We are broken, but we're alive (Axten)

Ses mains tremblent, comme d'habitude. Son visage est pâle, ses yeux ornés de cernes qui prouvent qu'elle n'a encore une fois pas dormi de la nuit. Elle se mord la lèvre, à sang. Elle en a besoin, elle sent le manque qui grandit en elle et la détruit à petit à feu. Hazel soupire. Elle doit se calmer, elle doit penser à autre chose qu'à tous ces poisons retrouvés dans son corps qui la tenaient en vie. Mais qui la tuaient. Qu'est-ce que tu fiches ici, bordel ? Elle ne ressemble à personne ici. Elle n'est pas malade, elle ne perd pas ses cheveux, elle n'a pas de blessure trop grave à part celle qui sépare son cœur en deux. Mal à l'aise, elle tire un peu plus sur sa robe de chambre. Elle se sent vidée de l'intérieur, pas étonnant après le lavage d'estomac qu'elle a subi. Plus de drogue, ils lui ont dit. Comme si c'était facile, comme si il suffisait d'un sermon pour la faire tout arrêter. Elle en vit, autant qu'elle en meurt. Elle ne pourrait plus se passer de ces choses qui la consument. Adossée à l'entrée de la  cafétéria, Hazel regarde les patients de l'hôpital grignotant à peine leur repas. Elle n'a pas faim, mais elle sait qu'elle doit prendre des forces si elle ne veut pas perdre le contrôle total de son corps. Elle s'avance à petits pas maladroits, glisse une mèche de ses cheveux teints en blond derrière son oreille. Elle les haïs tous. Les patients, les médecins, les infirmiers. Il n'y a qu'une personne qu'elle a fini par apprécier ici, un grand homme barbu qui, elle ne sait trop comment, arrive par ses mots à lui enlever l'envie de fuguer. Elle va chercher un plateau qu'elle ne remplit que d'une pomme, d'un bout de pain, et d'une tranche de jambon. Rapidement, elle repère son seul compagnon dans cet hôpital qu'elle déteste. Serrant son plateau de ses deux mains, elle s'avance jusqu'à Axten et prend place à coté de lui. «Est-ce que toi aussi tu as eu droit à du Stevie Wonder au réveil ? Ma voisine de chambre mettait sa musique tellement fort qu'à mon avis, même le concierge a pu l'entendre. » Elle lève les yeux vers lui quelques secondes avant de se concentrer à nouveau sur son plateau presque vide.

Ces murs blancs lui étaient devenus bien trop familiers à son goût. Un peu comme sa deuxième maison, celle qu'il n'avait pas choisie et qu'il détestait toujours un peu plus. Son coeur se serrait dans sa poitrine chaque fois qu'il devait y mettre le pied. Axten devait se convaincre à chaque fois de ne pas faire demi-tour, se rappelant dans quel but il voyageait aussi fréquemment et dans le silence, de l'Australie aux États-Unis. C'était sa seule chance, de s'en sortir, de continuer à avancer, de vivre. L'homme s'accrochait à cet espoir, aussi mince pouvait-il être. Il s'accrochait à la vie et, aussi absurde que cela pouvait parraître, c'est ce qui l'avait lié à cette jeune femme, Hazel. Il releva la tête au son de la voix de la jeune femme. «Est-ce que toi aussi tu as eu droit à du Stevie Wonder au réveil ? Ma voisine de chambre mettait sa musique tellement fort qu'à mon avis, même le concierge a pu l'entendre.» Un sourire se dessine sur ses lèvres. Elle était toujours là. Elle avait tenu bon toute la semaine. Elle ne s'était pas laissée abattre par tous les malheurs que la vie lui affligeait. «Si ça a pu réveiller ce concierge qui dort depuis deux semaines, je lui en vaudrai une, à ta voisine de chambre» souffle-t-il dans le seul espoir de lui décrocher un sourire. Ils avaient tendance à se relancer sur tous les défauts qu'ils pouvaient trouver à cet hôpital, comme pour y améliorer leur séjour. «Je suis content que tu sois là, Hazel.» Les journées étaient longues, ici. Le temps défilaient si peu rapidement, mais en compagnie de la jeune femme, c'était différent. C'était mieux. Et quand il arrivait à la faire sourire, à la convaincre de rester, de s'accrocher elle aussi, de survivre, il ne pouvait faire autrement que de quitter le dimanche venu en lui disant à la semaine prochaine.

Bien qu'en vie, elle se sent mourir de l'intérieur. Hazel a l'impression que chaque parcelle de son corps est en train de se détruire, que son cerveau manque d'oxygène et que son coeur bat trop rapidement. Elle ne sait même plus pourquoi elle s'entête à se raccrocher à la vie, elle ne voit rien qui l'encourage de continuer à se battre. Et pourtant, elle est toujours là. Elle et son humour, elle et son sourire chaleureux, elle et son affection pour Axten. À coté de lui, elle se sent plus en sécurité. Elle n'a plus l'impression d'être seule, et même si ils ne traversent pas les mêmes épreuves, elle se sent enfin comprise. C'est étrange, peut-être même égoïste de refuser la présence de ceux qui vont bien, de n'accepter que les personnes cassées, comme elle. Mais quand elle se trouve face au monde réel, Hazel a l'impression de n'être plus qu'une enfant. Une petite chose qu'on gronde pour son mauvais comportement, à qui on en veut, qu'on fait se sentir coupable. À ses mots, elle rit légèrement avant de croquer dans sa pomme. La suite de ses paroles la fait tourner la tête vers lui, et étirent ses lèvres en un sourire sincère. «Et je suis contente de te savoir toujours en vie. » Il est son seul allié dans cet hôpital, le seul être qui arrive encore à lui décrocher un sourire. Quand il part, elle ne peut s'empêcher de l'attendre. À force, il est devenu un ami sans trop qu'elle ne s'en rende compte. Elle s'est simplement attachée à lui, à ses mots, à sa façon d'être. «T'as parlé à... Charlize c'est ça ? J'ai un peu de mal avec les prénoms. » Pas étonnant, avec toute cette drogue qu'elle s'injecte dans le sang et qui lui grillent les neurones. Hazel pose sa tête sur le plat de sa main et le regarde d'un air curieux, quoi que nerveux à cause du manque.