Bienvenue à Bowen, petite ville côtière du Nord-Est de l'Australie, abritant moins de 7 000 habitants. Si vous recherchez le calme, la bonne humeur et la joie de vivre, vous serez au paradis. Tous les habitants vous le diront, Bowen est l'endroit idéal pour se ressourcer. Et puis ne vous inquiétez pas pour l'intégration, ici tout le monde se connaît et les habitants adorent accueillir les nouveaux. › suite.
Sujet: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Mer 16 Aoû 2017 - 21:47
Aller-Retour entre deux mondes
Naveen & Wyatt
La semaine dernière quand tu as reçu un appel de ta mère, t’es resté sur le cul. Faut dire qu’en quinze ans, tu ne l’as vu que trois fois. Elle t’as demandé un service et toi, t’as dis oui. Parce que c’est ta mère déjà, et parce que c’est bien la première fois qu’elle te demande quelque chose. T’as eu un peu l’impression de faire parti de cette famille que tu fuis depuis ton départ pour l’école militaire.
C’est pour ça que tu manques tes quatre heures de cours aujourd’hui pour te rendre à Townsville, la ville la plus importante de la région située à deux heures de route au nord de Bowen. Sauf que, depuis que t’es arrivé en ville, t’a pas jugé utile de t’acheter une voiture, tu préfères privilégier les transports en commun. T’as commandé un taxi deux jours auparavant pour la course. C’est pas comme si t’avais pas les moyens, toi qui n’as jamais pris de congé en douze ans de service.
Comme convenu, le taxi était là à l’heure. Toi le militaire discipliné, t’aime que les choses soient carrées, y compris sur la ponctualité. T’as remarqué que l’homme est un peu typé. Il te rappelle un peu les soldats irakiens avec qui tu as combattu. Tu t’abstiens toutefois d’exprimer tes pensées, t’as pas envie d’être pris pour un fou. T’es là, assis sur la banquette arrière de son taxi, tu remontes les manches de ta chemise, parce que ça te gêne, et parce que t’aimes pas tellement t’habiller en mode « ville », ou plutôt, tu as perdu l’habitude.
Tu ne lui as rien dit d’autre que bonjour, la politesse est de mise. T’es pas doué pour faire la conversation. Faut dire que l’école militaire puis un service de 12 ans dans l’armée à tendance à mettre au pli. Se taire. Obéir. Ne jamais poser de questions.
Mais deux heures sans échanger des paroles, ça risque d’être long. Toi, tu sais pas quoi dire, alors tu espères qu’il est comme les taximans américains, tu sais, ceux qui font la papotent pour faire de leur course un moment agréable.
Pour le moment, tu es silencieux, tu regardes le taxi s’éloigner du quartier ou tu résides depuis ton arrivée à Bowen. La grande maison de tes grands-parents qui ne sont malheureusement plus là, et ou tu as élu domicile. .
Emi Burton
Invité
Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Jeu 17 Aoû 2017 - 1:16
Huit mois déjà en sol australien, huit mois loin des paysages qu’il connaissait, loin des visages qu’il reconnaissait. Rien ici ne lui était familier si ce n’était que les routes, maintenant, à force de les avoir parcourues à la recherche de gens presque aussi perdus que lui qui ne cherchaient qu’à ce qu’on les ramène chez eux. Naveen, lui, ne pouvait compter sur personne pour le ramener chez lui. Son chez lui n’était plus qu’un amas de poussières, désormais, sans doute. Aucun moyen de le savoir, au fond, parce que retourner là-bas n’était même plus envisageable, surtout que plus rien ni personne ne l’y attendait. Il n’avait aucune raison de retourner vivre cet enfer, ce bain de sang et de feu dans lequel il s’était baigné pendant les dernières années. La vie ici était bien mieux, même si Naveen avait encore bien du mal à s’admettre à lui-même qu’était venu le temps de tourner la page et d’aller de l’avant. Ce qu’il avait vécu, enduré, ne s’oubliait pas aussi facilement. Les horreurs d’une guerre civile restent à jamais gravées dans l’esprit des gens qui en ont été les victimes, les innocents. Dans l’esprit de ceux qui ont tout perdu. Ces routes, donc, que Naveen empruntait jour après jour, voyant défiler les mêmes paysages sans jamais se les approprier, le réfugié les traverserait encore aujourd’hui. Et plus loin, même. On avait réservé de son temps de service pour aller à Townsville, un appel entré deux jours auparavant, demandant un taxi pour le début de l’après-midi. Pile à l’heure, la voiture que conduisait Naveen s’arrêta devant l’adresse indiquée pour la réservation. L’homme se trouvait déjà là, bien prêt à embarquer, et c’est ce qu’il fit sans plus tendre. « Bonjour. Quelle adresse, à Townsville ? » Demanda-t-il de son fort accent méditerranéen duquel il ne s’était pas encore détaché. Et puis, ça faisait partie de lui-même, de ses origines. Le syrien hocha la tête à sa réponse, rentra l’adresse dans son gps et démarra. Il aurait pu le rentrer bien plus tard, puisqu’ils avaient bien de l’autoroute à faire avant de même seulement arriver dans la ville en question, mais tant pis. Naveen s’éloigna des quartiers de la ville, s’éloigna du centre-ville ensuite, pour finalement prendre la bretelle menant sur l’autoroute en direction nord. Le silence s’était installé, silence auquel le réfugié s’était habitué à contre-cœur. Plus jeune, il avait été habitué aux rires d’enfants, au brouhaha du marché à côté de chez lui. Puis, dans les années qui avaient tracé sa vie d’adulte, sa vie de trentenaire, Naveen s’était habitué aux cris, aux pleurs, aux bruits sourds d’explosions et de fusils. À chaque fois, un silence retombait, après la terreur. Et ce silence rendait toujours l’homme mal à l’aise, à présent. Comme s’il ne laissait rien présager de bon. Comme si à nouveau, Naveen était seul, complètement seul, même si entouré de tellement de gens. « Première fois que j’irai à Townsville. Qu’est-ce qui se trouve là-bas ? » Autant pour lui, qui se tapait toute cette distance pour une raison ou une autre, que pour Naveen, qui aurait sans doute à l’attendre pour son retour à Bowen. Du moins, c’était ce qu’il avait compris.
