sujet commun de Noël ∞ christmas market

Quand elle m’avoua que Lucy était plus que lesbienne, je la regardai avec surprise. « Nooooon !? Comment tu le sais ? Elle est en couple, elle te l’a dit ? » Ou alors c’était vraiment son don, à lui seul, qui lui avait permis de le savoir ? Si c’était le cas, j’aurais besoin de preuve. Tiffany pouvait bien me lancer des prénoms de vieux camarades de classe à qui on ne parlait plus tous les deux juste pour me faire croire à ses histoires. Elle ajouta James à sa liste. « Et t’es en train de me dire que James et Owen sont maintenant un item ? » J’avais bien du mal à y croire, parce que ces deux-là étaient deux vraies brutes. On sentait d’ailleurs le dégoût et la rancune dans ma voix. Ils avaient passé le plus clair de leur temps à se moquer de moi dans les vestiaires, quand venait le temps de se changer pour les cours de sport. Et ça ne s’arrangeait pas pendant les cours, en compagnie des filles, qui gloussaient juste pour être remarquées. Je secouai la tête, ne voulant pas retomber dans cette période des plus difficiles. J’allais bien maintenant. J’avais tout ce que je voulais. On passa donc au chapitre de la bouffe, parce qu’au fond c’était pas mal plus intéressant que de parler de nos vieilles connaissances. « En route pour la choucroute ! » Répétais-je avec entrain, suivant Tiffany jusqu’au stand de nourriture allemande. « Avec l’hygiène de fou que t’as, aucun risque que je sois dédaigneux. Partageons, ça nous permettra de goûter à un maximum ! » J’avais acquiescé avec enthousiasme, avant de commander nos saucisses et notre choucroute. Le tout fut servi dans une petite assiette recyclable. J’allai m’asseoir avec Tiffany. On pourrait continuer notre escapade gourmande par après, question de ne pas avoir les mains pleines. « Bon alors Sawyer, tu deviens quoi en fait ? J’t’aurais bien stalkée sur Facebook avant de te revoir pour avoir l’air d’être un minimum au courant de ta vie actuelle mais … j’m’attendais pas à te voir aujourd’hui. » Avais-je avoué avec un sourire, en mordant dans ma saucisse sans même prendre la peine de la couper. De toute façon, avec un couteau en plastique, on ne va pas chier trop loin.

Il semblait surpris de ce que tu lui disais, comme s'il ne s'attendait pas à ce que des gens que vous aviez pu connaître soient de l'autre bord. Pourtant, il y en avait toujours eu, certains ne le sachant pas, certains ne l'assumant pas du tout. « Pour Lucy, je l'ai expérimenté. Et avec sa compagne elles vont bientôt avoir un bébé ! » ajoutais-tu un sourire aux lèvres. Malgré tout, tu étais pas mal resté en contact avec Lucy, peut-être parce qu'elle était devenue gynéco et que c'était ton médecin. « James l'est, il a tenté une approche avec Owen l'année où t'es parti et c'est lui qu'est devenu la nouvelle cible. » Tu grimaçais, tu ne voulais pas forcément remettre tout ça sur le tapis mais puisqu'il avait demandé, tu te contentais d'être honnête avec lui. Après, tout ça n'avait plus d'importance aujourd'hui. Owen était mort dans un accident de voiture il y a six ans et quant à James, il assume sa sexualité à l'autre bout du monde où il va se marier. « T'es l'roi d'la rime maintenant ? Concho, le roi du flow. » C'était ça qu'ils disent aujourd'hui non ? Tu avais un doute maintenant. Quoiqu'il en soit, Concho était d'accord avec toi et il s'empressa de commander et pendant que tu payais, il allait s'installer. Tu te posais face à lui, attrapant la fourchette en plastique pour prendre du chou. « Oh tu sais que moi et la technologie ça fait dix, Facemachin là, j'ai pas de compte même si Sacha a tenté de m'en créer un. » Tu n'avais pas compris l'utilité de ce truc. Poster des photos, être amis virtuellement avec tes vrais amis, c'était idiot non ? Et puis si tu voulais leur parler, tu sortais ton téléphone et tu passais un coup de fil. « Je suis devenue chirurgien dentiste, comme je l'ai toujours voulu, j'suis toujours aussi sportive. Je vis encore chez mes vieux mais maintenant il y a ma cousine qui a débarqué alors ça fait moins vieille fille. » ajoutais-tu en rigolant. Tu t'en foutais pas mal de l'image que tu donnais. Peut-être que tu étais une vieille fille à vivre chez tes parents mais tu n'avais pas envie de vivre seule et tu n'étais pas certaine de pouvoir supporter la colocation. « Et toi alors ? » Il n'y avait pas à dire, physiquement, ce n'était plus le même homme. Il n'y avait que le visage qui n'avait presque pas changé, il était juste moins rond.

