| | Bienvenue à Bowen, petite ville côtière du Nord-Est de l' Australie, abritant moins de 7 000 habitants. Si vous recherchez le calme, la bonne humeur et la joie de vivre, vous serez au paradis. Tous les habitants vous le diront, Bowen est l'endroit idéal pour se ressourcer. Et puis ne vous inquiétez pas pour l'intégration, ici tout le monde se connaît et les habitants adorent accueillir les nouveaux. › suite. |
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| I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) | |
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Auteur | Message |
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Invité | Sujet: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Mar 15 Aoû 2017 - 14:16 | |
| Les rues, les intersections, les autoroutes, Naveen commençait à les connaître par cœur. Dans sa tête, le plan de la ville de Bowen se dessinait presque à la perfection et, pourtant, il avait l’impression de ne pas encore s’y sentir chez lui. Il connaissait les trajets, les noms des endroits, et pourtant rien de tout cela ne lui était encore familier. À force de conduire son taxi, de transporter des gens pour mieux les laisser partir par la suite, Naveen était devenu un élément du décor, mais il ne prenait pas encore part à la vie de ces personnes. Mis à part Cleo, Naveen n’avait aucun ami. Il n’osait donc pas lui téléphoner dès que la solitude se faisait lourde, pesante, parce qu’alors Cleo n’aurait plus de vie, elle la vivrait en tentant de ranimer celle du réfugié. Le syrien se refusait donc à lui voler davantage de son temps. Elle s’était déjà montrée bien généreuse. Aujourd’hui donc, alors qu’il n’était pas de service, le trentenaire se décida à aller explorer les environs. À maintes reprises déjà, il avait traversé cette route qui bordait une forêt, qui longeait ses rangées d’arbres interminables. Il n’avait aucune idée de son étendue, de si elle contenait des sentiers adaptés, et à vrai dire il n’en avait que faire. Ce genre de forêts se faisaient rares dans son pays, et le peu d’hectares qu’ils avaient étaient conservés, protégés. Prenant sa bicyclette achetée à très faible coût en magasinant les affiches et les annonces publiées un peu partout sur les babillards de la ville, Naveen se rendit jusqu’à l’entrée de ladite forêt. Il décida de marcher à côté de son vélo, préférant prendre son temps plutôt que de défiler rapidement entre les hauts arbres. Son temps, il l’avait pris, et peut-être un peu trop. Il avait laissé son esprit divaguer, ses souvenirs remonter à la surface, il avait profité de l’absence de vie humaine autour de lui pour pleurer, pour laisser s’échapper son chagrin et son désespoir, et avait finalement perdue toute notion du temps. Cet endroit avait quelque chose de magique, mais aussi quelque chose de bien épeurant quand on se rendait compte qu’on n’avait aucune idée d’où on se trouvait alors. Naveen avait tenté de rebrousser chemin, de remarcher sur ses pas en sens inverse, mais il se rendit bien vite compte qu’il avait pris des directions sans même s’en rendre compte. Il était perdu. |
| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Jeu 17 Aoû 2017 - 5:38 | |
| Un mois. Aujourd’hui, ça fait un mois que je suis arrivé à Bowen. Un mois que mes parents sont morts et que j’ai troqué ma vie en France pour le pays des Kangourous. Je ne supporte plus la cohabitation avec Eibell. Je comprends pas comment une femme comme elle peut-être celle qui m’a mis au monde. Rien qu’à y penser, ça m’énerve. La dernière fois qu’on s’est adressé la parole, on s’est engueulés. Ou plutôt, je lui au hurlé dessus avant de lui claquer la porte au nez et maintenant ? Bah, je songe vraiment à me barrer de chez elle.
Comme j’ai rien à faire de mes journées, j’ai eu largement le temps d’explorer les environs. L’avantage d’être un gosse montagnard, c’est que j’ai appris très jeune à me repérer. Et puis, j’suis pas tout seul ici, j’ai Lokhen. Mon chien des Pyrénées à lui aussi le mal du pays je crois bien, du coup, je passe mon temps libre avec lui à arpenter les bois environnant de Bowen. Avec Lokhen, je suis plutôt tranquille, les gens ont une certaine appréhension en général lorsqu’il le voit. Faut dire que Lokhen à plus la taille d’un ours que d’un chien.
Aujourd’hui encore, j’suis dans les bois. Je me promène, Lokhen avance devant moi, libre de toute laisse alors que je passe mon temps à maudire Eibell dans ma tête pour toutes les merdes qu’il m’est arrivé depuis qu’elle est revenue dans ma vie. Et puis, je vois Lokhen hâtait le pas, se mettre à courir. « Lokhen ! Hey ! Lokhen ! Attends-moi ! » et je me mets à lui courir après. Il ne faut que quelques secondes pour que je me retrouve en face d’un mec avec une bicyclette. Lokhen est devant lui, et il attend, très certainement une caresse venant du type.
Je reste immobile et je dévisage le gars en question. Il est vieux. Enfin façon de parler. Il doit avoir 40 ans peut-être. Lokhen n’a pas l’air inquiet face à lui, mais moi ?Je trouve pas ça normal un type dans les bois avec un vélo. C’est à la limite du flippant, comme dans les films d’horreurs. « Lokhen, aux pieds. » dis-je fermement en français. Mon chien obéit, et vint s’asseoir sur… mes pieds. P’tin qu’il est lourd quand même. « Désolé, il mords pas » dis-je pour prévenir que malgré son aspect imposant, Lokhen n’était pas un chien agressif. Je m’abstenais bien sur de dire qu’il n’hésiterait pas à mordre si on se montrait agressif avec moi, mais ce n’était pas un secret que les chiens était protecteur envers leurs maitres.
- HJ a écrit:
- Cette couleur corresponds aux paroles de Max en Français.
