crowded + jude

Emrys n'avait pas prévu de finir dans un bar bondé. Cette situation était survenue malgré lui. Comme presque tous les soirs, il était allé dans un bar de la ville, alternant entre les plus fréquentés et ceux avec une clientèle plus réduite. Ce n'était pas tant pour varier les plaisirs qu'il faisait ça mais pour passer inaperçu et ne pas être vu comme un habitué et donc comme un potentiel alcoolique, malgré le fait qu'il en soit plus ou moins devenu un.
Il s'était donc rendu dans ce bar plutôt ordinaire et peu rempli. Sauf qu'après son deuxième verre, un groupe d'étudiant est rentré. Le jeune homme avait l'impression que tous les élèves de l'université s'étaient donnés rendez-vous ici tellement le groupe était imposant. En conséquence, petit à petit, l'ambiance du petit bar tranquille s'est transformé en une espèce de boîte de nuit bondé ce qui ne ravie pas vraiment Emrys qui n'est pas très friand du contact humain et des lieux où il faut se glisser entre les gens pour aller d'un point A à un point B.
Il décida donc d'aller dehors pour prendre l'air un peu et sortir de cette atmosphère étouffante. Sur le chemin, alors qu'il arrivait presque à la porte, son verre à la main, il bouscula légèrement une jeune femme. Miraculeusement, le contenu de son verre resta bien dans celui-ci et causa donc aucun dégât, que ce soit sur lui ou la jeune demoiselle. Malgré tout il ressenti le besoin de s'excuser, ce qui est normal lorsqu'on a bien été élevé. « Excusez-moi. » dit-il alors naturellement.

La jeune femme ne semblait pas faire partie de ses personnes hystériques qui s’énervent pour un rien. Il est déjà arrivé à Emrys de bousculer quelqu’un sans mauvaises intentions et de se retrouver à se disputer avec cette même personne car c’est inadmissible de rentrer comme ça dans les gens, qu’il devrait faire plus attention, ce genre de choses. C’est d’ailleurs comme ça qu’il a fait la connaissance d’Eleanor, comme quoi tout n’est pas négatif. Mais tout de même il apprécia la réponse de la demoiselle.
Elle avait besoin de prendre l’air, tout comme lui. Il la suivit donc dehors en espérant qu’elle ne pense pas qu’il la suive ou autre chose qui pourrait le faire passer, au choix pour, un psychopathe, un dragueur lourd ou tout autre personne mal intentionné. Le jeune homme garda ses distances avec la blonde pour ne pas l’effrayer et qu’elle ne se fasse pas de film. Il faisait plus frais dehors mais c’était relatif car les nuits sont tout de même chaudes en été en Australie. Mais à l’intérieur c’est pire, un vrai sauna. Donc ça plus le monde, c’en est trop pour le trentenaire. « C’est plus calme ici. » dit-il banalement. Plus calme, plus tranquille, plus apaisant. Adossé contre le mur, il regarde devant lui, muet. Emrys n’est pas un grand bavard, il préfère le silence au bruit, le calme aux grandes conversations. Malgré tout il est tout à fait ouvert si la jeune femme veut parler.

Emrys se sent un peu étranger par rapport aux gens qui se trouvent dehors. La plupart étant là pour fumer ou pour accompagner des fumeurs mais lui juste pour prendre l’air. Il a vraiment un problème avec les endroits bondés, la proximité avec des inconnus pour se retrouver dehors parmi ces fumeurs. Mais il n’est pas le seul puisque la blonde y est aussi et qu’il l’a plus ou moins suivi. Pas comme un pervers dragueur lourd mais plutôt parce qu’il trouve que c’est une excellente idée que de prendre un peu l’air. Même si la température extérieure n’est pas très rafraîchissante. C’est ça qu’il regrette un peu par rapport à l’Angleterre ou la France, on ne peut pas vraiment être au frais. Il voulait changer de climat, c’est un changement radical mais parfois la pluie fraîche londonienne ou quelques flocons de neige lui manquent.
Heureusement pour lui, la demoiselle semble un peu plus bavarde, ce qui ne le dérange pas puisqu’il préfère lorsque les autres font la conversation à sa place et qu’il se contente de hocher la tête et éparpiller quelques mots. Elle lui explique qu’elle ne sait pas vraiment ce qu’elle fait là, qu’elle pensait que ça lui plairait mais à présent elle se sent ridicule. « Vous n’avez pas à vous sentir ridicule. Vous n’êtes pas obligé d’aimer sortir dans les bars. » Il en sait quelque chose puisque aussi paradoxal que cela puisse paraître, il n’aime pas les bars. La jeune femme lui demande si tout comme elle il est venu seul. « Oui et peut-être que vous auriez pu venir avec quelques amis, vous vous seriez sentie moins seule. » dit-il en tentant un peu de la réconforter.

