get drunk -r.

Une promenade sur la plage ? Pourquoi pas. C'était toujours sympa de se laisser voguer au grès des vagues et de son vague à l'âme. Plus le temps passait ici, plus tu avais le sentiment de lutter plus encore contre ton attirance. Contre tes envies. Tu marchais d'ailleurs pour éviter ce sujet, pour éviter d'y penser. Un échec, si j'puis dire puisque tu n'avais que ça dans le crâne. Alors tu essayais de recomposer un morceau de jazz dans ta tête, tu essayais de penser à la prochaine bête que tu pourrais empailler. Ce serait un accomplissement pour toi si tu pouvais faire une grosse créature, comme un ours ou un éléphant. Même si les éléphants en Australie c'était pas vraiment monnaie courante. Tu aurais pu réfléchir plus longtemps encore si tu n'avais pas été interpellé alors que tu passais à côté d'une tente qui semblait avoir un gros matériel de cuisine. Étrange endroit pour faire à manger mais pourquoi pas après tout. Tu t'approchais de l'homme en question, qui avait un grand sourire sur le visage. Sans plus attendre il te vendait son projet. Cuisiner une recette tout en prenant des shoots d'alcools tout le long du repas. Après tout pourquoi pas oui. Il fallait juste attendre qu'une seconde personne accepte de cuisiner avec toi et de se prêter au jeu. Sûrement une émission américaine débile encore et bien que tu ne saches pas cuisiner, ça t'était bien égal. Boire à l'oeil c'était toujours sympa et si tu pouvais arrêter de penser pendant un court moment, ça ferait l'affaire. Tu t'installais donc sur une chaise dans la tente, attendant que l'animateur trouve un second volontaire.

J'ai encore du mal à marcher, par moments. Je boite de la jambe gauche, ce qui m'amène à forcer plus que de raison au lieu de me stopper et au final c'est une douleur vive qui m'y oblige. Mon attelle ne fait pas tout. Les cachets n'ôtent pas mes sensations. Ni ma frustration au passage. Et si je ferais mieux de passer mon temps libre les fesses scotchées sur mon canapé, je préfère l'user en me promenant. Aujourd'hui j'avais besoin de sortir, de voir du monde, de me rafraîchir les idées en évitant de songer à l'avenir car je n'arrive pas à me faire une raison. Je n'arriverais probablement jamais. Je soupire légèrement, mes mauvaises pensées ayant au moins réussi à faire ralentir mon rythme. Soudain ce sont au tour de mes oreilles d'être dérangées par une invitation provenant d'un stand à proximité. Je réagis presque immédiatement au mot shoot. En dernier à celui qui évoque la cuisine. Je sais à peine me faire cuire des pâtes alors... Evidemment, je suis partante. Pour les shoots. Pour l'amusement. « Je suis volontaire, ça a l'air sympa. » Lorsque j'entre pour de bon au sein du stand, je remarque un autre homme qui est sûrement mon coéquipier. Je suis curieuse de savoir si les raisons qui l'ont poussé à participer sont identiques au miennes. Je m'en rendrais compte bien assez vite. « Salut. » Sourire en accompagnement, je m'installe sur la seconde chaise à ses côtés et j'attends les instructions, les explications de l'organisateur. Mon attention se pose sur tout le matériel devant nous ainsi que sur les quelques personnes intéressées venant observer, puis de nouveau sur l'animateur pour finir par mon partenaire de cuisine.

Tu avais eu l'impression de te faire avoir un peu trop facile. Des dizaines de personnes s'étaient faites appeler sur la plage et tous semblaient avoir ignoré la chose à merveille. Le concept était nul ou c'était toi qui était prêt à faire n'importe quoi ? Tu avais l'impression d'être assis là depuis près d'une heure lorsqu'une jeune femme acceptait à son tour d'être volontaire et de participer avec toi. Au moins les choses allaient pouvoir commencer. « Salut. » Tu la regardais un instant pour la détailler un peu, quelque chose dans sa voix t'avait attiré. Le son de sa voix peut-être plus grave que celui que tu avais eu en tête en la voyant. Et un accent, enfin tu trouvais qu'il était léger, plus léger que celui de la jeune afro qui était entré dans ta boutique l'autre jour et qui hachait les mots. Maintenant que vous étiez deux à être volontaires, deux à être des cobayes pour ce test d'émission, tu écoutais le présentateur expliquer les règles. Deux shooters, une bouteille de vodka sur la table, d'autres en stock si jamais vous aviez une bonne descente et une recette de cuisine. Le but étant de boire, de parler, de cuisiner et aussi de faire passer un bon moment au public. Pour cela il y avait une mise en scène, vous deviez agir comme deux vieux potes, éviter le plus possible de montrer à la caméra que vous veniez de vous rencontrer. Ce qui te semblait assez compliqué en soit mais pas insurmontable pour peu qu'elle jouait aussi le jeu. C'était le moment de te laisser aller complètement à ce petit grain de folie que tu cachais au fond de toi. « Tu sais cuisiner un minimum ou même pas ? » demandais-tu doucement à l'attention de la jeune blonde qui étais toujours installée à côté de toi. C'était une question importante puisque le concept de l'émission c'était quand même de cuisiner donc si elle n'était pas capable de tenir un couteau et de couper des légumes, ça pouvait promettre quelque chose d'assez amusant.

