Nice to meet you - Loukas & Jud'

Je ne suis pas de service en cet fin d'après-midi et pour une fois pas de dossier en retard ou en cours, le dernier petit enfoiré a été arrêté ce matin. On a eu toutes les preuves contre lui, à la justice maintenant de faire son travail. Si bien que pour une fois j'ai décidé d'en profiter un petit peu pour me balader. Ce qui ne m'empêche pas d'avoir mon arme de service soigneusement rangée dans son holster dans la boite à gants de ma voiture. Et ma plaque de flic, elle n'est pas loin de mon arme. Toujours sur le qui-vive oui en effet, chassez le naturel, il revient au triple galop dans mon cas. Et je suis bien placé pour savoir qu'il peut se passer n'importe quoi, n'importe quand. Pour autant je n'allais pas embarquer mes affaires avec moi dans la forêt. Verrouillant ma voiture à double tour avant d'y aller.

Ce n'est que deux heures plus tard que je reviens sur le parking et tout de suite un détail cloche quand mon regard se pose sur ma caisse : Elle a un pneu à plat. Putain de merde, c'est bien ma veine ça ! Comme si je n'avais pas mieux à faire que de changer le pneu. En l'examinant de plus près, je m'aperçois que le pneu n'est pas seulement dégonflé mais qu'en plus il a été percé volontairement. La marque du couteau ayant servi à ça est bien visible pour un oeil expérimenté comme le mien. Forcément je me redresse et regarde autour de moi pour voir un jeune homme brun un peu plus loin, l'apostrophant directement avec un ton de voix qui reste encore sympathique.

- Eh toi ! Me rapprochant de lui en même temps. Hum mignon en plus de ça, ce qui ne gâche rien...Même si pour le moment je ne dois pas oublier qu'il n'est peut-être pas juste un témoin de la scène de crime. Oui crever un pneu de ma voiture est un crime ! J'espère qu'il n'est pas l'auteur du délit, je l'inviterais bien à boire un café après ça. Tu n'aurais pas vu qui a crevé le pneu de ma bagnole par hasard ?

Et merde je voulais rester sec et en lui posant ma question, je me suis radoucit. Bon en même temps ce n'est peut-être pas plus mal, il paraît que je suis trop strict en permanence. Ce que je peux facilement nier mais aussi démontrer le contraire. Oh et puis zut, je suis comme je suis et encore j'ai fait l'effort de ne pas l'avoir accusé directement.


[HRP : Parce que je sais que tu aimes tellement être tag @Loukas Jones ]

C'était bien sa veine... il avait dans l'idée d'aller passer un peu de temps en forêt et de squatter une cabane qui s'y trouvait (sans doute un repère de chasseurs quand la saison était ouverte) et ainsi s'y rendait avec un sac remplis de nourriture, trouvé dans le bac des dates courtes de quelques magasins et dont personne ne voulait en voyant la date du jour sur l'emballage. Bah, pas qu'il s'en plaigne en fait, au moins il pouvait tout prendre ainsi et... merde, il s'était encore égaré dans ses divaguations mentales... ce n'est pas de cela qu'il voulait se plaindre au départ, non il était partit là dessus à cause des sueurs froides qui venaient de le gagner après sa dernière boulette en date, le genre que l'on ne peut théoriquement pas faire par accident, sauf si on s'appelle Loukas Jones, ou le mec qui se pensait plus poissard encore que la poisse elle-même.

Ce qu'il avait fait donc? En rentrant de son petit marché, Loukas jouait avec son couteau de poche (le genre de chose que l'on interdit aux enfants, et que l'on devrait aussi proscrire chez lui vu sa maladresse) et en passant sur le parking près de la forêt, il avait fait la chute la plus improbable qui soit, se prenait les pieds dans dieu seul sait quoi, son couteau en main, et dans une belle petite glissade qui faisait que sa lame allait se planter directement dans le pneu de la voiture d'un pauvre bougre garé là. Franchement, en faisait exprès de tomber il n'aurait pas réussi à faire un coup pareil et son visage avait perdu toute trace de couleur. Est-ce qu'il devait partir? Rester et s'excuser? Il ne savait pas réellement au départ, jusqu'à ce que l'éducation de ses parents lui revienne en tête... toujours assumer ses conneries, quitte à se prendre un poing dans la gueule. Alors il avait attendu en effet, il ne savait combien de temps, en train de déambuler sur le parking jusqu'à entendre une voix s'adresser à lui.

