you made my days less boring (molly)

Ce matin, ça a recommencé. Ce n'est pas un oubli, pas une perte soudaine de la mémoire comme en aurait un amnésique ou quelqu'un de simplement inattentif. C'est plus compliqué, plus douloureux qu'un réveil un lendemain de veille. En ouvrant les yeux, Milo a cru la voir. Il a été capable de sentir son parfum, imprégné dans des draps dans lesquels elle ne s'est pourtant jamais couchée. Il s'est levé mollement, a marché jusqu'à la cuisine, s'attendant à la voir préparer du café. Il a souri au soleil, à la belle journée qui s'annonçait, à tout le temps qu'ils allaient pouvoir passer ensemble. Dans cet appartement vide, il parle d'aller en ville. Il veut lui montrer la mer, le sable blanc, la place de Bowen, tous les endroits qu'il a un à un découverts depuis qu'il a emménagé ici. Et après sa première gorgée de café, ses flashs se sont simplement envolés. Elle n'est plus là, à nouveau morte. Il est à nouveau seul. Dans un premier temps, Milo se prend la tête entre les mains et se demande pourquoi. Il veut savoir, comprendre comment il peut encore vivre comme ça dans le passé de temps à autres, quitte à totalement se déconnecter de la réalité. Du présent. Comme si son inconscient était incapable de faire le deuil de Jenny. Ensuite, il a compris que ruminer ne servait à rien. Il a terminé sa tasse de café d'une traite, a marché jusqu'à une pile de papiers éparpillés sur la table basse dans l'entrée, il a tenté de retrouver ce dépliant qu'on lui a refilé quelques mois plus tôt à son arrivée. Et lorsqu'enfin il tombe dessus, il l'ouvre et contemple les différentes activités proposées au centre nautique. Le surf est ce qui attire le plus son attention, sans qu'il ne sache trop expliquer pourquoi. Il attend l'ouverture, se lave, s'habille, réfléchit. Et plus tard dans la matinée, il descend les marches de son appartement deux par deux et prend sa voiture jusqu'à la plage. Dès qu'il est arrivé, Milo part à la recherche du centre et repère un peu plus loin un bâtiment dont un des murs est recouvert de planches de surf. Ce doit être là. Il y a une fille devant lui, de dos. Après avoir réalisé qu'il n'a aucune idée de comment faire pour s'inscrire, Milo comprend qu'il n'a pas d'autre choix que de se renseigner.  « Excuse-me, do you know if it's here for the surf lessons ? » Sa voix attire visiblement l'attention de la demoiselle vu que celle-ci fait un tour sur elle-même afin de lui faire face. Il ne met pas longtemps avant de reconnaître les traits de son visage, un sourire venant ensuite étirer lentement le coin de ses lèvres.  « Are you now in my hallucinations, or are you really here ? » lui demande-t-il, se rappelant lui avoir mentionné un mois plus tôt qu'il lui arrivait d'apercevoir sa copine morte dans le salon de leur maison.