Quand Tiffany me parla d’avoir expérimenté l’homosexualité de Lucy, je la regardai avec un air plutôt surpris. Il faut dire que je n’avais pas revue mon amie depuis des années et des années, et dans le temps où nous traînions ensemble au lycée, je n’étais pas du tout mais alors pas du tout à l’affût des diverses orientations sexuelles. « Euh … T’as … expérimentée Lucy, hein ? » Je repris mon fabuleux sens de l’humour en la regardant avec un regard coquin et en haussant rapidement les sourcils. Et si j’avais totalement mal interprété son commentaire alors tant pis, ce serait drôle. J’hochai la tête quand elle me parla de James et d’Owen. J’aurais pu me sentir coupable pour James, mais non, même à mon âge, je ressentais encore beaucoup d’amertume face à ce qu’ils m’avaient fait subir. J’aurais même eu envie de dire bien fait pour lui, mais je gardai ce commentaire pour moi. « Ah, je vois … » Cela concluait plutôt bien le sujet. Ça avait été drôle le temps de connaître quelques détails croustillants, mais je n’avais pas envie moi non plus de me replonger dans toute cette époque, au fond. Nous étions deux adultes maintenant, nous avions évolué à notre façon, et je préférais qu’on se concentre sur notre présent. Peu m’importait ce que ces deux idiots étaient devenus. « Ben oui on t’a pas prévenue ? J’suis The Notorious Concho ! J’me produis un peu partout. » Inventais-je immédiatement, toujours prêt à raconter n’importe quoi pour rentrer dans un délire. Une fois assis à une petite table pique-nique et prêts à manger, je demandai à Tiffany ce qu’elle, elle était devenue – comme si mon job de rappeur pouvait réellement être pris au sérieux. Je parus surpris, mais surtout impressionné, quand elle me dit qu’elle était maintenant chirurgienne dentiste. C’est vrai que ça avait toujours été son rêve, mais moi aussi j’avais eu beaucoup de rêves, et ils avaient tous été réduits à néant le jour où ma mère s’était enlevé la vie, le jour où j’avais tout lâché. « Wow ! J’devrais pas être aussi surpris, t’as toujours été douée, première de classe, … C’est cool pour toi, je suis content. » Je lui souris, sincèrement. Tiffany me demanda à son tour ce que j’étais devenu – sérieusement cette fois. « Oh, euh, j’ai travaillé dans la construction à Melbourne … et quand je suis revenu à Bowen, j’ai mis sur pied un organisme pour les jeunes … les jeunes en difficulté, les jeunes ayant besoin d’un coup de main dans la vie, tu vois. » Ce dont j’aurais eu grandement besoin pendant toute mon adolescence.  

Sa réaction te faire, presque autant que sa question. Il avait hésité, comme s'il n'avait pas compris ce que tu avais pu dire mais c'était simple et clair. Expérimenter était un verbe assez explicite, comme si on disait 'j'ai expérimenté le plan à trois' ou tout autre chose d'ailleurs. « Ne sois pas si effarouché, mon cher. » Tu esquissais un sourire sans en dire plus. Maintenant à lui de jouer et de comprendre ce qu'il avait envie de comprendre. Tu en avais déjà assez dit sur toi, assez dit sur tout ça. Il fallait rester sur quelque chose de plus léger, quelque chose de plus amusant que le passé. « Et j'ai même pas le droit à des places gratos ? C'est nul d'être ta pote en fait ! » Tu rigolais toute seule à tout ça. Tu le voyais bien le faire des tournées, avoir toutes les filles à ses pieds, recevoir des string ou des soutifs pendant les concerts et peut-être même faire le show avec des petites blagues à deux balles. Il dégageait tellement de charisme qu'il pourrait réussir s'il le voulait. « Merci. » Tu lui adressais un nouveau sourire, apportant un morceau de saucisse à ta bouche, cette fois-ci. Tu n'avais jamais mangé de choucroute donc tu ne pourrais pas dire quel goût ça pouvait avoir mais ce n'était pas désagréable en bouche. Après, pour le transit, le chou n'était pas le plus idéal. « Wahou ! C'est un super projet, je suis vraiment heureuse pour toi. » Un projet qui devait lui tenir à coeur avec tout ce qu'il avait pu traverser plus jeune. Peut-être que lui même en aurait eu besoin à l'époque. Un projet qui avait du prendre du temps et qui n'avait pas forcément pu se faire en un jour. Ce qui attirait ta curiosité sur les détails. « Mais du coup, une question me taraude, depuis quand es-tu à Bowen ? »  demandais-tu en reprenant un air assez sérieux.

