let's get wild and young (maxwell)

Il se fait tard. Les dernière séances du cinéma se terminent, les quelques dernières personnes venues y assister s'en vont lentement, et bientôt l'endroit fermera ses portes pour n'ouvrir qu'au début d'après-midi de demain. Au loin, Théia assiste à la scène du cinéma qui s'endort avec Maxwell à ses cotés. Elle sait qu'il doit la prendre pour une folle sur le moment, mais elle sait également qu'il n'a jamais été contre toutes ses folles envies impulsives. Jamais Théia n'a pu montrer les films qu'elle créé à son ami, tout comme jamais elle n'en a vu un projeté sur grand écran. Aujourd'hui est le jour où, peut-être, elle pourra réaliser les deux en même temps. Si ils se font avoir, elle sait qu'ils ne risqueront rien de bien grave, à part peut-être un avertissement de la police vu qu'ils sont jeunes et imprudents. Mais Théia, elle n'a pas envie d'échouer. Depuis son opération, elle se plaît à vivre en réalisant tout ce dont elle a toujours rêvé. Ou du moins, elle essaie. « Prêt pour partir en expédition, acolyte ? » lui demande-t-elle en se tournant vers lui, plongeant ses grands yeux noisettes expressifs dans ceux de Max. Un sourire vient étirer ses lèvres avant qu'elle ne sorte de son sac à dos deux lampes de poche, histoire de pouvoir s'y retrouver dans le noir une fois introduis dans le bâtiment.  « Go ! » Et là, elle se met à marcher à pas de loup en se collant contre les murs, ou derrière les voitures abandonnées pour la nuit. Dans sa poitrine, son coeur bat d'excitation. Ce n'est pas la première fois qu'elle s'introduit quelque part en début de nuit, mais c'est sa première avec lui. Elle espère qu'il ne voudra pas rebrousser chemin, même si elle sait qu'il ne serait pas du genre à faire une chose pareille.

Habillé de noir, tu regardais le cinéma se vider petit à petit. Dans quelques minutes les dernières lumières s'éteindront. Dans quelques minutes, le cinéma serait fermé à clef. Tu étais à côté de Théia, ta nouvelle amie. Tu l'avais rencontré dans le supermarché où tu avais improvisé une course de caddie. De vrais enfants, mais elle t'avait suivi sans hésiter. Ce soir, c'est toi qui la suivait dans sa folle idée : s'infiltrer dans le cinéma. Elle te jetait un regard pour te demander si tu étais prêt ? Ça oui, tu l'étais. Tu hochais doucement la tête, réalisant qu'elle ne le verrait peut-être pas dans la pénombre. Toi, tu ne voyais même pas son sourire. « Toujours ! » murmurais-tu avec un grand sourire sur le visage. Ce soir, tu allais défier la loi. Ce soir tu allais commettre un crime en pénétrant dans le cinéma. Mais c'était comme ça avec Théia. Toi qui t'amusait à être un détective privé parfois, tu t'amusais aussi à être un voleur. Tu n'allais rien voler d'ailleurs, vous alliez juste emprunter l'équipement du cinéma pour voir les œuvres de Théia et faire comme si elle était une grande réalisatrice. Une avant-première rien que pour toi. Si Aino te voyait, elle ne serait sûrement pas ravie de ton comportement. Toi l'enfant qui a toujours suivi les règles, qui les enseigne à des enfants. Un beau modèle d'éducation on pourrait dire. Mais tu t'en moquais pas mal. Surtout quand tu étais avec Théia. « Vigile à droite. » soufflais-tu doucement alors que tu te plaquais contre le mur avec elle pour ne pas vous faire réperer. Vous n'étiez même pas encore dedans, ce serait vraiment dommage de se faire prendre aussi vite. Elle jetait un nouveau coup d'oeil, il n'était plus là. Vous pouviez reprendre votre folle course.

