(Kaby) whispers in the dark

Il est tellement difficile de rester seule. De rester stoïque surtout. On m’a laissée sortir de l’hopital uniquement sous réserve que j’aille voir un psy. Je me rendais donc au cabinet sans parler. Toujours en compagnie de Zéro car nous ne formions qu’un. Ce soir, je l’avais pris juste pour faire une promenade. Je n’avais pas spécialement envie d’aller dans un bar. Je sais que je m’y rendais pour remplir le vide que j’avais en moi depuis la mort de Sally. Mais ce soir pour la première fois depuis des semaines, je n’en avais besoin. Une cigarette aux lèvres, le chien en laisse dans une main, je me promenai dans les rues de Bowen. J’avais la musique dans les oreilles ce qui fait que je n’ai pas entendu les bruits. Mais des mecs sont passés à côté de moi en courant, manquant de me renverser au passage. « What the… ? » Je retire mes écouteurs tandis que Zéro tire plus que d’habitude. Cavalier King Charles, chien fait pour la chasse. Nous débouchons sur une ruelle assez sombre. Ok, si nous étions dans un film d’horreur, Freddy Krueger serait déjà sorti pour nous dépecer et bouffer mon chien. Mais nous sommes dans la réalité. Je sors mon téléphone pour en allumer le flash et chercher un quelconque motif à la fuite des malfaiteurs. Et je la trouve en voyant des pieds au sol. « Oh putain. » Je lâche mon chien qui par automatisme s’assoit et attend. Je lui jette un regard avant de me jeter sur l’inconnu. Je baisse le téléphone pour ne pas l’aveugler avant d’attraper sa main. Je cherche un pouls. Comme quoi jouer dans une série médicale, ça aide. « Monsieur, monsieur est-ce que vous m’entendez ? » Je le détaille un peu grâce à la lumière des réverbères. Il a l’air en piteux état. Mais je savais de source sûre pour avoir grandi dans un clan que les mecs n’aiment pas les hôpitaux. « Je m’appelle Ruby. Je suis là pour vous aider, murmurai-je d’une voix douce. » Est-il seulement conscient ? Et je n’ai pas pris ma voiture. Merde. « Je vais passer votre main autour de mon épaule et on va tenter de vous redresser, ok et je vais… Je vais vous emmener dans un endroit sûr au cas où ils reviendraient. » Mon chien n’est pas réellement un molosse et je suis assez chétive. Pas assez téméraire pour me battre contre ses agresseurs s’ils venaient finir le travail. Avec une infime douceur, je continue de caresser sa main, espérant un quelconque signe de vie de sa part. Car s’il ne se réveillait pas, je n’arriverai pas à le soulever. Il doit avoir une bonne masse musculaire et du haut de mon mètre soixante, nous n’irions pas loin.

Ce métier comporte des risques. Karel l'avait toujours su et il avait toujours agi en conséquences d'ailleurs. Mais cette fois là il avait fait une erreur qu'il était entrain de regretter amèrement, là, étendu sur son sol. Il n'avait pas prévu que sa cible l'attende au tournant. Il avait été pris dans un piège et laissé pour mort dans cette putain de ruelle. Mais ce qu'ils allaient regretter, c'est de l'avoir laissé là alors qu'il respirait encore. Faiblement, certes, mais il respirait. Alors qu'il était entrain de se demander comment il allait pouvoir se sortir de cette merde, elle entendit des pas sur le pavé. Peut-être que c'était pour cela qu'ils s'étaient tirés sans le tuer. Il sentit qu'on lui prenait la main mais ses yeux étaient fermés et il était incapable d'identifier la personne qui semblait vouloir l'aider. A moitié sonné, il avait d'ailleurs du mal à vraiment comprendre ce qu'on lui disait, et encore plus à répondre. Le premier signe de vie que donna Karel fut un espèce de râle in compréhensible. Si en temps normal il aurait refusé une quelconque aide pour ne mettre en danger personne, aujourd'hui il n'était pas vraiment en mesure de refuser quoique ce soit. Il sentit que sa sauveuse, parce que plus elle parlait plus il identifiait clairement que c'était une voix de femme, le redressait.

-Deux... minutes.