Je reculai légèrement la tête, visiblement surpris, mais pas d’une manière offensée ou quoi que ce soit. Et pas du tout méchante envers Tiffany. J’m’attendais pas vraiment à ça, en fait. « J’suis pas effarouché. » Me défendis-je en faisant une petite moue. Je laissai toutefois aller le sujet, même si une question me brûlait les lèvres : elle était comment ? Je voyais toutefois que Tiffany allait changer de sujet, et comme de fait, la conversation ne tarda pas à déraper complètement sur ma fausse carrière de Notorious Concho. Grand rappeur reconnu internationalement. « Héé-héé, t’as qu’à demander ! » Je secouai la tête, faussement déçu de son comportement. « Mais puisque c’est nul d’être ma pote, non, t’en auras pas. » Comme si ça allait réellement nous mener quelque part de débattre sur un truc qui n’existait même pas. C’était nous tout craché. Ça faisait du bien de retrouver cette complicité. Comme si notre relation s’était figée dans le temps, et qu’on retrouvait tous les détails un à un. Tiffany me parla alors sérieusement de son métier, et je montrai tout mon bonheur pour elle. En plus, ça me faisait une dentiste à aller voir à Bowen – non, je l’avoue, je n’avais toujours pas pris rendez-vous depuis mon retour. Mon hygiène dentaire laisse à désirer, passons. « Merci ! » Dis-je à mon tour quand la blonde complimenta mon projet, Head Ahead. Elle me demanda alors la question qu’elle devait avoir bien hâte de me poser : depuis quand j’étais ici ? Je souris, gêné. « Ah, ça, c’est le moment où je me sens hyper coupable, en fait. » Je me grattai le derrière de la tête. « J’suis revenu y’a un peu plus d’un an. » Et je ne lui avais pas donné de nouvelle, je n’avais pas cherché à entrer en contact. Comme avec plusieurs personnes, d’ailleurs. Les retrouvailles que j’avais eues étaient toutes le fruit du hasard. C’était le cas aujourd’hui aussi. « Je suis désolé de pas … de pas avoir donné de mes nouvelles, de pas t’avoir prévenue. J’ai pas cherché à tout de suite renouer avec … avant. Trop de souvenirs, je pense. » Admis-je. Des mauvais souvenirs.

