Salut toi... [Fleur]

L’hospitalisation de Fleur allait bientôt prendre fin. Un vrai soulagement pour elle, qui n’en pouvait plus de rester coincée dans cette sinistre chambre. Et du jour au lendemain, on lui a changé de chambre. Au début elle ne sut bien pourquoi, elle pensait même qu’elle était destinée à un autre patient. Jusqu’à ce qu’elle découvre une chambre plus que confortable. Un luxe hospitalier. Elle avait accès à une baignoire balnéo et douche à jet massant, un mini réfrigérateur personnel qui était approvisionné par les soins d’une infirmière. D’ailleurs son équipe médicale n’était plus la même. Son médecin se révélait bien plus optimiste, et les infirmières de garde étaient d’une gentillesse incroyable.

Toutes ces attentions venaient d’une même et seule personne, Fleur n’en eut aucun doute. Noah avait dû apprendre son hospitalisation et avancer les frais de A à Z. Directeur commercial pour la prestigieuse marque Hugo Boss, l’aspect financier n’avait aucune valeur à ses yeux. Il avait privilégié son bien-être, malgré leur dernière dispute. En effet, Fleur avait été profondément bouleversée par leur baiser alors qu’elle venait tout juste de se mettre en couple avec Maxwell. Elle qui n’a jamais trahie personne, elle fut dévastée. En tout cas une chose était certaine, elle réalisa que ses sentiments pour Maxwell étaient bien plus forts que ce qu’elle n’avait imaginé. Il est l’homme de sa vie, et Noah ne pouvait que s’y résoudre s’il tenait à son bonheur.

Elle dormait, comme souvent. Par ennui, par fatigue, ou des effets soporifiques de certains médicaments. A son réveil, une présence familière se présenta à elle.

- Noah… Je me doutais que tu viendrais me voir.

Fleur souriait. Elle qui était persuadée que son amitié avec Noah était perdue, elle était enchantée de le revoir. Au moins son cancer avait joué son unique rôle bénéfique. Peut-être que leur amitié allait avoir le droit à une seconde chance. Peut-être que Noah a pris conscience que Maxwell était celui qui la rendait heureuse, et qu’il en était mieux ainsi. Peut-être avait-il finalement, lui aussi, trouvé l’amour auprès de sa femme ou d’une autre.

- Merci… Pour tout… (elle regarda tout autour d’elle, dans sa chambre spacieuse). Fallait vraiment pas, tu te rends pas compte ! C’est incroyable. Je suis vraiment aux petits soins, ici ! infirma-t-elle, avec insistance.

Son ancienne chambre était pathétiquement triste, et le personnel peu aimable. Les infirmières devenaient impatientes, lui laissant des hématomes dans chaque bras à force de piquer sa veine au mauvais endroit. L’atmosphère globale était déprimante, heureusement que ses proches l’aidaient moralement. Leurs visites lui faisaient un bien fou.

- Alors qui t’a vendu la mèche ? demanda-t-elle ensuite. Que je lui botte le derrière !

Bien qu’elle sache que ses deux papas avaient prévenu leur entourage, Fleur, elle, tenait à ne pas propager la nouvelle. Petit à petit, elle annonçait sa maladie. Jim, Tahlia, ses papas. Eleanor et Maxwell étaient au courant également. Tous étaient présents pour elle.

Évidemment, Noah n’était pas venu les mains vides. Le contraire l’aurait étonné. Connaissant la gourmandise de Fleur, il avait apporté des viennoiseries. Des viennoiseries françaises, évidemment. Il savait sur quel pied danser, le bonhomme. Il connaissait les points faibles et les penchants de Fleur. Oui, il la connaissait par cœur. Néanmoins elle eut de la peine de ne pouvoir cacher son entrain.

- Je n’ai même pas faim, dit-elle très sincèrement.

Elle adorait les croissants, les chouquettes, les pains au chocolat, les chaussons aux pommes, les pains aux raisins, les pains suisse... La liste est longue, en tout cas une chose est sûre : il n’y a pas une viennoiserie qu’elle n’aimait pas. Mais en ce moment, Fleur subissait une forte perte d’appétit. Un symptôme parmi tant d’autres du cancer. Elle qui était si gourmande, avait beaucoup de mal à s’alimenter. D’ailleurs elle avait perdu du poids ainsi.

- Mange pour moi, oui !

Avait-elle dit tandis que Noah croquait à pleine dent dans un croissant. Elle suppose qu’il a été acheté ces viennoiseries à une boulangerie française et réputée, bien entendu. Comme toujours, Noah visait le top du top. Il aimait lui faire plaisir mais il avait cette folie des grandeurs. Fleur admirait son grand cœur. Noah se comportait de façon très généreuse à son égard.