Cette couleur corresponds aux paroles de Max en Anglais. |
| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Jeu 17 Aoû 2017 - 19:13 | |
| Alors que seul le bruit du vent à travers les branches et les feuilles des arbres troublait le silence dans lequel Naveen s'était plongé contre son gré pendant aussi longtemps, bientôt s'y ajouta un bruissement sur le sol, de plus en plus rapproché. Le syrien tourna rapidement la tête dans la direction de laquelle provenait ce nouveau son, cette présence sans doute vivante, et il ramena un peu plus sa bicyclette contre lui, sorte de protection inconsciente. Un instant plus tard, un chien surgit derrière les buissons qui se trouvaient droit devant Naveen et, derrière lui, à la course, un garçon le rattrapait. Il semblait assez jeune, plus vieux que son défunt fils mais pas adulte encore non plus. Il parla, dans une langue qui ressemblait au français sans que Naveen ne puisse la reconnaître avec certitude, avant de transférer vers l'anglais pour s'adresser à lui directement. Le regard du réfugié, d'abord posé vers le chien qui alla retrouver son maître pour s'asseoir sur ses pieds, se releva vers le jeune homme. « Ce n'est rien, je n'ai pas peur des chiens. » Répondit-il avec un mince sourire. Des chiens, il y en avait un peu partout à Alep, certains abandonnés ou laissés derrière par des réfugiés, d'autres qui se retrouvaient seuls une fois leurs maîtres décédés sous les bombes ou sous la main de rebelles ou de soldats. Au fond, dans la situation présente, ce n'était pas le chien le plus troublant mais bien le jeune garçon. Depuis son arrivée en Australie, Naveen avait surtout été confronté aux adultes, il n'avait pas vraiment entretenu de conversations ou fait connaissance avec les plus jeunes. Il ne savait donc pas vraiment comment se comporter, et surtout ce que les parents avaient appris à leurs enfants concernant les gens comme lui. Les gens d'ailleurs, les gens différents. « J'étais en fait ... un peu perdu. Je ne suis alors pas mécontent de croiser quelqu'un. Pourriez-vous m'indiquer quel chemin prendre pour retrouver l'entrée principale ? » Demanda le syrien, ne voulant pas insister trop auprès de cet adolescent qui, déjà, semblait bien sur ses gardes face à lui. Pourtant, il n'y avait pas homme plus pacifiste que Naveen, mais ses traits durcis par la guerre civile et son âge avancé n'inspiraient sans doute pas confiance aux premiers abords, surtout pas pour quelqu'un de si jeune.
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| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Jeu 17 Aoû 2017 - 20:50 | |
| Aussi étrange que cela peut paraître, je me sens bien dans la forêt, un peu comme chez moi en fait, le manque de relief en prime certes. J’y ai passé la plupart de mon temps depuis mon arrivée à Bowen il y a un mois et j’ai bien remarqué que y a pas grand monde qui s’aventure en lisière et encore moins sont les courageux qui s’y enfoncent. Au fond, dommage pour eux, tant mieux pour moi. Je caresse la tête de mon chien avec douceur et je le dévisage un moment. Lorsqu’il m’avoue ne pas avoir peur des chiens, je tique à son accent. Sur que le gars, il n’est pas australien. Par contre, je ne vois pas d’où il peut être. Je n’ai pas le temps de réfléchir plus que ça qu’il m’avoue s’être égaré et qu’il aimerait retrouvé son chemin. Il n’a pas l’air bien méchant et je m’entends lui répondre d’une voix confiante « oui bien sur, Prenez la direction du Nord-Ouest » lui dis-je en caressant la tête de Lokhen. Mais un doute me submerge. Peut-être a-t-il du mal à s’orienter avec les quatre points cardinaux. Je me souviens du nombre de touristes qui se sont perdus en montagne près de chez moi, et pourtant, ce n’est pas bien compliqué de se repérer là-bas. Alors ans une forêt plate avec peu de points de repères, la difficulté est encore plus élevée. « Je peux vous guider jusqu’à la route si vous voulez » lui proposais-je alors après une certaine hésitation. J’étais pas tellement fan à l’idée de rester en compagnie de cet inconnu dont j’ignorais tout. La seule chose qui me rassurait, c’était que Lokhen était avec moi. « Je m’appelle Maxim. » me présentais-je en restant immobile, Lokhen sur mes pieds.
Si maman me voyait discuter avec un inconnu, je crois qu’elle me botterait tellement les fesses que j’aurai été sur orbite. Mais elle n’est pas là. Elle ne sera plus jamais là pour ça. « Vous êtes pas d’ici n'est-ce pas? Vous avez pas l’accent australien » lui dis-je avec curiosité. « Allons-y, c’est par là » lui indiquais-je avant de me mettre en marche aussitôt après, Lokhen sur mes talons.