Vous aviez fini par rire de son hypothétique carrière de rappeur et du fait que tu n'aurais pas de place. Tu avais le sentiment de faire un bond en arrière dans ta vie. Cela faisait longtemps que tu n'avais pas ri ainsi, longtemps que tu n'avais pas eu une conversation qui semblait aussi folle et décousue. En fait, sans Concho dans ta vie, tu n'avais plus eu ce genre de relation. C'est lui qui apportait son petit grain de folie et qui permettait au tien de s'exprimer. Sans lui, ton grain de folie restait caché. Tu gardais un air sérieux, le genre de fille à être sérieuse et à être incapable de rire pour un rien. Pourtant, ce n'était pas comme ça que tu étais vraiment. Juste une façade face aux autres. Tu l'écoutais te dire qu'il était là depuis quasiment une année. Une année, ça te semblait si irréel quand tu y pensais. Comment avais-tu pu le rater ? Peut-être que si tu étais plus connecté au monde, alors tu l'aurais su. « Ne t'excuses pas. » Tu esquissais un léger sourire. lâchant ta fourchette pour replacer une mèche de cheveux. Tu avais un goût amer dans la bouche mais tu savais ce qu'il avait vécu et tu comprenais pourquoi il était parti. Tu ne pensais juste pas que tu ferais partie de son passé pour toujours. « Je comprends que ce ne doit pas être évident de revenir. Et encore moins de confronter tout le monde. » Tu haussais doucement les épaules. Tu ne pouvais pas être rancunière, tu ne voulais pas lui faire la tête et gâcher ce moment qui te semblait vraiment précieux maintenant qu'il était là avec toi. « Saches que je ne t'en veux pas ! » Et c'était sincère. Tu voulais juste mettre ça de côté. Tu voulais juste continuer de profiter de l'instant présent, de lui, de sa bonne humeur, de sa folie. Et de votre repas improvisé.« Bon, et si on allait goûter autre chose ? Je trouve cette choucroute un peu fade à force d'en manger ! » Tu grimaçais légèrement en la regardant une nouvelle fois. C'était bon mais juste à petite dose. Tu avais d'un truc avec plus de peps, peut-être quelque chose avec des épices pour réveiller les papilles.

Si certaines personnes avaient considéré mon silence quant à mon retour comme une trahison, comme un irrespect de nos amitiés passées, Tiffany réagit tout autrement. D’une manière qui me plaisait, inévitablement, parce que cela faisait en sorte que cette erreur de ma part ne créait pas un grand écart entre elle et moi. Bien sûr que je regrettais de ne pas avoir été rendre visite à mes anciens amis lors de mon retour l’année dernière, bien sûr que je réalisais que ça pouvait avoir été mal interprété, mais à ce moment-là, je n’étais pas prêt. Je n’étais pas prêt à me replonger tout d’un coup dans le passé. Alors j’avais pris mon temps, et ce temps s’était traduit en semaines, en mois, en année. Ça avait passé tellement vite et j’avais été tellement occupé qu’à un certain point, le passé était resté dans le passé. Heureusement, la vie faisait bien les choses et avait remis Tiffany sur mon chemin. Ce bout de femme que j’adorais, que je regrettais d’avoir laissée derrière. Maintenant que nos voies s’étaient retrouvées, je ne la lâcherais pas. J’étais là pour rester, cette fois. « Merci de comprendre. Ça a pas été le cas pour tout le monde et je suis content que tu le prennes comme ça. » Je lui souris. C’était une sacrée belle journée de retrouvailles, à un temps joyeux de l’année en plus, alors il aurait été bien dommage de tout gâcher par ma faute. On continua de manger notre bouffe allemande jusqu’à ce que Tiffany s’écoeure de sa choucroute et demande à goûter à autre chose. « Ouaip’, allons voir ce qu’il y a d’autre ! » Je me levai et allai porter nos déchets à la poubelle la plus près, avant de retrouver Tiffany qui m’attendait pour qu’on continue notre recherche gourmande. « Oh, du vin chaud aux épices ! Il fait chaud déjà mais pas grave, on aura qu’à se visualiser au Pôle Nord. T’as envie de goûter ? » Personnellement je n’avais jamais bu du vin chaud, mais comme les propriétaires du stand venaient des pays nordiques, je me disais qu’ils ne pouvaient pas vraiment se tromper sur le coup. Et puis on aurait qu’à accompagner le tout des gourmandises sucrées qui se trouvaient à un stand local juste à côté.

