But you know happiness can be found even in the darkest of times, when one only remembers to turn on the light. (nevaeh)

Il y a deux mois...

Depuis quelques temps, le manque se fait plus présent, plus pesant, plus lourd, plus dur à supporter. Emrys ne sait pas pourquoi. Peut-être qu'après avoir essayé de l'oublier un peu en venant ici, c'est le retour du boomerang, qu'il se prend en pleine tête et qui le fait tomber. Il y a peut-être cru à un moment, que les choses iraient mieux, que la vie pouvait reprendre son cour sans elle, qu'il pouvait continuer d'avancer en voyant chaque jour dans les yeux de son fils les yeux de la femme qu'il aimait, aime et aimera toute sa vie. Non, il ne peut pas l'oublier, c'est certain, vivre avec son chagrin, il y a essayé, rencontrer une nouvelle femme, c'est au dessus de ces forces.
Lui qui d'habitude arrive à se contrôler, ne pleure que lorsqu'il est seul, ne boit jamais plus qu'il ne faut, ne fume pas, ne se drogue pas, ne télécharge même pas un film illégalement mais va louer un dvd au loueur du coin, a commencé à céder à ses démons. Tout a commencé un soir, il y a quelques jours, où il a vu cette bouteille de vin dans le frigo, vestige d'un dîner avec un ami. Il l'a terminé, seul, chez lui, le regard perdu. Puis il en a pris une deuxième, qu'il n'a pas fini, il est allé se coucher avant. Le lendemain matin, il s'est réveillé avec un mal de crane et s'est dit qu'il avait déconné, qu'il ne recommencerait pas. Mais il a recommencé, il ne sait pas pourquoi, alors qu'il s'était dit non. Depuis quelques jours il a ce rituel. Il couche son fils pour l'épargner d'avoir de mauvais souvenirs, prend une bouteille et s’assoit. Lorsqu'il sent qu'il ne marchera plus droit pour aller jusqu'à son lit, il s'arrête, comme-ci ça il pouvait le contrôler. Évidement, le matin, il n'est plus aussi frais qu'avant mais assure toujours avec la même passion ses cours à l'université. Il ne laisse rien transparaître, restant seul dans son malheur.
Il n'est pas très tard ce soir là, il a presque fini sa bouteille quand il entend quelqu'un frapper à la porte. Il est assis juste à côté, sa bouteille dans les mains. Il panique. Il n'avait pourtant rien de prévu. Sûrement une visite impromptue. Il décide de ne pas bouger, se disant que la personne partira. Mais un faux mouvement fait que la bouteille lui glisse des mains et le contenu rougeâtre se déverse sur le parquet, une partie passe sous la porte. A présent il ne peut plus simplement ignorer la présence derrière la porte. Il regarda le liquide rouge sur le parquet, cela lui fit penser au moment où il était arrivé sur la route où sa femme était morte, où il avait vu du sang goutter de la voiture et le corps inerte de Liz sous un drap blanc. Cette pensée lui donna envie de vomir et de pleurer en même temps, il décida finalement de pleurer. Mais il se reprit bien vite se rappelant de la présence derrière la porte, il passa sa main sur son visage pour effacer ses larmes et se releva en s'appuyant contre le mur. Sans un mot il attrapa la poignée de la porte et la tourna pour ouvrir celle-ci. Il ne savait pas qui lui rendait visite mais il espérait juste que cette personne ne le jugerait pas trop pour son état.