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| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Jeu 17 Aoû 2017 - 22:26 | |
| D’une voix douce et assurée, le jeune homme répondit rapidement à Naveen qu’il n’avait qu’à suivre le chemin qui se dirigeait vers le nord-ouest. À ces mots, le syrien regarda autour de lui puis, de sa main qui ne tenait pas le vélo, il se gratta lentement la nuque avec une grimace incertaine au visage. Non, il n’avait aucune idée d’où le nord-ouest se trouvait à partir d’ici. Quand il était chez lui, il se repérait tellement facilement, à force d’avoir joué un peu partout autour de la ville jusqu’à s’en perdre et devoir retrouver le chemin de la maison par lui-même. Il s’était trouvé des points de repère, avait développé des trucs, mais ici, dans une forêt aussi dense qu’on ne retrouvait pas par chez eux, Naveen se sentait bien démuni. Fort heureusement, en voyant la tête qu’il faisait, le jeune homme proposa de le guider jusqu’à la route. Il n’aurait pas voulu en demander autant par lui-même, Naveen, parce qu’il n’aimait pas déranger les habitants de la ville, déjà que le pays l’accueillait à bras ouverts pour le protéger des horreurs de la guerre, il avait l’impression que la population en faisait déjà énormément, nul besoin de venir quémander davantage d’aide. Et pourtant, là, n’ayant pas du tout envie de passer toute sa soirée à chercher son chemin avant la tombée de la nuit, il ne put qu’accepter la proposition du garçon. « Vraiment, si ça ne vous dérange pas, je vous serais très reconnaissant. » Dit-il, d’une voix qu’il essaya la plus douce possible, parce qu’il avait bien décelé l’hésitation dans la voix de son interlocuteur. Il était un inconnu, un étranger, certainement qu’un doute s’était dessiné dans l’esprit du jeune homme. Il voulait donc lui faire comprendre qu’il ne voulait rien de plus qu’un peu d’aide pour se sortir d’ici. Finalement, le garçon se présenta. Maxim. Naveen lui sourit et hocha la tête. « Et moi Naveen. » Répondit-il, son accent ne bernant plus personne maintenant qu’il prononçait son prénom tout droit sorti de ses origines. D’ailleurs, dès qu’ils commencèrent à marcher, Maxim fit remarquer qu’il ne semblait pas venir d’ici. Le réfugié secoua lentement la tête de gauche à droite. « Non, je ne suis pas d’ici. Je viens de la Syrie. » Il ne passerait pas par quatre chemins, au fond, c’était la vérité, c’était un fait. Il ne renierait pas son pays natal en raison de la guerre qui y rageait présentement, ravageant tout sur son passage. « Vous n’avez pas l’accent australien non plus, et vous ne parliez pas l’anglais à votre chien. Vous parliez le français ? » S’essaya Naveen.
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| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Ven 18 Aoû 2017 - 6:27 | |
| La forêt qui entoure Bowen est vaste et dense. Il est facile de s’y perdre si on n’est pas attentif à ce qui nous entoure. Les premières fois ou je m’y suis aventuré, j’ai pris de nombreux repères pour pouvoir me retrouver facilement. Des repères pas forcément évidents pour les citadins, je le conçois. Une souche d’arbre ayant une forme particulière, un rocher, des branches à l’aspect surprenant, tout peut servir d’indication à condition d’être attentif à ce qui nous entoure. J’ai de la chance d’avoir grandi dans un environnement ou j’ai pu apprendre tout ça. Quand je vois l’homme qui semble aussi perdu, j’ai de la peine pour lui et je lui propose naturellement mon aide. C’est pas parce que je joue au connard fini depuis que je suis arrivé à Bowen que c’est ce que je suis vraiment, et je vais pas le laisser complètement paumé ici, sachant qu’il est relativement loin de toute vie. « Aucun problème, j’ai rien de mieux à faire de toute façon » lui dis-je avec un sourire gêné. Même si je l’aide, j’suis pas totalement serein pour autant. Il a l’air sympa, c’est vrai, mais les apparences sont bien souvent trompeuses, alors je reste quand même vigilant en tentant de ne pas montrer ma méfiance. Lorsqu’il se présente, ça confirme mes pensées. Il n’est pas de Bowen. Il n’est même pas d’Australie. La Syrie. Pays ravagé par la guerre. L’homme serait donc un réfugié ? Je savais que la population Syrienne fuyait la guerre, mais j’ignorais qu’il y avait des réfugiés jusqu’en Australie. « La Syrie ? Ce n’est pas la porte d’à côté » constatais-je bêtement. C’est tout ce que j’ai trouvé à dire, je me sens un peu con, mais je me vois mal lui demander s’il est un réfugié ou non. Peut-être a-t-il quitté la Syrie avant la guerre après tout. Et puis, c’est assez gênant de parler de ça. S’il a fui son pays d’origine, il a peut-être pas envie qu’on retourne le couteau dans la plaie.
Il a compris que je n’étais pas Australien non plus. Evidemment, par rapport aux habitants de Bowen, j’ai un accent qui tranche un peu. Il me demande si c’était du français quand j’ai parlé à Lokhen. J’acquiesce d’un signe de tête avant de lui dire « C’est ça, Je viens de France, j’suis arrivé il y a tout juste un mois et Lokhen ne comprends que le français » lui avouais-je en marchant, « Vous êtes là depuis longtemps ? » demandais-je curieux en lui jetant quelques coups d’œil rapide avant de focaliser mon attention ou je mettais les pieds. J’avais pas vraiment envie de me prendre les pieds dans une souche et de me retrouver vautré sur le sol. « Euh… pourquoi vous avez un vélo avec vous ? » finis-je par lui demander, sceptique. C’était pas l’endroit idéal pour faire du vélo ici, au risque de passer par-dessus le guidon en se prenant les roues dans les trous et les racines cachées par les feuilles des arbres qui recouvraient le sol. |
| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Ven 18 Aoû 2017 - 21:17 | |
| Chez lui, Naveen avait aussi ses points de repère. Dans des endroits qui peuvent parfois se révéler désertiques, du sable à perte de vue, quelques buissons par-ci et par-là, il pouvait devenir bien difficile de retrouver son chemin vers une ville dont les maisons se confondaient au reste du paysage. Et puis, à l’intérieur-même de ces villes, toutes les maisons se ressemblaient, empilées les unes sur les autres. Il fallait connaître les routes, les détours, les magasins. À Alep, la population était dense et les logements s’étendaient à perte de vue. Certes, aujourd’hui il ne restait plus grand-chose de ces immeubles, ravagés par les explosions, mais retrouver le chemin jusqu’à chez soi avait toujours été ardu, ville vivante ou ville désertée. Maintenant que Naveen se trouvait dans un endroit complètement différent, sur un autre continent, il allait devoir tout recommencer à zéro, et se retrouver des points de repère était l’une des étapes sur lesquelles il s’appliquait depuis son arrivée. Ce n’était pas gagné d’avance, mais il parviendrait à faire de certaines places des endroits familiers. Même s’il n’appartiendrait jamais totalement à ce monde, il pourrait au moins essayer de s’y confondre. Il ne tromperait jamais qui que ce soit d’autre, sans toute jamais lui-même non plus, mais au moins il aurait tenté de se refaire une vie ici. À commencer par le contact avec les autres, aussi. Alors quand le jeune homme proposa son aide pour le raccompagner à l’entrée, Naveen ne refusa pas, et hocha la tête à la réponse de l’adolescent. Ils commencèrent donc à marcher, Maxim se présentant, Naveen le faisant à son tour. Puis, le garçon lui demanda d’où il venait, ayant facilement deviné qu’il n’était pas d’ici. « Non, ce n’est pas la portée d’à côté, c’est vrai. » Confirma-t-il avec un sourire légèrement amusé par cette réaction. Ce n’était pas un adulte qui aurait ainsi laissé s’échapper de telles paroles, faisant fi de tout ce qui se passait là-bas. Il avait besoin de ça, au fond. « Mais la porte d’à côté avait trop de gens comme moi, et ne pouvait pas vraiment accueillir plus de monde. Alors quand j’ai pu partir, je l’ai fait. » Le camp de réfugiés de Za’atari, en Jordanie, était plein à craquer de réfugiés ayant clandestinement traversé la frontière à la recherche d’une meilleure vie, d’un espoir de survie. Sauf que la vie là-bas n’était pas une vie, pas vraiment, du moins pas celle que Naveen avait imaginé pour sa famille et lui. Au final, sa famille n’en aurait pas, de vie, et cette pensée était toujours autant douloureuse. Mais il n’arrêtait pas de vivre pour autant. Il se battait, encore et toujours. Posant ses yeux sur Maxim, le syrien lui demanda à son tour d’où il venait, puisqu’il ne parlait clairement pas la langue d’ici et avait un accent d’ailleurs, lui aussi. « Depuis plus longtemps que vous, et pourtant, vous êtes celui qui m’aide à retrouver mon chemin. » Constata-t-il avec un doux rire. « Je suis à Bowen depuis un peu plus de cinq mois. » Déjà. Tous les membres de sa famille étaient décédés il y aurait bientôt deux ans de cela, et pourtant, il avait l’impression que c’était hier qu’il les embarquait sur ce bateau en direction de la Grèce, en comptant les retrouver là-bas quelques semaines ou mois plus tard. Ça n’arriverait jamais, au final. « Euh, c’est mon moyen de transport, et surtout je pensais que les sentiers seraient aménagés pour … Mais je me suis trompé. » Répondit-il.
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| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Mar 22 Aoû 2017 - 9:29 | |
| Je sais ce qui se passe en Syrie, mais tout ça me dépasse tellement qu’on pourrait penser que je prends ça à la légère. J’ai laissé échapper un commentaire dont je me serai bien passé, j’espère qu’il ne m’en tiendra pas rigueur. Ca le fait sourire, c’est déjà ça. J’suis soulagé de ne pas l’avoir froissé, moi qui essaye d’être un petit peu plus sociable avec les gens que je croise, ça m’aurait blasé que ma maladresse le blesse. P’tre qu’il est plus à ça prêt aussi. « Je pensais que le flux n’était que vers l’Europe » dis-je honnête. Habitant le sud de la France près de la frontière italienne, j’étais conscient de ce qui se passait, sans pour autant en réalisé l’étendue.
L’homme paraissait vraiment inoffensif et je finis par me détendre un peu plus. Je souris en apprenant qu’il était là depuis cinq mois, soit bien plus que moi. Ça remarque me fit sourire à mon tour, mais ça n’avait rien de moqueur, je lui dis « j’ai grandi dans les montagnes, entourés de forêts, j’arrive à me repérer facilement là. C’est une autre paire de manche lorsque je suis en ville. » dis-je amusé. En effet, malgré les panneaux et les indications, j’étais parfois en galère et contraint de revenir sur mes pas pour me repérer.
J’apprends qu’il se déplace en bicyclette, ça explique pourquoi il en a une avec lui. Mais par contre, je trouve pas ça très futé de s’aventurer en forêt pour une première fois avec. « Pour éviter ce genre de soucis, vous devriez éviter de visiter les alentours pour la première fois avec votre vélo, y a des endroit comme ici pas du tout adapté, sauf avec des VTT. Vous risquez de l’abîmer. » lui dis-je sincère en marchant à ses côtés, Lokhen entre nous.