Elle adore ça Théia, de pouvoir jouer les enfants avec Max. Elle en oublie le réel, met de coté pendant quelques instants tous les problèmes liés à elle et se contente d'agir comme si demain n'existait pas. Il lui permet de respirer, de ne plus penser à son coeur, ou à Oliver. Et à chaque fois qu'elle lui propose un plan foireux, à chaque fois qu'elle sort une idée devant qui n'importe qui de censé reculerait, lui disait toujours oui sans poser de question. Son "toujours" réussit à la rendre totalement impatiente. Un simple mot, et pourtant la voilà déjà qui piétine le sol sans réussir à attendre plus longtemps. Cet amour pour le danger ne s'est pas développé seulement après son opération, il a toujours été là, au fond d'elle, même si elle a dû à plusieurs moments l'enterrer. Après la mort de Wal', ou encore pendant que son ancien coeur faisait des siennes. À part durant ces périodes de vie difficiles, Théia a toujours aimé vivre de petits dangers sans conséquence comme celui-ci. « Vu, » murmure-t-elle après sa mise en garde, se plaquant contre le mur afin d'être sûre de ne pas se faire repérer. « Le champ est libre, » dit-elle ensuite avant de se faufiler jusqu'à l'entrée principale. Fermée, évidemment. « Couvre-moi. » Elle glisse ses doigts sous son bonnet noir -espionne des pieds à la tête- et en sort une petite pince à cheveux censée retenir sa longue mèche venant parfois encombrer son visage. S'accroupissant au niveau de la serrure, elle s'en sert pour débloquer le verrou qui empêche d'entrer. La première fois que Théia a vu cette technique, c'était dans un épisode de Scooby-Doo. Depuis, elle l'a déjà pratiquée plusieurs fois, et ce fut à chaque fois concluant. Après plusieurs secondes, la porte s'ouvre et Théia la pousse sans faire de bruit avant d'entrer dans le hall principal. Elle fait ensuite suite à Maxwell de la suivre et sort de son sac à dos sa lampe de poche. « L'étape une fut un succès, c'est parti pour l'étape deux, » dit-elle en balayant les lieux du faisceau de sa lampe torche.

Tu restais plaqué contre le mur avec Théia parce qu'il y avait quelqu'un de l'autre côté du mur. Elle l'avait vu aussi mais tu avais été plus rapide pour le dire. Tu attendais qu'elle te dise que la voie était libre et elle ne mit pas longtemps pour le faire. Une fois que la voie était libre, vous vous faufiliez le plus discrètement possible vers l'entrée. Elle attrapait la poignée pour l'ouvrir mais c'était fermé. Il fallait bien un peu de difficultés, sinon, quel était l'intérêt d'agir ainsi ? A part peut-être pour s'habiller de noir et avoir l'impression d'être un mission d'espionnage. C'était plus fun de penser ainsi. Et c'était d'ailleurs en pensant ainsi que tu ne te souciais pas des conséquences que cela pourrait avoir si vous vous faisiez chopper. « J'te couvre ! » Tu gardais une position droite, te mettant bien devant elle pour essayer de la cacher le plus possible. Tu jetais un coup d'oeil à droite, puis à gauche. Pas un chat aux alentours. La rue était vide, silencieuse. C'était un calme agréable. Et au moment où tu allais lui jeter un coup d'oeil, elle venait d'ouvrir la porte. « T'es une vraie badass toi. » soufflais-tu avec un grand sourire aux coins des lèvres. Tu ne savais pas comment elle avait réussi à faire ça, mais une chose était certaine, tu voulais qu'elle t'apprennes à faire ça. Tu voulais pouvoir aussi crocheter des portes et n'avoir aucun obstacles. Ton imagination débordante s'en porterait mieux en sachant que tien ne pourrait te résister pour obtenir des preuves. « Allons-y ! » Tu attrapais la lampe torche qu'elle te tendait et tu la suivais à pas de chat. Même si vous étiez à l'intérieur, il fallait rester prudent.

Il n'y a pratiquement personne aux alentours, car aucun être normal ne penserait à entrer par effraction dans un cinéma. Le crochetage de la serrure n'aura pas été si difficile qu'elle le pensait, celle de la porte principale était assez simple contrairement à d'autres supermarchés où elle avait fait la même chose et qui, eux, étaient dotés en plus d'un signal d'alarme contre les effractions. Théia n'a jamais été une mauvaise fille, mais elle aimait trop s'amuser et braver les dangers que pour être capable de rester sagement en place. La remarque de Max lui fait sourire du coin des lèvres. « Je prends ça pour un compliment, alors merci. » Une fois à l'intérieur, elle s'assure qu'ils aient bien fermé la porte derrière eux pour n'éveiller aucun soupçon. Elle est pratiquement certaine qu'ils ne croiseront personne à l'intérieur, le cinéma est un endroit rempli de trop peu de choses ayant une valeur que pour être gardé jusque dans les salles. « C'est quand même vachement plus effrayant quand tout est dans le noir, sans vie, comme si le temps s'était arrêté. On dirait presque une scène de film post-apocalyptique. » Elle fait quelques pas, torche en main, avant de tourner la tête vers Maxwell. « T'as peur ? » demande-t-elle avec un sourire amusé accroché aux lèvres, sourcil haussé. Peut-être qu'elle devrait avoir peur, au moins peur d'être attrapée. Pourtant, elle continue d'avancer en direction des salles jusqu'à pousser la porte d'une. Évidemment, celle-ci est vide. Une grande toile recouvre le mur du fond et se dresse devant eux comme un monstre immobile.

