You're the Milky to my Way ➽ Jade

You're the Milky to my Way
MALOU & JADE

La rouquine au long corps élancé retirait le bas résille de sa jambe, le pied posé sur un tabouret, se changeant parmi les autres filles dans le vestiaire. Elle avait fini son service et retirait sa tenue de travail - entendez par là, un corset aux couleurs vives et plein de dentelle, au-dessus d'un string et de bas résilles -. Il était près de deux heures du matin, elle ne travaillait pas toute la nuit aujourd'hui. Malou savait que son amie n'allait pas tarder à la rejoindre aux vestiaires. Jade devait terminer d'un moment à l'autre. Les deux jeunes femmes étaient amies depuis un moment maintenant, même s'il avait fallu le temps pour que la confiance et la complicité s'installe. Ce temps était surtout dû au caractère froid et même parfois abject de Malou. En attendant, Jade était maintenant une personne de confiance pour la rousse, elles s'étaient liées d'une amitié plus profonde que ce qu'on aurait cru au début. Elles avaient pris l'habitude de traîner ensemble et Malou était une toute autre personne avec son amie que ce qu'elle n'était en apparence. Son mauvais caractère était toujours présent, mais d'une manière bien plus mesurée, et surtout, elle souriait. Parfois elles se raccompagnaient l'une chez l'autre après leur service, quand elles terminaient en même temps, ou bien allaient boire un tout petit verre, prenait un café ensemble au déjeuner chez l'une ou chez l'autre, ou se rendaient des services en échangeant leurs heures de travail quand l'une en avait besoin. Malou attendait donc son amie, se changeant en prenant son temps, sans dire un mot.

Jade pénétra dans le vestiaire peu de temps après, où Malou l'avait attendue patiemment quelques minutes de plus.

« Salut p'tit chat. Bah, pas plus dure qu'une autre. »

Répondit-elle en haussant les épaules. Elle se plaignait rarement de son métier, après tout, c'était autour de ça que gravitait sa vie, principalement, vu qu'elle n'avait quasiment pas d'amis. Normal, vu son statut social et ses activités professionnelles. Non, ce n'était pas un job plaisant, et oui, elle perdait foi en l'humanité et en la décence des hommes. Mais elle ne comptait pas pleurer sur son sort chaque soir.

« Sans blague ! Ils n'ont même pas le mérite d'être sexy, si tu veux mon avis. »

Répondit Malou avec un petit sourire en prenant son sac à l'épaule, avant de se diriger vers la porte de service avec Jade. Cette dernière lui proposa de passer la nuit chez elle. C'était sûrement la seule personne au monde à avoir le droit de lui faire ce genre de propositions. Et également la seule personne au monde qui pouvait prétendre à ce qu'elle ne refuse pas.

« Ouais, pourquoi pas ! On prend un café un rentrant ? »

Son amie connaissait bien le penchant de Malou pour la caféine, peu importe l'heure du jour ou de la nuit, peu importe si c'était avant d'aller dormir. Et puis, Jade et elle avaient des horaires tellement atypiques qu'il était normal de papoter au milieu de la nuit en rentrant du boulot, autour d'un petit repas ou d'un café.

Malou sourit quand Jade proposa de faire goûter son nouveau café. Celui de Malou n'avait rien d'exceptionnel, elle achetait toujours de la sous-marque, le moins cher possible, son budget ne lui permettant pas des folies. Mais elle était contente que son amie lui offre ce genre de luxe de temps à autres.

« Hâte de goûter ça, tu connais mon amour pour la caféine. Plus grand que celui que j'ai pour toi. »

Plaisanta la rouquine en marchant avec la jeune femme jusqu'à son domicile. Elle proposa de commander une pizza, ce dont Malou était moins sûre. Se faire livrer, à cette heure-ci, c'était pas vraiment bon marché.

« Je passe mon tour, ce serait exploser mon budget bouffe. Il me reste plus des masses, je me nourris aux pâtes ces derniers temps... »

Répondit la jeune femme avec un haussement d'épaules. Et puis, sauter des repas ne posait pas problème à la jolie rousse. Tant qu'elle avait son café. Une fois arrivées chez Jade, cette dernière prépara le café tandis que Malou s'installait dans le canapé. La belle blonde lui servit sa tasse avant de venir s'installer elle aussi. Jusqu'à ce qu'elle balance la phrase que Mal' détestait tant. Elle haussa un sourcil et but une gorgée de café, avant de plonger son regard flamboyant dans celui de Jade. Que pouvait-elle bien lui annoncer avec une telle appréhension dans la voix ?