Alors qu'il était passé de la position allongée à plus ou moins assise, il sentait sa tête tournée quelque peu. Après quelques secondes à attendre que les choses se remettent à peu prés en place, il leva les yeux vers sa sauveuse. Au milieu de tout le flou, il ne reconnaissait que ses cheveux flamboyants.
Essayant de s'appuyer à moitié sur ses jambes, à moitié sur son épaule, il réussit maladroitement à se relever, chancelant.

-Je... risque de... vous casser.

Il la voyait flou, mais il sentait bien qu'elle n'était pas très grande, et il craignait qu'elle ne soit pas très robuste non plus.

C’est bien le genre de Zéro de trouver quelqu’un à moitié mort dans une ruelle. Si j’étais une femme méfiante, je pense que je ne serai même pas venue mais me voilà qui m’avance à pas feutré, le téléphone dans la main pour repérer des pieds. Merde. Je serai tentée de mettre un coup de pied dedans mais à la place je m’agenouille, vérifiant que mon chien est bien immobile. Je tapote ma cuisse pour lui faire signe d’approcher. Au cas où, j’ai un molosse à mes côtés. Pour me défendre. J’attrape la main de l’homme pour tâter son pouls. Il est en vie. J’ai un soupir de soulagement avant qu’il n’émette un râle qui me fait sursauter. Il reprend connaissance, je me décale un peu pour lui laisser de l’air avant dégager mon visage. Je serai tentée d’évaluer les dégâts avec le flash de mon téléphone mais je n’avais pas envie de l’aveugler. « Prenez votre temps, nous ne sommes pas pressés, soufflai-je d’une voix doucereuse. » Je tenterai bien de sourire mais nous sommes dans le noir et il n’a pas encore ouvert les yeux. L’inconnu se redresse péniblement et je passe une main dans son dos pour éviter qu’il ne retombe. Pour ça, je dois me pencher en avant. J’essaie donc de ne pas lui mettre mes cheveux dans la figure en grimaçant. Je passe son bras autour de mon épaule avant de l’aider à se relever. Je tangue un peu sous son poids et sa remarque me fait sourire. « Vous savez, je viens d’Ecosse, j’en ai porté des plus lourds. » Péniblement, je l’aide à avancer avant de siffler Zéro qui nous suit. « C’est mon chien. Un vrai doberman si jamais vos assaillants reviennent il leur arrachera les jambes à ses enfoirés. » Je déteste qu’on s’en prenne à un homme seul. Il ne s’agit là que de la lâcheté. Je fais signe pour appeler un taxi avant de me tourner vers mon blessé. « Va falloir se baisser, murmurai-je, ça va aller ? » Je penche légèrement la tête vers lui, essayant de m’accroupir petit à petit pour l’aider à entrer. J’espérai juste ne pas finir sur les fesses comme une gourde.

Pas pressés ? En réalité, plus tôt ils seraient partis d'ici, mieux ce serait, mais à vrai dire, il ne pouvait pas se déplacer plus vite. Il avait déjà bien de la chance de ne pas être livré à lui-même parce qu'il aurait été capable de se laisser mourir.
Finalement, il arrive à se relever, grâce à son aide. Il n'est pas vraiment sûr qu'ils arrivent à marcher jusqu'à un endroit sûr, comme elle l'a mentionnée, mais au moins l'espoir est permis. Sa remarque fait sourire Karel mais l'effort transforme bien vite la mimique en grimace.

-J'espère que... vous avez su esquiver les vomis.

Parler était encore laborieux, mais il avait le sentiment que ça s'améliorait un peu. Sa mâchoire était sans doute amochée, mais pas cassée, ni déplacée, seulement douloureuse.
Karel n'avait pas aperçu le chien, mais il voulait bien croire sa sauveuse. Seulement il savait d'expérience qu'un chien ne faisait pas toujours le poids contre un groupe d'hommes armés.

-Ca m'embêterait... s'il lui arrivait quelque chose.

Ils n'eurent pas à avancer trop longtemps, la sauveuse le fit entrer dans une voiture, de façon assez laborieuse mais il réussirent sans qu'il ne s'assomme avec la portière. Une fois ses fesses assises sur la banquette, il chercha à caler sa tête qui tournait toujours un peu contre l'appuie-tête. Il n'avait aucune idée d'où ils se rendaient, mais la situation pouvait être difficilement pire alors autant faire un tant soit peu confiance à cette femme.