Elle se retourne vers toi avec un grand sourire. Dans la pénombre, tu ne le vois pas très bien mais tu l'entends lorsqu'elle te parle. Elle s'approche pour refermer les portes derrière vous et tu la regarde s'appliquer. Mais où avait-elle appris tout ça ? Faisait-elle de la magie pour apprendre à crocheter des serrures et permettre de retirer des menottes ? Était-elle la fille d'un flic ? Ou peut-être d'un escroc ? « Ça en est un ! » Un sourire se dessine sur tes lèvres. Elle avance doucement dans le hall et tu la suivais de prêt pour éviter de te perdre. Certes, ce n'était pas gênant parce que vous ne risquez pas de croiser grand monde mais tu voulais éviter de crier son nom et de la chercher à gauche ou à droite. « Tu crois que des zombies vont sortir d'une salle ? » C'était une idée comme une autre. D'ailleurs avant même qu'elle puisse répondre, tu proposais autre chose. « Ou alors des extra-terrestres ? » Cette idée te plaisait d'avantage. Pour le grand fan de Doctor Who que tu étais, tu aimerais bien voir un Dalek. Peut-être pas un vrai méchant parce que tu ne voulais pas être désintégré de la surface de la planète. « Pas le moins du monde. Je suis excité comme une puce ! » Tu avais envie de sauter au plafond, de courir à gauche, d'aller à droite. De voler du pop-corn, de boire des litres de soda et de te faire péter le bide avec des bonbons mais ça serait sûrement suspect ou alors on accuserait la personne qui était de service du soir. « Bon, dans quelle salle veux-tu projeter ton film ? » demandais-tu avec un grand sourire sur le visage, prêt à passer à l'étape supérieure.

Si il savait tout ce qu'elle avait déjà fait, toutes ces bêtises qui animaient autrefois ses nuits et tous ces moments de folie qu'elle s'offraient pour se sentir vivre, peut-être que Maxwell ne voudrait plus d'elle comme amie. Pourtant, il lui confirme que ce qu'il lui a dit plus tôt était bel et bien un compliment, et Théia ne peut s'empêcher de sourire un peu plus. Jamais on ne l'a acclamée pour ses actes de bravoure, elle était toujours la plus jeune de la bande et celle qu'on testait, celle qui courrait le moins lentement et qui était la moins agile. La première question de Max fait rire Théia qui n'a pas le temps de lui répondre vu qu'il enchaîne directement avec une seconde, supposant la venue de zombies ou d'aliens qui ferait un très bon début de film d'horreur, plus qu'apocalyptique. « Ou des aliens-zombies, morts vivants avec des tentacules ! »  Elle tourne la tête dans sa direction sans dévier le faisceau de la lampe torche. Elle lui demande ensuite si il a peur et elle comprendrait que ce soit le cas, sauf qu'à la place il lui sort le genre de réponse qui lui donne envie de continuer dans leur projet fou. « C'est parfait, parce que t'es officiellement un hors-la-loi. Le plus dangereux des criminels. » Elle glousse avec de doucement secouer la tête de gauche à droite. « Je plaisante, juste un bandit inoffensif. » En réalité, elle aussi est tentée par l'idée de se faire un énorme paquet de pop corns qu'elle partagerait avec Max. Elle a envie d'un litre entier de Coca Cola, de bonbons qui lui colleraient aux dents. Sauf qu'à la place, elle se contente d'avancer et arrive aux pieds d'un escalier. « Celle à l'étage est la plus grande, alors je choisis celle-là. » Elle commence à monter les escaliers, regardant de temps en temps derrière eux pour vérifier qu'il n'y a personne. Juste au cas où. « C'était quoi le truc le plus fou que t'aies fait dans toute ta vie ? Histoire de voir si je peux me sentir fière d'avoir un peu animé ta vie, ou pas. » Elle le regarde avec un sourire innocent accroché aux lèvres avant de balayer le couloir à l'aide de la lumière qui se dégage de sa lampe torche. La salle ne devrait plus être bien loin.