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| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Jeu 24 Aoû 2017 - 19:27 | |
| Naveen hocha la tête. Il était vrai que le flux de réfugiés, surtout ceux qui tentaient en fait d'entrer par eux-mêmes et pas via des organismes internationaux, allaient plutôt vers l'Europe. Ces entrées illégales avaient d'ailleurs causé une importante crise migratoire. C'était tout simplement la proximité qui expliquait qu'autant de demandeurs d'asile s'y retrouvaient. Naveen avait lui-même tenté de rejoindre l'Europe, envoyant d'abord sa famille par bateaux avec l'aide de passeurs, qui en échange d'argent assuraient le transport vers l'autre côté de la Méditerranée. Mais cette assurance n'existait pas vraiment, et comme de fait, la famille de Naveen s'était retrouvée dans un bateau surexploité qui avait coulé en raison du trop grand nombre de réfugiés qui s'y trouvait. Lui n'avait donc jamais poursuivi sa quête vers l'Europe, et avait presque abandonné jusqu'à ce qu'il soit sélectionné par un système de parrainage privé en Australie. « C'est vrai qu'il y en a beaucoup qui partent d'eux-mêmes pour l'Europe. Mais il y a aussi d'autres pays qui accueillent des réfugiés, dont l'Australie. » Lui apprit-il. Les pays d'Afrique et les pays limitrophes au Moyen-Orient en accueillaient énormément, aussi. Tout comme certains pays des Amériques. C'était au moins beau de voir que certains endroits dans le monde ouvraient leurs frontières pour venir en aide à une partie de la population syrienne, aussi infime soit-elle. Il y aurait toujours plus à faire, mieux à faire, toutefois. Les deux hommes parlèrent alors de leurs arrivées respectives à Bowen, Naveen étant ici depuis plus longtemps que lui, ce qui lui apportait un sentiment étrange étant donné sa situation. Il avait tellement l'impression d'être le seul étranger dans cette ville, un intrus parmi une population soudée. Il avait là la preuve qu'il n'était pas le seul, peu importe les raisons qui les avaient poussés à venir ici. « Et moi c'est tout le contraire. Alep est une grande ville, dense, j'ai davantage de facilité à me repérer dans un environnement comme ça que parmi des arbres à perte de vue. » Avoua-t-il avec un sourire, et un doux rire qui l'accompagna. Ce n'était pas pour rien que Naveen avait si rapidement pris ses repères comme chauffeur de taxi - les noms de rue, les détours, les cul-de-sac, tout ça demeurait imprimé dans sa mémoire comme une carte toujours à sa disposition. « Je ne m'y ferai pas prendre deux fois. » Ça lui faisait du bien, à Naveen, de parler à un garçon qui avait à peu près l'âge que son propre fils aurait eu, s'il n'avait pas perdu la vie deux années auparavant. « Vous avez déménagé ici avec votre famille ? » Demanda Naveen. Ses raisons à lui étaient plutôt évidentes, de passer de la Syrie à ici, mais dans le cas du français, il y avait un éventail de justifications possibles. |
| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Ven 25 Aoû 2017 - 7:09 | |
| Je vois bien que Naveen a vécu des choses horribles, j’ai l’impression que les traits de son visage et la lueur de son regard le disent sans qu’il n’ait besoin d’en parler. Je ne sais pas ce que c’est, peut-être a-t-il combattu dans l’armée ? Ce ne serait pas surprenant vue sa carrure. Par contre, un militaire qui fuit son pays, j’avoue que ça m’étonne. Peut-être a-t-il perdu des proches dans un attentat ou dans un bombardement ? C’est pour le moment, tout ce qui me vient à l’esprit, mais je n’ose pas lui demander. C’est plutôt déplacé de raviver des souvenirs douloureux afin de satisfaire ma curiosité. Alors, je ne dis rien, pour le moment. « Je vois, et… C’est pas trop dur l’adaptation ici ? » lui demandais-je en le regardant. J’avoue que je me demande comment il s’en sort ici. Nous avons au moins un point commun, lui et moi. Nous ne sommes pas à Bowen par désir d’être là. On y est en parce qu’on a pas eu le choix.
Lorsqu’il m’avoue s’en sortir mieux en ville et m’en donner les raisons, je me fige. Alep. Evidement que j’en ai entendu parler. Cette ville contrôlé par l’état islamique pendant longtemps ne ressemblait plus vraiment a une ville aux dernières nouvelles. J’ose à peine imaginer ce qu’il a pu vivre. Sauf si… Il a combattu avec eux ? Non. Je me fais très certainement des films… « Vous venez d’Alep ? » ne pus-je m’empêcher de dire d’une voix plus inquiète que je ne l’aurais voulu. J’essaie de reprendre contenance et de paraître détendu, mais ce n’est pas chose aisé quand on sait qu’Alep est tristement connue pour avoir été un bastion de guerre. Passé l'inquiétude, je me détends à nouveau...
Je finis par reprendre la marche, gardant ma main posé sur le dos de Lokhen qui avance juste à côté de moi. Notre discussion déviât alors sur la famille et mon cœur se serre en pensant à mes parents. J’ai beau savoir depuis peu que j’ai été adopté, je considère toujours mes parents comme étant les seuls parents que j’ai. Même si Eibell m’a mise au monde, elle ne sera jamais ma mère à mes yeux. Quant-à mon géniteur, il est aux abonnés absents et ça me va. De toute façon, je ne sais pas qui s’est. « Non » dis-je tristement « mes parents sont morts et j’ai du venir ici » avouais-je avec amertume. « C’est pas facile d’être à des milliers de kilomètres de chez soi, n’est-ce pas ? » lui demandais-je, me demandant si lui aussi, sa ville telle qu’il l’avait connu lui manquait. « Et vous ? Vous êtes là avec votre famille ? » lui demandais-je sans me douter une seconde dans quoi je mettais les pieds en abordant le sujet familial.
Je voyais l'arbre fendu, un peu plus loin, signe que nous étions sur le bon chemin pour regagner la route, je lui indiquais la direction avec mon doigt afin que nous nous orientons vers la-bas tous les deux. |
| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Dim 27 Aoû 2017 - 19:12 | |