Un sursaut lui parcoure le corps, une vague de fraicheur lui noie le dos, ses poils se dressent et un frisson virevolte sur son échine, ses yeux s'ouvrent, elle hurle, son chien aboie. Encore un maudit rêve. Molly cauchemarde moins, mais elle cauchemarde encore quelques nuits. Elle revoit son paternel et ses grandes mains lui broyer les cuisses, lui gercer les lèvres et lui blesser sa rose. Molly est en sueur, et elle court jusqu'au toilettes pour vomir ce qu'elle a dans les entrailles, et pleure. Elle pleure peut-être dix, quinze voire vingt minutes la tête appuyée sur la cuvette. Elle se sent salie par son père et aimerait tellement oublier ses souvenirs. Marvel, son beagle arrive près d'elle, et colle son museau sur sa main. Elle lui fait un sourire, l'embrasse sur le sommet de la tête et se relève. Sa force : c'est son bébé chien. Même si ce n'est plus vraiment un chiot, elle le verra toujours comme tel. La brunette se brosse les dents, passe un coup de brosse pour tenter de dresser ses cheveux et se rince le visage à l'eau fraiche. Cela lui fait tellement de bien qu'elle décide de se mettre sous la douche. Sentir l'eau ruisseler le long de son corps meurtri de douleurs et son âme arrachée au bonheur, lui fait du bien, cela lui rappelle qu'elle est toujours vivante malgré les épreuves qu'elle a traversé. Serviette autour de la taille, elle prépare son petit déjeuner des pancakes aux flocons d'avoine, oeuf et yaourt à la vanille. Souvenir de son enfance elle prend l'éternel chocolat chaud et le verre de jus d'oranges fraichement pressées. Molly allume le poste de télévision juste pour avoir un semblant de compagnie. Mais l'heure tourne, le lapin blanc qui n'est d'autre que son réveil lui rappelle qu'elle a un cours de surf. Elle retourne à la salle de bain, enfile une robe à mi cuisse aux motifs aztèques, sa veste en jean, ses nus pieds noirs, un petit coup de brosse à dents et la voilà partie. Elle n'oublie pas de donner des croquettes, de l'eau et une caresse à son chien avant de se rendre sur la plage. Molly monte dans sa voiture, et arrive sur la rive en seulement quelques minutes. Elle cherche le lieu de rendez-vous, un grand bâtiment blanc avec des planches surf. Elle met quelques secondes à le trouver et marche dans sa direction. Une file est déjà créée, heureusement pour elle il n'y a que deux personnes qui attendent. Molly sort son téléphone, commence à rédiger un message mais quelqu'un l'interpelle. Elle reconnait cette voix, sans pour autant y mettre un visage et pourtant un sourire se dessine sur ses lèvres. Elle se retourne et voit Milo. Son sourire s'élargit. « God, Milo ! » Molly est heureuse de le voir, elle ne s'y attendait tellement pas. « No, I'm really there, not a hallucination. » Elle sait où il veut en venir, plusieurs fois il a vu sa copine décédée. « But what are you doing here ? I'm so happy to see you ! »

En arrivant sur la plage, il s'est imaginé au bord de l'océan avec Amiral. Il voyait son vieux chien trottiner mollement dans l'eau, l'entendait aboyer à chaque fois que Milo brandirait une balle de tennis dans sa main droite. Il lui a même suffi de se concentrer un minimum pour arriver à sentir les vagues venir s'écraser contre ses mollets, en-dessous de son pantalon retroussé. Il est resté planté là pendant plusieurs minutes, perdu dans ses pensées, comme si il venait soudainement de se déconnecter de la réalité. Et une fois redescendu sur Terre, il a réalisé que la silhouette de cette fille devant lui est étrangement familière. Pourtant, Milo ne connaît pratiquement personne ici. Peut-être qu'il n'a fait que la croiser dans la rue, ou dans la file d'un restaurant qui sert ses menus à emporter. Mais non. Il la connait, pour de vrai. Voir un visage familier lui met du baume au coeur, entoure son corps entier d'une vague de chaleur temporaire qui s'évaporera lorsqu'elle ne sera plus là. Molly a toujours réussi à lui tirer ses plus grands sourires, même si ils n'étaient jamais bien grands. Elle était comme un rayon de soleil perçant une centaine de nuages gris, et pourtant elle aussi avait ses blessures qui l'avait menée à n'être plus que l'ombre d'elle même. Ils n'en avaient pas si souvent parlé, mais il l'avait vu sur ses poignets. Quand elle prononce son prénom, le coin de ses lèvres se soulève et il hoche la tête comme pour prouver que oui, c'est bien lui. Elle est réelle, elle est là. Si il touche son bras, elle ne disparaîtra pas. Mais plutôt que d'essayer, il reste debout devant elle à la regarder comme on observe l'évolution d'un coucher de soleil. « I'm happy too, they never told me you were here. » Il sourit un peu plus, certain que leurs retrouvailles est un coup de sa psychologue qui avait fini par s'attacher à lui sans qu'il n'arrive à comprendre pourquoi. « They said that I would be happier in another country, but I think they were afraid to see me everyday in the streets of their country. » Il rit doucement, même si ces paroles sont en partie ce qu'il pense réellement. Rapidement, son regard se porte à nouveau sur les bâtiments derrière eux. « And here we are again, doing crazy stuff. Well, crazier than playing chest or talking about sick people. » Leurs passe-temps préférés, ou plutôt leurs seules activités qu'ils ont pu avoir là-bas et qui ne consistait pas à s'abrutir devant un écran télévisé.