Sans plus attendre, elle t'avait donné sa version de ce qui pourrait sortir d'une salle et tu ne pu retenir ton rire. Tu te repris très vite parce que tu ne voulais pas être à l'origine de votre défaite si jamais on venait à vous trouver. Tout ça parce que tu aurais ri un peu trop fort. « Un zombie avec des tentacules ça ferait tellement un bon monstre ! Penses-y dans ton prochain court métrage, je me porte volontaire si t'as besoin ! » chuchotais-tu toujours, avançant dans les couloirs, sans la quitter des yeux parce que tu ne voulais pas la perdre. Il était assez difficile de se perdre dans un cinéma, à moins de visiter les salles et de jouer à un immense cache-cache. D'ailleurs c'est une idée que tu pourrais retenir pour la prochaine fois que vous voudrez vous infiltrer dans le ciné. Jouer à une immense partie de cache-cache, mais pour ça, il faudrait penser à inviter plus de monde. Et c'était assez risqué mais tu gardais l'idée quelque part, dans un coin de ton esprit. « Je suis au même niveau que Pablo Escobar tu crois ? » Un grand sourire se dessinait sur ton visage. Merci Narcos. Sans ça, tu serais incapable de citer un des plus grands criminels que le monde ait pu connaître. « Dommage, je suis sûr qu'avec une moustache teinte et un peu de bronzage, j'aurais pu être son sosie. » Tu souriais, te retenant de rire. Elle s'arrêtait d'un coup. « Allons-y alors ! » Elle s'engageait la première dans l'escalier et tu la suivais en marchant sur la pointe des pieds, tu avais tendance à laisser ton talon s'emporter quand tu montais des escaliers et tu devenais aussi bruyant qu'un éléphant. Pour ne pas se faire repérer, ça semblait difficile après. Lorsqu'elle se tourne, tu l'imites, mais il n'y avait pas un chat. « Le truc le plus fou ? Je suis en train de le réaliser alors on peut dire que oui, tu animes ma vie ! » Tu lui offrais un grand sourire. Le truc le plus fou que tu avais pu faire à l'époque, c'était te rendre au Brésil, pour profiter de la vie, pour voyager. Jusqu'au jour où tu avais rencontré Mina. Et tu chassais aussi vite cette idée et ce prénom de ton esprit. Tu ne voulais pas y repenser. « Et toi alors ? » Tu t'imaginais bien que rentrer par effraction dans le cinéma n'était qu'un petit délit mineur et qu'elle avait déjà dû faire quelque chose de bien plus fou. Et tu allais vite être fixé.

C'est à son tour de cacher son rire, plaquant sa main contre sa bouche en espérant que ce gloussement incontrôlable qui lui a échappé ne se fasse pas entendre par elle ne sait qui. Il ne devrait pas y avoir âme qui vive dans ce cinéma, Théia n'a pas à avoir peur de se faire chopper. Cependant, ça fait un moment qu'elle ne s'est plus amusée à jouer les délinquantes, et le fait qu'elle puisse entraîner Maxwell avec elle ajoute encore plus de risques que si elle était seule. En l'imaginant vêtu d'un costume de monstre, un grand sourire vient étirer ses lèvres. « Ce serait tellement génial, »  dit-elle, le regard perdu dans le vide alors que son sourire ne la lâche pas. Théia ne fait cependant pas dans le surréaliste. Elle préfère ce qui touche au monde réel, ce qui peut émouvoir, des scènes auxquelles on peut s'identifier. À sa question, elle ne peut s'empêcher de poser sur lui un regard attendri avant d'enchaîner, ensuite étonnée de l'entendre être déçu de ne pas être parmi les plus grands criminels. Théia fait un pas sur le coté et mime un cadre avec ses doigts avant de le fixer sur Max. « Attend, je tente de t'imaginer avec une moustache, » dit-elle en fermant un oeil avant de faire retomber ses bras le long de son corps. « Je pense que je te préfère comme tu es maintenant, » conclut-elle avec un sourire avant de retourner à son expédition. Il n'y a pas beaucoup d'escaliers mais malgré tout, elle s'appuie sur la pointe des pieds afin de faire le moins de bruit possible. Bien qu'ils pourraient au final presque crier sans attirer l'attention, se la jouer agent secret est bien plus amusant. La réponse qu'il lui offre fait naître sur ses lèvres un sourire fier. « Mais quel honneur, » répond Théia, au fond sincèrement touchée. « Une nuit, je suis entrée par effraction dans un musée. Oui oui je sais, j'ai un problème avec les effractions. » Elle rit doucement. « On était plusieurs, et à l'époque j'étais un peu dans ma phase "je suis en marge de la société", tu vois le genre. Donc on est entrés dans ce musée et... c'était à couper le souffle. Effrayant et fascinant en même temps. On a failli se faire attraper, il y a eu une course poursuite entre nous et un garde de nuit. Mais c'était génial. » Elle sourit, nostalgique de son passé. Nostalgique de cette époque où elle ne se savait pas malade, et où ses amis ne la regardaient pas comme une poupée qu'ils pourraient briser. « Nous y sommes, » décrète-t-elle enfin avant de pousser une lourde porte.

