it's so powerful (maryne)

Plus les minutes s'écoulent, plus il a l'impression que la chaleur de la boite se fait oppressante. Autour de lui, les gens dansent durant des heures et se trémoussent les uns contre les autres comme si demain n'existait pas, comme si il n'y avait pas tout un monde dehors où ils se réveilleront au petit matin pour retourner à leur quotidien monotone. Un verre dans une main, l'autre posée entre lui et une blondasse aux yeux de biche, Alfie prend plaisir à l'écouter parler d'elle sans vraiment faire attention à ce qu'elle raconte. La musique trop forte fait effet bouchon dans ses oreilles mais même lorsqu'il ne comprend pas les mots qui sortent de sa bouche pulpeuse, il se contente de hocher la tête et lui sourit de ce rictus qu'il arbore si souvent. Il n'a toujours connu que ça, les soirées et les coups d'un soir, le coté éphémère d'une nuit qui permet pendant quelques heures de tout oublier. Et pourtant, il ne trouve plus autant de plaisir à faire semblant d'être intéressé par la vie d'une fille qu'il ne reverra probablement pas. Il la trouve soudainement fade, sans intérêt, loin du défi qu'il a connu avec Jordan. « Je vais fumer, » lâche-t-il en la coupant. Pourtant, il ne se dirige pas vers l'extérieur. Une clope lui ferait du bien, mais Alfie préfère faire quelques pas vers le bar histoire de remplir son verre qui a déjà été plusieurs fois vides. Une fois debout, il réalise que l'alcool qu'il a déjà ingurgité a petit à petit commencé à faire effet. Il ne titube pas, marche droit, mais il a l'impression d'avoir la langue engourdie. Ses réflexes sont plus lents, ses gestes moins précis, et il s'assied sur une chaise du bar comme on se laisse tomber après un foutu marathon. Alfie désigne son verre, certain que le barman saura quoi lui mettre dedans. Il laisse son regard se balader tout autour de lui, admire un instant toutes ces personnes qui se déhanchent en sueur sur une musique électro. Quand son verre arrive à lui, à nouveau plein, il le porte jusqu'à ses lèvres avant de laisser la chaleur du rhum lui réchauffer la gorge.

Tu observes ton reflet dans le miroir de ta chambre. Ton frère est parti, tu es toute seule, et préférant éviter la soirée qui fait écho au lycée, toi tu veux aller faire la fête en boite de nuit. Tu t'fais une retouche, du rouge à lèvres sur tes lippes, tes cheveux que tu as ondulé, et tu t'es dépêchée, parce que tu veux simplement aller t'éclater. Et quand tu arrives, un sourire se dessine sur tes lèvres. Ton coeur bat rapidement, l'adrénaline qui monte quand tu pénètres dans l'immeuble sans qu'on te demande une pièce d'identité. La musique qui retentit, qui explose tes tympans. Bordel, c'est ça que tu aimes. Encore sobre, tu te languis d'hors et déjà de l'alcool qui va pénétrer, brûler ta gorge. Tu es toute seule, et pourtant, tu te trouves bien vite un homme qui est en train d'se frotter contre toi. Comme un chien. C'est pas ça que tu aimes, que tu veux, mais tu dis rien parce qu'en plus de ça, tu veux t'persuader que tu aimes les hommes, les attributs masculins, cette pomme d'adam qu'tu peux bouffer. Il est loin d'être agréable à regarder, mais il t'offre un premier verre, alors forcément que tu r'fuses pas. Mais à un moment, quand ça devient trop sensuel, trop écoeurant pour toi, tu l'repousses. Tu décides de trouver une nouvelle proie, pour ton bonheur à toi. Alors ton regard qui longe la grande salle, tu t'rapproches vers le bar pour poser tes fesses à côté d'un type qui te plaît bien. « Et si monsieur m'offrait un verre ? » Tu soufflais, en le regardant. Tu bats des cils, parce que s'il veut pas, tu vas tout faire pour l'avoir. Parce que clairement, toi, on te dit pas non, quand tu veux quelque chose, tu l'as.  

Pendant de courtes minutes, il reste seul. La chaise à ses cotés reste vide, ce sentiment d'oppression se dissipe et pourtant, la foule autour de lui ne diminue pas. Au contraire, d'autres personnes continuent d'entrer comme si la capacité de cette salle était infinie. À sa deuxième gorgée de rhum, le siège vide ne l'est plus. Une fille s'est installée, rousse, mignonne. Elle a l'air jeune, mais elle doit être assez âgée que pour pouvoir fréquenter ce genre d'endroit censé être interdit aux mineures. Et puis, il a déjà vu des filles aux visages de poupées, semblables à des gamines alors qu'elles venaient de facilement passer la vingtaine. Elle le regarde, elle lui parle, et il la voit battre des cils. Directement, un sourire amusé vient étirer les lèvres d'Alfie. Dans un geste lent, il repose son verre et ne détache pas  son regard de la demoiselle. Elle semble savoir ce qu'elle veut, un détail qui lui a toujours plu. Il n'hésite pas, pourtant il laisse planer quelques secondes comme si son choix n'était pas encore fait. Bien vite, avec ce même rictus qui étire le coin de ses lèvres, Alfie tourne à moitié la tête en direction du barman. « Et qu'est-ce que mademoiselle prendra ? » demande-t-il, assez proche d'elle que pour pouvoir se faire entendre par dessus le bruit de la musique et de la musique mélangés. Le temps qu'elle fasse son choix, il appelle le barman d'un geste de la main et le regarde s'approcher dans leur direction.

Tu es heureuse ; d'être entré dans cet endroit alors que tu es loin d'avoir la majorité. Ton physique qui te donne un âge bien trop avancé ; sûrement. Et t'es heureuse, tu as déjà trouvé ta conquête pour la soirée et tu es déjà en train de l'aborder. Il ne te refuse pas, et tu as ton sourire qui s'agrandit, tu as tes yeux qui pétillent. « Ce que tu veux. » Tu murmures, histoire qu'il soit le seul à t'entendre. Préférant t'enfermer dans une bulle dès maintenant que mettre trois heures à lui montrer ce que tu veux. « Maryne. » Qu'tu dis en t'approchant d'lui un peu plus, ton coeur qui palpite fort, tes yeux qui brillent d'envie. Alors qu'au fond tu joues un jeu, tu as l'habitude même, tu n'y fais même plus attention à la fin. Mais t'sais pas trop, lui, il est différent que les autres.

Les lumières de la boite se reflètent dans les yeux de cette fille et arrivent à les rendre encore plus perçants, comme si elle était sur le point de lire en lui tous ses secrets les plus sombres qu'il garderait enfuis sans même l'avoir réalisé. Elle est belle, rousse. Il a toujours eu un penchant pour elles. Ce qu'il veut, très bien. Alfie commande deux verres, la même chose pour elle et lui, quelque chose d'assez fort pour pouvoir sentir les effets d'alcool mais pas trop pour ne pas avoir déjà l'ébauche d'une gueule de bois. Elle prononce son prénom, du moins ce qu'il suppose l'être. « Alfie, » répond-il, son regard planté dans celui de la demoiselle. Leurs verres ne tardent pas à arriver et Alfie glisse celui de Maryne devant elle. « À la tienne, » dit-il simplement en levant le sien en hauteur avant d'en boire une gorgée. Il boit trop, il le sait, son foie doit probablement être dans un état pitoyable alors qu'il n'a que vingt-six piges. Sauf que tant qu'il ne sera pas à l’hôpital, Alfie ne se privera pas pour continuer cette vie de débauche.