take my breath away (oliver)

Elle est nerveuse, dans le bon sens. Ce n'est pas un état de nervosité qui lui fait mal aux épaules, ou qui lui donne envie de se transformer en un être minuscule qui pourrait se glisser entre les lattes du plancher. Pas non plus un état qui lui donne envie de tout annuler ce qu'elle est en train de faire. Au contraire, c'est le genre d'état qui lui donne mal aux joues à forces de sourire, et qui secoue son estomac de soubresauts à chaque fois qu'elle pense à cette soirée. Depuis l'opération, c'est la première fois que Théia va passer une soirée normale avec Oliver. Elle a encore du mal à se faire à l'idée qu'ils sont ensemble, que malgré tout ce qu'il s'est passé, allant du tremblement de terre à son passage sur la table d'op', ils en sont sortis intacts et unis. Mains posées sur ses hanches, elle regarde la table du salon d'un air sceptique. Il y a sur celle-ci des assiettes, des couverts, des verres, et au milieu un petit bougeoir à l'ancienne qui élève une bougie pas encore allumée. En a-t-elle trop fait ? Derrière elle, le salon est illuminé par plusieurs lampes de sortes à créer une ambiance tamisée. Elle est vêtue d'une robe fleurie qu'elle a sortie pour l'occasion, mais ne s'est évidemment pas séparée de sa paire de baskets blanches préférée. On sonne à la porte. Théia inspire profondément, glisse une mèche de cheveux derrière son oreille, et traverse le hall afin d'aller ouvrir. Immédiatement, un immense sourire étire ses lèvres lorsqu'elle voit Oliver. « Salut toi, » dit-elle sans perdre son sourire, se dressant ensuite sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur ses lèvres. « Bienvenue dans le sanctuaire du monde cinématographique à l'ancienne, » ajoute ensuite Théia en faisant référence à toutes les vieilles affiches de films qui prônent un peu partout sur les murs. Elle se décale pour le laisser passer avant de fermer derrière lui.

Les derniers mois avaient été très mouvementés, gardant toujours Oliver dans un éternel état d'alerte. Le séisme, l'hôpital, la perte de son studio, en plus des migraines qu'il avaient désormais assez fréquemment, le rendant plus soumis à ses démons. Heureusement qu'il y avait Théia, c'était la meilleure chose qu'il lui était arrivé depuis longtemps. Ils allaient enfin avoir une soirée à eux et il avait prit une bonne dose d'aspirine pour ne pas qu'un de ses terribles mal de tête vienne gâché leur souper. Il était très calme au moment de cogner à la porte, il se sentait bien en contrôle de lui même et ça le soulageait, il savait que cela était signe qu'il allait passé un bon moment. La porte s'ouvrit et devant lui se tenait une Théia souriante vêtue de fleurs. Il avait opté pour une chemise bleu marine et une veste noir, l'occasion méritait qu'il s'habille assez chic. « Hey. » Il passa sa main dans son dos pendant qu'elle lui donnait un baisé. Il lui sourit par la suite pendant qu'elle l'invitait à l'intérieur. Malgré qu'ils se connaissaient depuis plusieurs mois, Olivier n'avait jamais mis les pieds chez elle auparavant. L'endroit était à l'image de Théia, chaleureux et hors du commun. Les murs étaient décorés d'affiches de films et la table était dressée élégamment, D'un coup d'oeil rapide on pouvait se croire dans un de ses restaurant de cinéma hors de prix parce que beaucoup de célébrité y auraient mis les pieds. Il s'était avancé dans la pièce en regardant autour de lui avant de refaire face à Théia. « C'est charmant chez vous. » Il se rappela qu'il avait amené un petit quelque chose pour le souper et lui tendit le long sac de carton qu'il tenait dans sa main. « J'ai apporté du vin. » Il n'avait aucune idée de ce qu'elle avait prévu pour le repas mais il savait qu'il s'agissait d'un bon vin rouge qui devrait être bon avec presque n'importe quoi.