Invité
Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Ven 18 Aoû 2017 - 10:59
Aller-Retour entre deux mondes
Naveen & Wyatt
De ta place, t’arrive à voir le regard de l’homme dans le rétroviseur intérieur. Ce regard sans éclat, terne, abîmé par les épreuves que la vie a mis sur son chemin. Non. T’es sur de rien, c’est peut-être ton imagination qui te joue des tours. C’est p’tre toi que tu vois en lui, c’est probablement ce que ton psy te diras. Le silence règne dans la voiture. T’as la sensation qu’il avait un accent arabe lorsqu’il t’a demandé l’adresse exacte, mais t’es pas certain non plus, alors tu t’abstiens de lui demander. Tu veux pas le stigmatiser, et t’aurais l’air fin s’il était natif d’ici.
T’as la confirmation qu’il n’est pas d’ici. Il t’avoue n’être jamais allé à Townsville et l’accent ne t’a pas trompé cette fois. T’as tendu l’oreille, et t’as vite compris. T’es pensif. D’où vient-il ? Est-ce un endroit ou tu as combattu ? Ouais, tu te le demandes, parce que son regard ne trompe pas. Il vient pas d’un pays comme le maroc, c’est certain. Tu te rends compte que tu lui as pas répondu, et tu veux pas paraître impoli, surtout qu’il fait l’effort de faire la conversation. « Townsville est la plus grande ville de la région, c’est surtout connu pour ces sites industriels, son port et son aquarium. Il y a aussi la possibilité de faire des excursions jusqu’à la grande barrière de corail, c’est beau à voir » Tu lui dis pensif, te rappelant les fois ou tes grands-parents t’y ont amené.
Aujourd’hui, t’y vas pour régler les derniers papiers avec le notaire, un vieil ami de tes grands-parents. Le décès de ta grand-mère est survenu y a environ un an, il coïncide avec le moment ou tu as été fait prisonnier avant d’être enterrer vivant et tu ne peux t’empêcher de te demander si sa mort à un lien avec toi. Elle était tellement sensible, et t’étais tellement proche d’elle avant que ça te trotte dans la tête. Tu culpabilises un peu, et t’as la sensation que tu ne sauras jamais le fin mot de l’histoire. Avec hésitation, tu finis par lui dire « Je pense que j’en aurais pour au moins une heure au niveau du rendez-vous, mais j'suis pas pressé par le temps. Je vous ai réservé pour la journée, vous pouvez prendre le temps de visiter si vous voulez », Tu lui proposes ça sans arrière pensée. Dans tout les cas, il est payé pour la journée entière de course, c’est dommage de se taper deux heures de route et de finalement, attendre dans son taxi une fois arrivé là-bas.
Finalement, t’as curiosité l’emporte sur la raison, et tu finis par lui demander « Vous êtes d’où ? ». T’espères qu’il le prendra pas mal, tu lui as posé la question sans animosité, mais c’est toujours délicat comme sujet. Tu dois pas être le seul à lui poser la question alors tu croises les doigts pour qu’il t’envoies pas sur les roses, même si c’est son droit.
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Emi Burton
Invité
Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Ven 18 Aoû 2017 - 23:32
Dès qu'il regardait dans son rétroviseur, pour jeter un oeil aux voitures derrière, Naveen croisait inévitablement le regard de son client assis à l'arrière, qui le dévisageait de temps en temps. Tout de suite, les yeux du réfugié retournaient sur la route devant lui, perturbé d'être ainsi scruté du regard, même s'il se faisait peut-être des idées, aussi. Si ça se trouve, l'homme regardait la route devant, comme lui. Sans doute dans l'espoir de dissiper le malaise qui avait grandi en lui, Naveen engagea la conversation à propos de Townsville, cet endroit vers lequel ils se dirigeaient. Quelques secondes, qui lui parurent toutefois bien longues, s'écoulèrent entre son affirmation et la réponse de l'homme derrière. Finalement, il prit enfin la parole pour lui parler de l'endroit, de ce qu'il y avait à y faire. « Ah oui, la grande barrière de corail. Ça, j'ai souvent entendu parler. Je n'ai jamais pris le temps d'y aller. » Il faut dire que les excursions de ce genre coûtaient très chères, Naveen avait vu pas mal de ces activités quand on lui avait remis des informations touristiques sur la région dans laquelle on l'envoyait retrouver sa marraine affiliée à l'UNHCR. Région dans laquelle il s'installerait, sans doute, pour le reste de sa vie. Ce n'était donc pas forcément faute de temps mais plutôt d'argent, que le syrien n'avait pas pris part à toutes ces excursions et découvertes de l'État du Queensland. Un instant plus tard, le jeune homme lui dit finalement qu'il en aurait pour au moins une heure, mais qu'il pourrait prendre du temps pour visiter puisqu'il était réservé pour la journée. Il croisa son regard dans le miroir, le regarda un moment, touché par cette attention et cette gentillesse, puis reporta ses yeux sur la route, de nouveau. « Ne vous en faites pas pour moi, j'aurai sans doute l'occasion d'y retourner. Je vous donnerai mon numéro de téléphone et vous pourrez m'appeler dès que vous êtes prêts à revenir à Bowen. » Il se serait mal vu accepter cette offre, aussi généreuse soit-elle. Certes, Naveen aurait profité de la journée pour au moins déambuler dans les rues et découvrir une nouvelle ville, mais il n'était pas à l'aise de le faire en étant payé et en sachant que son client n'attendait que son retour de sa halte touristique. C'est pourquoi, dès que le jeune homme aurait terminé ce qu'il avait à faire à Townsville, Naveen serait à sa disposition. Quelques minutes plus tard, l'homme lui demanda d'où il était. Il avait l'habitude, Naveen, à force d'embarquer des gens qui remarquaient bien vite qu'il n'était pas d'ici. Rien ne trompait : son physique méditerranéen, son accent, ses traits durcis par la guerre. Ce qui changeait d'une fois à l'autre, c'était surtout la réaction des gens face à ses origines. On pouvait parfois lire la peur, d'autres fois la compassion, ou encore l'indifférence. « De la Syrie. Je suis arrivé en Australie en janvier. » Au moins, ça mettrait les choses au clair : oui, il avait vécu les horreurs, oui, il était venu ici trouver refuge. Comme plus de 10 000 autres réfugiés syriens venus en Australie.