Parfois, il suffit de peu pour que les gens soient heureux. Et en l'occurrence retrouver Milo ici, ne pouvait pas mieux réjouir Molly. « Oh, me neither ! » lui répondit-elle. Après tout si elle avait eu connaissance de la présence de Milo à Bowen, elle aurait remué ciel à terre pour le retrouver. A deux ils ont toujours été comme Starsky et Hutch dans cette maison de fous comme elle aime l'appeler, et à son souvenir lui aussi l'appelle comme ça dorénavant. Molly se souvient très bien le nombre de fois où elle lui a rendu son sourire, où ils ont passé des soirées entières à rire à des blagues plus nulles les unes que les autres qu'ils se faisaient mutuellement. Parfois même les médecins étaient obligés de les séparer pendant plusieurs jours tant ils pouvaient être intenables. Le voir ici lui met du baume au coeur, mais bizarrement elle ne sait comment l'aborder. Elle ne sait pas non plus si les cauchemars du jeune homme continuent ainsi que ses hallucinations mais à croire ses premières paroles, il faut croire que oui. « They told me the same thing. I think, we bothered them too much. We are crazy, remember ? » Molly sourit et lâche un petit rire, pour le coup elle se trouve drôle. Molly explose de rire face aux dires de Milo, il a toujours su la faire rire. Et elle aussi dans un sens mais à sa manière. Elle tente de reprendre son sérieux, mais si elle se revoit avec lui durant leur passe temps favori. « But now, a new trial waits for us : surfing ! » Elle lève les bras au ciel, contente d'avoir un partenaire avec qui partager ce moment, même si elle sait qu'ils ne vont pas arrêter de se chamailler comme au bon vieux temps. « Are you ready pumkin ? » Petit surnom qu'elle lui donnait affectueusement, il en avait droit à pleins, il faut croire que les habitudes reviennent comme avant. Quitter cette maison de vieux fous ne t'aura pas fait perdre la boule, Molly. Elle qui pensait que quitter venir à Bowen lui ferait oublier les bons moments, elle se trompait visiblement.

Elle doit être la seule personne avec qui il ne s'est pas montré désagréable, semblable à un ours à peine sorti d'une hibernation trop longue. La seule qui l'aura vu rire depuis la perte de Jenny, celle capable de lui faire penser à autre chose qu'à la vie minable qu'il menait à présent. Ne plus voir Molly tous les matins au réveil avait rendu son existence plus ennuyante. Il était resté plus longtemps qu'elle à cette maison pour fous, avait été obligé de jouer seuls à ce à quoi il partageait autrefois avec elle. Et même si ils n'étaient pas toujours d'accord, leurs querelles arrivaient à rendre ses journées plus animés. En la revoyant là, face à lui, un sentiment de familiarité qu'il n'a plus eu depuis trop longtemps s'empare de son corps entier. Il ne peut s'empêcher de rire à sa question qui n'en est au final par vraiment une. « Yeah, crazy and dangerous for ourselves. » Ou pour les autres, mais ça ils avaient préféré ne pas leur dire. En l'entendant rire à sa pseudo-blague, le sourire de Milo grandit jusqu'à lui donner mal aux joues. C'est agréable de pouvoir rire. De ne pas avoir à porter le lourd poids du monde sur ses épaules pour un bref instant, de ne plus être assailli de tous les cotés par des images et des souvenirs de sa copine morte. « I'm not sure if I'm ready for it, but let's do it anyway ! » Il n'a jamais surfé, mais il a toujours été attiré par les nouvelles expériences. Avant qu'il ne devienne qui il est à présent, Milo a toujours adoré essayé de nouvelles choses. Partir à l'aventure quitte à se mettre en danger, tenter de nouveaux sports, goûter des plats insolites. Il n'a pas fait que se calmer après la mort de Jenny, il a carrément cessé d'exister. Et pourtant le voilà aujourd'hui, sur le point d'essayer un sport qu'il n'a encore jamais fait. « So, I guess we'll have a teacher, and we'll have to wear safety jackets that will make us look like fat babies. » Il sourit à nouveau, reprenant sa marche en direction du bâtiment en bois où doit certainement se trouver leur futur moniteur.

