Let get crazy feat Maxence

La proposition de Marc-Aurèle tombait à pic. Une soirée avec son meilleur ami, qu’il voyait trop peu souvent en raison de leurs horaires respectifs bien trop chargés, était exactement ce dont il avait besoin ce soir. Certes, il y avait le problème d’Abygaël à régler, parce qu’il avait maintenant à sa charge cette petite fille et sa maison était maintenant sa maison à elle aussi. Heureusement, il avait finalement réussi à rejoindre Xavier, son père biologique, qui s’était réjoui de pouvoir passer la soirée et la nuit avec Abygaël. Maxence irait la chercher dès le lendemain, abus d’alcool la veille ou pas, il en avait fait la promesse. Le juge était constamment un être sérieux, raisonnable et responsable, sauf quand il s’agissait de passer une soirée avec Marc-Aurèle. Il fallait bien qu’il vive, un peu, de temps en temps, et qu’il relâche tout ce stress qu’il vivait semaine après semaine au tribunal de Brisbane. Bref, une fois Abygaël déposée chez Xavier avec tout ce dont elle avait besoin pour ce sleepover improvisé, Maxence passa au magasin d’alcool et ramena une bonne bouteille de scotch qu’ils pourraient boire ensemble, même s’il avait déjà une caisse de bières de prête dans son réfrigérateur. Ils aimaient bien terminer leurs soirées avec un verre de fort et, pourquoi pas, un cigare. Maxence venait de terminer le dernier ménage de la cuisine et de la salle à manger quand on cogna à la porte. Le juge se dirigea vers la porte et ouvrit celle-ci pour découvrir Marc-Aurèle qui attendait sagement sur le perron. « Salut Marc ! Rentre ! » Il s’écarta et referma la porte derrière lui. « T’as pas idée à quel point j’avais besoin d’une bonne vieille soirée du genre. » Il secoua la tête. « J’vais t’épargner les détails sur ma vie sentimentale mais j’peux te dire un truc : j’dois être maudit. » Sa dernière conversation avec Eleanor n’avait pas été des plus rassurantes, et il ne savait plus trop où ils se situaient, maintenant. Encore moins qu’un an auparavant.

Dès qu’il fut rentré, Marc-Aurèle se dirigea vers le salon où il déposa la caisse de bières. Maxence avait déjà pas mal d’alcool, mais ils n’auraient qu’à garder le surplus pour une prochaine fois. Ça n’avait jamais été un grand problème avec eux. Le juge ne consommait que rarement de l’alcool mais quand c’était le cas avec Marc, il se rattrapait pour toutes les autres soirées manquées. Le jeune homme sortit également de son blouson une bouteille que Maxence reconnut à force de l’avoir regardée dans la réserve de Marc, quand il allait chez lui. « Noooon, me dis pas que c’est moi qui aurai l’honneur de la boire avec toi, celle-là ? » Il la reluquait depuis tellement longtemps. Maxence aimait bien boire de la bonne alcool, et cette bouteille-là promettait d’être un régal. Marc-Aurèle décapsula alors deux bières encore bien froides et en tendit une à Maxence, qui vint la cogner contre celle de son ami pour marquer le coup de départ de leur soirée. « À la tienne ! » Son commentaire de tout à l’heure n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd, et Marc-Aurèle ne tarda pas à lui parler de sa belle italienne. Eleanor. « En gros, elle couche avec un autre homme. Et je pense que y’a un peu plus que ça entre eux. » Il soupira et secoua la tête. « Je sais que c’est moi qui a toujours mis les freins sur notre relation et que c’est ma faute si on était pas en couple, je sais qu’on n’était pas exclusifs, mais quand même … ça m’a fait mal d’apprendre ça. » Avoua-t-il alors que lui n’arrivait pas à se l’enlever de la tête. Peut-être qu’il était temps d’essayer, maintenant. Marc lui parla alors d’Abygaël. « C’est clair que c’est différent de toujours avoir une enfant à la maison mais … ça met de la vie. Et puis elle a une gardienne pour quand je veux sortir, alors … ça va. Je suis plutôt content de ma situation actuelle. » Enfin, mis à part le fait qu’il aurait préféré avoir Eleanor à ses côtés. « Et toi, tu t’en sors avec tes frères et sœurs ? » Ce devait être tellement difficile, même avec le temps qui passait. Maxence s’assit alors sur le divan, sa bière entamée dans la main.