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Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Mar 22 Aoû 2017 - 12:16
Aller-Retour entre deux mondes
Naveen & Wyatt
T’es pas vraiment discret, l’homme t’a remarqué à le dévisager comme tu le fais. T’es bien conscient que ce n’est pas poli alors, ton regard se pose sur le paysage qui défile sur ta droite. Malgré toi, le paysage de ramène à tes souvenirs, des moments agréables d’ailleurs, ceux que tu passais avec tes grands-parents lorsque tu te rendais à Townsville en leur compagnie, autrefois. Ces moments ou vous chantiez a tue-tête, tu t’en rappelles ? Evidemment. Comme de la barrière de Corail d’ailleurs, et tu trouves ça dommage que l’homme ne prenne pas le temps d’y aller. Tu sais ce que c’est de mener une vie à cent à l’heure, une vie ou tu prends pas le temps d’apprécier les choses simples croyant qu’elles te seront toujours acquis. Utopie. « Si je peux vous donner un conseil, vous devriez prendre le temps, monsieur. » Tu lui dis pensif. T’es pas le mieux pour parler, t’a passé les douze dernières années à bosser non stop, à obéir à des ordres sans poser de question et à mettre ta vie entre parenthèse pour quoi ? Pour en arriver là, à repartir à zéro parce que t’as pas le choix, que la vie t’a botté en touche, un bon coup de pied au cul, qui t’a envoyer au quatrième sous sol et ou tu peines à redresser la pente.
L’homme est prévoyant et pas vraiment aventurier dans l’âme. Il t’annonce d’emblée qu’il te donnera son numéro pour pouvoir le joindre dès que tu auras fini. « Merci » c’est tout ce que tu trouves à répondre. Puis, tu apprends les origines du taximan et tu comprends. Tu comprends son regard, il a vécu l’horreur lui aussi, sauf que tu ne sais pas à quel degré sa vie a été impacté par la guerre. Tu te doutes bien qu’il n’est pas là pour vivre le rêve australien, enfin, du moins pas de son plein gré. Tu compatis, parce que tu sais le climat qui règne là-bas, même si t’as pas fait la Syrie. Enfin, t’imagine bien ce que c’est quand même. « Vous êtes venu seul ? » Tu lui demandes par curiosité. Le gars à la trentaine bien entamé. Il a l’air posé, alors tu te demandes s’il a de la famille. C’est inutile de lui poser des questions sur son immigration, tu te doutes de ses motivations. Et puis, doucement, tu réalises qu’il a peut-être pas les moyens de se payer les excursions et les visites. Faut dire que le niveau de vie en Australie est plus cher que là ou il vient. Tu lui proposerais bien de l’invité, mais tu sais que les hommes ont leur fierté, et accepter l’aide d’un inconnu, c’est jamais facile. Pour le moment, tu ne dis plus rien, t’attends de voir l’évolution de la discussion.
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Emi Burton
Invité
Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Jeu 24 Aoû 2017 - 23:26
Si Naveen semblait vivre sa vie à cent à l'heure, c'était parce qu'il ne savait pas vivre autrement, pas depuis qu'il se trouvait ici. À chaque fois que le compteur de son taxi s'arrêtait, c'était comme si le temps se figeait aussi. Les heures s'écoulaient lentement, comme pour lui rappeler, en tournant le couteau imaginaire dans sa plaie béante, qu'il n'avait plus rien ni personne. Ses journées et ses nuits s'allongeaient, le laissant tourmenté et vulnérable face au vide qu'il ressentait dans son propre corps, son propre coeur. Pourtant, Naveen avait autrefois toujours profité de ces moments du quotidien, de ces simples minutes de bonheur qu'il accumulait comme des sous dans une tirelire. Malheureusement, depuis que la vie lui avait cruellement arraché sa femme et ses trois enfants, le syrien n'arrivait plus à se créer de ces précieux souvenirs. Cela ne voulait pas pour autant dire qu'il prenait tout pour acquis, au contraire, il ne savait que trop bien à quel point rien ne perdurait. « Je prends bonne note. Je reviendrai, sans faute. À la façon dont vous en parlez, l'endroit semble en valoir le détour. » Il était encore et toujours inconcevable aux yeux de Naveen de prendre du temps de son client pour aller lui-même profiter des attraits touristiques de Townsville. Il ne le ferait qu'en sachant que l'homme n'aurait pas besoin de ses services avant la toute fin de la journée. Il se doutait bien de la sincérité et de la générosité de l'homme qui lui adressait ces conseils et ces recommandations, mais il n'était aucunement à l'aise d'en profiter réellement. Naveen proposa donc de lui laisser son numéro de portable, celui qu'il n'utilisait que pour le travail ou pour rejoindre Cleo, et ainsi l'homme pourrait le contacter dès qu'il serait prêt à revenir à Bowen. Le réfugié hocha tout simplement la tête suite au remerciement de son client. Quelques minutes plus tard, ce dernier l'interrogea sur ses origines. N'ayant jamais vu l'intérêt de mentir ou de détourner le sujet, assumant parfaitement sa provenance malgré ce que certains pensaient des vagues de réfugiés ou de leurs mentalités, Naveen lui parla de la Syrie. Évitant de parler du conflit, l'homme lui demanda plutôt s'il était venu seul. Sujet tout aussi sensible. « Oui. J'avais une famille. Mais ça ne se passe pas toujours comme on veut, dans la vie, pas vrai ? » Lança Naveen en regardant brièvement l'homme à travers le miroir de son rétroviseur. Nul besoin de se creuser la tête pour résoudre ces sous-entendus. Sa femme et ses enfants étaient morts, et la manière importait peu. Ils n'étaient plus de ce monde, c'était tout ce qu'il y avait à savoir.