S’il n’est pas très bavard, Emrys peut se montrer parfois réconfortant même s’il n’est pas non plus une personne très à l’écoute. Mais là, il comprend totalement la jeune femme, il sait ce qu’elle ressent puisqu’il est comme elle, ils sont dans le même bateau tous les deux. Ils sont venus là mais ils ne sont pas à leur place. Bar trop petit, trop bondé, musique trop forte, l’extérieur est bien plus accueillant avec sa douceur, son calme, sans personne à qui marcher sur les pieds ou bousculer. La blonde lui demanda si lui non plus n’aime pas particulièrement les bars trop remplis. « Je préfère lorsqu’il y a moins de monde. » Il préfère également être chez lui mais boire dans les bars est la solution qu’il a trouvé pour éviter de finir allongé par terre dans son salon avec une gueule de bois pas possible le lendemain.
Elle lui expliqua par la suite que lorsqu’elle est avec des amis, elle ne se sent pas vraiment elle même, qu’elle ne s’amuse pas vraiment et que peut-être en venant seule elle se sentirait mieux, mais non. Elle s’excusa de l’embêter avec ses histoires mais ça ne dérangeait pas Emrys qui préfère entendre les autres parler d’eux plutôt que lui devoir parler de lui. Ne pas parler des problèmes les fait un peu oublier. « Faites ce que vous avez envie de faire, ne vous sentez pas obligée d’être comme tout le monde. » Lui aime lire, cuisiner et l’histoire, il ne se force pas à aimer autre chose même si parfois il tente des soirées entre amis sans que cela soit bien concluant. « Vous ne m’embêtez pas. Au moins cela me donne une excuse pour rester dehors. » Il n’a pas besoin d’excuse puisqu’il est seul mais ça évite à son cerveau de vouloir un autre verre d’alcool.

Parfois Emrys peut se révéler être de bon conseil malgré lui. En règle général il ne sait jamais trop comment conseiller les gens surtout lorsqu’il s’agit de relations amoureuses ou d’amitié. Mais là il s’agit plutôt d’être soi même et de ne pas vouloir sortir pour faire plaisir aux autres. Lui est très content de ne sortir qu’à de rares occasions et de passer le reste du temps chez lui à lire des livres ou à regarder des documentaires.
Finalement la jeune femme se présenta à lui. En effet ils parlent maintenant depuis plusieurs minutes pourtant ils ignoraient leur prénom. Elle s’appelle Jude. « Enchanté Jude. Je m’appelle Emrys. » dit-il avec un mince sourire poli. Emrys est assez à cheval sur la politesse et les bonnes manières, tout comme la galanterie, il est donc important pour lui de faire des présentations formelles un peu désuètes.
Parler avec quelqu’un fait oublier à son cerveau qu’il a besoin d’alcool pour noyer son chagrin. C’est une bonne distraction, malheureusement Emrys n’est pas assez sociable pour en user tous les soirs. Jude lui demanda s’il était sûr de ne pas vouloir retourner dans le bar pour boire un verre. « Non merci ça ira. » répond-il simplement. Plus il est loin de l’alcool mieux c’est. Il sait très bien que c’est mauvais pour lui de boire, qu’il ne faut pas mais il a plongé dedans la tête la première et à présent il est plus compliqué d’en sortir. Comme une guêpe prise au piège dans une bouteille. « Mais je ne vous retiens pas si vous voulez y retourner. » ajouta-t-il bien que la jeune femme n’apprécie pas l’ambiance.

La jeune femme n’avait pas l’intention de retourner à l’intérieur pour l’instant. Il faut dire que c’est bien plus calme et reposant dehors. Beaucoup n’aimeraient pas mais Emrys ça lui plaît. Il n’aime pas particulièrement les bars d’ailleurs mais c’est une alternative pour ne pas boire seul chez lui, au moins il boit seul mais avec des gens autour. Pas sûr que ce soit mieux mais c’est déjà ça. Jude lui confia qu’elle n’espérait rencontrer quelqu’un qui lui ressemble dans un bar. « C’est plutôt rare en effet mais ça existe. » approuva-t-il. De la petite expérience qu’il a sur la question pour l’instant, il a remarqué qu’il y a parfois des gens seuls comme lui qui viennent boire mais le soir ce sont plus souvent des jeunes venus pour faire la fête ou encore des jeunes actifs venus boire un verre après le travail. La blonde lui demanda ensuite son métier et s’ils pouvaient se tutoyer. « Oui, ça ne me dérange pas. » dit-il bien qu’il ait davantage l’habitude de vouvoyer les gens. Elle se présenta comme une infirmière, riant du fait que s’il fait un métier dangereux ils se reverront peut-être. « Je suis professeur d’histoire-géographie à l’université donc pas vraiment un métier dangereux. » répondit-il avec un mince sourire. Pourtant il peut toujours se blesser en dehors de son travail, en faisant du sport ou comme l’année dernière lors de la tempête où un clou est venu se planter dans son épaule. Il a bien souffert sur le coup et après aussi, il n’a pas pu bouger son bras pendant un moment. « Mais sait-on jamais, nous pourrions toujours nous recroiser, enfin j’espère pas dans des circonstances malheureuses. » Il ne rêve pas non plus de se casser une jambe.