Lilygan ➳ discover the world

Tu venais de vivre les plus belles heures de ta vie. Un mariage de toute beauté, une réception de dingue et maintenant il était temps pour vous de filer en lune de miel. En règle général, la destination choisie est un lieu de rêve, un lieu paradisiaque mais vous vivez à Bowen, le cadre était déjà idyllique alors à quoi bon visiter une autre île au bord de l'eau et sous le soleil ? Vous aviez ça à longueur de journée. Bien sûr, l'idée de visiter la Nouvelle-Zélande avait traversé ton esprit mais finalement c'était vers le Japon que tu t'étais arrêté. Une idée qui avait beaucoup plu à ton futur mari. Et tu connaissais la cause à cela : le monde des jeux-vidéos, des cosplays, des sushis, des sumos et j'en passe. Les temples aussi, tu voulais visiter ces havres de paix, t'imprégner de la bonne ambiance qui y régnait. Ton mariage s'était passé sans accros, tu avais eu des doutes jusqu'à la dernière minute mais personne n'était venu s'y opposer. Ce qui ne voulait pas dire que vous alliez pouvoir vous la couler douce, il y aurait toujours des emmerdes et si c'était pas aujourd'hui, ça serait demain. Pour le moment, tu te contentais de chasser ses idées noires, en attrapant la main de ton mari qui était assis juste à côté de toi. L'avion commençait à prendre son envol. A partir de ce moment, Bowen était derrière vous pour les dix jours à venir. « Tu sais, maintenant qu'on est à bord et qu'on plus faire demi-tour, j'réalise que je parle pas japonais et que j'ai lu que les japonais ne parlaient quasiment pas anglais alors j'espère qu'on ne va pas se perdre où on sera bloqué à vie au Japon ! » ajoutais-tu en rigolant. Mais doucement, tu étais un peu anxieuse. Tu n'avais pas de quoi l'être, ce n'était pas comme si tu allais te retrouver seule là-bas. Tu te perdais dans le fil de tes pensées en te souvenant Paris, le voyage pour l'anniversaire de Jade et votre semaine folle dans la capitale.Ce voyage allait être tout aussi magique !

Cette journée était comme une étoile filante, mais Nelligan priait pour que leur éclat ne disparaisse pas dans le ciel nocturne pour les laisser dans le noir comme ça avait déjà été le cas par le passé. Il voulait que leur mariage perdure à travers les années, à travers les baisers, à travers les changements que la vie leur réservait. Des changements qu’ils sauraient s’approprier, des changements qu’ils sauraient apprivoiser pour en faire de magnifiques chapitres à conclure. La réception venait à peine de se terminer que, déjà, les nouveaux mariés bouclaient officiellement leurs valises – qui était en réalité faites depuis deux jours au moins – après s’être assuré qu’ils avaient tout ce dont ils auraient besoin pour leur lune de miel. Dix jours au Japon, ce pays qui était aux yeux de Nelligan un tout autre monde, un univers qu’il avait tellement hâte de découvrir en la compagnie de la femme de sa vie. De la femme qu’il venait d’épouser, de faire sienne en quelque sorte. Au moment du décollage, Nelligan sentit la main de Lily-Anaëlle dans la sienne et il tourna son visage vers le sien, emmêlant leurs doigts ensemble. Un large sourire illumina son visage alors qu’ils prenaient leur envol, dans tous les sens du terme. « J’sais dire Konnichiwa et Gomen nasai, alors on peut saluer les gens et s’excuser autant qu’on veut ! » Dit-il en riant, conscient que ce serait effectivement parfois difficile de se faire comprendre, surtout s’ils s’éloignaient des grandes villes. À Tokyo, il ne faisait aucun doute qu’ils sauraient se faire comprendre, mais ce n’était pas le cas pour les autres villes un peu plus reculées. « On pourra toujours mimer, ça risque d’être assez drôle, même. » Voyager en étant complètement paumés allait très certainement leur créer de beaux souvenirs à raconter. À raconter à leurs enfants, pourquoi pas. Maintenant qu’ils étaient mariés, Nelligan pouvait se mettre à rêver, pour de vrai. « On a qu'à se pratiquer en attendant, y'a des émissions japonaises sous-titrées en anglais, et on a neuf heures à tuer ... » Évidemment, ce n'était pas vraiment une suggestion sérieuse, ça ne les aiderait pas vraiment à devenir fluide en japonais en si peu de temps, et même pas à apprendre quelques mots, mais ça les mettrait dans l'ambiance culturelle.