Mon regard se pose sur l’inconnu. Il a besoin de soins évidents. Et donc, j’’essaie de le bousculer avec douceur. Je ne voudrais pas que ses assaillants reviennent et achèvent leur travail. Je ne connais pas ce mec, ni d’Eve, ni d’Adam mais pourtant, je ne pouvais pas le laisser là. Parlons de Karma, de bonté, de naïveté. De crédulité. Je n’en ai aucune idée. Je me baisse un peu plus pour lui permettre de se mettre debout. « Ouais ne vous inquiétez pas. » J’ai répondu d’une voix assez simple, assez douce comme une caresse. Je ne prends pas le temps de le regarder, de le détailler. Déjà car ça serait malvenu mais en plus car sous cette couche de sang, il devait y avoir quelqu’un d’autre. Poser des questions ? Essayer de savoir pourquoi il est là. Pour quoi faire ? S’il voulait en parler, il en parlerait sinon rien ne l’obligeait à le faire. On parle difficilement de Zéro et mon chien nous suit docilement. « Il ira très bien. » Je l’aide à se glisser sur la banquette arrière du taxi. J’aurai pu appeler un Uber mais j’aurai dû répondre à des questions. Je veille à ce qu’il soit bien installé, je l’attache et j’attends qu’on nous dépose devant mon hôtel. Quelques temps après et un mal d’épaules plus tard, je l’assois sur un fauteuil assez confortable avant d’aller chercher mon nécessaire de soins. « Racontez-moi un truc anodin. Il ne faut pas que vous perdiez connaissance le temps d’une journée pour vérifier que vous n’avez pas de commotion cérébrale. » J’attrape une chaise avant de m’asseoir face à lui avant d’humidifier mon linge avec de l’alcool oxygéné. « Ça risque de piquer un peu, murmurai-je. »

Après un moment assez pénible et chaotique, Karel se retrouva dans ce qui devait être la chambre d’hôtel de son sauveuse. Il n’était déjà plus sûre de son nom. Pour faire bonne impression c’était plutôt raté. Enfin, être retrouvé dans la rue couvert de bleu et de sang, ce n’était déjà pas un bon début, pour faire bonne impression.

-Vous êtes infirmière ? Ou quelque chose comme ça ?

Il se demandait comment elle savait toutes ces choses. Même si lui avait appris à se soigner lui-même, enfin, sommairement, pour ne pas avoir à aller à l’hôpital, il ne pensait pas que c’était quelque chose de courant.
Elle le prévint ensuite que ça risquait de piquer. Karel ne put retenir un léger rire qui le fit souffrir des abdos, qu’on lui avait visiblement réduit en bouilli.

-Faut pas vous inquiétez pour ça. Je dirais bien que j’ai l’habitude, mais ça risque de vous effrayer, non ?

Il ne voulait pas passer pour quelqu’un qui se retrouvait régulièrement dans cet état-là. Elle risquait de regretter de l’avoir emmener jusqu’à chez elle, si ce n’était pas déjà le cas.
Il y avait toujours cette histoire de raconter quelque chose d’anodin, mais dans son esprit embrumé, Karel ne trouvait pas grand-chose d’intéressant à dire.

-Je sais pas vraiment de quoi vous parler. Vous n’avez pas une piste à me donner ?

Je sentais mes vertèbres qui craquaient de plus en plus au fur et à mesure que l’homme s’affaissait. Il n’allait pas tarder à perdre connaissance. Je soupire avant de l’asseoir sur le rebord de mon lit pour masser ma nuque. Il y avait avoir du sang partout mais bon, l’avantage d’habiter dans un hôtel : on ne pose pas de question et surtout on ne fait pas sa lessive toute seule. « Je suis actrice. Pas très bonne mais j’ai joué une infirmière et comme je suis perfectionniste. » J’attrape doucement un coton avec de l’alcool pour désinfecter les plaies et voir l’étendue des dégâts. Il avait l’air séduisant sous ses contusions. Du moins, il avait un visage assez fermé et avec son accent, on pourrait deviner qu’il n’était pas australien. J’inspire en posant le linge humide pour commencer à retirer la crasse de son visage avec attention. « Ce que vous faites de votre temps libre ne me regarde pas. Je n’aime juste pas voir une personne dans le besoin et que les gens ne fassent rien. » j’avais dit ceci d’une voix qui se voulait détacher mais ne l’était pas. J’avais récemment flirté avec la mort et je me savais irrépressiblement attirée à elle pour rejoindre les miens. Seulement trop de personnes comptaient sur moi et je ne voulais plus les décevoir. « Vous devez bien avoir un passe-temps, quelque chose qui vous raccroche à la vie… ? » Je dis ceci d’une voix douce avant de plonger à nouveau le gant dans l’eau pour le regarder, en inclinant la tête. « Je ne comprendrai jamais les gens qui frappent au visage, c’est tellement mesquin. Enfin bon, j’ai fait le plus gros, vous devriez aller prendre une douche pour que je puisse voir si vous avez d’autres contusions. Rassurez-vous, je ne vous drague pas, je ne suis pas trop branchée gueule cassée. »