| Des dizaines de scénarios pouvaient être imaginés en pensant à la guerre en Syrie. Tellement de rôles, de positionnements ou d'expériences pouvaient justifier les traits sévères, fatigués et tristes de Naveen. Avoir été un militaire, un rebelle, un casque blanc, un civil, peu importe, ce que tous ces gens vivaient relevait de la même horreur, même si elle se présentait sous différents degrés. Difficile donc, d'un point de vue extérieur, de savoir exactement ce qui s'était passé dans la vie d'un réfugié. Sans attendre, Maxim démontra un intérêt sur l'adaptation de Naveen au pays australien. Le syrien se rendait compte que plus il s'ouvrait aux autres, plus les autres s'ouvraient aussi à ses expériences, s'intéressaient à son arrivée, à son histoire. Autant en reparler pouvait raviver de tristes souvenirs, autant ça pouvait lui faire chaud au coeur que les gens n'étaient pas totalement indifférents à sa souffrance. Certains s'en faisaient pour lui, s'inquiétaient de la situation, ou du moins avaient assez d'intérêt pour poser des questions. « Je m'en sors, mais ce n'est pas facile tous les jours. J'ai beaucoup perdu et j'ai l'impression d'avoir à tout reconstruire, dans un endroit où je n'ai aucun repère. » Avoua-t-il. Ça ne servait à rien de mentir, non seulement il était assez vieux pour savoir que ça ne pouvait pas être facile de repartir à zéro, mais surtout il avait lui-même vécu sensiblement le même changement. Étonné, Maxim le questionna sur Alep, sans doute en avait-il entendu parler dans les médias. Même si le conflit syrien était parfois éclipsé, il savait aussi que sa ville natale avait énormément fait parler d'elle. « Oui ... ma famille et moi avons tenté d'y rester le plus longtemps possible, d'aider les victimes ... c'était notre maison. On espérait toujours s'en sortir. Mais il a fallu se rendre à l'évidence et fuir, comme bien d'autres, vers la Jordanie. » Lui dit-il. Il sentait l'inquiétude dans l'attitude de Maxim, et ça lui ferait toujours mal de voir la peur dans le reflet de lui-même, dans les yeux des autres. Naveen n'avait rien d'un homme mauvais, encore moins d'un terroriste. Malheureusement, l'islamophobie était bien répandue depuis des années maintenant, et la crainte était installée dans l'esprit de bien des populations. Malgré eux, c'était une pensée qu'ils avaient, volontairement ou non. Maxim sembla toutefois se détendre après les explications de Naveen, comme s'il avait alors saisi qu'il n'était rien d'autre qu'une victime. Le syrien s'intéressa alors à la situation de Maxim. Il baissa les yeux en apprenant que ses parents étaient morts. Son coeur se serra, se brisa un peu plus. « Pourquoi ici ? » Demanda Naveen, intrigué. « Non, ce n'est pas facile ... L'Australie, c'est bien différent de la France ? » Demanda-t-il. Parce que c'était bien différent de la Syrie, ça, ça ne faisait aucun doute. Il se demandait à quel point Maxim avait été dépaysé à son arrivée tout récente. Sans doute l'était-il encore. Maxim lui posa alors des questions sur famille, et contrairement à toutes ses autres rencontres, cette fois il ne répondit pas de manière détournée, ou à demi-mot. Le jeune homme avait bien des points communs avec Naveen, ce qui l'encourageait à s'ouvrir. « Non. Ils sont morts aussi, il y a deux ans. Mon fils aurait à peu près eu votre âge, je pense ... » Avoua Naveen, la gorge un peu nouée par cet aveu. Pendant ce temps, Maxim continuait de les guider, et peu à peu, le syrien commençait à reconnaître certaines particularités du sentier qu'il avait vues à son arrivée. |
| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Lun 28 Aoû 2017 - 17:51 | |
| Diable ce que je pouvais comprendre ce qu’il traversait. Certes, je n’avais pas vécu la guerre comme lui, mais j’avais vécu un véritable traumatisme en découvrant le corps sans vie de mon père. Par « chance », Eibell m’avait fait faire mes bagages à vitesse grand V, et ne m’avait pas laissé chercher ma mère. Je supposais qu’elle avait subi la même chose que mon père et qu’Eibell n’avait pas voulu que je la vois ainsi. J’avais tout quitté, tout perdu. La seule chose que je gardais de mon ancienne vie, c’était des souvenirs et surtout mon chien. Je veillais sur lui comme je ne l’avais jamais fait pour personne, étant la seule personne à laquelle je tenais à présent. Pour le reste, je devais recommencer à zéro, un peu comme Naveen. « Je vous comprends… Enfin, pour ce qui est de tout reconstruire. Repartir à zéro. » dis-je compatissant. Je n’étais pas naïf ou pompeux. J’étais conscient qu’à 15 ans, je n’avais rien fait de ma vie. Mais c’était surtout repartir à zéro en terme de relation, d’adaptation et de repères que je faisais allusion. Même si je n’avais pas vécu la guerre comme lui, je ne pouvais que comprendre la difficulté qu’il avait a se retrouver dans un pays étranger, loin de tout ce qu’il connaissait.
Je compatis vraiment pour la vie difficile qu’il a eue, et je suis surpris qu’il reste aussi droit dans un moment comme celui-ci. Beaucoup auraient abandonnés à sa place, se laissant submerger par la rancœur et la peine. Naveen semblait plutôt être un homme digne qui malgré la douleur, ne rechercher pas à s’apitoyer sur son sort. Il était d’un courage exemplaire et même si je venais à peine de le rencontrer, je me surpris à le voir comme un modèle. Il me narra son courage d’être resté à Alep pendant un temps, puis son périple vers la Jordanie dans le but de fuir un conflit qui s’éternisait afin d’offrir à sa famille une chance de survivre et d’avoir une vie meilleure. Au fond, ça n’avait pas vraiment été une réussite, et Maxim s’en désola lorsque le syrien lui avoua avoir perdu sa famille. Ma gorge se noua lorsqu’il m’annonça que son fils aurait eu le même âge que moi, ou du moins aux alentours, me faisant réalisé l’horreur de la situation. Au fond, il fallait vivre la guerre et ses conséquences pour réaliser ce qu’il se passait. Moi, j’étais bien au chaud dans le chalet familial et je savais grosso-modo ce qui se passait en Syrie lorsque mes parents et moi regardions les informations le soir, à l’heure du dîner. Ce que les médias voulaient bien nous montrer. « Je suis désolé, pour votre famille. » Je me sens un peu stupide de dire ça, mais c’est tout ce qui me vient à l’esprit. « Il s’appelait comment ? Votre fils ? » demandais-je curieux. J’étais un peu gêné de me montrer si curieux compte tenu des circonstances, et je me tape mentalement pour ma stupidité d’avoir très probablement remué le couteau dans la plaie. J’étais un petit con après tout, surtout aux yeux d’Orson.