Lui semblait ne pas avoir la même inquiétude que toi, lui semblait tellement relax face à ça qu'il fallait aussi que tu te calmes. Pourquoi n'arriveriez-vous pas à vous faire comprendre ? Après tout, ce n'était pas parce qu'ils parlaient peu l'anglais qu'ils ne le parlaient pas du tout et que vous pourriez avoir de la chance, voire même des surprises. « Je pense qu'on pourrait s'en sortir avec ça alors ! » Tu te voyais déjà dire bonjour et pardon, au moins les deux te seraient utiles, tu pourrais être polie et si jamais tu es maladroite, tu pourrais t'en excuser sans passer pour une idiote incapable de dire quoique ce soit. A croire que c'était même fait exprès qu'il ne sache dire que ça. « On pourra toujours essayer oui. » Tu rigolais déjà rien qu'en imaginant demander où se trouver les toilettes. Peut-être qu'à l'aéroport vous pourriez trouver un petit guide anglais/japonais avec des phrases toutes faites comme ça vous n'auriez qu'à la montrer au passant. Mais même si vous arriviez à ça, il faudrait encore comprendre la réponse et là ce n'était pas gagné. Sa seconde idée aurait pu être intéressante, mais tu n'étais vraiment pas prête à endurer 9h de vidéos japonaises pour essayer d'apprendre trois mots de plus parce que tu ne pensais pas faire mieux. « Moi je crois que je vais faire une petite sieste, je suis épuisée ! » La journée avait été longue, la journée avait été forte en émotions. Tu avais l'impression d'avoir pleuré pour des jours au moins. Des larmes de joies, certes mais ça n'en restait pas moins éprouvant. Tu avais l'impression d'avoir une crampe sur le visage à force de sourire, comme si tu étais incapable de sourire pendant des jours. Et pourtant, tu étais encore là, à sourire en le regardant. Tu t'approchais pour lui déposer un baiser tendre, serrant sa main dans la tienne. Tu glissais ta tête sur son épaule, fermant doucement les yeux. Tu avais l'impression d'avoir dix minutes quand tu t'étirais, c'était calme à bord de l'avion et pourtant, lui était réveillé. « J'ai dormi longtemps ? » demandais-tu en t'étirant doucement. Tu pourrais regarder dehors, voir si le jour est levé, si le soleil se couche, mais il y avait le décalage horaire, très léger par rapport à la France mais tout de même présent un minimum, ce qui pourrait fausser ton idée d'heure.

La proposition de Nelligan concernant les séries télévisées japonaises ne fit pas le poids contre une petite sieste la tête posée sur son épaule, alors le jeune homme laissa Lily-Anaëlle s’assoupir contre lui pendant qu’il faisait le tour de la sélection de film grâce à la petite télécommande intégrée à son accoudoir. Il avait fait quelques siestes de courtes durées, ayant toujours eu bien du mal à être confortable en avion, et la position de Lily-Anaëlle ne lui permettait pas vraiment d’aller à la recherche du confort, mais ça ne lui importait que très peu. Il avait l’habitude des nuits blanches et du manque de sommeil et il savait qu’il survivrait à une première journée de léger décalage horaire sans trop de mal. Ce qui n’était pas forcément le cas de son épouse. Celle-ci se réveilla après plusieurs heures, lui demandant si elle avait dormi longtemps. Nelligan posa son doigt sur le petit écran en face de lui, là où un petit avion se trouvait illustré, sur une mappemonde leur indiquant leur position. « Le pilote vient tout juste d’annoncer le début de la descente pour l’atterrissage, ça t’a sans doute tiré de ton sommeil, Boucle d’or. » Ce n’était pas Boucle d’or mais bien la Belle aux bois dormants, mais c’était une erreur de débutant. « Je nous ai gardé du pain, des biscuits et du jus d’orange du repas qu’ils ont passé pendant le vol. » Lui non plus n’avait pas mangé, ne voulant pas que ses mouvements la réveillent. Ils mangèrent donc leurs légères collations pendant que l’avion se préparait pour l’atterrissage. Ils regardèrent par le hublot les villes japonaises qu’ils survolaient de plus en plus près, jusqu’à ce qu’ils touchent enfin l’asphalte de la piste d’atterrissage. Après avoir récupéré leurs valises et passé les douanes sans anicroche – Nelligan ayant des sueurs froides à l’idée de parler à des douaniers japonais, ils sortirent à l’extérieur et hélèrent un taxi ensemble, question de bien se faire remarquer. Une fois à l’intérieur, Nelligan prononça avec grande difficulté et un accent merdique : « Hotel Ryumeikan Ochanomizu Honten, onégaï-itashimass. » Le chauffeur hocha la tête et démarra. Nelligan tourna un regard un peu confus à Lily-Anaëlle mais rigola. « J’espère que tu m’aimeras quand même peu importe où on se retrouve après ce trajet. » Si ça se trouve, il venait de prononcer le nom d’un endroit qui se trouvait dans une ville à des kilomètres d’ici.