Alors qu'il pose une main dans son dos, Théia sent un agréable frisson lui parcourir l'entièreté du corps. Effectivement, c'est la première fois qu'Oliver se rend chez elle et c'est peut-être en partie la raison de pourquoi elle était si nerveuse avant qu'il n'arrive. Alors qu'il entre, elle le suit en se tenant les mains, marchant un pied devant l'autre, lèvres pincées. Il complimente son intérieur et lui tire un sourire. « Merci, » dit-elle simplement, plutôt fière de sa décoration. Après tout, cela fait un moment déjà qu'elle vit seule et elle a donc eu le temps nécessaire pour trouver de quoi rendre la pièce principale un peu plus chaleureuse et à son image. Il lui fait face et lui tend le sac qu'il a la main, contenant une bouteille de vin. « Super, t'as bien fait ! Pourquoi ne pas l'ouvrir maintenant ? » Elle prend le sac et se dirige vers la cuisine pour sortir deux verres à vins de l'armoire à vaisselle. Après avoir débouché la bouteille, elle remplit les deux verres pendant qu'à coté d'elle, le souper dégage dans la cuisine une odeur qui suffit à lui ouvrir l'appétit. Théia prend les deux verres et en tend un à Oliver. « T'es retourné à ton studio ? » demande-t-elle par curiosité, se dirigeant vers le canapé du salon avant d'y prendre place. Elle se souvient encore trop bien du moment où Oliver lui a dit que le bâtiment avait subi des dégâts, mais cela remonte déjà à plusieurs mois et Théia n'a aucune idée de ce qu'il s'est passé entre temps. Elle, elle n'a toujours pas pu s'offrir de nouveau caméscope, mais a heureusement trouvé un boulot qui pourrait lui permettre de récolter assez de sous pour s'en racheter un.

« Bonne idée » Il glisse ses mains dans ses poches et continue d'explorer la pièce du regard pendant que Théia est à la cuisine. Il pense à leur relation, à Théia et lui. Il aime qu'ils prennent les choses tranquillement, il y tient trop pour tout gâcher en allant trop vite. Le retour de Théia avec deux coupes dans les mains le sortit de ses pensées. Il lui sourit et s'installe à son tour sur le sofa. Il prend une gorgée de vin, curieux de voir s'il l'avait bien choisi. Le goût n'était pas trop corsé et il en était satisfait. Il se tourna vers Théia puisqu'elle lui posait une question. Il hocha la tête avant de baisser les yeux vers son verre, comme si la réponse se cachait au fond de sa coupe. « Le bâtiment était pas mal fichu.. J'ai quand même réussi à sauver quelques trucs, mais la majorité de ce qui avait dans mon bureau n'a pas survécu. » Il avait froncé légèrement les sourcils, cet endroit était maintenant rattaché à des souvenirs plutôt sombre. Il avait réussi à récupérer quelques une des photos qui s'était dispersées dans la ville, mais il n'avait pu que conserver celles qui avait été épargnées par la pluie ou les rayons du soleil. Il n'était pas particulièrement triste, en fait il ne savait pas trop comment il se sentait par rapport à ça. Une part de lui l'avait convaincu que c'était signe qu'il devait arrêter de trop se rattacher au passé, qu'il était temps qu'il lâche prise et qu'il aille de l'avant. Il releva la tête et se tourna vers Théia avec un léger sourire. « Mais avec l'argent de l'assurance j'ai pu me racheter du matériel et je viens de réouvrir quelques rues plus loin. » C'était tout récent, dans un endroit un peu plus grand. Il avait même une assistante maintenant. « Et toi? Comment tu te sens avec un nouveau coeur? » Il demandait surtout par politesse parce qu'il pouvait voir qu'elle était radieuse, elle avait l'air d'aller beaucoup mieux.