Courage... ce type n'avait pas l'air d'un mauvais bougre, mais quand il demandait pour sa voiture, Loukas déglutissait difficilement quand même, peut-être que cette gentillesse n'allait pas durer quand il allait dire la vérité, même si sa façon de fixer parfois le regard de son vis-à-vis, pour ensuite mieux se faire fuyant ne devait déjà pas trahir une certaine sérénité de sa part.

"Je euh..." non, ce n'était pas ça, il manquait des mots dans sa phrase, il en était certain en se passant une main nerveuse dans cette foutue tignasse brune étant la sienne. "Oui je... je crois que c'est moi..." avouait-il du bout des lèvres, cette fois-ci rouge pivoine et en train d'étudier soigneusement ses chaussures soudain passionnante. "Mais je l'ai pas fait exprès, je vous le jure. J'me suis cassé la figure et mon couteau bah... enfin... arg... enfin... si vous voulez me casser la gueule ou quoi, je comprend, j'me croirais pas non plus si j'entendais cette excuse."

Mais s'il avait voulu juste vandaliser, il se serait sauver non? Peut-être que le proprio de la caisse allait voir ça, et peut-être qu'il n'allait pas avoir (trop) de problèmes?



[HJ: j'te zut avec tes tag!]

Ma voiture, mon bébé abîmé par je ne sais qui encore. Pourtant cela ne fait pas longtemps que je l'ai, à peine un mois. Il faut dire que j'ai mis du temps à trouver ce que je voulais. Aimant les vieilles voitures et puisque je suis installé en Australie à présent, rien de plus logique que d'en trouver une venant d'ici directement. Après de longs mois de recherches, parce que malgré tout le prix compte aussi, j'ai fini par trouver une Holden HQ Monaro GTS de 1973 pour un prix relativement raisonnable. Une beauté noire avec des bandes rouge sur le capot, deux portes et un sacré moteur. Mais aussi un gouffre à fric au niveau essence et assurance, ce qui fait que je ne la sors que peu souvent pour le moment. Comme quoi j'aurais dû m'abstenir de la prendre aujourd'hui ou de sortir tout court. Il n'y a vraiment que le boulot où tout roule un tant soit peu. Enfin le mal est fait et maintenant je n'ai plus qu'à trouver le responsable si possible. Abordant le jeune brun pour me renseigner, je ne m'attendais pas du tout à ce qui suit...

Ma question est à peine posée qu'il a déjà l'air du mec coupable de A à Z, la manière de déglutir, de fuir mon regard veut tout dire. Et l'entendre bafouiller ne peut que me confirmer cette première impression. Respire Jud'. Je ne vais tout de même pas lui envoyer mon poing dans la figure comme ça pour deux mots qu'il a prononcé. Ce n'est pas l'envie qui m'en manque comme l'indique mes poings qui s'ouvrent et se referment pendant qu'il essaye de parler. Et non content d'éviter mon regard, ce qu'il me dit n'a aucune consistance.

- Mais bien sûr, ton couteau s'est par hasard retrouvé planté dans mon pneu mais tu n'y es pour rien. Inspiration, expiration. Tu te fous de ma gueule là ou bien ? Tu sais que je fais des petits cons dans ton genre normalement ? En moins de deux, je lui attrape le bras et passe derrière lui, l'empêchant ainsi de se défaire de ma poigne pour ensuite venir le coller et lui susurrer à l'oreille. "Je les fous en tôle et même ton joli petit cul ne t'aidera pas." Oups j'avais pas dit que je restais aimable ? C'est un peu loupé. Bien que je pourrais faire largement pire croyez moi, demandez au dernier indic qui n'a pas voulu me répondre et s'est foutu de ma gueule. Il a fini à l'hosto le nez cassé. Je termine par le relâcher plus ou moins en douceur.

- Maintenant tu reprends à zéro et tu m'expliques correctement ce qu'il s'est passé.