Tu t'étirais doucement les jambes, réalisant que tu avais les jambes et le bassin en compote. Tu ne savais pas combien de temps tu avais dormi mais tu avais gardé la même position pendant un long moment. Ce n'était pas évident de dormir dans un avion, tout comme dans un train ou dans une voiture. La position assise finissait par écraser les fesses et donner une impression d'inconfortabilité. « J'ai dormi les neufs heures ? » demandais-tu, surprise. Tu ne pensais pas avoir le sommeil si lourd mais la journée avait été si forte en émotion que tu avais dormi comme une marmotte. Ce qui te faisait rire maintenant que tu y pensais. Ton pauvre mari, si lui avait vécu une insomnie, il avait du se sentir bien seul. « Oh, super ! » Tu avais le ventre vide. Tu n'avais pas tellement mangé la veille, avec le stress, tu avais eu mal au ventre tout le long de la réception, tu avais mangé un bout du gâteau que Jake avait réalisé puisqu'il était la pâtissier de la cérémonie et que c'était la tradition mais c'était tout ce que tu avais avalé. Tu n'allais pas refuser quelques biscuits même si ça ne serait pas réellement suffisant. L'avion amorçait sa descente et tu regardais à travers le hublot pour découvrir le paysage. C'était différent. Un peu étrange mais tu n'en perdais pas ton sourire. La Japon aillait être merveilleux, tu n'en doutais pas. Tu suivais Nelligan, jusque dehors une fois les valises récupérées, pour prendre un taxi. Il y en avait plein et chacun attendait qu'on les prennes. Il n'y avait pas comme à Paris des fous qui tentaient de gruger. Ici tout le monde attendait son tour et ça se passait très bien. « Je t'aimerais toujours, peu importe où on se trouve ! » Tu lui déposais un baiser sur la joue. Même si vous terminiez dans une ruelle étrange, tu n'allais pas lui en vouloir et encore moins le détester. Ce n'était que les aléas d'un voyage à l'étranger et puis ça pourrait toujours faire des souvenirs amusants à raconter aux enfants plus tard. « Tu sembles être le roi du japonais ! » La voiture venait de se garer devant un hôtel, qui ressemblait pas mal à celui que vous aviez pris sur internet, du moins en apparence. Tu avais imprimé une photo de chaque lieu pour être certaine d'arriver au bon endroit. On vous conduisait à votre chambre. Tu te dirigeais à la fenêtre. « C'est si dépaysant, mais si agréable. Et tu entends ? C'est si calme. » ajoutais-tu doucement. On n'entendait pas de klaxon, pas de gens qui criaient, pas de musique trop forte. Le bruit des voitures qui roulent en harmonie, c'était tout.