Concernant sa relation avec Oliver, Théia n'a jamais été certaine de comment celle-ci allait évoluer. Autant elle a toujours été très confiante dans le domaine relationnel, à toujours savoir ce qu'elle veut et ce qu'elle doit faire pour l'obtenir, autant avec lui, ça a toujours été trop flou pour qu'elle puisse tout comprendre. Des fois, il lui arrive encore de se demander ce que lui veut réellement. Ce qu'il pense d'elle, si il parle d'elle. Mais là, elle est trop contente de le voir chez elle dans son canapé que pour se poser toutes ces questions. Théia l'écoute attentivement sans détacher son regard de son visage. « T'en trouveras un autre, mieux. Et tu me le feras aussi visiter. » Elle esquisse un sourire en repensant à cette fois où il lui a fait visiter l'endroit où il développait ses photos à l'époque, avant le séisme. Cette soirée où il s'est plus ou moins ouverte à elle, où il lui a montré un petit bout de son talent qu'elle a directement apprécié. Oliver ne tarde pas à lui confirmer qu'en effet, il a bel et bien trouver un nouvel endroit. Le voir sourire lui réchauffe le coeur. « Je suis ravie pour toi, » répond-elle en souriant de plus belle. Même si Théia a toujours aimé voir les gens heureux, elle ne peut qu'être encore plus être satisfaite de voir le garçon pour qui elle en pince être comblé dans son boulot. Peut-être qu'elle passe pour la petite copine niaise, mais elle n'en a strictement rien à faire. Elle se permet de boire une gorgée de vin avant de répondre à sa question. « Je me sens bien, très bien ! J'ai eu un peu de mal au début, savoir que j'avais le coeur de quelqu'un d'autre dans ma poitrine me filait un peu la chair de poule. Mais au moins, je suis toujours là. Encore mieux, je le suis avec toi. » Elle se pince les lèvres, baisse les yeux vers sa main libre posée sur le canapé entre eux-deux, et fait tourner le verre entre ses doigts.

Oliver chérissait le souvenir de la première soirée qu'il avait passé avec Théia seuls ensemble. Il s'était  permis de commencer à baisser sa garde, l'invitant dans son studio pour lui faire visiter, l'invitant à mettre les pieds dans sa vie. Il n'avait jamais cru à ce moment là qu'elle prendrait autant d'importance à ses yeux. Il se sentait soudainement un peu nerveux, il s’efforçait à ne pas penser à la cause de se sentiment, même si au fond il savait. « Bien sûr que je vais te faire visiter. » Une gorgée de vin, un petit sourire, il n'allait pas ruiner le bon moment qu'ils passaient avec ses incertitudes et tourments. Oliver la voit baisser les yeux vers sa main, l'invitant à un rapprochement. Il a envie de prendre sa main, de s'approche d'elle et de lui dire qu'il est heureux lui aussi qu'elle soit toujours là. Mais il est incapable de bouger, tout lui semble soudainement faux et mal, lui assis dans son salon avec elle. « Avec toi », les mots lui sont resté en tête. Justement, elle ne devrait pas être avec lui. Il le sait depuis le départ mais il a toujours repousser la voix en lui qui hurlait de ne pas s'attacher. Il devait se rendre à l'évidence et se sortir la tête du sable, elle était beaucoup trop bien pour lui. Il fini par sortir de sa stupeur et il déposa sa coupe de vin. Une migraine commençait à se faire sentir et il avait besoin d'air. « Est-ce que ça te dérangerais si on sort sur le balcon? Je fumerais une clope avant le repas. » Il se détestait, il se sentait impoli et idiot. La dernière chose qu'il voulait est de lui faire du mal, il l'aime trop pour ça. Ça aussi il devait se l'avouer, il l'aimait. Il se leva du canapé, il avait du mal à ne pas laisser paraître qu'il était passé d'heureux et calme à anxieux et déprimé.