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Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Ven 25 Aoû 2017 - 12:26
Aller-Retour entre deux mondes
Naveen & Wyatt
Tu es loin d’imaginer ce qui se passe dans la tête de ton chauffeur. T’as beau avoir vécu l’enfer comme lui, votre expérience de la guerre et de ses conséquences sont loin d’aboutir au même point. Tu regardes le paysage défiler sous tes yeux, tu laisses apparaître un sourire sans éclat à la remarque du chauffeur. Est-ce que l’endroit en valait le détour ? Oui, au moins une fois. C’était dommage de vivre si près sans prendre le temps d’aller voir. Mais tu sais très bien que pour toi, la signification est tout autre. C’est tes souvenirs d’enfances qui comptent par-dessus tout. Ce n’est même pas pour la beauté des lieux, mais pour le souvenir de ton grand-père que cet endroit est si particulier pour toi.
Il t’avoue avoir eu une famille. Ton cœur se serre, t’as compris. Pas besoin qu’il te fasse un dessin pour ça. « Je suis navré » C’est tout ce que tu trouves à dire, parce que soyons honnête, tout ce que tu pourras dire ne changera rien à sa tristesse. Rien à sa solitude. De toute façon, on peut pas dire que tu sois un beau parleur, t’es nul à chier pour consoler les gens. « Non, rien ne se passe comme on le voudrait. » T’es bien d’accord avec lui. La seule chose à faire c’est d’avancer, de toute façon, ce n’est pas comme si vous aviez le choix, n’est-ce pas ? Tu restes pensif. T’as beau ne pas avoir combattu en Syrie, tu ne peux t’empêcher de te demander si toi aussi tu n’as pas brisé des familles durant ton service en Irak, en Afghanistan, ou en Somalie. T’as beau avoir obéi aux ordres et t’as peut-être pas choisi d’aller là ou on t’as dis, tu restes quand même responsable de tes actes, n’est-ce pas ? T’es un peu gêné par la situation, toi qui est un GI américain. Certes, il le sait pas mais quand même.
« Malgré les circonstances de votre arrivée ici, vous vous plaisez à Bowen ? » demandais-je par politesse, et surtout pour éviter qu’un silence pesant ne vienne s’imposer entre eux.
Emi Burton
Invité
Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Dim 27 Aoû 2017 - 2:57
Il était certain que l'expérience d'une guerre ne se vivait pas de la même manière selon le statut qu'on y occupait. Au sein même de la Syrie, il avait plusieurs groupes de rebelles différents qui affrontaient le régime, il y avait les militaires du régime lui-même, et puis ceux de l'organisation terroriste de Daech. Des acteurs provenant de différentes sources mais qui jouaient un grand rôle dans la guerre civile. Et puis, il y avait les civils, bien sûr, les oubliés de cette guerre qui mourraient à chaque jour sous les frappes et les attaques. Les gens comme Naveen. Certains d'entre eux luttaient pour la paix, pour la survie d'eux-mêmes et d'autrui, et d'autres fuyaient. Au fil des années, des acteurs à l'international s'étaient également joints au conflit, pour soutenir un côté ou l'autre, ou pour tenter de rétablir le calme et la paix. Chaque personne de chacun de ses groupes avait une perception propre à eux de cette guerre. Personne ne le vivait forcément de la même manière. Alors s'il y avait autant de visions différentes au sein d'une même et seule guerre, allez imaginer quand on ne parlait même pas des mêmes combats. Naveen l'ignorait encore, mais l'homme assis derrière lui s'était retrouvé d'un côté, un côté autre que le sien. Du côté de ceux qui tirent. Lui était du côté de ceux qui recevaient - la souffrance, la mort. D'ailleurs, ce deuil qu'il faisait encore jour après jour, le réfugié en parla brièvement, à demi-mot, en mentionnant à son client qu'il avait eu une famille, mais qu'elle n'était plus. Qu'il n'avait pas eu la chance de se rendre jusqu'ici avec eux. « Merci. » Répondit Naveen quand l'homme se dit navré. Il ne répondrait pas que ce n'était rien, que ce n'était pas de sa faute ou quoi que ce soit d'autre. Juste merci, parce qu'autant c'était difficile de savoir quoi dire quand on apprend ce genre de triste nouvelle, autant il était difficile de savoir quoi répondre. Rien ne se passait comme on le voudrait fut la conclusion à cette partie de leur conversation. Lui aussi devait donc avoir vécu certaines expériences d'une manière toute autre que ce qui avait été planifié. Il fallait savoir s'adapter. Jusqu'à maintenant, Naveen avait fait preuve d'une grande résilience, même s'il avait souvent pleuré la mort de sa femme et de ses enfants, même si son coeur était toujours aussi brisé de la tournure des événements dans son pays, il gardait la tête haute et continuait d'avancer. C'était rarement facile, surtout alors qu'il se sentait bien seul dans cette grande ville, mais il faisait de son mieux. Autrement, il ne s'en sortirait jamais. L'homme derrière relança la conversation, contrairement à Naveen qui jusque-là entretenait le silence. Il lui demanda s'il se plaisait à Bowen, malgré tout. « C'est une très belle ville. J'essaie le plus possible de découvrir les endroits et me créer de nouveaux points de repère, mais c'est une transition difficile, je dois l'admettre. C'est difficile d'arriver seul dans un nouveau pays. » Mis à part Cleo, il n'avait personne dans son entourage. S'il avait eu sa famille, il aurait au moins pu se confier à eux, ils auraient traversé cette épreuve ensemble, se seraient soutenus. Là, Naveen n'avait pas le choix de s'ouvrir complètement à ce nouveau monde, mais il fallait aussi que ce monde-là soit prêt à l'accueillir à bras ouverts.