C'était Nevaeh. Il ne voulait pas qu'elle le voit comme ça, dans l'état pitoyable dans lequel il était. Il voulait que personne ne le voit comme ça, il aurait aimé garder ça pour lui. De toute façon il garde toujours tout pour lui. Emrys n'est pas vraiment un homme qui se confie facilement. Il l'a peut-être déjà fait avec quelque uns de ses amis mais jamais entièrement. Ce soir là, il avait l'impression de plus se confier à la jeune femme qu'à n'importe qui alors qu'il ne disait rien. Il avait juste fait tomber une bouteille, avait les yeux éclatés à cause de ses larmes et la mine complètement perdue.
Elle s'était inquiétée pour lui, il trouvait ça gentil de sa part. Enfin la connaissant il se doutait qu'elle se soucierait de lui, surtout après le séisme. Beaucoup de monde avait été touchée, pas lui, par chance ou peut-être parce qu'il n'était pas sorti et que son appartement n'avait rien eu. Il se dit qu'il aurait dû regarder son téléphone, ça lui aurait évité qu'elle vienne et le voit dans un état pitoyable.
Il comprenait qu'elle veuille des explications, lui qui ne boit pas, ne fume pas et a toujours été raisonnable. Pourtant il restait muet, que lui dire ? Son cerveau réfléchissait tellement lentement et alignait des phrases qui n'ont pas de sens, totalement décousues. En général il n'est pas du genre bavard mais il faut croire que l'alcool n'aide en rien à lui délier la langue, en tout cas pas avec un taux d'alcool aussi important dans le sang. Il la voyait aller chercher une éponge pour nettoyer la flaque de vin. Le jeune homme aurait voulu lui dire qu'il allait le faire, que ce n'était rien. Il voulait même dire que tout allait bien mais sa bouche resta close. Il alla juste s'asseoir sur le canapé presque mécaniquement, toujours muet. Il prit sa tête dans ses mains et se retint de pleurer à nouveau. Il réfléchit un instant à ce qu'il pouvait dire, il savait qu'il ne pouvait pas rester muet éternellement. Il doit lui dire quelque chose, lui expliquer. « Elle est morte. » c'est tout ce qu'il réussit à dire dans un premier temps. Trois petits mots. Comme s'il venait de réaliser alors que cela faisait déjà plusieurs années, comme s'il se prenait un retour de boomerang. « J'arrive pas à vivre sans elle. » il ne se souvient plus s'il lui a parlé de sa femme un jour mais il se dit que dans tous les cas elle comprendra, sûrement, de toute façon il n'arrive pas à dire quelque chose de plus. Des mots tournent sans cesse dans sa tête. C'est de sa faute si elle est morte, c'est à cause de lui qu'elle n'est plus là, qu'il ne peut plus l'embrasser chaque matin, tout ça est de sa faute, il en est persuadé. Rien ne sera jamais comme avant.

Emrys ne se confiait pas beaucoup. En règle générale il ne dit rien, il laisse les autres parler ou bien il confie des choses banales mais jamais ce qu'il ressent vraiment. L'alcool et la tristesse aidant il est plus enclin à parler, à confier ce qu'il ressent, son mal-être. Pour l'instant il n'a pas dit grand chose mais d'habitude il ne le dit pas avec autant d'émotion, cela ne vient pas d'aussi profond. Les gens savent que sa femme est morte mais il ne s'étale jamais sur le sujet, il préfère passer à d'autres qui le touche moins. Mais là, là, il ne peut pas vraiment parler d'autre chose, penser à autre chose. Il ne voit que son visage, leurs moments passés ensemble.
S'il est là aujourd'hui c'est uniquement parce qu'il a un fils et qu'il ne veut pas qu'ils grandissent sans parents et aussi parce qu'il sait que sa femme n'aurait pas été fière qu'il se suicide pour elle. Une fois elle lui avait dit : si un jour je meurs, bat toi, continue ta vie. Je veux que tu sois heureux, que ce soit avec ou sans moi.
Seulement il n'arrive pas à être heureux sans elle, il essaie, peut-être pas avec autant de volonté qu'il faudrait mais il essaie. En voyant Nevaeh prendre soin de lui, il se dit qu'il devrait faire plus attention aux gens qui l'entourent, voir qu'il y a des gens qui sont là pour lui. C'est d'ailleurs ce qu'elle lui répond lorsqu'Emrys lui confie ne pas réussir à vivre sans sa femme. Elle est là elle, elle peut l'aider, au lieu de se saouler jusqu'à ne plus pouvoir marcher, il peut l'appeler, se confier à elle. Tandis qu'elle passe sa main dans son dos pour le réconforter, il se sent honteux. Il n'est qu'un sale égoïste qui pense qu'à lui, qui boit, qui ne pense plus autant à son fils, qui ne parle pas à ses amis, qui ne s'occupe pas des autres. S'il n'avait pas autant bu il se serait sûrement mis une claque pour être un connard pareil. « Je suis désolé...c'est juste que j'ai du mal à en parler. » c'est pour ça qu'il n'arrive pas à aller de l'avant, parce qu'il n'en parle pas. Parce qu'il garde tout pour lui. « Tu as déjà perdu quelqu'un que tu aimais ? » lui demanda-t-il pour savoir si elle peut comprendre son chagrin. Il sait bien que personne ne peut vraiment le comprendre mais Nev' est une bonne amie, gentille et attentionnée avec lui alors même si elle n'a rien vécu de similaire elle peut peut-être comprendre les choses qu'il ressent. « je dois faire quoi ? » demanda-t-il alors en tournant la tête vers elle pour la regarder dans les yeux. Doit-il rencontrer d'autres femmes et faire semblant que tout va bien ? Doit-il voir un psy ? Ou bien laisser les choses suivre leur cours ? Il n'en sait rien.