La surprise de Lily-Anaëlle quant à son sommeil profond et prolongé arracha un sourire à Nelligan. « T’es vraiment surprise ? Tu t’endors toujours comme une bûche et tu ronfles après cinq minutes. » Il lui sourit, tendrement, parce que peu importe qu’elle ronfle comme une souris ou un camion, il l’aimerait toujours plus. Constamment plus. Nelligan lui montra alors les petites victuailles qu’il avait conservé pour eux. Il n’avait effectivement pas dormi autant que son épouse, alors il en avait profité pour retirer le plus possible d’aliments des agentes de bord, pour avoir quelque chose à se mettre sous la dent à l’atterrissage. Il avait sans doute eu l’air un peu taré, mais tant pis. Il voyait bien que Lily-Anaëlle était contente. Bref, une fois l’avion posé, ils se dirigèrent rapidement vers les carrousels pour récupérer les valises, passèrent les douanes sans trop de mal et se trouvèrent finalement un taxi. « J’faisais ça pour t’impressionner mais je n’ai malheureusement pas plus d’un tour dans ma poche ! Mon règne s’arrête ici. » Dit Nelligan avec un léger rire. Ils arrivèrent devant l’hôtel, et le trentenaire se pencha vers Lily-Anaëlle pour consulter la photographie qu’elle venait de déplier. « Ça semble bon … » Lâcha-t-il, encore dubitatif parce que quand même, c’était un tout autre pays et les structures se ressemblaient, en quelque sorte. Quand ils sortirent de la voiture, Lily-Anaëlle souligna le calme de l’endroit. « C’est drôle, j’aurais cru le contraire. C’est à croire que Bowen est le nouveau New York. » Parce qu’ils semblaient davantage tranquilles ici que chez eux. Alors qu’ils étaient dans une ville peuplée par près de quatorze millions d’habitants. Il passa son bras autour de sa femme et avança avec elle jusqu’à la réception, où ils parvinrent à régler leur dossier et à obtenir les clés sans trop de mal. L’anglais des employés était approximatif, mais suffisant pour qu’ils se comprennent. Ils étaient encore en milieu touristique, ils pourraient se débrouiller. S’ils allaient faire des excursions en retrait de la grande ville, par contre, ça se gâterait sûrement. Mais ils ne pouvaient pas voyager jusqu’au Japon et ne pas profiter un peu des paysages naturels. Une fois arrivés à la chambre, Nelligan posa sa valise dans un coin de la chambre et revint vers Lily-Anaëlle. « Enfin un moment rien que toi et moi … » Il posa ses mains dans les bas de son dos et vint l’embrasser avec amour et hâte. Après les préparatifs, le mariage en lui-même, les célébrations dans le jardin, et le départ vers l’aéroport et le voyage dans un avion bourré de passagers, Nelligan et Lily-Anaëlle n’avaient pas eu un moment à eux.

Il avait marqué un point. Tu t'étais contentée de sourire parce que tu n'avais rien à dire pour ta défense. Tu n'avais pas l'impression d'être une marmotte et de dormir autant mais à chaque fois c'était pareil. Tu semblais surprise mais tu savais au fond de toi que c'était la pure vérité. Tu avais profité des quelques victuailles qu'il avait collecté pour grignoter un bout. Il fallait un peu de force pour affronter ce qui allait suivre. La course jusqu'à votre hôtel. Nelligan se défendait en disant qu'il n'avait pas plus d'un tour dans son sac mais tu étais persuadée du contraire. Il semblait toujours avoir la bonne idée, semblait toujours savoir se dépêtrer d'une situation. « Je pense juste que le fonctionnement n'est pas le même. Regarde, pas une seule fois on a entendu des gens klaxonner parce qu'une priorité a été grillé ! Je crois même qu'ils ne grillent jamais de priorités. » Tu venais même à te demander si la police existait par ici. Qu'auraient-ils à faire si tout le monde respectait la loi ? Sûrement rien. Peut-être qu'il y avait des personnes qui s'éloignaient de la norme, comme des touristes pas habitué à ce fonctionnement ou des étrangers qui n'ont pas la conscience des coutumes locales. Tu avais fini par jeter un nouveau coup d'oeil aux rues et pas un papier au sol. Pas un tag sur les murs. Tu le suivais à l'intérieur, le laissant prendre les commandes de la chambre. Tu avais les yeux trop occupé à regarder partout, à essayer de t'imprégner de l'ambiance, des couleurs, du style de l'hôtel pour te concentrer sur une conversation. C'était une fois à l'abri des regards que tu pouvais tout relâcher, te laisser aller. « Enfin oui ! » Tu posais sa tête contre lui après son baiser. Tu ne sais pas si c'est le décalage horaire ou toute la folie du jour passée mais tu avais un véritable coup de barre. Tu avais l'impression d'avoir des jambes flagada et de ne plus pouvoir tenir debout. Tu allais te poser sur le lit, l'attirant avec toi. Enfin à moment à vous deux, tu n'allais pas l'éloigner de toi aussitôt. « Il y a dix ans de ça, je rêvais au jour où je t'épouserais, je pensais que j'aurais 18 ans quand ça se ferait enfin. Ca nous a pris dix ans mais je sais que c'est ce que j'ai toujours voulu et je ne pourrais plus jamais être aussi heureuse qu'aujourd'hui. » C'était une façon de parler. Tu serais toujours plus heureuse chaque jour qui passe parce que ce serait un jour de plus en tant que sa femme et un jour de plus qui vous rapprochait de votre famille à venir.