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Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Dim 27 Aoû 2017 - 10:34
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Naveen & Wyatt
Au fond, tu te rends comptes que tu as des points communs avec lui. Le chauffeur te jette quelques regards dans son rétroviseur, parfois, tu t’en rends compte mais tu gardes une stature stoïque. Tu es peiné pour lui, tu es le plus à même à comprendre la douleur des souvenirs, ceux qui restent ancré dans ta tête malgré tout ce que tu fais pour éviter d’y penser. Au fond, tu sais que votre vécu est différent. Lui n’a pas choisi de subir la guerre. Il fait parti de ceux qui sont nés au mauvais endroit en quelques sortes, alors que toi, tu t’es engagé en toute connaissance de cause, enfin… façon de parler. Si t’avais su à l’avance comment ça finirait, t’aurais probablement réfléchis à deux fois avant de t’enrôler.
Tu n’as pas fait la Syrie mais t’imagines bien l’ambiance qui y règne là-bas. T’apprends qu’il a perdu bien plus qu’on aimerait l’imaginer et qu’il doit maintenant vivre avec ça. Tu ne peux pas dire que tu comprends sa douleur, que tu comprends ce qu’il a vécu. T’as pas perdu ta famille toi, enfin faudrait-il déjà que tu en ai une. T’as passé les douze dernières années à sillonné les zones de conflits avec ton unité, ne t’accordant jamais de vacances. T’as jamais fait de projet qui incluait une famille, alors non, tu ne peux pas savoir ce qu’est de perdre une femme, un enfant. Et honnêtement, t’espère ne jamais vivre ce qu’il a vécu.
T’as relancé la conversation sur un sujet plus abordable, même si y a toujours cette liaison avec le passé. Vous avez un autre point commun. Vous avez tout les deux « fuit » votre pays pour tenter de vous reconstruire. La grande différence, c’est que toi, tu connais déjà Bowen. T’es venu là, parce que t’avais besoin de t’éloigner des Etats-Unis pendant un temps. Ou plutôt, t’as flippé à ton retour, lorsque tu as vue que tes parents tentaient d’être là pour toi. Tu les as tellement déçu par le passé que tu ne voulais pas que ça recommence, alors t’es parti. « Je comprends. » lui dis-tu pensif. Tu te rends compte que tu ne connais même pas son prénom mais tu ne veux pas que son visage reste sans nom, comme tout ses inconnus dont tu as un jour croisé la route là-bas. « Comment vous vous appelez ? » tu demandes finalement en regardant le rétroviseur intérieur, sachant que tu croiserais son regard. Ce regard que vous avez en commun, éteint et ternie par les souvenirs douloureux.
Emi Burton
Invité
Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Lun 28 Aoû 2017 - 18:56
S’il avait pu échanger sa place avec celle de sa femme et de ses enfants, il l’aurait fait. S’il avait pu mourir à leur place, il aurait signé dès la première seconde ce pacte avec le diable. Malheureusement, il n’aurait pas pu savoir que ce bateau sur lequel il les avait fait monter allait chavirer, que ces places qu’il avait payées pour un énorme prix, seraient vides avant même d’avoir atteint la moitié du trajet en mer. Naveen avait fait ce qu’il pensait bon, il avait tenté la solution qui lui paraissait la meilleure. Il n’avait pas été le seul à le faire. Bon nombre d’hommes payaient les passeurs pour emmener leur famille jusqu’en Europe, là où peut-être pourraient-ils sauver leur peau. L’erreur de Naveen avait été de ne pas les suivre, de ne pas embarquer dans le même bateau qu’eux. Au moins, là, il aurait été mort, flottant jusqu’aux rives, avec eux. Et il n’aurait pas eu à vivre avec la constante souffrance de les avoir perdus, de les avoir envoyés à leur mort. Il n’aurait pas pu le prévoir, non, mais ça ne l’empêchait pas renvoyer la faute sur lui. Constamment. Après qu’ils aient parlé de la difficile transition pour Naveen, entre la Syrie, la Jordanie puis l’Australie, son client lui demanda finalement son nom. « Naveen. » Répondit-il, son regard déviant encore une fois vers le rétroviseur, croisant celui de son interlocuteur. « Et vous ? » Demanda-t-il à travers le miroir, avant que ses yeux ne se posent de nouveau sur la route qui défilait rapidement depuis qu’ils étaient sur l’autoroute. Ils croisaient fréquemment des pancartes routières sur lesquelles le nom de Townsville était indiqué avec, à côté, les kilomètres restants qui baissaient de plus en plus. « Qu’est-ce qui vous attends, vous, à Townsville ? » Demanda Naveen à Wyatt. Après une telle discussion, une telle ouverture, il se sentait un peu plus à l’aise d’entretenir une conversation légère avec son passager. Il ne lui demandait pas de lui révéler ses plus lourds secrets, au pire il pouvait mentir, Naveen n’en saurait rien. Il se demandait simplement ce qu’on pouvait avoir à faire dans une ville à deux heures de la nôtre, pour une demi-journée.