Il y a quelque chose de différent. Depuis que l'adrénaline du séisme est retombée, depuis qu'ils sont retournés à une vie plus ou moins normale, Théia sent bien qu'un détail cloche. Elle a préférer ne rien voir, s'est contentée de fermer les yeux et attendre que, de fil en aiguille, leur relation se construise comme elle l'aurait tant aimé. Sauf que ce soir, elle se rend compte qu'elle s'est peut-être trop voilé la face. Il lui sourit, pourtant sa main reste seule sur ce bout de canapé entre eux-deux. Il ne la touche pas, ne la regarde pas comme on admire quelqu'un pour qui on commence à tomber amoureux. Pendant de trop longues secondes, Théia reste ainsi, sans bouger, retenant même sa respiration en attendant elle ne sait trop quoi. Un geste de sa part peut-être. Et celui-ci ne tarde pas, mais ce n'est clairement pas ce qu'elle aurait espéré. Oliver pose sa coupe avant de se lever, et les mots qu'il prononce sonne lui font l'effet d'un mur contre lequel elle vient de s'écraser. Ses doigts se referment en un poing, et elle baisse les yeux en retenant un soupir. « Non, vas-y. Je dois surveiller que rien ne brûle, » se justifie-t-elle alors qu'elle se lève, force un sourire, puis se dirige vers la cuisine sans se retourner. Une fois seule, elle appuie ses deux mains sur le meuble et inspire une longue bouffée d'air. Ca l'énerve, ça l'énerve parce qu'en général, elle se fout totalement de ce genre d'attention, ou de gestes romantiques stupides. Sauf que d'habitude, elle ne se casse pas la tête à faire à tellement d'efforts pour une seule personne. Respire. La minuterie indique cinq minutes, alors Théia en profite pour aller en direction de la terrasse, là où se trouve déjà Oliver. Elle prend soin de ne pas le toucher. « J'ai pas trop l'habitude de faire tout ça, mais je me suis dit que pour mon retour dans le monde des vivants, ça pouvait être pas mal. » Elle esquisse un léger sourire, son regard perdu dans le vide et ses bras croisés contre sa poitrine.

Il ne pouvait que se détester un peu plus en voyant l'expression sur le visage de Théia. Même quand il essayait de bien faire il réussissait à blesser quelqu'un au passage. Il hocha la tête en guise de réponse avant de se dirigea vers la porte coulissante, le paquet de cigarette déjà à la main. Une mince brise vient caresser son visage, il se sent déjà légèrement mieux. La première bouffée de nicotine lui donna l'impression de prendre son air après avoir été longtemps sous l'eau. Il ferma les yeux et se frictionna le front de sa main libre un court instant. Il aurait dû penser à apporter le contenant de pilules au cas où. La culpabilité l'envahissait peu à peu en pensant à comment il avait agit avec Théia quelques minutes auparavant et le sentiment ne fit que s'aggraver quand celle ci vint le rejoindre. Il la regarde parler, un peu plus concentrer sur sa beauté qui semble accentué devant le ciel pourpre. « Tu as bien fait, je suis content d'être là. » C'était vraiment en même temps d'être faux, il avait l'impression d'être un paradox. Il pouvait sentir le gouffre qui s'était creuser en eux d'un coup. Il voudrait tout lui dire, se vider le coeur pour qu'elle comprenne pourquoi il agit de cette façon. La communication n'avait jamais été son point fort. Il baissa les yeux et soupira. « Écoute Théia... Je suis désolé d'être si distant parfois. » Il serra la mâchoire en avalant sa salive, pourquoi c'était si difficile d'être honnête? « La réalité me rattrape et me rappelle que je ne devrais pas être en amour avec une fille aussi bien que toi. » Il avait lâcher ça comme ça, avant de porter sa cigarette à ses lèvres, le regard fuyant.