À peine sortis de la voiture de taxi, Lily-Anaëlle et Nelligan vivaient déjà un choc de culture, rien que parce que le calme semblait régner malgré la densité de population et parce que tout était tellement propre. Les japonais étaient définitivement plus disciplinés que les australiens et c’était beau à voir. « Espérons juste que c’est vraiment une question de culture et qu’on vient pas de débarquer dans un univers de George Orwell. » Plaisanta Nelligan, se rappelant de ce roman qu’il avait lu dans le cadre d’un cours quand il était au lycée. Il s’imaginait déjà ces japonais suivre un code strict et indérogeable, sous peine de sanctions quasi-mortelles. Épiés par un dictateur qui restait dans l’ombre. Bref, il divaguait face à sa propre réflexion débile, pendant que Lily-Anaëlle regardait elle aussi tout autour d’elle en s’avançant vers l’entrée de leur hôtel. Une fois devant le comptoir d’accueil, Nelligan s’occupa de récupérer les clés de leur chambre puisqu’il avait mis son nom sur la réservation, même si c’était Achille qui s’était occupé du reste, en guise de cadeau de mariage. Le jeune homme se sentait un peu mal vis-à-vis de cette attention, parce qu’il ne connaissait pas vraiment l’homme, mais il devait avouer que si c’était sa carte de crédit qui avait servi à faire les réservations, les deux tourtereaux ne se seraient pas retrouvés dans un hôtel aussi beau. De toute façon, de ce que Nelligan avait pu comprendre de ce que son épouse lui avait dit, Achille avait les moyens et ça lui faisait plaisir. Une fois leur carte de chambre en main, les mariés montèrent jusqu’à leur étage et profitèrent de ce premier moment de solitude, rien qu’à eux. Tous les deux exténués après le vol inconfortable et long, et le changement d’heure, Lily-Anaëlle attira Nelligan avec elle sur le lit où ils s’allongèrent. Leurs visages se faisaient face, un sourire indélébile sur les lèvres de l’homme. « C’était peut-être mieux ainsi, peut-être que le destin a tout bien fait les choses, pendant dix ans, malgré ce qu’on pourrait croire. Parce que maintenant on est sûrs de nous, on est prêts, on est plus forts qu’avant … » Les nombreuses peines d’amour autant de l’un que de l’autre, les retrouvailles ratées, les jeux du hasard qui les avaient faits se retrouver pour mieux se perdre. Au final, ils avaient finalement atterri sur la même voie à sens unique, qui les mènerait tous les deux à cette vie si longtemps attendue. « Tu veux dormir un peu, avant qu’on parte à la découverte de la ville ? » Quitte à ce qu’ils ne dorment que quelques heures, une power nap qui leur permettrait de tenir jusqu’à ce soir, pour qu’ils essaient de se mettre sur l’horloge locale.

Tu écoutais la remarque de ton mari en rigolant avec légèreté. Une idée folle tout droit sortie de son imagination, le genre d'idée qui ne te serait sûrement pas venue à l'esprit. « Je pense juste qu'ici, il y a une véritable notion de respect instaurée. » Tu t'imaginais assez mal vivre dans une dictature sans le savoir. Certes, le monde et la vie ici était différente mais tu n'imaginais pas que ça puisse être à ce point. Ou alors, les caméras étaient vraiment bien cachées. Et le peuple semblait soit bien le vivre, soit être dans l'ignorance totale. Tu ne pouvais t'empêcher de jeter des coups d’œils par-ci, par-là, histoire de t'assurer qu'il n'y avait rien autour de vous. Malgré le fait que tu n'y croyais pas une seule seconde, tu ne pouvais t'empêcher de vérifier. Tu avais l'impression d'être parano ou idiote et ça te faisait rire. Sûrement la fatigue, le choc de culture ou le décalage horaire. Maintenant que tu étais dans la chambre, tu te souciais moins de tout ça parce qu'ils n'iraient quand même pas mettre des caméras dans votre chambre, ni dans aucune autre chambre. Tu avais la tête posée contre lui, un fin sourire sur le visage en l'écoutant parler. « Tu as raison. » Plus forts qu'avant, ça c'était une certitude. Plus sûrs, pour toi ce n'était pas vraiment le cas. Tu l'avais toujours désiré, tu l'avais tellement voulu que ça t'avait brisé le cœur lorsqu'il était parti. Maintenant, les choses sont différentes. Maintenant, ton coeur était plus fort que jamais et il battait à toute vitesse à ses côtés. « J'ai dormi tout le vol, je pense que je pourrais tenir le coup mais peut-être que toi, tu as besoin de te reposer un peu. On peut peut-être profiter d'un moment de détente pour prendre une bonne douche chaude ? Sauf si tu veux aller dans le onsen ? » Même si pour la seconde option, vous ne pourriez pas être ensemble.  