Elle aimait ton idée, ta proposition. Toi aussi tu l'aimais beaucoup. Tu te voyais bien incarner un acteur amateur pour elle, jouer un rôle, n'importe lequel. Tu sentais que tu serais capable de te mettre dans la peau du personnage. Si un jour tu en avais envie, tu pourrais lui demander de te filer pour un court métrage où tu serais dans la peau de James Bond. Tu pourrais faire un joli cadeau pour Fleur. Mais ce n'était le moment de s'arrêter sur ça. Tu devais te concentrer sur ta montée d'escalier. Tu t'arrêtais avant de lui rentrer dedans, elle s'arrêtait devant toi, essayant de t'imaginer avec une moustache et plus costaud mais elle refusait très rapidement cette possibilité parce qu'elle te préférait comme tu étais actuellement. Tu fis une très légère moue, avant d'hausser les épaules. Tu ne t'imaginais pas tellement avoir une grosse moustache bien fournie. Parce que tu en avais une, très légère, elle se dessinait tout doucement. Et quant à ton corps, tu étais bien comme tu étais, il ne fallait pas vouloir autre chose. Vous repreniez votre ascension, dans le silence. Du moins, le plus possible puisque c'était difficile de ne pas faire le moindre bruit. A peine arrivé en haut, elle te racontait son expérience. « En soi, c'est une façon d'expérimenter la vie ! » Et puis il fallait dire que ça donnait un sentiment d'être hors-la-loi, il y avait l'adrénaline qui ne faisait qu'un tour dans nos veines et qui nous tient en haleine. Depuis que tu parcourais les couloirs du cinéma avec elle, tu ressentais ce grand frisson et tu n'avais qu'une envie : qu'il ne s'arrête jamais. « Une course poursuite, carrément ? » Tu essayais de contrôler tes émotions parce que tu avais envie de le crier tellement tu étais surpris. Mais ce n'était pas une chose à faire, il ne fallait pas donner l'alerte. Même si ça semblait désert, il fallait toujours se méfier du chat qui dort. « J'imagine bien oui. » Tu affichais un léger sourire en continuant de la suivre. Elle poussait une grosse porte qui semblait imposante. Mais c'était la ligne d'arrivée de votre course. « Dans le noir, ça semble si impressionnant. » soufflais-tu doucement en éclairant différent endroit à tour de rôle parce que la torche n'était pas assez puissante pour tout éclairer.