Sans pour autant être triste ou en colère, Théia en vient à se demander si Oliver est sincèrement ravi d'être là comme il le stipule pourtant. Elle a soudainement l'impression que ces mots qu'il lui dit ne sont plus aussi sincères, qu'elle était plus intéressante à ses yeux lorsqu'elle était à moitié morte. Elle ne lui répond pas, son regard toujours perdu dans l'horizon. Le soleil se couche lentement devant eux, et un vent chaud soulève les quelques mèches de cheveux qui entourent son visage de porcelaine. Dans cette robe, Théia se sent soudainement étouffer. Elle ne regrette pas d'être dehors, mais elle a l'impression que cette terrasse est trop petite et qu'elle a simplement besoin de plus d'espace. À son soupir, elle lève enfin les yeux vers lui. Oliver est grand, elle est justement assez petite. Les deux premiers mots qu'il lâche, sa façon de prononcer son prénom comme on le fait quand on s'apprête à annoncer une mauvaise nouvelle à quelqu'un, la font s'attendre au pire. Elle écarquille les yeux, sous les chocs, tandis que lui se contente de fumer sa stupide cigarette comme s'il ne venait que de lui parler du bon temps. « Quoi ? » C'est une question qui n'a pas besoin de réponse, une simple affirmation qu'on lâche quand on ne sait pas quoi dire, et qu'on a juste besoin de temps pour digérer. Soudainement, Théia n'a plus faim. Elle serre ses doigts autour de ses avant-bras et se sent frémir. « Aussi bien que toi, » répète-t-elle en riant nerveusement, trouvant l'excuse pitoyable, avant d'ajouter « Est-ce que c'est ta façon de rompre avec moi ? Enfin, si à tes yeux on a déjà été quelque chose. » Son regard s'assombrit pendant que ses pupilles se mettent à fixer le sol de la terrasse. Évidemment qu'il ne veut pas d'elle, ça aurait été trop simple sinon pour une fille comme elle qui n'arrive qu'à attirer problème sur problème. Sa gorge se noue, mais elle ne pleurera pas. Elle s'appuie sur le rebord de la terrasse et respire lentement, le plus calmement possible, attendant qu'il réponde à sa question.

Pour la première fois dans sa vie, la fumée de cigarette commençait à lui levait le coeur plus qu'autre chose. Il voyait que Théia était contrarier et il se sentait misérable. Il s'était mal exprimé, comme d'habitude. Le battement de son coeur s'était mis à retentir dans son crâne, l'obligeant à fermer les yeux et froncer les sourcils.« Rompre avec toi c'est la dernière chose que je veux. » Il soupir en éteignant le bout de poison qu'il avait dans la main, incapable d'en obtenir les bienfaits recherchés. Il se tourne vers Théia sans savoir ce qu'il pourrait lui dire pour sauver la mise. « C'est tellement compliquer dans ma tête, si seulement tu savais. » Si elle savait... Il se passa une main dans le front, il se sentait agité et ça l'énervait. « Je suis bien avec toi, tu me rends heureux. » Il avait déposer sa main sur son épaule sans vraiment en être conscient. « Mais je peux pas m'empêcher de toujours me sentir un peu coupable, comme si j'avais pas le droit d'être bien avec toi. » Sa main glissa le long du bras de Théia avant de retomber mollement le long de son corps. Il baissa les yeux et soupira de nouveau. Il voulait être près d'elle, la prendre dans ses bras, mais il se sentait sur une autre planète.

À nouveau, Théia peut respirer. Ses muscles se détendent légèrement, sa mâchoire se décrispe, et son regard semble perdre de son animosité. Elle ne sait pas comment elle aurait réagi si il lui avait répondu par l'affirmative, sûrement pas très bien. Cependant, elle n'ose toujours pas le regarder. Elle sent qu'il y a quelque chose, un quelque chose d'assez important pour l'empêcher de s'investir totalement dans cette relation. Compliqué ? Théia se tourne vers Oliver, plante son regard dans le sien, et fronce légèrement les sourcils. « Et bien justement, pourquoi tu ne me dis pas ? » Elle le laisse poser sa main sur son épaule, sans pour autant réagir. « Mais. » Un mais qui ne tarde pas, pendant que sa main glisse le long de son bras. Ce contact lui donne l'impression qu'il s'amuse à la narguer. Qu'il la touche sans le faire, comme on caresserait un chien croisé dans la rue. « Tu ne m'aides pas à y voir plus clair Oliver. Et si tu continues à jouer les distants sans me donner la moindre explication, je ne crois pas que les choses vont pouvoir fonctionner. » Même si ces mots lui brisent le coeur, elle garde un visage neutre et tente tant bien que mal de ne pas se laisser aller par ces sentiments négatifs qui compriment son coeur. « Je ne comprends pas, » soupire-t-elle en laissant tomber ses bras le long de son corps dans un geste de lassitude. « Pourquoi être venu me voir à l'hôpital si tu ne peux pas être avec moi ? C'est quoi le problème ? T'as déjà quelqu'un peut-être ? » Le ton de sa voix s'élève à mesure qu'elle parle sans qu'elle n'arrive à le contrôler. Théia a toujours été très nerveuse, et ce n'est clairement pas ce genre de propos qu'il tient qui suffira à l'apaiser.

