vivre et boire à la chance, ivres mais pas de vengeance (anja)

Depuis peu, tu possèdes ton propre bureau dans un des quartiers de Bowen. Ce n'est pas grand chose, il n'est certes pas très grand mais quand même. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même pour cette petite réussite et ça, c'est déjà pas mal. Un pas de plus dans le monde des grands, Freja. Un pas après l'autre, c'est ta devise depuis que tu t'es lancée comme indépendante. Étant architecte d'intérieur et par conséquent décoratrice, il ne t'a pas fallu longtemps pour décorer avec goût la pièce. C'est épuré mais à ton image. Bref, tout est réuni pour que tu te sentes bien au travail. Alors que tu es accoudée à ton bureau, concentrée sur le dossier d'un nouveau client, tu entends la porte s'ouvrir. Un sourire se dessine sur tes lèvres avant même que tu ne relèves la tête pour voir de qui il s'agit. Tu pars du principe qu'un client est entré donc forcément, tu te montres des plus agréables. « Bonjour, je peux vous aider ? » Dis-tu en relevant finalement la tête. Mais dés que tu vois ton propre reflet, ton visage se fige. Anja, ta soeur jumelle est juste devant toi. Bien que vous ayez exactement le même physique, tu ne peux t'empêcher de vous trouver différente sur bien des points. « Ah c'est toi. » Ajoutes-tu en reportant ton attention sur ton ordinateur comme si la présence de ta jumelle ici t'importait peu. Ce qui est le cas, au fond.

Ne pas regarder le passé, c’est quelque chose que tu aimerais beaucoup avoir la possibilité de faire, Anja. Et pourtant tu n’y arrives pas, et tu n’es visiblement pas la seule à être confrontée à un tel problème, puisque c’est également le cas de ta sœur Freja. Si toutes les deux vous n’avez jamais été particulièrement proche, maintenant que vous êtes loin de votre Norvège natale, maintenant que vous êtes adultes, tu voudrais avoir la possibilité de te rapprocher de ta sœur et c’est pour cette raison que le fait qu’elle soit distante depuis quelques mois maintenant te pose quelques problèmes. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui, tu te décides à confronter la jolie brune qui te sert de jumelle et qui ne changera pas malgré tout ce qui pourra se passer entre vous. Liées par le sang, par la naissance, tu sais que tu dois te réconcilier avec elle : vous avez été distantes trop de temps pour laisser cela continuer maintenant. Tranquillement tu te rends jusqu’au magasin de ta sœur en cette période de ta journée où tu n’as aucun rendez vous, entrant avec une anxiété que tu dissimules par un sourire poli sur tes lèvres, histoire de maintenir un minimum les apparences. « Bonjour, je peux vous aider ? » Elle relève la tête et perd ce sourire que tu pourrais qualifier de commercial, puisqu’il s’est effacé dès qu’elle t’as vue. « Ah, c’est toi. » Et puis elle détourne le regard pour le reporter sur son ordinateur, comme si tu n’existais pas. Alors que tu crois halluciner, tu te reprends et t’approches de ta sœur. « Salut, oui tu peux m’aider. Pourquoi tu m’évites ? Plus important encore, pourquoi tu me parles plus ? Qu’est-ce que je t’ai fait, hein ? » Tu demandes en la regardant, tapotant du bout des ongles sur la table, agacée.

Tu entends Anja s'approcher de ton bureau, sans doute bien décidée à comprendre les raisons qui font que tu l'évites depuis un moment maintenant. Vos relations ont toujours été tendues mais actuellement, elles le sont davantage. Elle ne semble même pas avoir un petit avis sur la question et tu dois bien l'avouer, ça t'étonne. Lorsque tu couches avec le petit-ami de ta soeur, tu es quand même au courant de ce que tu fais non ? Selon toi, Anja l'a fait en connaissance de cause et ça, tu ne pardonnes pas. « A part gâcher ma vie entière ? » Réponds-tu en relevant la tête, sentant déjà tes nerfs lâcher. « T'as pas une petite idée, Anja ? » Demandes-tu en prenant l'accent norvégien pour prononcer le prénom de ta jumelle. Il n'y a qu'avec elle que tu te permets cela. Au fond, tu aimes bien pouvoir retrouver ta langue natale juste le temps de quelques minutes. Alors, tu ajoutes dans votre langue d'origine : « Réfléchis, j'sais pas. Fais fonctionner le peu de neurones qu'il te reste. » Et une pique de plus, une. Tu ne peux t'empêcher d'être exécrable avec elle lorsque tu sais ce qu'elle a osé te faire. Si ce n'était qu'un cas isolé, tu aurais sans doute pardonné plus facilement mais ici, ce n'est pas le cas. Toute ta vie, tu as été confrontée à la réussite de ta soeur et à l'approbation de votre famille. Aujourd'hui, maintenant que tu es libre de vivre ta vie de la façon dont tu l'entends, tu n'as plus envie de faire de concession pour ta jumelle. Elle t'en a fait assez baver par le passé pour ça même si ce n'était sans doute pas volontaire, à l'époque.