Tu hochais la tête pour dire que tu comprenais. Tu avais eu un certain choc quand même en apprenant que ça faisait quasiment un an et que pendant tout ce laps de temps, il n'était pas venu une seule fois te voir. Mais peut-être qu'il avait pensé que tu avais quitté la ville, tu en avais longuement parlé avec lui lorsque vous étiez plus jeune. Alors certes, un an ça faisait chier, mais pouvais-tu vraiment le blâmer ? Au fond, ce qui comptait à présent, c'était qu'il était là et que vous pouviez rattraper le temps perdu sans trop de difficultés. « Je te suis. » Tu te levais de table, prenant les restes de ta choucroute pour la déposer dans une benne. Tu n'aimais pas vraiment le gaspillage mais tu doutais que quelqu'un accepte de manger derrière toi. « Oui mais il fait toujours chaud alors ça ne devrait pas être un critère à prendre en compte. » Si vous vous arrêtiez à ça, alors il y a beaucoup de choses que vous ne prendriez pas la peine de goûter parce que c'est chaud. Et ce serait bien dommage, surtout que vous aviez quand même en tête de dévaliser un peu toutes les petites cabanes. Sans plus attendre, tu t'avançais vers le marchand pour lui en payer deux. « Voilà pour toi ! » Tu affichais un grand sourire en lui tendant son verre de vin chaud épicé. Tu soufflais au dessus pendant quelques secondes avant de le porter à tes lèvres. Encore un peu trop chaud pour toi, tu allais devoir attendre quelques minutes. « J'ai vu là-bas qu'ils faisaient des tartines grillées avec du fromages, ça te tente ? » proposais-tu doucement. C'est lui qui choisissait le salé, mais tu étais passée devant tout à l'heure et l'odeur était vraiment trop alléchante pour que tu n'y retournes pas.

Les choses sérieuses étaient maintenant derrière nous, ce qui me soulageait d’un grand poids. J’aurais pu culpabiliser pendant tellement longtemps s’il avait fallu que Tiffany m’en veuille de mon silence, de mon absence, mais elle semblait comprendre, ce qui était assez généreux de sa part. Ce n’était pas tout le monde qui aurait pu me pardonner ainsi, dans le temps de le dire. C’est ce qui me faisait regretter, au fond, d’avoir perdu une année de plus auprès de Tiffany. Elle me prouvait, encore une fois, qu’elle était une personne merveilleuse. Bref, puisque tout avait été dit là-dessus, on pouvait se concentrer sur nos estomacs et les odeurs qui se faufilaient jusqu’à nos narines depuis les nombreux stands du marché. Ce fut le vin chaud qui retint le plus mon attention. « C’est bien vrai. On ne boirait plus jamais de café ou de thé si on se fiait à ma façon de penser ! » Constatais-je en riant. La blonde s’approcha du marchand et lui acheta deux boissons chaudes, avant de m’en donner un. Je me sentais un peu coupable qu’elle paie autant de trucs pour moi, surtout que ma victoire était davantage due à mes fesses qu’à mon talent, mais la prochaine fois ce serait ma tournée. « Merci bien ! » Dis-je en hochant lentement la tête, pour la remercier. Contrairement à Tiffany, je fis l’erreur de boire directement le vin chaud, bien trop chaud, qui brûla mes lèvres que je venais de tremper. Je reculai légèrement le visage sous la surprise, espérant que ma gaffe soit passée ni vue ni connue. Je le boirais dans quelques minutes, quand je ne risquerais pas ma vie. « Oh oui que ça me tente ! » On se dirigea vers le stand en question et après avoir commandé et reçu nos tartines, on retrouva une place où s’installer et manger. Quand j’eus terminé, après de nombreux soupirs de plaisir gourmand, je posai une main sur mon ventre. « J’pense bien que je suis plein … Dommage, y’a encore plein de trucs à goûter … ça me forcera à aller visiter ces petits bistros ou marchés locaux et les encourager à l’année ! » Après tout, ils n’étaient pas de service que pendant le marché de Noël, au contraire, ces gens-là avaient leurs petits commerces dans Bowen ou tout près.