Comme est-ce qu'il avait seulement pensé que son excuse serait prise au sérieux déjà? Les premiers signes de tensions ne lui échappèrent pas... les poings serrés... et Loukas se disait qu'il allait sans doute avoir un oeil noir en allant dormir ce soir... enfin, ce n'était sans doute pas volé et Loukas enfonçait sa tête dans ses épaules, écoutant les mots comme une sentence, celle qu'un enfant pris la main dans la jarre de cookies qu'il a tenté de rattraper, mais que l'on accuse d'avoir voulu manger avant l'heure du repas. Là, on ne le croyait pas tant l'incident était improbable et quand il se retrouvait dans une prise fort inconfortable, Loukas serrait les dents, se jurant de se tirer la prochaine fois qu'il ferait une connerie de ce genre, vu ce qu'il devait entendre et son bras qui allait être douloureux après ce passage, tout ça à cause de son honnêteté. D'ailleurs sa panique présente dans son regard se fit aussi entendre lorsqu'il trouvait à répondre :

"Mais... mais non je ne me moque pas de vous! Ahouch..."

Son pauvre bras... alors quand il était libéré, Loukas massait son bras en grimaçant, fusillant du regard le plus vieux. Putain, qu'est-ce que ça aurait été s'il avait pété la vitre en tombant? Ca se trouve, il aurait déjà eu la gueule en sang en se prenant du verre dans la figure, et ce mec en aurait rajouté une couche et dans ce cas, il aurait eut besoin d'aller à l'hôpital pour plus de raisons encore.

"Je venais faire un tour avec de quoi bouffer, et je jouais avec mon couteau..." commençait Loukas, avant de relever les yeux vers machin-aimable. "Je sais, c'est pas le truc à faire, mais on est con ou on l'est pas... et je me suis pris les pieds dans je sais pas quoi, et comme je suis le mec le plus chanceux du monde, il fallait que j'tombe près de ce petit bijoux et que ça se termine comme ça. Franchement, si c'était volontaire... vous croyez que je serais resté là? Surtout en voyant votre réaction!"

Ok, il avait réussi à hausser un peu le ton, mais il avait comme l'impression que ce type n'était pas un tendre non plus, alors autant ne pas se laisser marcher sur les pieds...

Des excuses à deux balles j'en ai entendu de toutes sortes. Des qui auraient pu potentiellement passer si je n'étais pas flic et si je n'avais pas déjà en main des preuves du contraire. Et d'autres totalement débiles et impossibles, le mieux qu'on m'ait fait c'est quand même un jeune qui m'avait sorti que ce sont des aliens qui lui avaient demandé de cambrioler cette supérette. J'ai aussi eu le droit à une guerre secrète entre les anges et les démons et que le pauvre mec était pris au milieu. Bon ce dernier s'est avéré sortir tout droit d'un asile, il y est reparti faire un tour fissa. Donc non ce que le brun me sort n'est pas le plus farfelu qui soit, mais ce n'est pas non plus le cohérent. Pourtant au milieu de son bafouillage, j'ai l'impression qu'il panique. Impression qui passe vite quand il me fusille du regard, qu'il est mignon. Il m'impressionne tellement que j'en croise les bras sur ma poitrine, un léger sourire en coin venant orner mes lèvres. D'autant plus quand il hausse le ton.

Dans ce qu'il me dit, il n'y a que la fin où il n'a pas tort, pourquoi serait-il resté sur place ? Un masochiste le ferait mais bizarrement je n'ai pas la sensation qu'il peut l'être. À vrai dire, il y a quelque chose de plutôt touchant chez lui, un je ne sais quoi qui me fait penser qu'il dit vrai.

- On va dire que je te crois, tu fais quoi maintenant pour réparer ta connerie ?

Ce n'est pas que les pneus de ma voiture coûtent chers mais un peu quand même et un coup de couteau comme celui là, ce n'est pas réparable avec une simple rustine. Déjà qu'il va falloir que je mette la roue de secours en place, ce dont je me serais passé, merci bien.

On le croyait? Quelqu'un le connaissant bien verrait alors cette étincelle d'espoir briller dans ses grands yeux bleus. Quand il était enfant, sa mère (adoptive bien entendu) disait qu'elle avait l'impression de voir son âme s'agiter dans une pureté qu'il ne fallait jamais oser tenter d'éteindre... quelle idée ridicule... pourtant d'aucun affirmait que ce vestige de l'enfant existait encore aujourd'hui, malgré ses quelques déboires. Alors oui, en entendant qu'on le croyait le jeune homme était soulagé et relâchait un souffle qu'il n'avait même pas eu conscience de retenir jusqu'à cet instant. Enfin... jusqu'à ce que le blond lui demande comment il comptait faire pour "réparer sa connerie" comme il le disait si bien.