Invité
Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Mar 29 Aoû 2017 - 0:27
Aller-Retour entre deux mondes
Naveen & Wyatt
Tu mets enfin un nom sur ce visage aux traits marqués. Un nom à la consonance douce et aux origines qui ne trompaient pas. Tu cesses de l’observer à travers le rétroviseur et tu focalises ton attention sur le paysage qui défile à travers la vitre à côté de toi. Les immeubles et les maisons ont laissés places à un paysage quasi-désertique ou l’herbe est de couleur caca-d’oie par endroit. Le taxi file à allure régulière vers le nord sans écart. Naveen est un conducteur prudent et aguerri. Soudain, la voiture fait un violent écart et Tu te colles au fond de ton siège, éberlué et malgré toi un peu effrayé alors qu’il ralentit soudain en appuyant sur le frein. Il regarde derrière alors que tu t’apprêtes à lui dire ta façon de penser. Tu te stoppes et reste finalement silencieux, remettant par la même occasion ton cerveau en route pour réfléchir au pourquoi du comment de son geste. Il a pas risqué l’accident pour rien, tu t’en doutes. Alors tu regardes derrière toi aussi, et tu vois sur la route, ce chat qui se sauve vers le bas côté. Tu comprends mieux sa réaction, sauf que… Il a failli vous foutre tout les deux en l’air pour un chat. Un Chat ! T’as pas survécu à la torture et à l’enterrement vivant dans le désert qu’on t’a fait subir pour crever sur cette route à cause d’un minou, bordel ! Bon, tu reprends des couleurs alors que t’es devenu bien pâle sur le moment. Tu peux comprendre sa réaction après tout, c’est un foutu réflexe qu’il a eu. Et puis, ce pauvre chat n’avait rien demandé. « Et bah. Encore un peu, et on était bon pour appeler un taxidermiste. Sacrés réflexes.» Tu sais pas si l’humour est de mise, mais franchement, sur le moment, t’en as besoin. Et puis, peut-être qu’il ne comprendra même pas ce que tu as voulu dire. Tu te racles la gorge et tu soupires pour te détendre un peu alors que la voiture redémarre. « D’ailleurs, je me demande si ça existe encore ce boulot ? C’est un truc tellement vieillot… Et avec tout les écolos et protecteurs des animaux du coin, j’suis pas sur qu’on en trouves en Australie finalement. » La conversation devient très bizarre, surtout venant de toi. Peut-être que finalement, tu ferais mieux de te taire pour pas passer pour cingler et c’est ce que tu fais d’ailleurs. Tu regardes à nouveau dehors alors que la voiture a repris sa route comme si rien ne s’était passé.
Naveen te demande ce qui t’amènes à Townsville. Tu repenses vite fait à tes grands parents avant de lui répondre en tout honnêteté parce que tu n’as pas grand-chose à cacher. « Ma mère m’a demandé d’aller régler les dernières affaires de mes grands-parents. Le notaire qu’ils avaient, était aussi un de leur ami et il se trouve là-bas. » lui dis-tu calmement, « Comme je suis venu passé quelques temps en Australie, je suis le plus proche pour m’occuper de tout ça. Traverser l’océan Pacifique juste pour deux signatures… Disons que ce n’est pas nécessaire, n’est-ce pas ? » dis-tu en avouant à mi-mots que tu es toi aussi, un ressortissant d’un autre pays. Tu restes un peu pensif en pensant à tes grands-parents. Tu n’as pas pu assister à leurs obsèques et tu t’en veux malgré tout, toujours un peu. « Je peux bien faire ça après tout. » Parce qu’au fond, t’as le sentiment de n’avoir jamais fait quelques chose pour tes grands-parents, ou même tes parents. Juste leur causer des soucis et des inquiétudes parce que tu as choisi de t’engager. Parfois, tu as l’impression d’avoir usurpé l’identité de quelqu’un d’autre, toi le petit délinquant de Chicago. Toi, la déception de tes proches qui est devenu à leurs yeux un héros de guerre. C’est peut-être aussi pour ça que t’es parti. Parce que t’as eu peur qu’en retournant vivre à Chicago après quinze ans d’absence, le gosse rebelle et provocateur fasse à nouveau surface et détruise tout ce que tu es devenu.