Lily-Anaëlle était certainement la plus terre-à-terre des deux, du moins en ce qui concernait leur réaction face à ce changement drastique de culture. Alors que Nelligan sautait directement à la conclusion d’un système oppressif, Lily-Anaëlle optait quant à elle pour un respect inégalable. Elle était toujours tournée vers le positif, préférant voir le meilleur en tout ce qui se trouvait autour d’elle, et c’était beau à voir. Certes, Nelligan ne se prenait pas du tout au sérieux avec sa comparaison au monde de George Orwell, mais elle avait quand même trouvé la façon de contourner sa plaisanterie pour montrer sa foi en le peuple japonais. « On devrait s’en inspirer. » Il sourit en passant son bras autour de son épouse. Lily-Anaëlle et Nelligan étaient loin d’être des gens irrespectueux, mais ils n’étaient pas parfaits non plus, malgré certaines apparences. Ils montèrent sans plus tarder jusqu’à leur chambre d’hôtel et s’allongèrent sur le lit, profitant de ce moment de répit pour s’enlacer et se reposer un peu. Et parler, aussi. Tout s’était passé tellement vite, dans les derniers jours ; ils n’avaient pas vraiment pris le temps de discuter de comment ils avaient vécu le mariage. De toute façon, ils auraient tout le temps du monde pour se le remémorer. Quand elle proposa qu’il essaie le onsen, Nelligan rigola doucement en secouant la tête. « Je vais essayer de m’habituer un peu au pays avant d’aller me mettre nu avec ses habitants … on verra dans quelques jours … » Nelligan se voyait plutôt mal aller dans un onsen avec d’autres hommes, qu’ils soient japonais ou pas, d’ailleurs. « Je préfère largement être nu avec toi, en fait … La vue risque de m’intéresser davantage. » Il sourit. « Ça devrait me réveiller un peu, assez pour tenir jusqu’à ce soir. Si je dors maintenant, je pense que j’aurai du mal à m’endormir pour la nuit. » S’il voulait rapidement prendre le rythme local, il valait mieux se forcer un peu à passer à travers la journée. Et puis, ça passerait vite, tout était nouveau autour d’eux. Nelligan se leva donc et prit la main de Lily-Anaëlle pour l’entraîner avec elle dans la salle de bain de leur chambre. Il alluma l’eau et se glissa sous la douche, après s’être déshabillé, attendant que son épouse le rejoigne avant de tirer le rideau. « Première douche en tant que mariés ! »Constata-t-il joyeusement, réalisant que ce ne serait que ça, dans les prochains jours : de nouvelles premières fois, entre mari et femme.

Allongée contre lui, l'idée que tu venais de lancer sur l'onsen ne semblait pas l'emballer plus que ça. Un sourire se dressait sur ton visage, amusée par sa remarque. Tu connaissais bien le problème qu'il avait avec son corps, le fait qu'il ne se sente pas aussi à l'aise qu'il aimerait mais au Japon, la tradition c'était la nudité, surtout dans les bains publics. Même toi ça ne t'emballait pas plus que ça mais c'était une expérience à faire et tu étais prête à en vivre le plus possible. Vous étiez là pour découvrir après tout. Et parfois, il fallait savoir se mettre hors de sa zone de confort. « Oseras-tu seulement le faire ? » demandais-tu en rigolant doucement. Tu ne te moquais pas de lui, jamais tu n'oserais sauf si la personne l'autorisait. Il semblait mieux apprécier la première de tes idées. « Ah oui ? » Tu levais ton regard vers le sien, avec une voix faussement naïve, un sourire en coin. Tu devais avoir l'air bête mais tu jouais aussi l'air bête, tu n'étais pas aussi naïve et encore heureux mais tu savais en jouer. Il se levait d'un bond et t'entraînait avec lui vers la salle de bain. Une grande salle de bain, spacieuse et au milieu une immense baignoire. Le genre de baignoire qui te faisait rêver. Ce qui n'était pas vraiment habituel au Japon, mais Achille avait du jouer avec ses relations pour vous permettre d'avoir un séjour aussi magique. Tu pourrais vraiment le remercier comme il se doit une fois de retour à Bowen. « Tu crois qu'on peut faire une liste de toutes ces choses ? » Tu avais déjà des idées qui te venait en tête. Il y avait eu votre premier voyage et votre première nuit de noce. Peut-être qu'il y en aurait qu'une ou peut-être que vous pourriez refaire vivre le plaisir en partant plus souvent à l'étranger, profiter de destinations de rêve. « Genre, premier restaurant en tant que mariés, première nuit à l'hôtel, première fois en tant que mariés, etc.. » Ça défilait encore dans ta tête, mais tu essayais de penser à autre chose en lui retirant son t-shirt, déposant un baiser sur le haut de son torse.

