dance with me (karel)

Cléo semblait heureuse qu'il ait accepté son invitation, un peu à la manière d'une enfant qui fait un caprice. Même si, pour Karel, il s'agissait d'un adorable caprice. Il lui aurait bien dit qu'elle ne semblait pas avoir peur qu'il la saoule et la kidnappe, mais même si c'était quelque chose de lancer avec humour, elle risquait de le prendre au sérieux et de flipper. C'était peut-être pour ça que les relations humaines étaient aussi compliquées pour Karel, dés qu'ils avaient une once d'idée du métier dans lequel il traînait, il n'avait plus la confiance de personne.
Karel attrapa alors la main de Cleo et l’entraîna dans un foxtrot dont la musique retentissait déjà dans la pièce.

-Je ne sais pas si je serais aussi bon sur celle là.

Il la regarda avec un sourire un peu timide. Il ne voulait quand même pas la décevoir.

Cleo n'a pas peur. Ou du moins, pas de lui. Il lui en faudra plus pour la faire reculer et surtout, pour la convaincre que Karel n'est pas quelqu'un de fréquentable. Peut-être qu'elle est actuellement en train de se plonger dans un monde où elle ne devrait pas mettre les pieds, mais elle n'en a que faire. Après tout, ce n'était pas comme si il comptait mettre fin à sa vie dans une ruelle sombre de Bowen. Enfin, c'est l'idée à laquelle elle se retient. Tout en refermant ses doigts autour de la main de son compagnon, elle le laisse mener la danse avant de suivre ses mouvements de pas. « Je te fais confiance, » répond-elle avec un sourire. Une phrase qui parle pour maintenant, mais pas que. Il est fort probable que Cleo ait cette mauvaise habitude d'accorder trop facilement sa confiance à des personnes qui pourraient en jouer, mais c'est un défaut dont elle se sent incapable de se débarrasser. Au rythme de la musique, elle recule et avance ses pieds en même temps que le fait Karel. Il ne leur manque que de beaux vêtements et un orchestre au lieu d'une radio pour lui donner l'impression d'être en plein gala de charité, ou quelque chose du genre. « Attention, si tu me marches sur les pieds, ça fera deux verres. » Elle a un peu plus de mal à parler à cause de son souffle qui se fait plus rapide, mais elle arrive malgré tout à lever vers Karel un regard brillant.

Karel ne peut retenir un sourire songeur alors qu'elle dit lui faire confiance. Si seulement elle savait, si elle savait tout ce qu'il était et tout ce qu'elle risquait. Mais elle ne le saurait jamais, il y prendrait bien garde.

-J'essaierais d'être à la hauteur alors.

Parce que Cleo semblait être de ces femmes qu'on ne devait décevoir. Ou alors, Karel ne voulait juste pas la décevoir. Il ne saurait encore dire qu'elle était spéciale, mais on ne croisait pas tous les jours des gens avec qui on pouvait danser. Et des gens qui nous faisait confiances alors qu'ils savent si peu de choses de nous.

Karel commence par regarder leurs pieds, réflexe de débutant, mais il voudrait pas appuyer lourdement dessus. Peut-être qu'elle lui en voudrait sinon. Mais au bout de quelques instants il se sent en confiance et plonge son regard dans le sien avec un demi sourire.

-Je vais bien me garder d'y toucher alors.

La voir sourire à travers son regard c'est sans doute la plus grande récompense d'un danseur. Il continue la danse, son regard encré dans le sien jusqu'à ce que la musique s'arrête et qu'il recule d'un pas, reprenant son souffle quelques secondes.

-Qui a dit que la danse n'était pas un sport, hein ?

Il transpirait et avait soif, loin du style sexy qu'on aurait pu vouloir lui attribuer. Il ne savait pas comment ils faisaient dans les fils pour rendre ça totalement romantique.