Maxence avait également sa réserve d’alcool, toutefois celle de Marc-Aurèle contenait certaines bouteilles plutôt rares ou dispendieuses que le juge n’osait jamais s’acheter. De peur qu’elles prennent la poussière, justement. Après tout, l’homme avait une vie tellement remplie, chargée et pleine de responsabilités, qu’il se disait que ça ne servait à rien de mettre son argent dans de tels alcools puisqu’il ne s’accordait que trop rarement la chance d’en profiter. Heureusement, son meilleur ami était toujours prêt à partager avec lui ses découvertes, et cette bouteille de sa réserve personnelle serait évidemment la bienvenue à leur soirée. « Comme je te comprends ! On devrait s’accorder le droit de décompresser un peu plus souvent, toi et moi, ça a pas de sens qu’à trente ans on en soit là. » Bon, Maxence était déjà plus âgé que Marc-Aurèle, mais le point était le même. Ils étaient jeunes et ne profitaient déjà plus de ce qu’ils avaient. Une fois bien installés, la discussion débuta, et ils n’attendirent pas avant d’entrer dans le vif du sujet. Après tout, aussi bien écarter les sujets lourds pour pouvoir plus tard se libérer l’esprit. « J’n’en ai aucune idée, de qui c’est, et pour tout te dire j’ai pas vraiment envie d’le savoir … » Avoua-t-il en secouant la tête avant d’hausser les épaules. « J’ai pas envie de pouvoir mettre un visage sur lui et de les imaginer ensemble … J’préfère ne pas pouvoir me comparer à lui, aussi … » Maxence se connaissait, il savait que par amour pour Eleanor il se rendrait malade avec cette histoire. Il valait mieux rester le plus loin possible des détails. Le juge s’intéressa finalement à la situation familiale de son ami, pour savoir s’il s’en sortait. Il n’osait même pas imaginer comment sa situation devait être difficile. « Ah ouais ? Elle te mène la vie dure ? » Demanda Maxence à propos de la plus vieille de ses sœurs. En même temps, il pouvait comprendre, même si c’était triste pour lui. C’était difficile pour tout le monde, et chacun avait sa manière de réagir. Marc-Aurèle cala sa bière et le trentenaire comprit que le sujet était sans doute encore trop délicat. Il détourna donc le regard et but lui aussi à grosses gorgées de sa bouteille. « Oh, ça l’était, comme toujours. J’ai une nouvelle assistante, une stagiaire. Ma secrétaire a démissionné en ne donnant que deux journées de préavis alors il a fallu trouver rapidement. » Maxence déposa sa bière, déjà vide maintenant, sur la table basse. « Tu sais quoi, il faudrait que je t’engage comme entraîneur privé, comme ça ça nous permettrait de passer davantage de temps ensemble sans avoir d’excuse pour reporter. » Marc-Aurèle devait bien travailler, et Maxence devait s’entraîner. C’était win-win.