Oserait-il le faire ? Probablement pas, réalisa-t-il en riant à l’unisson avec Lily-Anaëlle, qui le connaissait aussi bien que lui-même se connaissait, à présent. Ou presque. Ils n’avaient pas vraiment de secret l’un pour l’autre, du moins lui n’en avait pas. Et le manque de confiance en lui de Nelligan, autant physique que psychologique, n’avait jamais été un secret. « Non, t’as raison, j’oserai probablement pas … » Répondit-il, avant de confier à sa femme que de toute façon, il préférait la voir nue, elle, plutôt que d’autres touristes ou japonais. « Oh que oui. » Renchérit-il avant d’embrasser son épouse et de l’entraîner avec lui à la salle de bain. Une fois sous cette grande douche spacieuse, Nelligan et Lily-Anaëlle parlèrent de cette liste qui réunirait toutes leurs premières fois en tant que couple marié. C’était une belle idée. Revivre un tas de moments comme si c’était la toute première fois. Certains moments remontaient à bien loin déjà, du temps où ils étaient adolescents, et c’était l’occasion de souligner ce nouveau départ. « Bien sûr qu’on le peut. » Dit-il avec un grand sourire. Les deux étaient de grands romantiques, alors évidemment que ce voyage de noce serait légèrement mielleux, par moment. La brunette énumérait déjà certaines activités ou événements qui feraient partie de cette liste. « Et il y aura un tas de premières fois, de vraies premières fois, aussi … » Dit-il en rapprochant le corps de Lily-Anaëlle du sien. « Je m’emballe rien qu’à penser à tout ce qui nous attend … » Mais pour le moment, sans trop se projeter à long terme, il y avait déjà une panoplie d’aventures qui les attendaient, au Japon. Ils se dépêchèrent donc de se réveiller sous la douche, de se laver après ce long vol assis dans les mêmes vêtements, et sortirent pour se préparer à ressortir de l’hôtel. « Y’a le Happoen Garden dans lequel on pourrait aller se dégourdir les jambes, et il semble être entouré d’un tas de temples bouddhistes qu’on pourrait visiter. » Avec la fatigue, Nelligan n’avait pas forcément envie d’aller se concentrer dans des musées ou de braver la foule dans les marchés. Une petite balade comme celle-ci serait la bienvenue pour terminer cette première et longue journée.

Sa réponse était celle attendue, tu le connaissais par coeur ton Nelligan même si certaines choses avaient pu changer, celle-là restait la même. Mais peut-être pas pour longtemps, tu avais cette envie de tout bousculer, de changer votre vision de la vie, surtout après ce qu'il s'était passé à Bowen. La vie pouvait être trop courte pour avoir des regrets. « Et moi je te dis que tu le feras, qu'on le fera tous les deux parce que dans notre nouvelle vie, on va prendre des risques ! » Vous pourriez tout aussi bien passer votre vie pépère avec une routine bien installée, cela ne te faisait pas peur mais maintenant que vous étiez réunis, rien ne pourrait vous séparer - mis à par la mort. Et c'était dans votre union, dans votre force que vous deviez oser faire ce qui pourrait vous gêner, vous intimider ou encore vous rendre ridicule. A deux, vous étiez plus fort que tout ça. Et puis, vous n'aurez qu'une vie pour faire toutes ses expériences, alors même si ce n'était pas les plus agréables, tu pensais qu'il fallait quand même en tenter certaines. Il y en a d'autres que tu voulais bien éviter, comme t'allonger parmi des serpents, escalader sans sécurité une falaise. « Je m'emballe aussi ! » Tu pensais déjà à l'idée de concevoir un enfant lors de votre nuit de noces et de réaliser dans quelques mois qu'il avait été conçu là. C'était souvent comme ça qu'on imaginait les choses même si rien n'était pressé. Vous aviez un peu de temps devant vous, du temps pour vous retrouver, pour vous redécouvrir, du temps pour profiter. « Oh oui, j'ai tellement envie de voir l'ambiance qui s'y dégage. Tout ici paraît tellement zen et serein ! » C'était l'état d'esprit dans lequel tu voulais être tout le long du voyage. Ne penser à rien d'angoissant, juste découvrir et profiter.

