Une amitié à rude épreuve [Feat.Daemon Macintosh]

Lisandro commence à y voir plus clair, les choses commencent à prendre forme et il se rend compte de tout ce qu'il a gâché depuis son accident. Il a trop longtemps été aveuglé par son handicap, par cette épreuve difficile qu'il a dû surmonter, mais cette fois, il est prêt, enfin, il l'espère. Ce petit intermède entre les deux amis lui a remis les idées en place, comme quoi parfois ça a du bon.. Évidemment qu'il aurait préféré s'en rendre compte avant, mais il avait des oeillères et rien ne parvenait jusqu'à son cerveau, il était trop aveuglé pour être conscient des choses, comme il l'était à cet instant précis.

Le jeune italien se confonda en excuses, bien sûr qu'il aurait préféré ne pas en arriver là, qu'une simple conversation aurait suffit, mais malheureusement, ils avaient dû en arriver à un point de non-retour. D'un côté ce n'était pas plus mal, l'ancien sportif avait compris que l'amitié de Daemon n'était pas équivalente à celle de toutes ces personnes qui l'avaient abandonné quand il aurait été diagnostiqué paraplégique. Celle-ci était beaucoup plus forte et indestructible, mais ce ne que des années plus tard, en l'occurrence deux ans qu'il s'en rend compte.

Jusqu'alors, il s'était persuadé de ne pas être digne de l'amitié que lui offrait Daemon, et même aujourd'hui, il n'était pas certain de la mériter, pas après ce qu'il venait de lui faire endurer, mais il se garda bien de lui dire. En revanche, il s'était également persuadé qu'il ne sortirait jamais du trou dans lequel il s'était enfoncé tout seul, mais désormais, il savait que c'était faux, qu'il avait encore des choses à vivre, même si rien ne sera comme avant, il sait qu'il peut compter sur le soutien sans faille de son ami, qui l'aidera dans ses futurs projets. Pour le moment, il ne voulait pas aller trop vite en besogne, il y avait des étapes dans sa guérison, et s'il voulait y parvenir, il allait devoir les respecter.

" - Tu devrais savoir que je ne promets quelque chose quand je ne suis pas sûr de moi mais.. Je te promets d'essayer par contre. Je pense que je peux y arriver, mais seul, c'est certain que je suis voué à échouer.."

Une petite phrase glissée consciemment pour faire comprendre à Daemon que l'italien avait besoin de lui pour avancer, pour reprendre goût à la vie, pour se reprendre en main tout simplement.

Son ami évoqué ensuite la réaction de son aide à domicile lorsque le verra dans cet état là, même si elle est ici pour l'aider dans des tâches, il n'a pas de compte à lui rendre. Il lui est reconnaissant de faire tout ça pour lui, mais en même temps, c'est son boulot. Alors certes, il aurait pu lui rendre la vie plus facile, mais jusqu'alors, il n'avait pas vraiment conscience des choses. Maintenant tout allait changer, même si ça ne se fera pas du jour au lendemain.

Après avoir été chercher le nécessaire pour soigner les blessures du jeune homme, son ami ne peut s'empêcher de le provoquer en évoquant les clichés relatifs à la profession dans laquelle il était il y a encore deux ans. En écoutant ses paroles, il ne put s'empêcher de sourire. Lui qui avait évolué dans ce sport, il avait été confronté à toute sorte de personne, mais les clichés dont Daemon parlait n'étaient pas vraiment exacts.

" - Je vais rectifier tes propos, ils ne sont pas chochotte comme tu dis, ils sont tout simplement stratégiques. Même si personnellement je ne me suis jamais risqué dans ce genre de stratégie."

Voyant l'air un peu déconcerté de son ami, il chercha les bons mots pour lui expliquer.

" - Tout est une question de stratégie dans le football. Lorsque tu te trouves à quelques mètres des cages de but, si quelqu'un te touche, même si ce n'est que frôlé, le joueur va simuler une faute afin d'obtenir un coup de pied arrêté, que ce soit un coup franc ou un penalty dans l'espoir de marquer. Ce n'est pas être chochotte, c'est de la simulation, et malheureusement, le football c'est souvent ça."

Ça rendait triste l'italien qui lui jouait pour la passion du ballon rond, tandis que d'autres ne pensaient qu'à l'argent où à la manière de gagner un match en misant sur la simulation qu'il venait d'évoquer. Pour parler de football, il aurait pu en parler pendant des heures, mais il doutait que ce soit un sujet qui intéressait le pianiste.

Lorsque Daemon eut terminé de le soigner, il eut quelques propos qui arrachaient un sourire à son ami. Lisandro aurait pu interprété ses paroles d'une manière un peu plus ... indécentes, mais pour éviter tout malentendu, il s'abstient de lui en faire part.

" - Je ne suis pas certain que Devan apprécie le fait que je pense à toi le matin."

Vient ensuite le moment où
Daemon lui dit qu'il était temps de finir de bouger les meubles pour les travaux. C'était l'occasion de lui dire maintenant.

" - Daemon je.. Je ne vais pas rester ici.. Je ne peux pas rester dans cette maison, il faut que je déménage.."

Il savait qu'il aurait sans doute du mal à comprendre, mais il en avait besoin pour reprendre sa vie à zéro, en laissant son accident derrière lui ainsi que tout ce qui a pu se passer durant ce temps là.