En effet, c'était un gros soucis. Sans emplois + sans logement... autant dire qu'il avait largement de quoi le rembourser, n'est-ce pas? Rah... si le sarcasme pouvait fermer sa grande bouche... après, s'il perdait le peu d'amour propre qu'il lui restait, il y avait bien une méthode pour gagner de l'argent rapidement, mais même pour lui, c'était totalement hors de question. Tout le monde avait ses limites, la sienne était : non, je ne ferais pas de tacos au plumard moyennant finance pour dire qu'il allait sortir de sa merde. Voilà.

"Je... je vous donne mon adresse et vous passez pour que je vous rembourse? Je vais devoir aller chercher l'argent sur mon compte, mais je ferais de mon mieux pour que ça ne traîne pas...?"

Azy, fais-bien sonner ça comme une question mon gars, il va avoir la foi l'autre comme ça !

Tout le monde pense que je ne suis qu'un sale type, que le rôle du mauvais flic me colle à la peau. Ce qui n'est pas faux du tout, je le reconnais volontiers mais tout ceci est lié à mon passé. Et en fait ça ne me dérange pas du tout qu'on me voit ainsi, ça me permet de garder les gens loin de moi et de ne pas m'attacher. J'ai mon cousin avec lequel j'ai des contacts réguliers et quelques amis qui ont su passer outre ma carapace. Parce que oui il s'agit de ça me concernant, une carapace. Rares sont les personnes pouvant me voir sous un autre jour et pourtant j'aime aider mon prochain, je ne serais pas flic sinon. Même en dehors de mes heures de boulot. Pourquoi je raconte cela ? Tout simplement pour expliquer pourquoi j'en viens à croire ce que le brun me raconte. Pour expliquer aussi que je ne suis pas quelqu'un de méchant dans le fond. D'autant plus en le voyant souffler comme s'il était en apnée jusque là.

Sauf qu'à nouveau, il change d'expression en un rien de temps, commençant par bafouiller légèrement avant de vouloir me donner son adresse pour finir par une question. Eh ben on est loin du mec sûr de lui et comme on dit il y a baleine sous gravillon ! Mettez ça sur mon instinct de flic mais quelque chose cloche dans ce qu'il a dit, un peu comme s'il savait d'avance qu'il ne pourrait pas me rembourser. De là à penser qu'il cherche à m'avoir, il n'y a qu'un pas que je suis presque prêt à franchir.

- Ou alors tu m'aides à changer ce fichu pneu et ensuite je te raccompagne chez toi ou à ta banque et tu me rembourses directement comme ça.

L'idée de l'embarquer et de le traîner au poste pour vérifier son identité commence lentement à me démanger. À voir comment il va réagir avec ce que je viens de lui dire.

Ce type lui flanquait la trouille. Loukas n'oserait pas l'admettre, mais cet homme lui rappelait les brutes du lycée, ceux qu'il fuyait comme la peste pour ne pas finir la tête dans les toilettes à cause de son décalage avec les autres étudiants. Il était un peu naïf à l'adolescence, toujours enfermé aussi dans ses livres ou à contempler les cieux en quête d'un nuage avec une forme étrange, qui dans son esprit devenait le château des dieux grecs. Bref, celui qui ne s'intégrait pas facilement et Loukas avait l'impression de redevenir ce gamin l'espace d'un instant, avant de grimacer quand on lui proposait au pire d'aider à changer le pneu, et qu'on le ramène ensuite soit chez lui, soit à sa banque. Chez lui? Impossible. Le seul appartement qu'il occupait était un refuge gracieusement mis à sa disposition et il refusait d'en donner l'adresse au flic... la banque? Il n'avait plus de compte... tout était clôturé depuis belles lurettes et si ses parents se feraient une joie de l'aider... il ne voulait pas leur demander leur aide... bref, l'un dans l'autre, il était dans la merde.

"Croyez-moi, vous ne voulez pas que je vous aide à changer votre roue. Sauf si vous voulez prendre le risque de l'user plus encore... je ne suis pas doué de mes mains, quand ça concerne de la mécanique."