Emi Burton
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Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Mar 29 Aoû 2017 - 13:18
Alors que Naveen avait renvoyé la question à son client, en ce qui concernant son prénom, ce dernier ne répondit pas. Son regard avait quitté le rétroviseur pour se poser sur le paysage à sa droite. Naveen se racla la gorge, gêné, et trop mal à l’aise pour poser de nouveau sa question. Il ne savait pas si l’homme ne l’avait tout simplement pas entendu, ou si pour une raison quelconque il ne désirait pas donner son nom à l’étranger. Naveen avait pu en voir de toutes les couleurs, au niveau des réactions des gens face à lui. Sauf que dans le cas de son client, il préférait pencher pour la première option, parce que jusqu’à maintenant il ne s’était aucunement montré hostile, au contraire. Malgré cela, Naveen continua à entretenir le silence, ne voulant pas s’imposer davantage dans une conversation qui n’était peut-être pas désirée. Il se concentra sur la route, conduisant prudemment mais assez rapidement aussi, respectant bien sûr les limites mais dépassant ceux qui roulaient bien en-dessous. Une quinzaine de minutes s’étaient sans doute écoulées quand un chat sauvage, sorti de la lisière de la forêt, se précipita devant la voiture. Conscient de sa position et des voitures autour de lui, qui étaient assez loin, Naveen exécuta une manœuvre violente et précipitée, pour éviter l’animal qu’il vit fuir l’autoroute une fois derrière eux. Naveen souffla, avant de se tourner brièvement vers son client, le temps de lui dire : « Je suis vraiment désolé. Rien de mal ? » Demanda-t-il en reposant son regard sur la route, reprenant une bonne allure, bien aligné entre les lignes blanches peinturées sur l’asphalte. « Un taxidermiste ? Qu’est-ce que c’est ? » Il aurait connu le mot en arabe, mais son anglais n’était pas encore parfait – loin de là d’ailleurs -, il ne pensait pas avoir déjà entendu ce mot. Et dans ce contexte, difficile de savoir à quoi il faisait référence. L’homme le lui expliqua, et Naveen hocha la tête avec un sourire. « C’est une bonne question. Après, y’en aura toujours pour payer de bons prix pour en avoir. Des collectionneurs, par exemple. » Supposa-t-il en haussant les épaules. Son cœur, agité par sa manœuvre faite plus tôt, commençait à retrouver son rythme normal. Naveen passa une main dans ses cheveux et demanda finalement à l’homme ce qui l’amenait à Townsville pour la journée. « Ce serait un bien long voyage pour de la paperasse légale, c’est vrai. » Il sourit. « Je suis navré pour vos grands-parents. » Ajouta-t-il. « Vous venez d’où ? » Demanda Naveen, ayant bien retenu dans cet échange que l’homme n’était pas d’ici, qu’il n’y était que de passage.
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Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Mar 29 Aoû 2017 - 22:56
T’as fini par te remettre de tes émotions et récupérer un peu des couleurs. Le chat sauvage s’est enfuit dans les broussailles, bien vivant. Toi, t’as juste manqué de faire une attaque, mais tout va bien. Naveen se concentre à nouveau sur la route, et après avoir repris tes esprits, tu lui réponds « Non, non, ça va, tout vas bien » Tu te vois mal avouer que tu as manqué de te pisser dessus tellement t’as eu la frousse. Faut dire que c’est pas habituel comme frayeur pour moi, et c’est vraiment bizarre qu’une situation si… ordinaire m’est fait cet effet.
Tu lui explique ce qu’est un taxidermiste, et tu souris lorsque tu vois qu’il prend cette conversation presque au sérieux. Ce qui devait être au départ juste une remarque humoristique tourne à la discussion sérieuse. « C’est plutôt bizarre comme métier. Je ne comprends pas vraiment l’intérêt d’empailler des animaux. » commentes-tu pensif. Ca ou tout autres choses d’ailleurs. Quand tu sais que des chasseurs traquent des animaux en voie de disparition pour les empailler et les afficher fièrement sur un mur, tu reconnais que l’humanité a pété un boulon, et pas qu’un petit.
Quand il te demande d’où tu viens, tu réalises qu’avec ce qui vient de se produire, tu as oublié de te présenter lorsqu’il te l’a demandé. Tu t’empresses donc de te présenter un minimum avant de poursuivre la conversation. « Je m’appelle Wyatt. » Te présentes-tu. Quant-à d’où tu viens, c’est plus compliqué. T’as beaucoup bougé depuis que tu t’es engagé et avant ça ? Et bien, t’a vécu à plusieurs endroits, alors c’est difficile à dire. « Des Etats-Unis. Je suis américain par mon père et australien par ma mère. » tu expliques rapidement. « Merci, mais vous savez, ils ont eu la chance de vivre une belle vie dans un pays sans conflit. Alors moi, je ne suis pas navré. Je suis heureux pour eux en fait. Ils ont bien vécus » tu lui avoues a mi-mots, « J’ai pas vraiment de « lieu » d’attache…. J’ai beaucoup bougé depuis que… depuis que j’ai dix-huit ans. » tu termines par lui répondre évasif. Tu ne sais pas si c’est une bonne idée de lui parler de ton boulot parce que tu entends souvent que ce sont les interventions militaires américaines qui cause le plus de dégâts. Tu t’en es rendu compte depuis que tu as quitté le terrain il y a quelques mois. Pourtant, après avoir tenté de camoufler ton métier, tu te rends comptes que ce n’est pas honnête. Lui l’a été envers toi. Et puis, tu n’as rien à te reprocher et s’il faut poursuivre la conversation, autant continuer à être honnête et jouer cartes sur table. Si Naveen estime que vous n’avez plus rien à vous dire, libre à lui. « J’étais militaire. J’ai été démobilisé il y a quelques mois après une mission qui a mal tournée, en Irak. Dès que j’ai pu sortir de l’hôpital, j’ai eu besoin de m’éloigner pour…. Essayer de me reconstruire. Je suis venu ici. » Voilà, tu lui as tout dis, ou presque. T’as pas jugé utile de parler de la Syrie, puisque tu n’y as pas été. Maintenant tu attends. Tu guettes sa réaction à travers le rétroviseur, appréhendant un peu la suite du voyage.
