on souffre avec moi. - tu vas tellement aller te faire foutre, alfie. enflure. je siffle encore enragé, pourtant j'ai plus la force de frapper. mes bras retombent le long de mon corps, et j'veux juste partir, maintenant.

Il aurait pas dû lui dire ça, et il le sait trop bien. Sauf qu'Alfie, il peut pas s'en empêcher. Il a toujours été un crétin, il a toujours eu cette incontrôlable habitude de se défendre en enfonçant les autres. Il a jamais été méchant pourtant, peut-être un brin taquin mais jamais il ne s'est amusé à faire gratuitement du mal à qui que ce soit. Là, Cameron l'a cherché. Le coup part, en plein sur son nez qui se met à saigner. Alfie porte une main à son visage, touche le liquide chaud qui coule de sa narine. « Petit con ! » dit-il en élevant la voix. Il lui attrape le t-shirt, le pousse violemment contre ce mur sur lequel il se tenait quelques secondes plus tôt. Il a la rage au ventre, les pupilles en feu. Il lève le poing mais, au lieu de venir l'abattre sur le visage de Cameron, il le laisse en suspension quelques secondes dans les airs avant de lentement le déserrer. Il soupir, lâche le gamin. « Je veux pas me battre avec toi. » Il serre les mâchoires, plonge ses mains dans les poches de son jeans, renifle le sang qui s'écoule encore de son nez blessé. « Casse-toi, » siffle-t-il sans le regarder.

le coup part, et ça s'enchaine vite. le nez d'alfie qui se met à saigner, un semblant de regret que je commence à ressentir. j'voulais pas le blesser. je me suis juste laissé emporter, par la colère. c'est que, je l'aime bien, alfie. c'est mon porte. j'ai juste trop la rage, la hargne, la haine, pour laisser passer ça. je suis juste trop blessé par ce qu'il rajoute, par ce qu'il me balance à la figure pour rester de marbre. et ça s'enchaine vite, je suis plaqué contre le mur, son poing qui me menace sans s'abattre sur moi pour autant. frappe, alfie, qu'on en finisse, une bonne fois pour toute. non? - tu veux pas, ou t'as peur? t'as peur de pas faire le poids, c'est ça? je continue de provoquer, l'alcool dans mon sang qui parle pour moi. il met ses mains dans ses poches, je le pousse de toutes mes forces en arrière. bats-toi, putain. j'en ai besoin. j'ai besoin de me vider l'esprit.

C'est pas qu'il ne veut pas le frapper, ce petit emmerdeur de Cameron, avec ses sentiments à la con et sa façon de venir se pavaner devant Alfie comme si il se prenait pour le roi du monde. C'est juste qu'il connait Bérénice, il sait comme ça pourrait la blesser si jamais il faisait mal à quelqu'un qu'elle aime. Quoi qu'au final, il en sait rien de si elle l'apprécie, ce gamin. Réfléchis Alf, te laisse pas t'emporter. Il essaie de se convaincre lui-même, mais ça a jamais été sa plus grande qualité d'être quelqu'un de réfléchi. Peur, bien sûr. Il serre les dents, les poings, contracte tous ses muscles jusqu'à en avoir mal. « Tu sais très bien que je ferais largement le poids, je suis juste pas aussi crétin que toi. » Il passe une main dans ses cheveux, soupire. « Putain Cam, pense à Béré, pense à la fille qu'elle est. T'as vraiment envie qu'elle apprenne que tu t'es battu avec son seul coup d'un soir ? Laisse-la vivre bordel. » Il plante dans le sien ce regard rempli de colère. Puis je lui ferai jamais de mal à Bérénice. Pas à elle. Il le dit pas, il a pas le cran pour ça. À la place, il laisse ses poings se déserrer petit à petit.