Fleur lui demanda ensuite qui lui avait rapporté la nouvelle, qui lui avait dit qu’elle était malade. Il changea de conversation et elle n’insista pas à en savoir plus. Il était désolé d’avoir disparu. Effectivement, depuis la soirée qui avait eu lieu dans sa villa, Noah ne lui avait pas donné de nouvelles. Il disait avoir besoin de se recentrer sur certaines choses. Elle s'inquiéta.

- Vraiment ? Rien de grave ? Quelque chose en rapport avec Hugo Boss ou bien… ? demanda t-elle d’un ton grave.

Un petit lutin au coeur pur lui avait fait réaliser ses erreurs et qu'il devait devenir un homme libre. Fleur sourit car elle savait que ce petit lutin n'était autre qu'un submerfuge pour la désigner.

- Je suis si fière de toi ! s'exclama t-elle joyeusement.  C'est le début d'une nouvelle vie. Tu vas enfin montrer le vrai toi!

Le vrai lui, c'est l'homme rempli de bonnes attentions. Un Noah avec le coeur sur la main. Un visage qu'il cachait derrière son masque d'homme d'affaire. Fleur l'avait un peu sermonné la dernière fois qui s'étaient vus. Noah est marié à une femme qu'il n'aime pas et Fleur, fleur bleue, ne cautionnait pas qu'on puisse être avec quelqu'un pour des raisons médiatiques.

La discussion tourna sur un sujet plus sombre, son état de santé. Comme la plupart de ses proches, on lui demandait ce que disaient les médecins. Leurs pronostics étaient toujours incertains. Chaque personne et chaque cas de cancer, est différent.

- L'oncologue qui me suivait n'avait pas l'air très optimiste. lui dit-elle d'un ton grave. Mais celui que tu as recommandé auprès de moi l'est un peu plus. On ne sait pas trop comment va réagir mon corps aux interventions, alors difficile d'établir un pronostic. Une chimiothérapie est prévue à mon retour de la maison, mais ne t'inquiètes pas Maxwell sera là. Il s'occupera de tout.

Parler de lui n'allait pas être un moment agréable pour Noah, toutefois Fleur tenait à dire ce qu'elle avait sur le coeur. La dernière fois qu'ils se sont vus, la relation entre Fleur et Maxwell était encore récente et toute naissante. Mais même après que ces deux mois se soient écoulés, leur amour était davantage plus fort. Dès l'annonce de son cancer, il s'était engagé fermement à la soutenir. Et Maxwell le prouvait chaque jour. Il venait tous les jours la voir, jusqu'à veiller tard le soir à ses côtés. Il supportait ses sautes d'humeur, ses chagrins, ses folies. Il n'avait pas bronché en la découvrant les cheveux atrocement coupés par ses soins. Il se comportait comme le petit ami parfait. Au fait c'était avec lui qu'elle se sentait heureuse, qu'elle se sentait complète. N'était-ce pas ce que souhaitait Noah? Son bonheur.

- Je l'aime, Noah. commença-t-elle par dire avec lenteur, cherchant les mots justes. Je suis heureuse avec lui. Je me laisserais mourir si il ne serait pas là.

À haute voix, enfin, elle l'avait dit. Pas forcément à la bonne personne, mais elle l'avait dit à lui. Fleur désirait qu'il comprenne l'importance de ses sentiments. Ses paroles paraissaient rudes mais elles reflétaient la vérité. Si Maxwell n'était pas rentré dans sa vie, elle aurait laissé le cancer grignoter chaque partie de son corps. Il lui sauvait la vie, en quelque sorte.

Honteuse, Fleur baissa son regard vers ses mains entremêlés. Telle une enfant grondée d'un caprice, Noah la sermonna. Il fut déçu. Elle avait été trop loin dans ses propos, certes, et sur le moment elle ne s'en était pas rendue compte. En aucun cas elle avait sous-estimé l'importance de ses proches, surtout au dépit de son amour pour Maxwell.

 - Non ce n'est pas ce que j'ai voulu dire! protesta t-elle, pour se défendre. Bien sûr qu'ils comptent pour moi! Je tiens à toi! Oui! Mais quand tu apprends que tu vas peut-être mourir, la première chose que tu penses, la première personne à qui tu penses, c'est celle avec qui tu comptais partager ta vie!

Dans un désespoir, elle vit ses yeux se remplir de larmes. Comme à chaque fois qu'ils se disputaient, Noah fuyait le conflit. Il enfilait son costume d'homme d'affaires pour avoir un prétexte de prendre congé. Fleur se confusait de protestations. Sans succès.

- Non Noah... Mais il était déjà sorti de sa chambre. Deux fois! s'écria t-elle avec colère. Il est encore parti comme ça pour la deuxième fois! Ah je... Agggh!

Dans un cri étouffé par son oreiller, elle poussa un juron. Elle s'en voulait d'avoir fait une telle révélation.

FIN