« Tu sais qu'on peut boire les deux en frappés avec des glaçons ? Par contre, le concept du vin frappé, étrangement, ça a pas l'air de faire fureur ! » Tu étais trop occupée à énoncer cette idée pour te rendre compte qu'à côté de toi, il y avait un grand homme - qui dans sa grande gourmandise - venait de se brûler les lèvres. Tu venais de passer à côté de quelque chose d'hilarant, trop occupée à parler d'une idée que tu trouvais aussi hilarante. Peut-être même que ça pourrait faire rire Concho. Si tu te mettais à le faire vous pourriez monter un spectacle ensemble, lui en rappant et toi en blaguant. Vous auriez peut-être un succès de dingue. Tu l'accompagnais jusqu'au stand des tartines, où il payait. Tu n'avais rien dit, peut-être qu'il savait quelque chose que tu ignorais. Comme le fait qu'il n'avait déjà plus faim et que de ce fait, vous ne profiteriez pas des petites douceurs en guise de dessert. Et que tu avais déjà pas mal dépensé pour lui aussi au passage. « T'es sérieux ? » demandais-tu en rigolant, presque déçue de cette nouvelle au passage. Toi qui pensait t'enfiler plus de trucs mauvais pour ta santé physique, et qu'Asriel serait sûrement surpris lorsque tu lui ferais le décompte de tes dernières calories, tu aurais peut-être même le droit au double de ton nombre de tours de piste pour ça. Mais tu étais prête à les faire parce que tu partageais un moment d'extrême retrouvaille avec un vieil ami. « On en pourra en faire quelques uns ensemble, comme ça t'aura une bonne excuse pour m'inviter à sortir et à me voir ! » Tu esquissais un grand sourire, tu jetais l'idée comme ça, parce que toi, ça te ferait plaisir de faire ça une nouvelle fois avec lui. Peut-être même que vous pourriez trouver de quoi faire une mini-compétition afin de décider qui paie, ajoutant une petite dose de fun dans tout ça.

Elle n’avait pas tort, Tiffany, comme toujours. Elle réfléchissait juste plus rapidement que moi, et pendant que j’avais des réflexions débiles, elle trouvait des réponses à tout. « Ouais, c’est vrai, mais le matin c’est toujours plus réconfortant de le boire chaud … » Même en Australie, on sortait du lit avec quelques frissons, dépendamment de la température. « Et pour le vin, peut-être que ça a jamais été assez tenté ? On pourrait se partir un petit kiosque, nous aussi, l’an prochain. Vins frappés Sawyer-Rosenbach ! » Quand je disais que j’avais des réflexions débiles … Après notre énième dégustation et notre vin chaud, je mentionnai que j’étais plutôt plein. Après tout, depuis que je faisais attention à mon alimentation, mon appétit n’était pas le même que lorsque j’étais adolescent. Normal que Tiffany soit surprise, du coup. « Ouais, je suis malheureusement très sérieux … » Avouais-je avec déception, voyant bien que mon amie aurait quant à elle continué. Ça ne l’empêchait pas de le faire, d’ailleurs, mais je savais qu’inévitablement, cela annonçait la fin imminente de ces retrouvailles. Au moins, face à mon idée de visiter des marchés locaux et fermes environnantes pendant l’année, Tiffany proposa d’en faire avec moi. « J’ai pas besoin de bonne excuse pour te voir, ni d’excuse tout court en fait ! Mais je t’inviterai avec plaisir. Un classique roadtrip à travers la région. » Cette idée m’emballait déjà, d’ailleurs. La compagnie de Tiffany était toujours des plus agréables, même avec toutes ces années passées.

Tu avais toujours l'impression de le contredire en trouvant toujours de quoi à redire sur ce qu'il te confiait. Comme une vraie chieuse, c'était sûrement le cas mais à la longue, ça devait être agaçant d'avoir quelqu'un comme ça, toi en tout cas, tu étais certaine de ne pas te supporter si un jour tu avais la chance de discuter avec un double de toi. « Moi je suis une adepte du froid, sauf pour le café ! » Le thé glacé, un dada, surtout que tu l'infusais toi-même pour éviter d'avoir le plus de cochonneries possibles dedans. Et tu ne le sucrais pas, tu n'aimais pas le sucre, tu t'en passais très facilement. Tu l'écoutais en hochant la tête, tu n'étais pas sûre que ça fonctionne mais le nom pétait pas mal et tu aimais l'idée d'un partenariat avec lui. « Chiche ? » Tu esquissais un grand sourire, essayant de réfléchir à la façon dont vous pourriez vous y prendre pour inventer le concept, essayant d'être innovants. Mais pour le moment il n'y avait pas grand chose qui te venait à l'esprit. Tu entendais juste ton ventre signaler qu'il avait encore faim. « Je veux bien te defier la prochaine fois pour un concours de nourriture, je serais assurée de gagner ! » Ce serait presque de la triche de gagner de cette façon là, mais une victoire, c'était une victoire. Tu avais peu de scrupules quand il s'agissait de gagner. « Oui, mais la vie nous emporte tellement vite qu'on ne voit pas le temps défiler et on oublie parfois le monde. » C'était surtout pour toi que tu disais cela. Quand tu ne bossais pas, soit tu faisais du sport à gogo, soit tu parcourais la région sur ta moto. Tu ne laissais pas beaucoup de temps pour faire des activités avec tes amis. Déjà que tu les comptais sur les doigts de la main. Mais tu n'entretenais pas trop les relations, sauf s'il y avait moyen d'y inclure du sport.

