Lily-Anaëlle (+) la vie n'est pas un long fleuve tranquille

Tu approchais de ton septième mois et tout se passait bien. Le bébé ne s'était pas encore retourné mais il ne fallait pas paniquer, ça pouvait encore arriver. Il fallait que tu marches, que tu essayes de le stimuler. Tu avais aussi des positions à prendre à la maison, tu devais avoir l'être d'être une baleine étrange mais ça t'était bien égal. Tu étais tellement heureuse que rien ne pouvais plus t'atteindre. Tu décidais en cette belle journée d'aller marcher dans la ville, de te promener un peu, ça ne pouvait te faire que du bien. Il y avait un parc au loin, la promesse d'un banc où tu pourrais te poser un peu. C'était bien gentil de te dire de marcher, mais tu avais quand même un poids dans le ventre et ça tirait sur tes muscles du dos. Tu passais au détour d'un arbre, remarquant une silhouette qui te fit sursauter, tu ne l'avais pas vu au début. Tu voulais manifester ta présence parce que sinon tu allais passer à côté de lui et tu allais sûrement lui faire faire une crise cardiaque. Bon sûrement pas puisqu'il paraissait jeune et en bonne santé. En dépit de tout, tu n'avais pas eu le temps de parler, il avait comme ouvert les yeux en lâchant un léger cri de stupeur. Toi qui voulait le prévenir de ta présence pour ne pas avoir ce genre de réaction, on pouvait dire que c'était raté. Et pas qu'un peu. « Un coup entre les deux yeux ? » Tu essayais de comprendre comment c'est possible, il était assis contre un tronc d'arbre, tu étais debout près de lui et il y avait ton ventre qui faisait office de barrage. C'était ça d'être enceinte. Sauf s'il comptait te lancer un caillou mais viser entre les deux yeux, ça devait demander une certaine dextérité. « Et la tienne ne t'a pas appris à ne pas te cacher pour surprendre les gens ? » répondais-tu du tac au tac. Tu semblais même surprise de ce qui venait de se passer. Tu n'étais pas méchante, mais tu l'avais dit assez froidement. En tout cas, moins chaleureusement que tu ne pouvais l'être d'habitude. Et puis tu l'avais tutoyé en parlant de sa maman. C'était comme un sacrilège pour toi. En moins d'un instant, tu étais toute retournée par la situation actuelle. « Pardon, je n'aurais pas dû parler ainsi.. » bafouillais-tu, les joues rouges. Tu avais baissé le regard et tu n'osais pas à nouveau regarder le jeune homme. Tu ne savais pas si c'était les hormones ou quoi mais ça te faisait peur. Et si jamais tu devenais méchante et mesquine ? Tu ne connaissais pas ces sentiments, tu ne savais pas ce que c'était de se fâcher sur les autres juste pour se sentir supérieur. Tu étais une boule de bonté et de gentillesse que cet élan n'était pas naturel chez toi, pourtant, il était venu comme ça, d'un coup.

Il s'était relevé pour te faire face, te disant de ne pas t'excuser si c'est ce que tu pensais dans le fond. Jamais tu ne pourrais penser une telle chose en étant saine d'esprit, mais tu étais enceinte, bourrée d'hormones à la con qui modifiait sans arrêt tes émotions et en plus de ça, les amplifiaient. Il glissait ses doigts sous ton menton pour te relever le regard, tu te laisses faire, un léger sourire en coin des lèvres. « Je.. » Tu voulais t'offusquer mais tu ne le pouvais pas, tu t'arrêtais net. Ce serait une perte de temps, tu allais sûrement fondre en larmes à cause des hormones et il allait partir dans la seconde. Ce n'était pas vraiment ce que tu avais dans la tête. Il te demandait ton nom et tu hochais la tête. Il prit la parole pour se présenter et ça faisait remonter des souvenirs dans ton esprit. « Lily-Anaëlle Hadley, on était ensemble en moyenne section je crois et on s'est suivi jusqu'au lycée à peu près. » Mais à ses yeux tu devais avoir été invisible. Tu étais le genre invisible, toujours le nez dans les bouquins. Tu ne faisais pas attention aux garçons, rien n'avait plus d'importance pour toi qu'un livre. Toi, tu te souvenais de lui, tu te souvenais de nombreux de tes camarades de classe, parfois tu les croisais au détour d'un rayon dans le supermarché et il t'arrivait de discuter avec eux. « Enfin, maintenant c'est Malinowski. » Et oui, tu étais mariée, il ne fallait pas l'oublier. De toute façon, vu sa façon de se tenir et de te parler, il n'était pas du tout à la recherche d'une conquête amoureuse. Mais tu voulais quand même posé les murs de ton côté, pour son information, sachant très bien que rien de grandiose arriverait. « Novembre, si tout va bien. » C'était une éventualité qui ne te plaisait pas du tout mais qu'il fallait imaginer. Après tout, arriver à sept mois de grossesse, il pouvait y avoir la possibilité d'accoucher à tout moment. Mais ce ne serait pas aujourd'hui, aujourd'hui c'était une bonne journée, ça tu le savais.