Actrice, il était donc dans la chambre d'une star de cinéma. Parfait. Est-ce qu'il aurait pu imaginer pire scénario ? Il en n'était pas sûr lui-même.

-Je pensais que c'était une légende, les actrices modestes.

Il n'essaya même pas d'esquisser un sourire, il aurait été capable de se faire mal. Il se demanda alors s'il y avait une chance qu'il l'ait déjà vu dans une série.

Elle commença à lui nettoyer le visage, et le désinfecter sans doute dans le même temps sans qu'il ne dise rien. La pauvre, elle avait une tâche bien ingrate.

-J'espère que ça ne vous perdra pas.

Elle semblait être une femme gentille, peut être même trop. Et elle ne semblait pas s'en rendre compte, mais ce soit elle aurait pu tomber sur quelqu'un qui lui aurait voulu du mal. Karel ne lèverait jamais la main sur un innocent, il priait juste pour qu'ils tiennent leur langue, mais il en connaissait d'autres qui avaient peu de scrupules pour les victimes collatérales.

-Ouais, on peut dire que j'ai un passe temps. Mais je n'en parle pas trop.

Il leva, enfin, comme il le pouvait, le regard vers la rouquine. Il parlait rarement de la danse de salon. C'était son jardin secret, un petit secret honteux quelque part. Et pour ce qui le raccrochait à la vie... Et bien, il ne voulait juste pas mourir.

Il se retint de rire alors qu'elle se justifiait de ne pas le draguer. Le contraire aurait presque été glauque dans cette situation. Qui ramasse quelqu'un d'à moitié mort pour le mettre dans son lit ? Ca s'approchait un peu de la nécrophilie, même s'il était encore bien vivant.

-Je vais essayer d'aller tout seul jusqu'à votre douche. J'espère ne pas trop salir sur mon passage.

Il se leva donc, Marchant assez difficilement vers ce qui ressemblait à une salle de bain. Ne pas tomber, surtout, ne pas tomber. Il se retenait au mur comme il le pouvait. Il réussit à arriver jusqu'à la douche, faisant couler l'eau tout en se tenant au mur. Il fallait au moins qu'il se nettoie sommairement. C'était la moindre des choses. Mais aussi qu'il ne perde pas ses esprits.

Je souris même s’il ne le voit pas. J’inspire doucement tandis que je l’assois avec une infime douceur. « Nous ne sommes pas toutes des monstres d’égocentrisme. A vrai dire, je déteste qu’on regarde mes films ou mes séries. Ça me met mal à l’aise. » Sans doute à cause de ma timidité maladive. J’étais ravie que cet homme ne m’ait pas encore vu car il détalerait sans doute comme la moitié de la gent masculine. Je ne suis pas vraiment un canon de beauté et lui était réellement en piteuse état. Je commence doucement à lui nettoyer le visage, ôter le sang qu’il y a et essayer de le désinfecter et d’y déposer de l’arnica. Je ne voulais pas qu’il souffre trop et je n’avais pas de morphine chez moi. « Jusque-là, ça va. Personne ne m’a jamais agressée, ni tapée dessus. » J’ai juste perdu toute ma famille ainsi que ma sœur jumelle. « Vous pouvez m’en parler si vous voulez, murmurai-je d’une voix trop fluette, je suis une tombe. » Pour cause que dès que j’ouvrais la bouche, je bégayai comme une débile. Donc on ne comprenai pas grand-chose. Je l’aidai à se mettre debout pour l’inviter à aller se doucher. « La femme de ménage nettoiera au pire. » Je le regarde s’y diriger avec attention avant de me lever pour détacher mes cheveux et ôter mes vêtements tachés de sang. Ils étaient bons pour la poubelle. J’enfile un tee-shirt assez simple ainsi qu’un pantalon de yoga pour savoir si mon ami improvisé allait bien. Et lui apporter des serviettes. Je toque mais n’obtiens aucune réponse. « Excusez-moi, je vous… enfin j’amène des serviettes. » Pas de réponses. Je m’approche du rideau de douche, butant sur les vêtements qui étaient bon à jeter. Puis je me saisis du rideau de douche mais il me prend de vitesse. Et mes yeux sont attirés par… « OH PARDON ! » Je me sens devenir pivoine avant de déguerpir de la salle de bain, me coller contre le mur pour retenir mon fou rire. Ok, ce mec avait tout de Tarzan jusqu’à la musculature parfaite. « Et merde ! »