Je m'imaginais que mon coéquipier serait plus bavard que ça. Certes il a répondu à mon salut par politesse mais pour le moment, il me dévisage un peu. Je lui souris malicieusement puis je tends l'oreille lorsque les explications arrivent enfin. En même temps que l'organisateur énonce les choses à faire ou à ne pas faire, je suis des yeux ce qu'il lui arrive de montrer comme les deux verres de shooter ou la belle bouteille de vodka. Ah, la vodka. J'espère que celle-ci est bonne, que ça valait le coup. En revanche pour le reste... Je ne sais pas de quelle manière tout ceci va se dérouler. Suivre la recette de cuisine, c'est noté. Agir comme des potes, aussi. Même chose pour les bouteilles en stock. Au final je suis moins inquiète qu'au départ. Suivre une recette de cuisine, ce n'est pas la mer à boire j'imagine. Je n'ai jamais vraiment testé, j'ai toujours regardé ma mère faire lorsque j'étais petite. Un peu de pratique sera amusant. Je le vois du bon œil, je le vois comme un défi. Rien de mieux pour me motiver. Soudain, la question que mon coéquipier me pose m'arrache un léger rire. « Si tu poses la question, j'imagine que c'est parce que toi, tu as du mal ? » Un raisonnement peut-être idiot mais j'attends sa réponse sans avoir au préalable donné la mienne. Mais comme je n'ai rien à cacher, je finis par lui révéler. « Pas vraiment. Mais bon, couper des légumes c'est à la portée de presque tout le monde... Ou au moins à ma portée quoi. » Je jette un coup d’œil au début de la recette : couper les courgettes, tomates et poivrons en fines lamelles. « On se partage la tâche, comme pour les shoots ? » Je ne me fais d’ailleurs pas prier et vide mon premier shoot en prenant au passage l'une des courgettes puis le couteau. Qui manque de m'échapper des mains. Ça commence bien mais je suis certaine que ceux qui regardent adorent : ils sont là pour ça, rire devant cette situation loufoque. J'espère malgré tout que mon coéquipier ne regrette pas suite à cette maladresse très vite corrigée. Qu'il n'a pas eu peur. Je vérifie sa réaction et si de son côté, il s'en sort.

C'était le genre d'émission qui pouvait te mettre assez vite mal à l'aise parce que tu ne saurais pas naturel, pas dès le départ. Tu étais déjà incapable de sourire et quand tu forçais pour te donner un genre ça ressemblait souvent à une immonde grimace. Pourtant il le faudrait bien, tu ne pouvais pas rester le visage impassible tout le long de l'émission. L'avantage c'était la vodka, l'alcool t'aidait souvent à te lâcher parce que tu n'avais plus aucun contrôle sur ton corps, sur tes pensées et encore moins sur ton sourire. Paraît que tu souris beaucoup quand t'es ivre, au moins ça pourrait être drôle comme émission. « Je suis italien alors si j'étais mauvais cuisinier, ça se saurait. » Mais ça elle ne pouvait pas le savoir. Maintenant elle était prévenue. L'émission allait pouvoir commencer, une fois que vous seriez équipé de petit micro. Tu tournais une nouvelle fois ton regard vers elle. « Très bien, on devrait s'en sortir alors et deal pour les shoots. » C'était l'heure d'entrer en piste, l'animateur saluait rapidement la caméra en vous présentant sans donner vos vrais prénoms puisque tu étais affublé d'un James et elle, devenait Mia. Tu prenais place devant le comptoir alors que le premier verre venait de vous être servis. Tu l'attrapais pour le boire d'une traite après avoir trinquer avec "Mia". La recette ne semblait pas compliqué, un crumble de courgette, tomates et poivrons. Pour commencer il fallait couper les légumes en petit dés, elle prenait une courgette tandis que toi tu prenais les poivrons et tu pouvais déjà voir la catastrophe arrivée. Par chance elle s'était rattrapé au dernier moment et tu essayais de dessiner un sourire sur ton visage. « Je vois que t'es toujours aussi adroite dis-moi, ma chère Mia ! »  Talents d'acteurs : 1. Tu savais que tu aurais pu faire carrière dans le cinéma.