Oh. Il devait répondre au reste aussi.Mais comment? Il serait grillé dès qu'ils arriveraient en ville...

"Je... allons chez moi oui..."

Il allait donner une adresse bidon, dans un quartier qu'il connaissait bien, et se sauver à toute vitesse une fois sur place.

Bon peut-être que finalement je me fais des films, ça ne serait pas la première fois que je le vois le mal là où il y en a pas au final. Peut-être que le brun est juste totalement perdu et je ne fais rien pour remédier à cela mais en même temps ce petit con a quand même crevé le pneu de ma voiture chérie. Un vrai crime j'ai déjà dit et je le pense toujours ! Par contre il n'est toujours pas plus coopératif, c'est à se désespérer mais il n'a peut-être pas tort, je n'ai pas besoin qu'il envenime les choses. S'il est aussi maladroit qu'il le dit, il serait capable de me crever un second pneu ou pire encore.

- À t'écouter tu n'es pas plus doué avec un couteau dans les mains ou même juste pour marcher. Non parce que je veux bien te croire mais pour se vautrer ici, il faut le faire quand même. Du coup tu es doué à quoi avec tes mains ?

Je n'ai même pas fait attention que ma voix s'est faite plus douce et gentille, amusée par la situation aussi. Amusé je le suis en effet comme le montre le sourire sur mon visage, sourire que je n'ai pas conscience avoir non plus.

- Va pour chez toi mais d'abord ce fichu pneu. Malgré tout je ne peux pas m'empêcher de le surveiller du coin de l'oeil tout en allant chercher le cric et la roue de secours dans le coffre de ma voiture. "Au fait, je m'appelle Judikael et toi ?" Normalement je n'aime pas donner mon prénom en entier, je n'aime pas vraiment mon prénom tout court, je préfère le second que mes parents ont daignés me donner. Mais là je le fais, je ne sais pas pourquoi mais ça sonne plus officiel ainsi, un peu comme si j'interrogeais vraiment un suspect "inspecteur Judikael Baker" en général les mecs s'en souviennent longtemps.

Je ne peux m'empêcher de sourire un peu plus en le voyant rougir et se gratter la tête. Adorable. Attendant sa réponse, je ne peux cacher que je suis un brin surpris par ses paroles, le piano donc, ça demande pas mal de dextérité et de précision pour en jouer. Ce qui contraste énormément avec sa maladresse avérée mais pour autant je ne vois pas pourquoi cela ne serait pas possible. Surtout quand il me parle de sa nervosité, peut-être que "s'enfermer" dans ses morceaux de musique lui permet de se détendre, de faire abstraction de ce qui l'entoure.

- La nervosité te bloque autant que cela ? Ou t'es juste un de ces génies de la musique qui ne savent pas interagir avec les gens ?

J'en ai croisé un comme ça quand j'étais encore à Chicago, un petit jeune hyper doué mais lui je crois qu'il avait une maladie derrière ou un syndrome de je ne sais plus quoi. Tout en lui parlant, je sors mon cric et ma roue de secours du coffre pour ensuite aller installer le premier et lever ma voiture. Lui lançant de petits coups d'oeil de temps à autres pour le voir s'installer à même le sol et me regarder dans une nouvelle moue adorable, avec son visage penché comme ça on dirait un puppy. L'écoutant me donner son nom pendant que je desserre les écrous tenant le pneu en place.

- Merci Loukas, c'est rare que les gens aime bien.

Que dire de plus ? Même moi je n'aime pas mon prénom même si j'y suis habitué depuis le temps. Et puis quand on voit le prénom de mon cousin ou celui de mon petit frère, je ne sais pas si je ne suis pas le moins à plaindre dans l'histoire. Bien que pour mon frère son prénom a dû être changé, sinon il aurait été facile à retrouver et depuis longtemps. À sa question je me tourne pour lui faire face, c'est vrai que mon prénom est rare, mais je ne suis sans doute pas le seul à le porter.

- Non, je suis américain de naissance. Cela ne fait que quelques années que je suis en Australie et six mois dans cette ville.

Bah oui avant de pouvoir devenir flic ici aussi j'ai dû faire mes preuves à Sidney pendant un bon moment. Et je ne suis ici que parce que j'ai repris contact avec un ancien partenaire de Chicago qui vit là également.