Lorsqu’il me demande pourquoi je suis en Australie, je me tends légèrement. Je dois avouer que c’est compliqué, même pour moi. J’ai pas compris pourquoi j’ai du quitté la France. Eibell m’a obligé à la suivre, m’enlevant à tout ce que je connaissais. Pour l’honnêteté dont il a fait preuve, tu te sens obligé de parler de cette histoire pour l’être en retour. « Et bien… Il y a environ un mois, quelques jours avant la mort de mes parents, j’ai découvert par hasard que j’ai été adopté » dis-je avec hésitation « Et que la ‘cousine’ de mon père qui était à la maison depuis quelques jours était en fait pas du tout sa cousine, mais ma mère biologique » ajoutais-je en marchant droit devant. « Quelques jours après, en rentrant de l’école, j’ai découvert mes parents morts et ma mère biologique qui est arrivé juste après moi, m’a fait faire mes valises en urgence et on a prit le premier avion pour l’Australie… » lui expliquais-je rapidement. « J’ignore ce qui s’est passé, je crois que c’est lié au travail de mon père ou à Eibell… mais je ne sais pas… » soufflais-je difficilement. « Maintenant, je cohabite avec Eibell parce que j’ai pas le choix. » grognais-je avec amertume.
Je soupirai avant de bifurqué légèrement vers l’est. « C’est… différent oui. Mais je pense que ça l’est beaucoup moins que la différence entre la Syrie et L’Australie. » Admis-je en lui souriant. « C’est juste qu’ici… Les rues sont plus propres, les gens ont plus de respect envers leur environnement et … Ils sont moins pressés et plus ouvert que chez moi… Ah mince ! Vous avez réussi à me faire trouver des bons côtés de Bowen ! » terminais-je sur une pointe d’humour. Jusqu'à maintenant, j'avais tout fait pour détester ses lieux et tout ce qui était lié à Eibell, mais force de constater au fil de mes rencontres qu'au final, Bowen n'était pas aussi désagréable que je le voulais. |
| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Mer 30 Aoû 2017 - 21:26 | |
| Naveen hocha tout simplement la tête quand Maxim lui partagea sa compréhension de la douleur ressentie quand on doit tout reconstruire, repartir à zéro, comme si tout ce qui se trouvait derrière nous n’existait plus. Sauf que les douloureux souvenirs, eux, ne s’effaçaient jamais. Ce n’était pas une clean slate, jamais complètement. Le syrien avait certes vécu la guerre et le deuil, mais il ne voulait même pas s’imaginer ce que ce pouvait être de devoir, à son âge, se retrouver si seul dans un autre pays. Aucun enfant ne devrait avoir à vivre ça. Si Maxim trouvait que Naveen était doté d’un courage et d’une résilience phénoménaux, alors il en était tout autant de lui. Chacun, à leur manière, restait droit et fort même si les vagues déferlaient sur eux comme un coup de poing qui aurait dû les mettre k.o. Mais ils étaient encore debout, l’un comme l’autre. Était-ce la force ou la dignité, Naveen l’ignorait, mais tout ce qu’il savait c’est qu’il devait continuer à vivre pour tous les autres syriens qui n’avaient pas eu cette chance. Le réfugié partagea avec Maxim le fait que son fils aurait à peu près eu son âge, s’il avait encore été vivant aujourd’hui. Le jeune garçon lui demanda comment il s’appelait. Ce serait la deuxième fois que Naveen parlerait d’eux à voix haute. La première fois, c’était avec une jeune femme atteinte du cancer qu’il avait rencontrée à la plage. « Hayyan. J’avais aussi un autre fils, et une fille. Sami et Maya. » Et sa femme, Amena. Ils les avaient mis tous les quatre sur un bateau dans l’espoir de les revoir, mais maintenant il ne lui restait plus que cette image de leurs mains dans les airs pour lui dire au revoir alors que l’embarcation s’éloignait dans la mer. Pour finalement couler des kilomètres plus loin. De retour à l’histoire de Maxim, Naveen lui demanda pourquoi Bowen avait été sa destination obligatoire après le décès de ses parents. Il écouta Maxim attentivement, une main dans une poche, et l’autre maintenant son vélo en équilibre à côté de lui, marchant d’un pas lent. Comme s’il ne voulait jamais arriver au bout de ce sentier, comme s’il ne voulait pas retrouver la ville. « Wow … » Lâcha Naveen, incapable de trouver d’autres mots pour traduire sa surprise, sa tristesse aussi face à une telle histoire. « Votre mère biologique n’a pas pu vous expliquer quoi que ce soit ? » En même temps, ça ne ramènerait pas ses parents, de savoir qui avait bien pu causer ce carnage cruel. En entendant Maxim dire qu’il était coincé avec cette femme, obligé de vivre avec elle, Naveen baissa les yeux. Au moins, il avait quelqu’un pour prendre soin de lui, pour l’aimer sans doute, aussi. Il n’était pas seul, et peut-être réaliserait-il un jour que c’était une chance. Pour le moment, Naveen mentionna que l’Australie devait être bien différente de la France, tout comme elle l’était de son pays à lui. Il rit doucement quand Maxim finit par dire qu’il lui avait fait trouver de bons côtés à Bowen. « C’est drôle, moi j’ai l’impression que tout le monde est pressé ici, bien plus qu’en Syrie. J’ai l’impression que le temps s’écoule à double vitesse et que tout le monde court après le temps, justement. Par contre c’est vrai que c’est plus ouvert que d’où je viens, aussi. C’est un choc … » Et Naveen devait s’adapter à toutes ces nouvelles manières de penser, aussi. Ils bifurquèrent vers l’est, et devant eux, bien loin au bout, ils arrivaient à voir la fin du sentier. |
| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Jeu 31 Aoû 2017 - 15:59 | |
| Comment faisait-il pour accepter leur absence ? Naveen devait vivre avec le manque de ses trois enfants et de sa femme, du moins c’est ce que j’en déduisais puisqu’il parlait de sa famille au passé. Même ça, c’était une épreuve, dévoilant l’entièreté de sa solitude. Au final, personne ne peut vraiment comprendre ce qu’on ressent, il faut vraiment le vivre pour savoir, et encore, chacun à sa façon de réagir et de vivre les évènements douloureux. Moi, j’ai choisi de tenir Eibell pour responsable. Ça ne me ramènera pas mes parents, et c’est peut-être un tantinet injuste vis-à-vis d’elle, mais lui en vouloir me permet de focaliser mon attention sur autre chose et ça marche. Je me demande s’il est lui aussi en colère contre le monde entier pour ce qui est arrivé. C’est con à dire, mais pourtant c’est ce que je ressens parfois. De la colère pour ce qui est arrivé. De la colère parce qu’ils m’ont laissés. « Comment vous faites ? Pour accepter le fait qu’ils soient plus là ? » demandais-je à mi-voix avec une pointe de douleur. Pour Hayyan, Sami et Maya, disparus, comment faisait-il pour garder la tête hors de l’eau ? C’était inimaginable. « Vous n’êtes pas en colère ? » ajoutais-je en détournant le regard, prenant bien soin de regarder au loin. Je ne voulais pas qu’on puisse voir ma propre douleur, même s’il était évident que si quelqu’un pouvait me comprendre, c’était bien Naveen.