Si Karel avait pu, il aurait arquer un sourcil à cette remarque. Il concevait assez bien qu'on n'apprécie pas se donner en spectacle mais dans ce cas... Qu'est-ce qui l'avait poussé dans cette voie ? Si elle n'avait pas envie qu'on la regarde, si elle était trop timide, il imaginait mal qu'elle puisse avoir un tant soit peu de succès, et donc avoir joué dans plusieurs séries ou films. Ou bien alors elle avait eu des rôles très secondaires.

-C'est vos parents qui vous ont poussé dans le domaine du cinéma ?

Il se laissa faire sans broncher alors qu'elle nettoyait, désinfectait et passait de la pommade. On pouvait dire qu'il était plutôt chanceux. Si elle n'avait jamais été agressée pour avoir porté secours à quelqu'un, c'était plutôt rassurant. Au moins ça voulait dire qu'elle n'était pas connue du milieu.
Il esquissa un léger sourire alors qu'elle promettait d'être une tombe. Il n'en doutait presque pas.

-Peut-être qu'un jour je vous révélerait mon petit secret alors.

Alors que le tueur à gages était sous la douche, les yeux clos, laissant l'eau chaude le mettre dans une espèce de transe, à demi conscient, il n'entendit pas son hôte entrer. Le sommeil lui ferait sûrement le plus grand des biens. Même si, là, tout de suite, ce n'était pas forcément l'idée du siècle. Me valait qu'il ne tombe pas dans le coma. Le bruit d'une chute le tira de ses pensées, et, par réflexe, il voulut rattraper la rouquine qui tombait. Elle se mit alors à rougir et s'excusa avant de s'enfuir hors de la salle de douche. Il eut un léger sourire amusé, enfin, autant que ses douleurs ne le permettait.

-Vous ne vous êtes pas blessée ?

La mention de mes parents me fit déglutir. Mes gestes devinrent sans doute moins doux qu’avant. Je secouai la tête sans qu’il ne puisse le voir avant de poser un pansement sur l’une des nombreuses plaies. « N… non… ma sœur… enfin ma j… j… jumelle. » Et merde ! Moi qui pensais avoir fait des progrès considérables en une soirée, me voilà revenue à la case départ. Avec ce stupide bégaiement. Je pourrais bien entendu mentionner la mort de ma famille mais à quoi bon ? Ce mec semblait avoir assez de soucis pour toutes les personnes réunies à Bowen. J’inspirai alors pour reprendre la parole. « Décidément, je ne cautionnerai jamais la violence. Ces mecs ne sont que des lâches, j’espère qu’ils moisiront dans une prison ! » Je trempai mes doigts dans de l’arnica avant de constater que c’était un bel homme. Du moins, il le semblait sous cette couche de sang séché et les quelques bandages que j’avais mis sur l’ensemble de son visage. Je m’aventurerai pas du côté de son corps étant trop timide pour oser aller jusque là et chacun avait son territoire. « Je vous promets que je ne le répèterai à personne, ajoutai-je dans un murmure. » Puis, je le laissai se rendre dans la salle d’eau avant de m’assoir sur le lit avec mes animaux. Les chats me jugeaient, je le savais. Je ramenai sans doute trop d’hommes dans ma chambre. Après trop de minutes, je pris peur que mon visiteur surprise ne se soit évanoui sous la douche. Aider quelqu’un à marcher était une chose, porter une masse morte en était une autre. Après avoir frappée et ne pas avoir reçu de réponses, je pénétrai dans l’endroit pour ne recevoir aucune réponse. Ce n’est qu’après qu’il ait tiré le rideau de douche et que mes yeux se posèrent à un endroit non désiré que je compris mon erreur. Trébuchant et manquant de m’ouvrir le crâne, je quittai la pièce pour aller me réfugier contre le mur. Mon cœur battait sans doute trop vite et je devais être rouge comme une tomate. « Je vais bien. » Passant une main dans ma tignasse rousse, j’inspirai un bon coup avant d’oser lui faire à nouveau face. Je gardai mon regard rivé au sien sans oser le baisser. C’était un homme bien bâti mais aucune pensée impure ne traversa mon esprit. « Vous avez de très beaux… » Muscles ? Cheveux ? Je me mâchouillai nerveusement la lèvre inférieure. « yeux. Très bleus. » Je lui fis mon sourire le plus doux, le plus innocent. « Je suis navrée, j’ai cru que… enfin que vous aviez perdu connaissance, je ne vou… vou… voulais pas vous dé… déranger. » Inclinant la tête, je tournai les talons pour aller me poser en tailleur sur mon lit, attendant qu’il revienne.