Elle se contente d'abord de simplement hocher la tête, ne doutant pas un seul instant que Karel ne soit pas à la hauteur pour cette danse. Il a déjà fait ses preuves pour les précédentes, elle doute qu'elle soit déçue pour celle-ci. N'ayant plus dansé depuis longtemps, ses premiers pas sont hésitants et et elle est à plusieurs reprises obligée de fixer le sol afin de voir vers où se diriger. Elle n'écoute leur professeur que d'une oreille, trop focalisée sur une quelconque remarque que son partenaire pourrait lancer. Et celle-ci ne se fait pas attendre, lui faisant relever la tête afin de pouvoir croiser son regard. Un grand sourire ne tarde pas à venir étirer ses lèvres à sa promesse de ne pas lui écraser les pieds. Au final, même si ça arrivait, Cleo ne lui en voudrait pas. Elle se contenterait de rire avant de reprendre là où ils en étaient, et l'histoire finirait bien vite par se tasser parmi tant d'autres. Une nouvelle fois, elle ne répond pas. Elle profite de cette danse même si elle commence à sentir la fatigue s'emparer d'elle. Elle sent qu'elle a les joues rouges, et que peut-être quelques goûtes de sueur ont commencé à perler sur son front. Elle n'est clairement pas aussi belle que ces femmes en grande robe rouge qu'on peut voir dans les films et qui arrivent à se déplacer comme si des dizaines de ventilateurs étaient tournés vers elles. À la fin de la chanson, ils se lâchent pour pouvoir respirer à nouveau. « J'ai l'impression d'avoir monté le Mont Everest, » souffle-t-elle, signe de son immense condition physique. Le professeur les applaudit tous, signe que le cours est terminé et que Karel et Cleo n'auront plus la moindre petite vieille pour venir les interrompre. Elle ne sait pas si elle est impatiente ou un peu nerveuse.  « On se retrouve devant l'entrée ? » propose-t-elle, sentant malgré tout son ventre se nouer à l'idée d'un refus.

La chanson se termina et la danse avec. Karel recula alors de deux pas et esquissa un sourire à la déclaration de Cleo.

-Au moins ça !

Mais après tout, elle lui avait avoué ne pas avoir dansé depuis un certain temps, il fallait qu'elle reprenne l'habitude, et puis lui aussi d'ailleurs, et dans quelques temps ils pourraient danser sans suer à grosses gouttes mais ils étaient entrain de le faire. Le cours était terminé, il était passé un peu trop vite. Mais si Cleo revenait aux cours suivant alors il n'aurait aucun regret quant à cette durée.

-Bien sûr, je rassemble juste mes affaires.

Karel avait l'habitude de se changer chez lui et n'avait rien prit pour la circontance. S'approchant de son sac de sport, il en sortit une bouteille et y but allègrement avant de la reposer et d'essuyer son visage à l'aide d'une petite serviette qu'il prenait toujours. Une fois ça fait, il se rendit à l'entrée, attendant Cleo. Quand elle parut, il esquissa un léger sourire presque timide.

-J'ai peur de te faire honte.

Petit à petit, grâce au sport qu'elle a repris, Cleo est en train de retrouver cette endurance longtemps perdue. Elle s'est souvenue des remarques de Jeff lorsqu'ils sont allés courir ensemble, de cette manie qu'il avait de sans arrêt dire d'elle qu'elle était trop lente, ou trop flemmarde. Elle a eu envie de lui prouver le contraire, et c'est peut-être en partie à cause de lui qu'elle a repris les cours de danse. À cause de lui, mais aussi parce qu'elle a toujours aimé ça de danser. Dans les vestiaires, Cleo en profite pour se passer rapidement de l'eau sur le visage ainsi qu'aux endroits où elle a transpiré. Elle enfile ensuite un pull par-dessus sa tenue de sport, impatiente de se doucher de retour chez elle mais n'ayant pas non plus envie de faire attendre Karel trop longtemps. Elle le retrouve à l'entrée, comme convenu, et cette réflexion qu'il lui lâche lui tire un sourire amusé. « Me faire honte ? Je crois qu'au point où on en est, on va se faire honte à tous les deux, » dit-elle en baissant les yeux vers son gros pull avec toujours ce même sourire accroché aux lèvres. « Tu n'allais jamais boire un verre avec tes anciennes partenaires ? » lui demande-t-elle ensuite en parlant des dames plus âgées, le regardant avec un sourcil haussé et un regard joueur.

La sourire de Cleo était contagieux. Si ça ne la dérangeait pas, eh bien, ça ne le dérangerait pas non plus. Il n'avait plus qu'à espérer que le déodorant fasse son effet.

-Je pense que ça devrait aller, je ne considère pas que ce genre de pull soit un fashion faux pas.

Faut dire qu'il n'était pas vraiment quelqu'un à la mode, et ne s'en préoccupait même pas. Et puis elle savait à quel point ce genre de vêtement était confortable.

-Non pas vraiment, mais parfois je les raccompagne chez elle.

Quand ça leur faisait plaisir. Karel était parfois plus gentleman qu'il voulait bien le laisser penser. Il tourna le regard vers le bout de la rue et fit un petit signe de tête.

-Où est-ce que tu préfères aller ?