Lorsque Naveen me demande si Eibell m’a expliqué ce qui s’est passé, je laisse échapper un ricanement sans joie. Eibell avait bien essayé, au bout d’un long moment de cohabitation silencieuse, d’avoir une discussion avec moi, mais très vite, la discussion c’était envenimée et elle m’avait fait comprendre que mentir ne la dérangeait pas. Partant de cela, j’avais choisi de ne plus rien écouter venant d’elle, certain qu’elle n’hésiterait pas à embellir ses actes pour me faire changer d’avis sur elle. « Disons… Que la communication… c’est pas notre fort, » lui répondis-je avec une légère grimace de dépit. « Et honnêtement, je ne pense pas que je croirai ce qu’elle pourrait me dire… Elle m’a bien fait comprendre qu’elle n’avait aucun problème à mentir… » avouais-je non sans une certaine rancœur envers elle.
Nous venons de deux endroits radicalement différents, comme nos modes de vies et nous étions tombés d’accord sur le fait que l’Australie aussi, créait pour nous, un dépaysement total. « Pour la Syrie, je ne suis pas surpris. Il doit y avoir aussi un choc de culture non? mais c’est bizarre quand même. Il y a des différences entre les pays occidentaux aussi. C’est moins flagrant je pense, mais y en a quand même… » constatais-je.
Au loin, nous pouvons enfin apercevoir la fin du sentier, bien qu’il restait encore une belle distance à parcourir. Naveen allait pouvoir retourner à la civilisation, de quoi le rassurer peut-être. |
| | | Invité | Sujet: Re: I've been searching somewhere out there for what's been missing right here (maxim) Dim 3 Sep 2017 - 21:03 | |
| La question de Maxim prit légèrement Naveen par surprise, parce que le terme employé ne s’appliquait pas du tout à sa situation. « Oh, mais je ne l’accepte pas. » Déclara-t-il d’abord, pour mettre au clair le fait que même s’il n’était présentement pas en train de crier sa rage, que ses larmes de tout à l’heure avait séchées, qu’il ne frappait pas sur n’importe qui pour se défouler de l’injustice qui tombait sur lui, cela n’empêchait pas le fait qu’il n’acceptait pas la mort de sa famille. Il gérait d’une autre façon sa peine, sa souffrance, sa colère. Il les refoulait face aux autres et, dans la solitude de son appartement, il laissait s’échapper tous les démons en lui qui menaçaient de lui arracher les quelques filaments de lumière qui arrivaient encore à se frayer un chemin jusqu’à son âme. « Je suis en colère, jour après jour, nuit après nuit. J’ai mal, j’ai du chagrin, je rage intérieurement. C’est pas juste, tout ce qui nous est arrivé n’est pas juste, n’avait pas lieu d’être. Et y’a pas une heure sans que je pense à eux, sans que je remette la faute sur moi, sur tout le monde. Puis sur moi encore. Sauf que ce serait encore moins juste pour eux, pour leurs âmes, si je m’interdisais de vivre alors qu’on m’en a donné la chance, contrairement à eux. » Conclut le syrien. Ils s’étaient battus pour cette vie-là, et si l’un d’eux avait pu parvenir à cet objectif, alors qu’il vive. Qu’il vive pour les cinq. Ce ne serait jamais facile, ce ne serait jamais pareil, mais il vivait. Cette chance, des milliers de syriens ne l’avaient pas. Ni la famille de Naveen, ni un paquet d’autres familles. La sienne n’était pas plus spéciale qu’une autre, autrement que dans le regard du trentenaire. Le drame vécu par la famille de Maxim était tout autant important, et d’ailleurs c’est pour cette raison qu’ils s’y attardèrent à son tour. Il était si jeune pour autant de déceptions. « C’est peut-être pour te protéger … » Si Naveen avait pu barricader sa maison et en insonoriser les murs pour que jamais ses enfants n’aient à entendre les explosions, les cris, les pleurs, sans doute l’aurait-il fait. Il aurait voulu préserver leur innocence, prévenir le traumatisme. Malheureusement, rien n’échappait aux frappes, pas même les écoles. Et Naveen ne pouvait garder ses enfants dans une bulle protectrice hors du monde. « J’imagine bien qu’ils sont différents, oui. Mais c’est vrai que le choc culturel a été intense pour moi. Les traditions ne sont pas les mêmes, le rapport aux autres non plus … Je suis surpris, encore presque à tous les jours, par ce que je peux découvrir. » Une dernière ligne droite dans le sentier, qu’ils traversèrent avec quelques ponctuations silencieuses. Une fois au bout, Naveen referma ses mains sur le guidon de son vélo, s’arrêtant de marcher et regardant Maxim. « Merci. Non seulement de m’avoir raccompagné, mais aussi pour la discussion. Tu es une bonne personne, Maxim, et je te souhaite que tout rentre dans l’ordre. » Il lui sourit, faiblement, peu enclin à reprendre la route vers sa solitude. Il avait l’impression que les gens d’ici n’étaient que de passage dans sa vie, qu’il n’avait personne à qui s’accrocher hormis Cleo. Sa nouvelle vie n’était qu’un amalgame de rencontres et d’au revoir. |
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