Karel sembla avoir touché une corde sensible. Il entendit distinctement le bégaiement de la rousse qui lui répondait que ce n'était non pas ses parents mais sa jumelle qui l'avait poussé dans cette voie. Il préféra ne pas insister, ça semblait un peu trop intime comme sujet. A sa remarque sur les hommes qui l'avaient attaqué, il esquissa un douloureux sourire.

-C'est assez rarement la prison qui attend les gens de leur espèce.

Les représailles, en général, ne passait pas par la justice. Enfin, pas par celle de l’État en tout cas. La rue avait sa propre loi, comme on dit. Il évita de dire à quel point, quelque part, il était violent lui-même. Après tout, donner la mort était son métier, même si sa méthode était rapide.
Il eut de nouveau un sourire, mais ne répondit pas, quand elle promit de ne répéter son secret à personne. Un jour peut-être. Il se leva donc pour aller à la salle de bain comme elle venait de l'inviter.
Après l'incident, qui le gêna assez modérément, sûrement n'était-il pas en état d'être pudique, il sortit de la douche pour faire face à son hôte. Il avait enroulé une serviette autour de sa taille. Sa réflexion sur ses yeux le fit rire, il sentait sa gêne, et ne voulait pas la mettre plus dans l'embarras.

-Oui, ça se remarque assez bien quand j'arrive à les ouvrir.

A ses excuses, il secoua doucement la tête. Il se doutait qu'elle n'était pas entrer pour mater une personne à moitié morte.

-Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas un problème. Ça aurait juste été embêtant si c'était vous qui avez perdu connaissance en vous assommant.

Il attrapa une nouvelle serviette, s'essuyant les cheveux et le torse avec. S'il mettait de l'eau partout dans cette chambre, il y allait encore y avoir une femme de ménage pour devoir nettoyer. Il posa la serviette sur un porte-serviette et se rapprocha de son hôte.

-Merci beaucoup, je pense que je vais mieux. Enfin, j'arrive à tenir debout quoi.

La réponse de Karel me fit sourciller. Alors que je me tenais face à lui, je restai dubitative. Il dégageait une sorte d’aura dangereuse. Il ne me semblait pas trop souffrir de sa condition, du fait qu’il était salement amoché. Je le nettoyai avec de l’alcool et il ne laissait transparaitre aucune émotion. « Par pitié, ne vous lancez pas dans une vendetta stupide, murmurai-je d’une toute petite voix en baissant la tête. » Je me sentais rougir mais fort heureusement mon camarade de soirée ne risquait pas de la voir. A vrai dire, c’était une sorte de révélation qu’il ne voit pas mon visage. Ses yeux fermés l’en empêchaient et je savais que je perdrai tous mes moyens. Il suffisait simplement que je croise le regard d’un homme pour comprendre que j’étais sans aucun doute perdu. Bien que m’intéresser à cet homme relèverait sans aucun doute de la nécrophilie. Pourtant les situations rocambolesques s’enchainèrent rapidement et je me retrouvai plaquée contre le mur, ne sachant que faire. « Je suis très maladroite donc ne vous inquiétez pas, j’ai la tête dure à force de tomber par terre. » Je haussai les épaules avant d’aller m’asseoir sur mon lit pour lui laisser un moment d’intimité. J’attrapai un élastique pour nouer mes cheveux avant de relever la tête à son approche. « Vous voulez boire quelque chose ? ça pourrait vous requinquer un peu… » J’avais dit ceci de ma voix la plus douce avant de caresser mon imposant Maine Coon qui monta sur le lit pour réclamer son dû. « Désolée, y’a beaucoup trop d’animaux ici. Comme je suis souvent seule, je compense par le surplus de petites bêtes. » j’émis un rire gêné avant de rencontrer des yeux d’un bleu. Comme je l’avais dit plus tôt : il y avait un bel homme sous ses blessures.