« Crache le morceau, tu me stresses là. »

La pressa Malou, sa tasse de café toujours entre les mains. Elle ne supportait pas le suspense qui allait de pair avec la fameuse phrase "je dois te parler d'un truc".

[ Je pars du principe que Malou a pas encore rencontré Marc-Aurèle. :) ]


Malou rit de bon cœur devant la réaction soi-disant outrée de son amie. Elle savait très bien que Malou l'aurait choisie avant n'importe qui, même avant le café. Elle était ce qu'elle avait de plus proche ici, à Bowen, et même dans ce monde. D'ailleurs, le café était en effet excellent, en tout cas meilleur que ce dont se contentant la jolie rousse chez elle, vu qu'elle n'achetait que de la sous-marque, la moins chère possible. Jade proposa tout de même de lui offrir une pizza, avec la délicatesse dont elle faisait toujours preuve quand elle proposait de l'aide à la rouquine. Elle savait bien que Malou avait du mal à accepter ce genre de choses. Cette dernière hocha négativement la tête, d'ailleurs, mais tout en lui adressant un sourire reconnaissant.

« Pas besoin. J'te piquerai un ou deux bouts de pizza. »

Répondit-elle. Une fois installées et la pizza entamée, Jade revint sur le sujet qui allait sûrement être épineux, vu les précautions que la jolie blonde prenait. Malou la pressa de continuer, sentant déjà qu'une mauvaise nouvelle se tramait à l'horizon. Et les mauvaises nouvelles, elle en avait déjà eu sa dose dans la vie. Elle continuait de les encaisser sans broncher, la brisant un peu plus à chaque fois. La jeune femme se promit cependant d'écouter son amie jusqu'au bout. Elle écouta ses explications, le chemin que prenait la conversation se dessinant peu à peu dans sa tête, accélérant son pouls. "Elle va me sortir de ce trou, Malou." La phrase était tombée, comme un bloc de glace dans le cœur de Malou. Et voilà. Comme toujours. Un nouvel abandon. La rouquine avait bien perçu l'émotion dans la voix de Jade, et elle savait qu'elle aurait dû être heureuse pour elle. Mais sur le coup, elle n'y parvenait tout simplement pas. C'était au-delà de ses forces. Elle avait l'impression de retomber dans cette spirale infernale. De se retrouver encore une fois seule au fond de sa merde. Tout le monde part un jour. Elle regrettait d'avoir baissé sa garde, d'avoir été plus sociable. D'avoir cru qu'elle avait réellement des amis, qui ne la laisseraient pas tomber. Parce que c'était comme ça qu'elle le percevait : un abandon. Une trahison, même. Elles étaient toutes les deux dans la même galère, et voilà que sa meilleure amie prenait son envol, la laissant derrière. Même si Jade s'en tirait mieux que Malou depuis le début, ayant un réel boulot la journée et ne galérant pas dans les soucis financiers, n'étant pas obligée de coucher avec des hommes qui la répugnait. Elles n'avaient pas affronté les mêmes horreurs dans leur passé, mais la jolie rousse ne lui en avait jamais tenu rigueur.

La rouquine n'entendait même plus ce que Jade lui disait. Elle était trop en colère, trop amère et trop dégoûtée. Le pire, c'était qu'elle était en colère contre elle-même. De s'être laissée avoir, encore une fois. De s'être attachée pour mieux être laissée derrière. Ce n'était pas pour rien que Malou rejetait tout et tout le monde dès le départ, sans laisser la moindre chance à la personne en face d'elle. C'était pour se protéger, pour ne plus souffrir d'horribles pertes comme elle l'avait déjà vécu par le passé. Jade savait bien tout ça. Mais au final, Malou ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même. Elle aurait juste dû continuer à repousser les gens, ne pas les accepter dans sa vie, ne pas laisser leur bienveillance l'atteindre.

« Pourtant c'est ce que tu fais. »

Finit-elle enfin par répondre sur un ton dur et lourd de reproches, brisant le silence pesant qui s'était installé. Elle ne voulait pas l'abandonner, mon cul. C'était exactement ce qu'elle venait de lui annoncer : qu'elle s'en allait, la laissant derrière, dans son job de merde qu'elle ne pouvait pas quitter parce qu'elle n'en avait pas les moyens.