Expérimenter la vie, Théia n'a pendant longtemps fait que ça. Tenter de nouvelles choses, des trucs totalement inédits, se perdre dans un monde qui n'était pas le sien. Loin des coeurs déformés, des meilleurs amis décédés, des pères trop tristes que pour pouvoir à bien mener leur rôle. Elle s'est laissée entraîner par des inconnus rapidement devenus des amis, elle a laissé l'adrénaline ne faire qu'un avec son sang, et elle a continué jusqu'à ce que la réalité ne finisse par lui retomber en plein sur la tête. Bonjour les séjours à l'hôpital, les traitements, les dix kilos en moins qui faisaient ressortir ses côtes. « Comme tu dis, »  répond-elle simplement, songeuse. Visiblement, l'histoire de la course poursuite semble l'impressionner puisqu'elle entend dans sa voix qu'il retient un cri. Un nouveau sourire vient étirer ses lèvres. « Je te rassure, c'est pas aussi cool que ça en a l'air. J'ai vraiment eu peur ce jour-là, j'ai cru que j'allais avoir un infar'. » Et elle aurait pu. Elle se souvient avoir couru trop vite, trop longtemps, jusqu'à ce que son souffle n'arrive plus à suivre le rythme. Elle a fini par tomber dans un buisson, totalement inconsciente, mais des souvenirs pleins la tête. Une fois à l'intérieur de la salle, Théia balaie elle aussi les alentours à l'aide du faisceau de sa lampe torche. Elle admire l'endroit un moment, contemple les sièges qui deviennent rouge une fois en contact avec la lumière. Et devant eux, l'immense toile. « Suis-moi. » Elle se dirige vers le fond de la salle, là où une porte avec un signe "interdit" les empêche d'accéder directement aux escaliers. Heureusement, celle-ci n'est pas verrouillée et il suffit à Théia de la pousser afin de pouvoir monter vers la salle d'au-dessus. Ils gravissent les quelques marches et, une fois en haut, elle laisse tomber son sac sur le sol. « L'étape finale, » souffle-t-elle avant de poser son regard sur Maxwell, plus excitée que jamais. Elle retire la bobine qui se trouve pour le moment dans la machine et met la sienne à la place. « Veux-tu avoir l'honneur d'appuyer sur le bouton ? » demande-t-elle en désignant un bouton vert, censé démarrer le projecteur.

Arrêtés dans le couloir, vous parliez un peu, profitant de ce moment de détente pour se laisser aller à quelques confidences. « Oui, j'imagine que jusqu'au moment où t'es sûre d'être en sécurité, ça doit être stressant. » C'est l'image que tu t'en faisais, elle devait être bien plus épique que ça ne devait l'être en réalité. Tu avais un peu trop de films d'espionnage dans la tête pour pouvoir imaginer la réalité comme elle l'était. Et en même temps, tu aimais beaucoup celle que tu avais dans la tête, parce que tu avais l'impression de vivre une aventure tellement épique que tu ne voulais pas que ça se termine. D'ailleurs, elle t'indique de le suivre. Sans plus un mot, tu te glisses derrière la suivant comme son ombre jusqu'à arriver au but. La salle de projection, elle retire la bobine présente et la remplace avant de te jeter un nouveau regard. « Tout l'honneur est pour moi ! » Tu arbores un grand sourire, approchant ton doigt du fameux bouton vert. Dans les films d'actions, c'est plutôt un gros bouton rouge sur lequel on appuie et qui provoque une catastrophe provoquant la mort de milliers voire des millions de mort en fonction du coût du film. Mais là, c'est un bouton vert et ton sourire ne cesse de grandir à mesure qu'il s'y rapproche. Et tu appuies enfin dessus. La lumière s'allume, le son aussi et sous vos yeux, le spectacle pouvait enfin commencer. « Wow ! C'est dingue ! » Tu lâchais un nouveau sourire en sortant de la salle de projections pour retourner dans la salle de cinéma et prendre place n'importe où puisqu'il n'y avait pas un chat. La pièce était à vous, tu pouvais changer de siège autant de fois que tu le désirais. Tu pouvais même prendre le temps de tous les essayer pour voir les différents points de vue.

Arrivés dans la salle de projection, Théia laisse à Maxwell l'honneur de déclencher son film. Après tout, si il est là, ce n'est pas pour se contenter de regarder. Elle veut qu'ils puissent se rappeler ce souvenir comme d'une aventure qu'ils ont vécus tous les deux, pas seulement elle. Et elle est heureuse. Elle est contente qu'il soit là, qu'il soit sur le point de découvrir ce qui anime sa vie depuis des années déjà. Non seulement elle se réjouit de lui faire découvrir ses films mais en plus, Théia ne peut attendre de voir une de ses oeuvres sur grand écran. Elle n'est qu'une amatrice, pas une experte. Peut-être que plus jamais elle ne pourra voir une de ses créations sur la toile, alors elle compte bien profiter de ce moment jusqu'à la dernière seconde.  « Ça rend tellement mieux, » souffle-t-elle en se dirigeant vers la salle de cinéma. Plus lentement que Max, elle marche le long des sièges alors que son regard reste rivé sur l'écran. Ce sont des images de Bowen qu'elle a collectionnées sur un an, une évolution de sa vie là-bas et des quartiers qu'elle a découverts. Les frontières de la ville, les recoins secrets de la plage, un panorama du haut de la falaise. Théia vient prendre place à coté de Max et sent son coeur se serrer sous l'émotion.  « Si je me mets à pleurer, secoue-moi très fort, » souffle-t-elle avant qu'un sourire amusé ne vienne étirer ses lèvres. Voir ses images sur grand écran lui donne envie de continuer, de voir plus haut, de viser encore plus loin quitte à agrandir ses rêves, et à rétrécir son budget. Ce moment, c'est probablement un des plus beaux qu'elle aura jamais vécus.