Est-ce que la nervosité le bloquait? Oh si peu! Sa sociabilité tenait dans un mouchoir de poche et ce n'était pas pour rien autant le dire... mais il savait quand même comment se comporter avec les gens, même si ce n'était clairement pas son activité favorite. Non, il préférait la solitude dans la mesure du possible, car les liens que l'on avait avec le monde... ils se muaient immanquablement en coups de poignard dans le dos. Alors il restait seul, sauf quand comme maintenant il se retrouvait à observer un changement de roue.

"Je suis juste excessivement nerveux... mais je dois admettre que les interactions sociales ne sont pas mon fort."

Pourquoi mentir? Cela devait se voir dans sa manière de se mouvoir et d'avoir le regard fuyant malgré ses efforts pour se donner l'air confiant. Hum? Les gens n'aimaient pas son prénom? Il comprenait en un sens... les gens n'aimaient pas tellement son second prénom à lui... second prénom qui était en fait son identité de naissance : Samaël. Disons que ça défrisait les croyants, prénom du diable, blablabla... et lui détestait car c'était un autre signe de ses origines américaines. Il ne voulait pas être américain. Jamais il ne l'accepterait et disons que Judikael venait de devenir bien moins intéressant à cause de sa nation de naissance.

"Oh... je ne pense pas vous avoir rencontré en Amérique, ça remonte à bien trop loin pour que je puisse m'en souvenir." réfléchissait-il tout haut.

Après tout, il ne se souvenait de rien du tout, alors clairement le Jud' qu'il avait connu remontait à moins loin. Puis le destin avait de l'humour, mais faire se rencontrer deux fois deux personnes vivant sur des continents différents? Jamais. Ca n'arrivait que dans les films.

"Pourquoi vous êtes venus ici...? Je veux dire, on parle du rêve américain, pas du rêve australien. Ce sont plutôt les européens qui viennent s'exiler ici normalement."

Et ceux qui pensaient que l'herbe était plus verte ici, ou qui croyaient dur comme fer qu'ils allaient croiser des kangourous à tous les coins de rue.

D'après ses dires c'est juste un grand nerveux qui a quand même du mal avec les gens. Presque le contraire de moi, enfin je suis aussi nerveux presque tout le temps et je suis aussi un impulsif mais ça je pense que je l'ai toujours été. En même temps avec mon passé comment ne pas l'être ? C'est impossible. Entre l'endroit où je suis né et grandi qui n'était pas des plus fréquentables et ce qu'il s'est passé quand j'étais ado et même après. À deux doigts de finir comme petite frappe des quartiers malfamés de Chicago. Par contre je n'ai aucun souci avec les gens et les interactions sociales même si je suis brut de décoffrage la plupart du temps. Disons que j'ai l'habitude de dire ce que je peux penser et cela ne plait généralement pas du tout.

- Et tu as pensé à prendre quelque chose pour t'apaiser ?

Même si cela en a l'air, pour une fois ce n'est pas le flic qui parle, je ne cherche pas à savoir s'il prend ou non des substances illicites. Je ne suis de toute manière pas en service et avec ce qu'il s'est passé sur ma voiture, cela pourrait se retourner contre moi. Je n'ai pas besoin d'avoir une faute professionnelle ou autre connerie du genre dans mon dossier, malgré mes tendances à être borderline lors de mes enquêtes rien n'est venu entacher ma carrière. Sans compter qu'il n'aurait pas besoin de ça pour se détendre, il existe des tonnes de médications homéopathique qui fonctionnent. Enfin le sujet déviant sur mon prénom et d'où je viens, je finis par hausser les épaules à la remarque de Loukas.

- Tu as peut-être tout simplement lu mon nom quelque part et ça t'a marqué.

Après tout nous sommes soumis au Maire et compagnie, nous les flics et  je sais que quand je suis arrivé ici mon nom a été donné dans un article du journal de la ville. Un truc du style que le commissariat compte désormais un enquêteur de plus et blablabla. Je ne fais pas vraiment attention à cela mais possible que mon nom ait été donné une autre fois, à la suite d'une enquête.