« Là-dessus je suis pareil, dès que la journée est commencée, j’préfère les thés glacés et les smoothies ! » Faits maisons aussi. Niveau santé, je m’étais pas mal amélioré avec le temps. J’avais appris qu’on pouvait retirer autant de satisfaction d’un breuvage réellement rafraîchissant qui ne déshydratait pas en raison de sa quantité phénoménale de sucre. Quand j’avais atteint la vingtaine, c’était fini les Starbucks, bonjour les fruits frais mixés dans le robot ! Pour l’idée des vins frappés, par contre, l’idée sembla plaire à Tiffany alors qu’elle souriait de toutes ses dents, me demandant si j’étais réellement partant. « Et comment ! » On aurait l’air de deux beaux joyeux lurons, ou imbéciles, l’année prochaine. Avec notre nouveau stand et nos vins frappés qui ne feraient certainement pas fureur. À moins de réellement trouver une idée de génie pour tout mettre ça en plus. On avait encore douze mois pour y penser, alors rien ne pressait. Quand j’annonçai à Tiffany que j’étais plein, que mon ventre n’arriverait plus à en prendre, elle lança cette idée de défi de nourriture. « Attends, attends, pour gagner j’serais prêt à ne pas manger pendant deux jours ! » Lançais-je en riant. Je doutais fortement en être capable, et ce n’était pas très bon pour la santé de se priver autant pour ensuite se gaver, mais c’était pour l’humour. Concernant mon idée de roadtrip à travers la région pour découvrir toutes les saveurs et produits du terroir qu’on n’avait pas eu la chance de goûter, Tiffany philosopha sur le temps qui passe et les opportunités qui pourraient nous filer entre les doigts, si on ne planifiait rien à l’avance. « Amen ! » Dis-je en hochant la tête. « J’essaierai d’mettre les freins le plus souvent possible au temps qui passe. J’ai vraiment passé un bon moment avec toi, Tiff. Ça me manquait. » Je lui souris, réalisant en la retrouvant, à quel point elle avait manqué à ma vie.

Tu hochais la tête pour approuver ses dires. Les smoothies aussi tu étais une adepte. Rien que des fruits, de l'eau ou du lait. Que des trucs bons pour le corps et bien sain. Ton sourire ne cessait de grandir en l'entendant dire qu'il était partant. « Alors il va nous falloir un QG et un gros travail de brainstorming ! » Heureusement pour vous, vous aviez encore pas mal de temps pour tout prévoir, pour tout réfléchir. Ce n'était pas le plus important à l'heure actuelle. Tu étais trop concentrée à rire pour ce qu'il venait de dire. « Oui, mais tu perdrais quand même. » Tu avais une étincelle dans les yeux, celle que tu avais à chaque fois qu'il y avait un défi en jeu. Tu aimais tellement la compétition que tu étais ravie d'avoir un nouveau défi. Surtout un défi qui te permettrait de passer du temps avec Concho. « A moi aussi. » Tout cela te rendait bien trop sentimentale. Tu te laissais aller à une accolade. Tu ne l'avais pas pris dans tes bras depuis des années maintenant et lorsque tu le sentis contre toi, ça te faisait chaud au cœur. Et en reculant, tu jetais un coup d'oeil à ta montre. Tu n'en croyais pas tes yeux. « Mais malheureusement pour nous, le temps file mais trop vite, je vais devoir retourner travailler. » Tu faisais une petite moue. Tu aurais bien aimé ne pas devoir t'en aller mais ce n'était pas comme si tu avais vraiment le choix. Tu haussais doucement les épaules. « On se voit bientôt, d'accord ? » Tu l'embrassais sur la joue avant de le quitter. Non pas sans jeter un dernier coup d’œil derrière toi, pour être sûre qu'il était bien là. Mais les souvenirs dans ta tête étaient réels. La saveur des tartines grillées aux fromages et le vin chaud te restait bien en bouche.