Avec le recul, le jeune homme est bien conscient que tout ceci aurait pu détruire leur amitié, mais sur l'instant, il ne l'avait pas forcément réalisé. Est-ce que s'il l'avait réalisé avant, il aurait agit de la même manière ? Ce qu'il voulait il y a encore quelques minutes, c'était simplement que Daemon parte, le laisse seul en proie à son désespoir le plus total. Et pourtant, jusqu'alors, il lui avait prouvé à diverses reprises que leur amitié valait la peine d'être vécue, mais il était trop aveuglé par sa propre douleur. Lui qui se disait ne pas être égoïste, sur le coup, cela faisait des mois qu'il l'était devenu. Lisandro était devenu tout ce qu'il détestait chez les autres, il était devenu un monstre, et rien que d'y penser, il se dégoûtait lui-même. C'était impensable de se dire qu'il avait dû en arriver jusqu'à là pour se rendre compte de qui il était devenu.

L'italien se contenta de hausser les épaules aux paroles de son ami. Il était tellement persuadé qu'il n'allait pas échouer, mais malgré le fait de cette grande confiance en lui, Lisandro n'arrivait pas à y croire, il n'avait jamais eu confiance en lui, hormis sur le terrain parce qu'il connaissait ses compétences, mais tel qu'il quittait le terrain, il n'avait plus aucune confiance en lui. Et quant au fait d'être persuadé qu'il n'allait pas échouer,  ça aurait été beaucoup trop confiant et il ne l'était pas lorsqu'il s'agissait de sa propre personne. Mais bien sûr, il avait envie d'y croire, mais c'était encore trop fort pour lui.

Pour détendre l'atmosphère, Daemon avait non seulement décidé de plaisanter avec son humour habituel mais aussi de jouer les infirmiers pour soigner les plaies sur le visage de l'ancien sportif. Lisandro ne savait pas trop quoi y répondre, est-ce qu'il serait assez franc pour dire la vérité à Kaya ? Peut-être pas, en tout cas, pas maintenant, peut-être d'ici deux ou trois jours, mais là, à l'instant présent il ne se voyait pas annoncer à son aide à domicile ce qui s'était réellement passé durant son absence. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison qu'il avait honte de lui, et connaissant la franchise de la jeune femme, sans aucun doute qu'elle ne se serait pas retenue pour lui dire ses quatre vérités. Alors même s'il avait écouté les propos de Daemon, il n'était pas certain d'être prêt à encaisser ceux lancés par Kaya, dans la même journée ! Celle-ci avait été éprouvante et il n'avait qu'une envie, se retrouver seul dans sa chambre et réfléchir à tout ce qui venait de se passer, il en avait besoin.

Ils évoquent finalement le sport qu'avait pratiqué Lisandro durant quelques années. Oui il se sent nostalgique, d'un côté ça lui fait du bien, il en avait besoin, de l'autre, ça lui faisait mal. Mal d'évoquer ce qu'il n'était et ne serait plus jamais. C'était une constatation qu'il n'avait pas encore réussi à faire. Au fond, il ne pouvait qu'approuver les propos de Daemon, le football était le sport qui l'avait toujours fait vibrer, même lorsqu'il était noyé dedans avec tous les inconvénients de celui-ci, mais, ce sport tournait de plus en plus. Les gens ne venaient plus dans tel ou tel club pour l'amour du football, tout n'était qu'une question d'argent. Tous les gros transferts se passaient ainsi, tout comme certaines victoires d'équipes. Il avait toujours refusé de rentrer dans ce genre de combines, quitte à perdre, il voulait au moins pouvoir se dire qu'il n'avait rien à devoir à personne, mais c'était ainsi et il n'y pouvait pas grand chose.

" - Non enfin je.. Oui j'ai changé.. Mais ce n'est pas toi, c'est juste que.. J'ai besoin de changé d'air, si je reste ici, je ne pourrais jamais avancé et me reconstruire.."

Il était conscient que pour Daemon tout cela devait être gros et presque absurde, mais Lisandro avait besoin de se reconstruire, et pour cela, il lui fallait un endroit neutre, pas une maison qui lui rappelait sans cesse ce qu'il n'était plus. Il fallait quelque chose dans lequel il se construirait de nouveaux souvenirs, laissant peu à peu son passé derrière lui.

Les propos de son ami ne purent lui faire plus plaisir. Pourquoi avait-il douté de Daemon si longtemps ? Cet homme serait prêt à tout pour lui, et jusqu'à maintenant il lui avait rendu d'une bien piètre façon. Alors maintenant que les choses étaient un peu plus claires dans son esprit, il devait se battre pour essayer de remarcher, pour lui, pour lui prouver que tout ceci n'a pas été fait en vain.

" - Je ne sais vraiment pas comment tu as fais pour me supporter si longtemps.. T'es un mec en or Daemon.. Je suis sincèrement désolé pour tout ce que j'ai pu te faire endurer tout ce temps.."

Ses paroles étaient sincères et il le pensait vraiment. Il lui indiqua alors simplement les meubles qui le gênait le plus souvent et il essayait de faire de son mieux pour l'aider à sa façon. Désormais, Daemon avait à faire au nouveau Lisandro, il ignorait si c'était une bonne chose ou non, mais il allait se donner les moyens pour y parvenir.