- Une affaire personnelle à résoudre pendant mes vacances et puis je ne suis plus reparti. Pour faire bref j'ai obtenu d'être flic en Australie, j'avais un ancien collègue à Bowen, je suis venu lui rendre visite, j'ai aimé la tranquillité du coin et je me suis installé.

Comment imaginer que ma fameuse affaire personnelle est en réalité sous mes yeux, que je suis entrain de lui parler. Comment imaginer mais surtout faire le lien, c'est impossible d'autant plus que ma maigre piste concernant Samaël s'est stoppée à Sidney.

S'il n'était pas si nerveux justement, Loukas aurait sans doute éclaté de rire à la question du flic. Merde, s'il savait à qui il venait de poser cette question... s'il savait que le mec prenait justement de quoi se détendre, dans le cadre illégal de la chose,il aurait sans doute bien des problèmes en cet instant. Au lieu de quoi, le brun sentait son palpitant gagner en tension, son visage chauffer sans doute à cause de la pertinence de l'interrogation, avant se racler la gorge et tenter de répondre, car le silence risquait de trop en dire, ou pas assez.

"J'me fais des trucs aux plantes, mais il faut croire que ce n'est pas super efficace sur moi malheureusement. Ce qui est souvent le cas avec les médecines alternatives maintenant que j'y pense."

Quoi? Ils ne disaient pas quelles plantes, donc il ne mentait pas réellement... et cette histoire de prénom qui le taraudait encore. Il ne pensait pas l'avoir lu, il ne lisait jamais le journal, trouvant cela ennuyeux de payer (ou fouiller les poubelles) pour lire seulement des mauvaises nouvelles ou des conneries de ce genre... mais il ne disait rien, se contentant de hausser les épaules, signifiant que c'était possible sans rien ajouter, préférant écouter cette histoire d'affaire personnelle.

"Et votre affaire personnelle a avancée du coup? Vous restez sur Bowen pour le calme et parce que vous avez terminé, ou alors c'est une impasse et vous avez laissé tombé et vous êtes passé à autre chose?"

Pour qu'un ricain vienne ici, il devait chercher un sacré criminel! Et si le dit criminel était à Bowen, Loukas n'était pas vraiment rassuré par l'idée de dormir dehors pour tout dire... s'il se faisait butter dans le coin d'une rue par un Jack l'Eventreur en puissance?

J'avoue ne pas le regarder non stop étant donné qu'en même temps je m'affaire sur le pneu de ma voiture. Sans doute que si je le faisais, je remarquerais que sa nervosité est encore montée d'un cran et qu'il a viré rouge tomate. Non je n'entend que son raclement de gorge suivi de ses paroles, ce qui me fait le regarder par dessus mon épaule rapidement avec un sourire en coin.

- Des trucs aux plantes hein ? Je ne sais pas s'il parle vraiment de médecine parallèle ou de fumer de l'herbe mais la manière dont il le dit me fait rire intérieurement. "C'est souvent le cas mais sur certaines personnes cela marche à la perfection." En partant du principe qu'il parle bel et bien d'autre chose que de la weed mais oui ça peut marcher, tout dépend de la personne. Même sur des personnes n'y croyant pas cela peut fonctionner, ce n'est donc pas qu'un effet placebo.

Et puis comme je l'ai dit, je ne suis pas en service et tout à fait entre nous, j'ai déjà fumé de l'herbe quand j'étais plus jeune. C'est un des moyens que j'ai employé pour ne pas totalement péter un câble quand mais parents m'accusaient en boucle de la disparition de mon petit frère, quand ils me rendaient responsable de tout. Non ils ne m'ont pas frappés mais souvent les mots peuvent être pire que des coups.

- Non elle est au point mort mais je cherche toujours, je ne laisserais pas tomber. Cela fait...Outch déjà vingt ans que je suis chaque piste même la plus farfelue qui soit, je ne vais pas cesser maintenant. Je n'irais pas en parler mais si je reste ici c'est aussi parce que la ville m'a attirée sans pouvoir me l'expliquer, mettant alors cela sur le dos de la tranquillité. Même si. "Enfin comme je le disais c'est personnel et rien à voir avec mon métier."

Pourquoi je dis cela ? Pour lui faire comprendre que je n'en dirais pas plus. En tout cas pour le changement de pneu j'ai presque terminé puisqu'il ne me reste plus qu'à redescendre ma précieuse voiture du cric puis à tout ranger.