Emrys fut vraiment reconnaissant de tout ce que faisait son amie pour lui. Il n’est pas sûr qu’en retour il aurait été pareil dans la même situation. Il ne l’aurait pas laissé tomber, ça c’est sûr mais il ne pense pas qu’il aurait été d’aussi bon conseil, aussi prévenant et gentil. Il n’a pas vraiment le genre de caractère optimiste, le cœur sur la main à vouloir aider les gens. Non il reste plutôt dans son coin et si quelqu’un a besoin de lui il est là et fait de son mieux mais il est rare qu’il soit la meilleure personne pour parler.
Au final il ne connaissait pas aussi bien Nev’ qu’il ne le pensait. Car peut-être qu’elle aussi avait connu cette douleur de perdre un proche, il n’en savait rien. En tout cas, si tel était le cas, elle ne lui en avait jamais parlé. Finalement elle lui répondit qu’elle n’avait jamais perdu quelqu’un. Elle en profita pour le réconforter un peu plus, lui disant qu’elle admire sa force de caractère, même si actuellement il est plus un homme faible et complètement perdu. Sur certains points il a toujours été un homme fort mais ce n’est plus vraiment le cas maintenant. Il a toujours été raisonnable et sérieux et voilà qu’il commence à boire seul chez lui le soir jusqu’à plus pouvoir marcher. Même s’il se sent honteux quelque part, une partie de lui est heureuse que quelqu’un sache ce qu’il traverse et que plein de choses ne vont pas. Certes il a un fils qu’il aime par dessus tout même si parfois il aurait préféré qu’il ne soit pas là et un travail qui le passionne, il aimerait avoir quelqu’un à ses côtés. Avoir sa femme, avec qui tout allait bien. Et c’est ça qu’il regrette le plus au final. C’est qu’il ne la déteste pas, l’aime par dessus tout, ne s’est jamais imaginé sans elle jusqu’à ce qu’elle meurt. Emrys sait qu’il ne la retrouvera pas et qu’il ne retrouvera jamais quelqu’un comme elle. Il faut qu’il se mette en tête qu’il ne doit pas la remplacer mais avancer, aller de l’avant, avec quelqu’un de différent.
Il continue d’écouter son amie, hochant parfois la tête pour montrer qu’il n’a pas la tête ailleurs mais qu’il fait tout son possible pour l’écouter. Il apprécie vraiment la maturité dont fait preuve la brune. Il a vraiment l’impression qu’elle arrive à trouver les mots justes, ceux qui lui vont droit au cœur, qui signifient quelque chose et qui font changer les choses. Il garde toutes ses paroles dans un coin de sa tête et se promet d’un jour s’en servir et s’essayer de combattre ses démons, de sortir de sa tourmente.
Lorsqu’elle parle de sa femme, le jeune homme a vraiment l’impression qu’elle l’a connue. Elle est, ou était plutôt, exactement comme Nev’ la décrit. Elle n’aimerait pas voir son mari se morfondre comme il le fait, rester seule comme il le fait également. « Je sais mais...j’y arrive pas. Je ne sais pas comment faire, par où commencer. » dit-il désespéré. Finalement il posa sa tête sur l’épaule de la jeune femme, épuisé par tout ça. « Merci d’être là. » dit-il finalement.