Maxence éclata d’un rire franc en entendant son meilleur ami lui dire qu’il ne savait même pas que le mot décompresser était dans son vocabulaire. Il était vrai que le juge vivait à cent milles à l’heure, sans jamais prendre le temps de reprendre son souffle. Un jour ou l’autre, ça allait complètement péter, et d’ailleurs il ne devait pas en être bien loin, là. « J’essaie de plus en plus, non seulement de l’avoir dans mon vocabulaire, mais aussi de l’intégrer à mon mode de vie ! » Avoua-t-il avec un sourire. Avec la présence d’Abygaël dans sa vie, le jeune homme n’avait plus vraiment le choix de faire passer son boulot en deuxième – quand il pouvait se le permettre bien sûr. Après tout, il ne ferait pas attendre la petite au service de garde jusqu’à l’heure de la fermeture juste pour terminer un dossier qui pouvait bien attendre. Ça lui faisait du bien à lui aussi, de toute façon, de lâcher prise. Les deux amis parlèrent finalement des petits monstres que Marc-Aurèle avait sous son aile, désormais. Il fit une grimace à sa réponse. « Elle doit pas être un cadeau, alors, effectivement ! » Parce que Marc avait toujours été le petit démon, et Maxence l’ange. C’était à se demander comment ils avaient fait pour se rendre aussi loin ensemble. Le juge apprit finalement à son meilleur ami l’arrivée d’une nouvelle assistante/secrétaire, ce qui ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd. Il se montra tout de suite intéressé par Ludmilla. « Plus que la dernière, oui. Une belle grande rousse. Elle vient de Slovénie. » Maxence esquissa un mince sourire. « J’ai l’impression que tes visites à Brisbane se feront de plus en plus fréquentes. Mais elle vient de Bowen, alors ne te donne pas toute cette peine ! » Renchérit-il en riant et en buvant une gorgée d’alcool. L’idée d’avoir Marc-Aurèle comme entraîneur privé traversa finalement l’esprit du juge. « Tu préférerais m’avoir moi que des jolies demoiselles en shorts moulants ? Tu fais d’la fièvre, ou … ? » Maxence se moqua ouvertement de son ami. « J’ai quelques viandes qu’on peut s'faire sur le barbecue, si ça te dit ? On pourra passer à la cour et boire une autre bière pendant que ça cuit, et on passera à la bouteille ensuite ! » Proposa-t-il.

C’était triste d’entendre Marc-Aurèle lui parler de ce qu’il avait réalisé à travers le comportement de sa sœur. Maxence savait qu’il avait autrefois bien souffert, mais il ignorait jusqu’à quel point son meilleur ami avait fait n’importe quoi dans le but d’oublier, dans le but de vivre plus longtemps encore dans le déni face à ses problèmes. Et même si aujourd’hui, il semblait aller mieux, le juge savait aussi que tout n’était pas rose et que sa situation familiale lui demandait énormément de sacrifices. Il n’avait pas une vie facile, et même si Maxence n’était pas l’ami le plus présent, il tentait de se montrer à l’écoute à chaque fois qu’ils étaient ensemble. « Et à l’époque, quand c’était toi, crois-tu qu’il y aurait eu un moyen de te le faire comprendre ? » Après tout, il l’avait dit lui-même : il se reconnaissait dans ces comportements adoptés par sa sœur. S’il se ramenait quelques années à l’arrière, dans sa manière de pensée et de fonctionner, peut-être arriverait-il à trouver la solution. Ou peut-être comprendrait-il que sa sœur allait devoir faire le cheminement par elle-même, à son rythme, tout comme lui l’avait fait. Les deux hommes parlèrent finalement de Ludmilla, la nouvelle assistante de Maxence, qui ferait certainement fantasmer son ami. « J’préfère largement te voir ici, qu’à mon bureau ! J’associe trop Brisbane au travail, tu me trouverais vite barbant. » Conclut-il. Ce n’était pas qu’il ne voulait pas voir Marc-Aurèle au boulot, c’était surtout qu’il n’aurait pas trop le temps de le sortir et de le divertir. « Les blondes ? Une blonde en particulier ? » S’intéressa Maxence avec un sourire au visage. Ils parlèrent de la salle d’entraînement et Marc-Aurèle confia à son ami qu’il était plutôt difficile de ramener une femme à la maison en raison des enfants, alors aussi bien éviter les tentations. Le juge ne pouvait que trop bien comprendre cette situation, puisqu’il vivait la même chose avec Abygaël. Dans le cas de Marc-Aurèle, avec Maxence comme compagnie, il n’aurait aucun souci à se faire. Aucune tentation possible. « Comme je te comprends. On restera entre hommes, alors. Moins compliqué dans notre cas. » Il rigola, avant de proposer d’aller se faire quelques grillades sur le barbecue, ce qui enthousiasma Marc. « Good. J’reviens ! » Pendant que son ami sortait dans la cour arrière et ouvrait le barbecue, Maxence disposa les viandes – saucisses, steaks et poitrines de poulet assaisonnées – sur une grande assiette et sortit à l’extérieur avec le tout. Marc-Aurèle lui demanda quand débuteraient leurs séances d’entraînement. « La semaine prochaine, ça te laisserait assez de temps ? J’profiterais de la fin de la semaine pour mettre un peu d’ordre dans mon emploi du temps et nous laisser quelques plages horaires pour les prochaines semaines. » Expliqua-t-il tout en reprenant sa bière entre ses mains et s’adossant contre la rampe du balcon, patientant pendant que le barbecue chauffait.