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Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Ven 1 Sep 2017 - 0:41
En Australie, des animaux, il y en avait qui traversait les autoroutes à tous les jours. Naveen n'avait pas vraiment eu le choix de travailler sur ses réflexes. Toutefois, habituellement, il arrivait à les éviter sans trop déranger à l'arrière du taxi mais là, visiblement, son client avait été pris par surprise. Le trentenaire s'était donc empressé de s'excuser, ne voulant pas donner mauvaise impression sur sa conduite. D'ailleurs, dès qu'il fut assuré que l'homme n'avait rien eu de mal, il se concentra de nouveau sur la route et resta aux aguets. L'homme revint sur le sujet de l'animal, mais plaisantant cette fois sur ce qui aurait pu arriver en cas d'accident : faire appel à un taxidermiste. N'ayant pas ce mot dans son vocabulaire, Naveen s'intéressa à la signification, et sourit en l'apprenant. « Pour les décorations, peut-être. À mes yeux, c'est plutôt cruel, mais bon ... » Bien des actes humains étaient cruels et pourtant, on continuait à tous les jours à en être témoins. L'Homme pouvait se montrer barbare, parfois. Trop souvent. Que diraient les hommes si on les empaillait pour les exposer dans des maisons ? C'était horrible, et c'était pareil pour les animaux. Ce ne serait toutefois pas aujourd'hui que Naveen défendrait ce point. Il avait d'autres combats. Le syrien demanda à son client son pays d'origine, puisqu'il mentionnait ne pas être australien. Par la même occasion, il lui donna son nom. Wyatt. Il pouvait enfin, à son tour, mettre un prénom sur le visage. Ce serait plus facile pour les prochaines conversations de la journée. L'interpeller comme étant monsieur ne le dérangeait pas, mais c'était bien formel. Il venait des États-Unis. Naveen hocha la tête, des dizaines de réflexions se bousculant dans sa tête. Il ne dit rien, se montrant plutôt navré pour ses grands-parents. Mais, comme disait Wyatt, ils avaient eu la chance de vivre une belle et bonne vie. C'était plutôt rassurant. « C'est une belle façon de le voir. » Avait dit Naveen, partageant ce sentiment. Si seulement tout le monde pouvait vivre une paisible et longue vie comme eux. L'homme se montra ensuite bien vague quant aux endroits qu'il avait habités par la suite, depuis ses dix-huit ans. Il n'était pas doué avec les âges, surtout pas chez une autre ethnie que la sienne, mais l'homme semblait bien loin de ses dix-huit ans, maintenant. Il ne tarda pas à lever le rideau sur le mystère, apprenant à Naveen qu'il avait été militaire en Irak. Il hocha la tête, mais ses mains s'étaient crispées sur son volant. Son regard demeura fixé sur la route, évitant les yeux de Wyatt qui le regardaient dans le miroir. « Je vois. » Il garda le silence un moment, un long moment. « Les soldats américains sont également en Syrie. Ils essaient d'aider, mais leurs frappes tuent constamment des civils. Mais ça, on le mentionne pas trop. » Releva Naveen, l'air grave. Certes, aucune résolution pacifique de ce conflit ne semblait se dessiner à l'horizon, mais il était bouleversé que certains innocents devaient perdre la vie aux mains d'acteurs étrangers, pour, peut-être, atteindre un équilibre.
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Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} Ven 1 Sep 2017 - 21:22
Tu es d’accord avec lui, ce n’est que de la cruauté et rien de plus et tu ne comprends pas comment on peut faire ça à des créatures qui n’ont rien demandés. Tu acquiesces à ce qu’il dit, et la conversation déviât sur un sujet beaucoup plus sensible. Celui de ton passé, celui de son passé. Tu t’es présenté à lui et tu as fini par lui révéler le métier que tu as exercer avec une certaine appréhension ; Tu guettes sa réaction parce que tu sais qu’elle sera décisive pour le reste de la route. Mais tu devais être honnête avec lui, tu en avais besoin, parce que jouer double-jeu, ça te convient pas. Tu peux pas changer le passé de toute façon, et tu sais parfaitement que tu ne changerais rien à ta vie, même si ce que tu as vécu est inimaginable. Comme lui d’ailleurs.
Il y a d’abord le silence. Un silence de mort, pesant, qui règne à l’intérieur. Tu ne fais rien pour le briser, tu attends. C’est pas à toi de parler de toute façon. Tu ne vois pas Naveen qui se tend. Tu ne vois pas non plus ses mains qui se crispes sur le volant. Tu es trop en retrait pour ça. Par contre, tu as remarqué son regard qui fuit le tiens. Il ne regarde plus dans le rétroviseur et tu penses que la conversation est définitivement close. Tu peux comprendre sa réaction après tout, ce n’est pas la première fois qu’on te juge sur le fait que tu es militaire, et Naveen à des raisons d’avoir des aprioris, lui qui a subi la guerre.
Par respect, tu cesses de regarder le rétroviseur. Tu as saisis le message. Il reste encore un long moment avant d’arriver à Townsville, la route sera longue, ou pas. La voix de Naveen s’élève et tu sens une certaine tension, peut-être une amertume face à ta révélation. Il t’annonce qu’il y a des américains en Syrie, mais ça, tu le sais déjà. Tu comprends le reproche à peine voilé sur les frappes aériennes. Tu restes silencieux. T’es militaire et tu ne vas pas remettre en question les décisions de tes supérieurs. Pourtant tu comprends ce que veux dire Naveen. « Je sais. Mon unité a failli s’y rendre. » Admis-je calmement. Quelques jours avant d’être envoyer en Syrie, les ordres de missions avaient changés et nous étions partis pour l’Irak ou la configuration du terrain correspondait mieux à une unité au sol, surtout une unité comme la mienne . Les rangers avaient principalement pour but de s’aventurer les premiers dans les lieux non-contrôlés, en reconnaissance et en dégagement de terrain pour les blindés et autres unités derrières.
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Sujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}