La brune se tient face à lui, son verre non loin d’elle. Le sien est entre ses mains, déjà à moitié vide. C’est un bon consommateur d’alcool, surtout les bons. Longtemps habitué à la cave de son père, Ezio a eu des difficultés à se faire aux petites boissons des bars médiocres, comme celui-ci. Ce bar est situé dans une rue étroite, est principalement fréquenté par des gars étranges, qui ne le mettent pas forcément à l’aise. A dix mètres, il peut sentir la drogue qu’a pris le type maigre comme un clou et qui ne cesse de dire des absurdités. Il ne sait pas aligner deux phrases sans que celles-ci aient du sens. Un soupir sort d’entre ses lèvres, alors qu’il pose son attention sur la montre qui épouse parfaitement son poignet. « Ca fait bien cinq minutes, non ? » demande-t-il, les sourcils froncés, en plantant ses yeux couleur océan dans celui de la créature prénommée Tiana. Avant ce soir, il ne la connaissait ni d’Eve, ni d’Adam. Il avait bien entendu parler de lui, étant ami avec Damian depuis de nombreuses années, mais ce dernier ne les avait jamais présenté l’un à l’autre. C’est chose faite. Et pour le peu qu’il a passé à discuter avec elle, sans la compagnie de son ami, Ezio la trouve intéressante.
S’interrogeant, il jette une nouvelle fois un œil sur les aiguilles de sa mini horloge, tourne la tête en direction des toilettes. S’il pouvait se dépêcher, Ezio apprécierait. Il n’a qu’une seule envie : quitter ce lieu où rôdent trop de junkies et proposer un autre bar qui ne lui est pas inconnu et qui est bien plus sympathique que cet endroit morbide, où, soudainement, un client se met à briser une bouteille en riant. Il est complètement défoncé, ivre. « Ca n’a rien de chaleureux. » dit-il, en secouant la tête. Lui qui est barman connait pourtant des cas exceptionnels. Il en a vu des choses. Parfois amusantes, parfois dérangeantes, mais le bar dans lequel il travaille est réputé pour son ambiance festive, pour son côté accueillant. C’est un endroit dans lequel on pourrait passer des heures sans voir le temps passer, contrairement à celui-ci. « Tu connaissais ? » la questionne-t-il. Son portable se met à vibrer dans la poche de son jeans bleu. Il le sort, aperçoit à l’écran le prénom de Damian et lit aussitôt le message qui lui fait savoir qu’il a dû partir en vitesse pour régler une urgence. Ezio lâche un rire avec spontanéité, glisse le téléphone sur la table afin que la demoiselle le lise d’elle-même. Ezio ne sait pas si le sourire qui éclaire son visage est forcé, ou s’il témoigne de son amusement. Il n’est pas bête. S’il est parti, ce n’est pas pour un problème quelconque, mais bel et bien parce que c’était calculé. C’est le rendez-vous arrangé le moins discret qu’il ait eu affaire, mais c’est la première fois que Damian lui fait un coup pareil. « Bien. D’abord, je termine ça. » Il saisit son verre qu’il vide d’une seule traite, le repose aussitôt et sort son portefeuille. « C’est pour moi. » Il est fier, macho. C’est un italien et il n’aime pas laisser les femmes payer. Lorsqu’il a des féministes qui insistent, ça le vexe et il prend la mouche. C’est simple, même si son compte en banque était dans le rouge, jamais il ne laisserait une jeune femme sortir, ne serait-ce que quelques pièces de monnaie. « Je te propose qu’on sorte de là et qu’on aille passer la soirée dans un pub où tu pourras imaginer Damian au milieu de la cible du jeu de fléchettes. » dit-il, d’un air sérieux, tout en faisant de l’humour.