Certes, Maxence savait fort bien que Marc-Aurèle avait eu besoin de vivre ses années un peu plus folles par lui-même. Seul. Sans avoir constamment quelqu’un qui le regardait, le surveillait, lui conseillait de retrouver le droit chemin. Parfois, valait mieux se perdre et s’enfoncer dans les bois pour retrouver par soi-même le sentier. On pouvait en ressortir bien plus fort, bien plus grand, à condition de le retrouver, le chemin. Ce n’était pas donné à tout le monde d’avoir le courage de se battre contre la noirceur pour se retrouver de nouveau à la surface. Marc-Aurèle avait eu cette force, il était un battant, il avait vécu ses expériences pour réaliser ensuite que la vie avait mieux à offrir. Ce serait sans doute pareil pour sa sœur, Maxence osait le croire, parce qu’elle faisait partie de la même famille, elle avait son frère comme modèle. « On ne le souhaite à personne, mais dis-toi qu’elle suit tes traces, et tu vois où ça t’a mené. Tu t’en es bien sorti, Marc. Fais-lui confiance, à ton tour. » Tout comme d’autres lui avaient fait confiance en lui quand il jouait à un jeu dangereux. Et puis, si jamais sa sœur semblait prendre une tournure franchement déconseillée, alors Marc serait là pour intervenir, et Maxence aussi si besoin. Les deux amis parlèrent ensuite de Brisbane, cet endroit qui était synonyme de boulot pour le juge, même si le fait d’avoir Abygaël avec lui changeait maintenant sa vision. « C’est clair que tu m’aurais pas laissé une seule seconde de repos ! » Admit Maxence, s’imaginant de quoi aurait l’air un week-end à Brisbane avec son meilleur ami. Après tout, c’était une bien plus grosse ville que Bowen, avec bien plus d’endroits où sortir. Ils en profiteraient très certainement. Mais bon, ça faisait un peu loin – même si Maxence faisait le trajet à toutes les semaines. Ils parlèrent également de la nouvelle assistante du juge, une belle rouquine, mais Marc-Aurèle s’empressa de dire qu’il préférait les blondes, et quelque chose dans sa voix fit comprendre à Maxence qu’il y en avait une en particulier. Son ami ne tarda pas à le confirmer. « Je suis super content pour toi ! Vous vous êtes vus souvent jusqu’à maintenant ? » S’intéressa Maxence. Après tout, si elle acceptait de le voir encore et encore, sans doute était-elle elle aussi intéressée. « Faudra que tu me montres des photos, que j’te donne ma bénédiction ! » Maxence rigola, bien sûr c’était seulement un prétexte pour voir quelle femme faisait battre le cœur de son meilleur ami. Les deux hommes sortirent de la maison pour rejoindre la cour, où Marc s’occupa d’ouvrir le barbecue pendant que Maxence sortait les nombreuses viandes. « On vise l’augmentation de la masse musculaire ou bien on la vise pas ? » Plaisanta-t-il. Ils auraient besoin de protéines s’ils se mettaient à suivre un strict programme monté par Marc. « Cardio et musculation, je dirais. La flexibilité, j’ai un autre moyen de la travailler … » Dit-il plein de sous-entendus, avant de rire. Il aida Marc-Aurèle à disposer les viandes sur la grille du barbecue, et continua à boire sa bière en attendant.