Une impasse, c'était là qu'ils s'étaient retrouvés. Ils auraient pu éviter cette discussion pénible si Oliver avait su mieux cacher ses émotions. Mais plus le temps passait, plus c'était dur pour lui de prétendre devant elle. Il ne voulait pas qu'elle apprenne à connaître le véritable Oliver, un homme appelé Jimmy ainsi que la noirceur qui l'habite. Il était terrifié en imaginant comment elle pourrait réagir si elle savait qu'elle avait craquée pour un meurtrier et un malade mental. « C'est pas aussi simple. » Probablement que d'autres couples normaux ont des problèmes assez banales et qu'ils peuvent se confier juste comme ça, sans trop de conséquences. Oliver sentait la colère monter en lui. Une colère d'abord envers lui même, mais aussi envers Théia qui exigeait des réponses malgré son incapacité à lui en donner. Il fracassa son poing sur la rambarde du balcon. Pas assez fort pour que ça soit violent, mais assez pour que ça surprenne puisqu'il est habituellement très doux dans ses mouvements. « C'est moi le problème Théia! Je suis pas une bonne personne! » Il avait lui aussi haussé la voix sans le vouloir. Il crispa ses doigts autour de la rampe et vint se frotter les yeux avec son autre main. Elle tremblota légèrement à mi mouvement. Il prit la parole d'un ton plus calme. « Est-ce qu'on pourrait faire pause sur cette conversation et passer un bon moment ce soir? Si tu veux toute la vérité je vais te la donner, mais je veux profiter du temps que j'ai avec toi avant que tu ne veuilles plus de moi demain. » Il avait ses yeux plongé dans les siens, il était sincère. Peut-être qu'il allait tout perdre, même sa liberté, mais il ne pouvait plus continuer comme ça en vivant un mensonge. Il était probablement fou de croire que tout pourrait revenir à la normal pour leur soirée, mais la mince chance de la voir à nouveau sourire en valait la peine.

En ce moment, une tonne d'émotions lui brouillent les idées et l'empêchent de penser correctement. Elle devra se contenter de ça, d'un "c'est pas aussi simple" qui la fait fulminer de l'intérieur. Pourquoi ? Pourquoi faut-il que ce soit toujours compliqué ? Pourquoi, après le séisme, l'hôpital, ne peuvent-ils pas enfin être bien ensemble ? Théia déglutit. Elle ne répond rien, ne hoche même pas la tête, elle ne fait que fixer le vide jusqu'à sursauter lorsque le poing d'Oliver frappe contre la rambarde du balcon. Là, son sang ne fait qu'un tour. Elle se recule instinctivement, effrayée par ce geste soudain qu'il vient d'avoir. Même si jamais elle n'aurait imaginé ça de lui, elle a soudainement peur que ce que son poing ne vienne écraser la prochaine fois, ce soit son visage. Renfrognée sur elle-même, Théia croise à nouveau les bras, serrant ses fins bras dans ses paumes. À nouveau, elle ne sait pas quoi répondre. Elle a les lèvres qui tremblent, le regard rivé sur ses doigts qui se crispent autour de la rampe. Dans sa poitrine, son cœur bat à tout rompre. Bien que la suite de ses paroles soit censée calmer le jeu, ça ne marche qu'à moitié pour Théia. Elle n'arrive pas à soutenir son regard plus de quelques secondes, elle se sent comme une souris prise au piège. « Je suppose qu'on peut essayer. » Dans la cuisine, elle peut entendre le bip du four annonçant que son plat était prêt. Bien que cette conversation lui aie coupé l'appétit, Théia en profite pour fuir cette situation avec Oliver et marche d'un pas rapide jusqu'à la cuisine. Elle arrête le minuteur, sort le plat à l'aide de deux maniques, puis pose son attention sur son verre de vin qu'elle a tout-à-l'heure délaissé. D'une traite, elle se l'enfile avant de s'essuyer les lèvres du revers de la main. Ses yeux s'embuent de larmes, car elle n'arrive plus à contrôler le mélange d'incompréhension et de colère qui l'anime en ce moment. Elle voudrait tout annuler, lui dire de rentrer, et se glisser sous ses couvertures afin de pouvoir pleurer toutes les larmes de son corps. Sauf qu'à la place, elle se ressert un verre de vin et porte le plat jusqu'à la table de la salle à manger.