Un sourire se dessina sur les lèvres de Nelligan, surtout parce que Lily-Anaëlle lui prouvait encore une fois à quel point elle était un être extraordinaire. Bien plus fonceuse et déterminée que lui. Ils étaient peut-être tous les deux timides, mais elle, contrairement à lui, avait toujours voulu repousser ses limites, faire sa place, à sa manière. Si elle pouvait l’entraîner dans cette belle aventure, alors pourquoi pas. Tant qu’elle restait à ses côtés, Nelligan se croyait capable de bien des choses. « Des risques, hein ? Tu sais j’ai vu qu’il y avait un Bungy Japan à deux heures de route d’ici. » Avait-il dit d’abord à la blague, comme pour souligner le fait que des risques, c’était ça, aussi. Des activités téméraires que ni l’un ni l’autre ne s’imaginait faire. Puis, au fond, ce serait bien triste de se dire qu’un risque pour Nelligan était de se mettre nu dans un onsen. Peut-être que lui aussi devait apprendre à repousser ses limites, s’il ne voulait avoir aucun regret plus tard. Bref, ce serait une réflexion à avoir plus tard, quand sa fatigue ne viendrait pas altérer son raisonnement. Ils allèrent donc dans la douche, brièvement, avant d’en sortir pour se préparer et planifier le reste de la journée. Lily-Anaëlle sembla aimer l’idée des jardins et des temples, alors ils prirent la direction de ceux-ci. À peine entrés dans le jardin que l’ambiance zen rentra de plein fouet dans leurs esprits. Ils déambulaient dans de magnifiques sentiers entourés de sakuras, de petits étangs et de japonais en costumes traditionnels qui jouaient de la musique. « J’ai l’impression que si je parle, un policier va sortir des buissons pour m’arrêter … » Releva Nelligan à voix très basse, un sourire en coin. Il allait devenir paranoïaque, avec la police japonaise. C’était juste tellement différent de chez lui, il aurait besoin de temps pour s’acclimater. Main dans la main, les nouveaux mariés marchèrent à travers le jardin dans un agréable silence, s’arrêtant de temps en temps à certains points d’observation pour admirer le paysage et la tranquillité des lieux. Avec ces images déjà enregistrées dans ses souvenirs, il dormirait bien ce soir.

Sa proposition était folle. Tu savais que tu avais parlé de prendre des risques mais tu voyais ça à une toute petite échelle. Tu n'imaginais pas faire un jour ce genre de folie mais cela pouvait bien changer dans le temps. « Tu sais que si tu sautes, je sautes avec toi. » Tu esquissais un grand sourire en serrant sa main dans la tienne. Il n'y avait rien que tu n'étais pas prête à faire par amour. La douche était revigorante. Fraîche et agréable. Et en moins de temps qu'il ne t'en fallait pour dire ouf, vous étiez prêt à partir. Tu tenais sa main délicatement, marchant d'un pas assez lent. Vous n'étiez pas pressé, il n'y avait pas feu à la cheminée comme on pourrait dire. Et puis ça laissait du temps pour s'imprégner de l'ambiance zen qui régnait dans la ville. Une fois entrés dans le jardin, tu avais le regard qui partait dans tous les sens, admirative de ce qui s'offrait à toi. C'était une agréable sensation. Sa réfléxion te fit sourire et tu te retenais de vraiment rire. « Je ne crois pas que ce soit possible, on n'est pas dans un empire totalitaire. » affirmais-tu en souriant. Tu ne voyais vraiment pas la police de se comporter ainsi. Tu pensais même qu'il pouvait exister des souplesses pour les touristes pas forcément au courant des traditions et des coutumes. C'était bien beau de se renseigner sur tout ça mais rien ne semblait plus concret quand on le vivait. L'expérience n'en prenait que plus de sens. « Quoi que, c'est une dictature au Japon ? » demandais-tu après un long silence, perdue dans tes pensées. Maintenant, tu avais un doute et tu avais peur de sa réponse.