Emrys est un peu comme un enfant qui a besoin qu’on lui dise quoi faire, où aller, par quoi commencer. Il est perdu en réalité. Il n’a jamais vécu seul, n’a jamais eu une vie de célibataire. C’est comme s’il devait réapprendre à vivre autrement. Mais il n’en a pas envie, alors il boit pour se dire qu’au final ça va, pour oublier ses soucis, qu’il n’oublie pas vraiment d’ailleurs. Heureusement Nev est là, oreille attentive présente pour le conseiller. Premier conseil : arrêter de boire. Il aimerait bien lui dire oui mais ce n’est pas un menteur et il sait que maintenant qu’il a commencé à boire, s’il n’a pas une volonté forte d’arrêter ou bien quelqu’un pour l’empêcher, de force, de boire, il continuera sans doute.
Elle est bien trop modeste pour se rendre compte qu’il est vraiment très reconnaissant qu’elle soit là et que pour lui c’est vraiment quelque chose d’important. Quelque chose qui fait qu’ils sont passés de simples amis parmi temps d’autres, à quelqu’un sur qui Emrys peut réellement compter, quoi qu’il arrive. La demoiselle lui demande s’il veut boire quelque chose, autre que de l’alcool bien sûr, comme un café par exemple. Avant qu’il ne puisse répondre, elle se lève et se dirige dans la cuisine pour aller en préparer. En général il n’est pas trop café, ça lui arrive d’en boire mais plus pour se donner un coup de boost que parce qu’il en apprécie le goût. Le jeune homme apprécie davantage le thé, comme tout bon anglais qui se respecte. Mais là un bon café bien fort lui fera le plus grand bien. Il en a toujours un paquet qu’il utilise pour cuisiner, par exemple des tiramisus ou autres recettes nécessitant du café. Une fois les cafés prêts, Nev revint, posa la tasse devant lui avant de s’asseoir à côté de lui. Tandis qu’il commence à boire le café bien chaud, elle lui demande de lui promettre que la prochaine fois qu’il va mal il l’appellera, elle sera toujours là pour lui. « Je peux pas te promettre ça. J’aimerais bien te dire oui mais je ne veux pas te mentir. » répond-il honnêtement. « Mais merci quand même. » Il trouve tout de même son ami très gentille de faire tout ça pour lui alors qu’il n’est qu’un vieux grincheux dépressif qui doit saouler bon nombre de personnes. « Je sais que ça va être ridicule mais je suis là aussi si jamais tu as besoin. »

Emrys aimerait bien être un aussi bon ami que les gens le sont pour lui. Il aimerait bien être aussi attentionné que Nevaeh, réussir à mettre sa peine de côté pour réconforter les autres. Comme disait Jacques Prévert, il faudrait essayer d’être heureux ne serait-ce que pour montrer l’exemple. Il devrait repenser à ça plus souvent, peut-être que comme ça il irait de l’avant et il arrêterait de s’apitoyer sur son sort sans cesse. Oui ce n’est pas simple d’avoir perdu son seul amour, la seule personne qu’on a jamais aimé, mais il faut essayer d’aller de l’avant malgré tout. Seulement, ça il n’y arrive pas, à la place il s’enfonce un peu plus. Il ne dit rien, se contentant de hocher la tête, il n’a pas le courage d’entrer dans un débat pour lui faire comprendre qu’il peut vraiment être là et tenter de l’aider si elle en a besoin.
La jeune femme lui annonce qu’elle va passer la nuit là et que s’il le faut elle restera plus longtemps. Que si jamais lui s’en fiche de boire, qu’il arrête au moins pour son fils. Elle a raison, il ne mérite pas ça. Il ne mérite pas d’avoir un père alcoolique, qui ne s’occupe pas de lui, qui ne l’aime pas comme il devrait. Que lui dirait sa femme si elle le voyait délaisser son fils ? Elle serait sûrement très en colère, comme jamais. Elle aimait son fils, plus que tout, c’est normal. Emrys aussi mais à présent il a plus de mal. Il a du mal à le regarder sans se sentir triste, il a du mal à être un bon père, aimant et présent. Parfois il se demande si c’est une bonne idée qu’il reste avec lui mais après il se dit que ce serait comme lui enlever une part de lui, comme perdre une nouvelle fois sa femme. « Tu as raison. Je le sais. Je devrais t’écouter. » Oui il devrait mais il ne va pas forcément le faire parce qu’il est têtu et borné. Que s’il décide de quelque chose pour le faire changer d’avis c’est un peu le parcours du combattant. « Va dormir dans le lit. » lui répondit-il alors qu’elle lui parlait d’aller voir le soleil le lendemain. De toute façon il commençait déjà presque à s’endormir, à bout de force.