Molly aime la présence de Milo, elle aime sentir l'aura naturellement positive qu'il dégage et l'effet de bonne humeur qu'il peut avoir sur elle. Ils ont naturellement une affection pour l'un et l'autre et malgré ces quelques mois passés éloignés, ils en restent toujours aussi proches. « Hum... It's what they say ! » Molly ne s'est jamais considérée comme folle, ou atteinte d'une maladie mentale quelconque. Certes, elle a fait deux tentatives de suicide, et a été anorexique de nombreuses années, mais ça ne fait pas d'elle une personne folle nécessitant d'être dans une maison de fous. Elle disait au début, mais avec le recul elle se rend bien compte que finalement elle en avait peut-être besoin, mais elle ne l'avouera jamais à haute voix. C'est bientôt à son tour de passer, elle suppose qu'elle devra se présenter afin de pouvoir accéder au cours de surf. « Don't worry, it's gonna be funny ! » dit-elle en sautant et en frappant rapidement des mains. Molly a toujours eu des airs de petite fille, même du haut de ses vingt quatre ans son air enfantin fait surface, mais disons que cela fait son charme. La brunette fait un petit sourire à Milo, penche sa tête sur le côté et lui répond avec gaîté « Even without safety vest, you look like a baby ! » Molly se retourne et constate que c'est à son tour. Elle est face a un blond, barbu, peau bronzée, allure de charmeur, T-Shirt moulant, stéréotype même du surfeur. Il lui lance un grand sourire, et lui demande son nom et prénom. « Jennings Molly. » lui dit-elle avec un sourire également. Il a l'air heureux, et lui annonce qu'elle sera dans son groupe, le groupe A. La brunette avance d'un pas et attend sur le côté Milo afin qu'ils puissent rentrer ensembles. « Who are you with ? What group ? » Molly s'empresse d'avoir sa réponse. Elle avance dans le bâtiment, espérant pouvoir rejoindre son groupe avec Milo. La brunette n'a jamais fait de surf, bien qu'elle tente de faire tous les sports, ceux avec de l'eau n'a jamais été son fort. Elle sait nager bien sûr, elle a toujours eu peur de se noyer, le motif de sa noyade était oublier totalement comment nager. Cela doit venir du fait que lorsqu'elle était petite son frère l'ava poussé dans la mer pour rire avec elle, mais elle a failli y penser. Heureusement que sa mère était là pour l'y sortir.

Spoiler:

Pendant des semaines qui lui parurent durer des mois, elle était ce qui faisait le plus de sens là-bas. Malgré ces matinées où il se réveillait dans le brouillard, malgré ces jours où les anti-dépresseurs perturbaient ses idées, Molly était toujours là. Personne concrète, contrairement aux souvenirs qui le hantaient. Elle était ce qui lui permettait de rester sur Terre, éveillé malgré le trop plein de cachets. Elle le tirait de ses rêveries, l'éloignait de ses démons. Elle valait mieux que ces pilules qu'on lui refourguait. La voir si enthousiaste lui fait l'effet d'un pansement temporaire qu'elle poserait sur son coeur endolori. Ses sourires sont contagieux, si bien que Milo se retrouve à avoir le même rictus qu'elle étirant ses lèvres. « You always make things funnier than they really are. » Il ne dit pas ça pour la faire rougir, Milo est encore trop en deuil que pour penser à une fille autre que celle qui habite toujours ses pensées. Il est sincère, et il a prononcé ces mots car avec Molly, il n'a jamais vraiment eu besoin de mettre un filtre à ses paroles. Elle rend les choses plus simples, plus supportables. Sa réflexion arrive même à le faire rire. « Between you and me, you are the one who looks like a baby ! » s'exclame-t-il sans regarder où il marche, la laissant les guider tous les deux jusqu'à l'endroit des inscriptions. C'est un homme charmant qui la prend en charge, un cliché australien certainement capable de battre un requin à mains nues et de faire ami-ami avec un kangourou. À coté, Milo se dirige vers un type plus basique. Brun de cheveux, corps frêle, peut-être un peu plus jeune que lui. Il lui donne son nom avant de rejoindre Molly. « Group B, with a younger version of Tom Hanks. » Il esquisse un nouveau sourire, cette fois plus maladroit. Entre elle et lui, Molly a toujours été la plus douée dans le domaine de l'humour. « He said that your group and mine'll be together so, I will be able to admire Mr. Sexy as much as you will. » Nouveau sourire pendant que son regard se porte sur son moniteur, le cliché australien. Après avoir trouvé les autres membres de son groupe, Milo marche en direction des cabines afin d'enfiler son équipement. Il ne stresse pas, du moins pas encore. Ce ne sera probablement qu'une fois debout sur la planche en plein milieu de l'océan qu'il réalisera dans quoi il vient réellement de s'embarquer.

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