Tu quittais la cabine de projection pour prendre place dans la salle. Tu t'étais mis plus ou moins au milieu parce que tu avais l'impression que dans une salle de cinéma, le milieu parfait n'existait pas, ce serait la place entre deux sièges. Tu pourrais aussi très bien t'asseoir de cette façon, mais tu doutais que ce soit vraiment confortable. « Sauf si je pleure avant toi ! » Parce que tu n'étais pas certains de ne pas être émotif, après tout tu étais le genre d'homme à vivre pleinement ses sentiments. Tu te laissais glisser dans le fond de ton siège, ne quittant pas l'écran du regard. Ce moment était fantastique et sûrement trop court ! L'image disparaissait de l'écran vous laissant au début dans la pénombre. Tu ne voyais plus grand chose, tes yeux n'étaient pas encore habitués à l'absence de lumière. Petit à petit, tu retrouvais tes esprits et ta vue s'acclimatait. « Tu sais que t’es douée ? » Certes, tu n’étais pas un expert non plus, mais tu aimais beaucoup la façon dont elle avait tourné son film. Tu n'avais même pas pleuré parce que ce n'était pas du tout triste, tu avais plus ressenti ça comme quelque chose de poétique.« C’était trop court ! » ajoutais-tu en soupirant doucement. Tu en voulais plus, tu voulais pouvoir passer la presque totalité de la nuit à regarder des films de façon illégale. Mais c'était un coup à vous faire griller. « Et maintenant ? » Tu tournais ton regard vers elle, tu la voyais sans vraiment la voir, tu voyais son ombre se dessiner dans la salle, elle était toujours assiste à côté de toi. Tu ne savais même pas ce qui allait se passer maintenant.

Sans le regarder, elle se met à sourire dans le vide alors que ses images commencent à défiler. Peut-être que Maxwell ne le réalise pas entièrement, mais Théia est en ce moment-même en train de faire face à son plus grand rêve. Elle qui a toujours voulu devenir une grande cinéaste, elle qui a fini par croire qu'à cause de ses problèmes de santé, elle ne pourrait jamais y arriver. Ce n'est pas tant son film qui fait naître quelques larmes aux coins de ses yeux, mais bien la réalisation partielle de ce rêve qu'elle n'aurait jamais cru pouvoir approcher de si près. Quand l'écran redevient noir, Théia continue de sourire. Max lui dit qu'elle est douée, et elle se contente dans un premier temps de hausser les épaules parce qu'elle n'arrive à sortir aucun mot à cause de l'émotion qui la submerge. Au bout de plusieurs secondes de silence, son regard se détache de l'écran pour ensuite se poser sur Maxwell. « Merci, » souffle-t-elle simplement. Pour le compliment, mais aussi pour avoir accepté de vivre cette aventure à ses cotés. En ce moment, Théia se sent si heureuse qu'elle pourrait l'enlacer dans un geste impulsif. Elle se retient cependant, et se contente de rire lorsqu'il se plaint que c'était trop court. « J'en referai des plus longs, et j'espère bien que pour eux il n'y aura pas que nous deux dans cette salle. » Elle sourit, dans un mélange d'espoir et de réalisme. Peut-être que Maxwell la trouve douée, mais minces sont les chances pour qu'elle arrive à se faire un nom parmi les plus grands. Maintenant ? « T'as faim ? Parce qu'on pourrait se prendre un paquet de chips à l'entrée avant de partir. Mais je te rassure, je compte pas le voler, j'ajouterai un billet à la caisse. Ils remarqueront rien, » ajoute-t-elle même si elle n'est clairement pas certaine de ce qu'elle avance.