Il était évident en regardant Théia qu'elle n'était pas du tout à l'aise, sa posture la trahissait. Oliver la sentait effrayée et ça le rendait malade. C'était sa faute, il ne cessait de se le répéter dans sa tête. La sonnerie du minuteur le fait presque sursauter mais il ne bouge pas d'un poil tandis que Théia file vers la cuisine. Il se dit qu'elle a surement besoin d'espace un instant après tout cela, mais lui aussi il en a besoin, peut-être même plus. Il soupire en penchant la tête vers l'avant puis relève les yeux vers l'horizon pour s'y perdre un court moment. Le ciel s'était assombrit et les lumières de la ville s'allumait peu à peu pour contrer la noirceur. Oliver n'en pouvait plus de sa migraine grandissante, il avait l'impression que plus il s'acharnait à ne pas aller vers ses démons intérieurs, plus il en souffrait. Il était si fatigué de toujours de battre avec lui même. Il se décida à aller rejoindre Théia pour ne pas la faire attendre et ramassa sa coupe de vin au passage pour s'occuper les mains, il avait espoir que ça l'aide également à se détendre un peu. Le silence était tellement lourd, s'en était douloureux. « Ça sent bon, qu'est-ce que tu nous as préparé? » Il était vraiment intéressé à savoir. Oliver prit place à table et commença à manger en silence, il espérait presque que Théia allait oublier la promesse qu'il avait fait parce qu'il ne savait pas comment en parler. Il avait quasiment le tourni et une voix en lui lui disait de lâcher prise un peu. Contre toute attente, il obéit.

Elle se sent incapable de faire comme si de rien n'était, comme si il ne lui cachait pas un secret dont elle n'avait pas idée de l'existence avant ce soir, et comme si leur couple n'était pas déjà en train de battre de l'aile alors que ça ne fait que quelques semaines qu'ils sont ensemble officiellement. Théia a l'impression d'être englobée par une vague noire qui lui pourrit les idées, la remplit d'un mélange de colère et de tristesse. Elle veut comprendre, elle n'a jamais aimé devoir attendre que la vérité éclate d'elle-même. Elle veut savoir ce qu'il se passe dans sa tête, et pourquoi ils ne devraient pas être ensemble selon lui. Sa question, posée d'un air si détaché, réussit à lui serrer le cœur. « C'est une lasagne maison. Enfin, un essai. J'ai jamais été très douée en cuisine. » On a longtemps cuisiné pour elle jusqu'à il y a deux ans. Là, elle s'est contentée de plats rapidement préparés, ou de crasses. À présent assise, elle se focalise sur son assiette et se sent incapable de lever les yeux vers lui. Elle a la gorge nouée, les joues rougies par la colère, le changement de température, et le vin qu'elle a peut-être bu trop vite. Elle chipote dans son assiette en remuant sa fourchette, mais n'arrive pas à faire semblant plus longtemps. « Je suis incapable de jouer à la gentille p'tite ménagère après la bombe que tu viens de me lâcher, Oliver. » Enfin, elle relève la tête vers lui et sent sa mâchoire se serrer. Elle veut qu'il parle là, maintenant, quitte à en finir. Mais Théia ne supporte pas cette ambiance si pesante, froide. Ça ne lui ressemble pas. Elle a la soudaine impression de ne pas connaître le garçon en face d'elle et ça, c'est une idée avec laquelle elle a du mal à vivre.