Je ne me fais pas de soucis. Je devrais peut-être mais dans très peu de temps, une fois que l'alcool aura commencé à agir après le premier shoot, je serais encore plus détendue que je le suis actuellement. D'ailleurs j'ai hâte de débuter. Pour le moment, j'échange quelques paroles avec mon coéquipier histoire de savoir deux trois trucs et de s'arranger pour la suite. Il me dit être Italien. Je hausse un instant les sourcils puis renforce mon sourire amusé. « Dans ce cas tu vas pouvoir me le prouver dans pas longtemps. » Une pointe de provocation qui est loin d'être méchante, en vérité c'est plus une taquinerie faite à inconnu. Certes. Mais quelle importance ? Je ne tarde pas à lui proposer un deal correct entre cuisine ainsi que shoots. Que chacun ait sa part, que l'un ne vide pas toutes les bouteilles en laissant tout le boulot à l'autre. Ce n'est pas le jeu. Le jeu j'ai bien compris, reste de s'entraider peu importe notre niveau ou surtout mon niveau. Pas le temps de tergiverser plus que nous entrons tout deux en piste. Je suis désormais Mia et lui James. Mama Mia, tu parles d'un prénom. Au début de la recette, je fais déjà une bourde. Pas concernant les légumes à couper mais plutôt en manquant d'éventuellement éborgner quelqu'un avec le couteau qui a faillit m'échapper des mains. Je reste fière, tête haute, m'attaquant à ma courgette avec en fond sonore une belle remarque de "James". « Que veux-tu James, même les meilleurs font des erreurs. » Je me permets, laissant sous-entendre que j'ai des années d'expérience dans la cuisine. Un mensonge qui s'accorde bien avec le rôle que je tiens actuellement. Une fois la première courgette coupée sans plus de maladresse, pour le moment, je fais un signe discret à mon coéquipier pour déjà partir sur un deuxième shoot. Ça tombe bien, il a l'air d'avoir terminé ses poivrons. « Une bonne chose de faite. Pour la suite, il va falloir un peu de carburant qu'en penses-tu ? Je sais que tu en meurs d'envie. » Le carburant étant l'alcool. Je me montre suffisamment familière en sa compagnie, ce qui n'est pas un réel problème. Même sans le premier shoot, je suis d'un naturel sociable.

L'occasion de le lui prouver, oh que oui. Tu n'allais pas t'en priver. Loin de toi l'idée d'être arrogant et de vouloir mettre en avant ton savoir faire mais il y avait certaines choses que tu maîtriser bien que tu n'aimais pas cuisiner d'ailleurs. Tu étais même très difficile dans ton choix d'aliment mangeant que très peu de légumes. On ne pouvait pas dire que tu étais fan, même pas sur une bonne pizza. Pour toi la pizza parfaite c'était de la viande et du fromage, rien de plus. Tu acceptais juste la sauce tomate mais pour ça aussi tu avais la recette secrète de la famille Baratti, transmise depuis des générations. « As-tu obtenu ta troisième étoile d'ailleurs ? » demandais-tu à l'intention de la jeune femme que tu ne connaissais pas. Mais sa phrase laissait sous-entendre qu'elle jouait le rôle d'une grande chef, autant rentrer dans le jeu. Toi-même tu n'avais pas encore décidé de ce que faisais "James" dans la vie. C'était un peu perturbant de devoir jouer un rôle dont tu ne connaissais rien, mais tu n'en laissais rien paraître. « Tu connais mon amour pour la vodka, alors je serais incapable de te dire non ! » Tu forces le sourire une nouvelle fois mais l'alcool fait déjà effet, ça parait plus naturel même si tu n'y étais pas encore. Tu poses ton shooter devant elle pour qu'elle le serve, faisant mine de jeter un coup d'oeil à la recette. « Pour la suite, il va falloir réaliser un crumble. Toi qui est une grande pro, peux-tu me dire ce qu'il faut prendre ? » Peut-être que c'était un poil mesquin de lui tendre un aussi beau piège mais c'était aussi le jeu. Si elle ne sait pas répondre, elle pourrait toujours mettre ça sur le dos de l'alcool.