Une vendetta stupide ? Karel eut un léger sourire. Si elle savait... Le monde dans lequel il vivait, ou tout simplement ce qu'il faisait. Oui, si elle savait, elle n'aurait pas songé une seule seconde à le sauver. Sauf si, peut-être, elle aurait eu des remords de laisser un inconnu mourir, quel qu'il soit ? Il n'allait pas la juger. Il considérait qu'il faisait le Bien, en tuant des gens mais il savait que ce n'était pas l'avis de tout le monde.

-Ne vous inquiétez pas pour moi.

C'était encore ce qu'elle avait de mieux à faire. Il ne voulait pas que quoique ce soit lui retombe dessus, et il ne voulait pas non plus hanter son esprit alors qu'elle avait sans doute bien d'autres choses à penser.

Après le petit accident, Karel eut un léger sourire. La tête dure ? Il ne savait pas si c'était rassurant ou alarmant. Sortant de la salle de bain, elle lui proposa de boire quelque chose, il hocha alors la tête. Ce n'était sans doute pas une mauvaise idée. Enfin, il n'allait peut être pas réclamer un whisky tout de suite non plus.

-Pourquoi pas, c'est gentil.

Karel acquiesça d'un léger signe de tête quand elle s'excusa du nombre d'animaux. Jusque là il n'avait su les distinguer, mais à présent il les voyait parfaitement, chats et chien. Mais ce n'était pas le genre de chose qui le dérangeait.

-Je vous comprends, ce sont sans doute de meilleurs compagnon que les humains.

Il s'approcha du chat pour lui caresser la tête, espérant ne pas lui faire peur.

-Merci encore pour ce que vous faites.

Avoir un homme dans ma chambre aurait pu me troubler outre mesure si je n'avais pas été aussi timide et lui amoché. Je me contente de soupirer lorsqu'il me fait part de ne pas m'inquiéter pour lui. Après tout, il était adulte et faisait ce qu'il voulait de sa vie. Ça ne me regardait pas après tout. "D'accord, finis-je par répondre." J'esquissai un mince sourire, ne sachant pas s'il pouvait le voir ou non. Après tout, il semblait bien plus vieux que moi. Après m'être conduite comme une gourde, je finis par m'asseoir sur mon lit avant de lui proposer à boire. Ma mère m'a appris qu'on devait toujours pourvoir aux besoins de ses invités. Certes, Karel était un invité surprise mais il en était un quand même. "Qu'est-ce que vous voulez boire ? De l'eau ? J'ai du coca aussi." J'esquissai une grimace assez mince, mal à l'aise. Zéro vint se mettre sur le lit avec moi tandis que je me levai pour aller lui chercher sa boisson. Puis, j'attrapai une aspirine avant de lui tendre. "Pour les douleurs demain matin." Puis, je viens reprendre ma place, m'asseyant en tailleur pour gargouiller la tête de mon chien. "J'ai leur cause à coeur. Je n'en mange pas et je suis ambassadrice pour la PETA. Pis, je ne suis pas très... très à l'aise avec les humains." Je baisse la tête pour couvrir mes rougeurs. Puis, je le vis s'approcher de Monsieur Moustache, mon imposant Maine coon qui ne bougea pas. Je finis par hausser à nouveau les épaules. "De rien. C'est normal. Je n'approuve pas la violence, surtout quand les personnes sont nombreuses contre un seul homme." Si j'étais arrivée plus tôt, je leur aurai collé un coup de tazer bien senti. Faute de pouvoir lâcher Zéro qui est beaucoup trop petit. "Sinon, vous voulez vous reposer un peu ? Je peux vous laisser le lit. Je dois relire un texte de toute manière."