welcome to the world -r.

Encore un réveil nocturne, tu commençais à en avoir l'habitude maintenant que tu étais en congé. Tu étais quasiment certaine de te réveiller chaque nuit et d'aller prendre un verre d'eau, de passer aux toilettes aussi. Mais pas cette nuit, tu n'avais pas eu le temps d'y arriver que ton pantalon était mouillé. Tu pensais t'être pissée dessus et ça te faisait peur mais ça n'avait pas l'odeur de l'urine. Non, c'était autre chose ! Ce qui te faisait encore plus peur. Sans courir, par peur de glisser et de te faire mal, tu retournais dans la chambre, allumant la lumière. Tu t'approchais du côté de lit où dormait encore ton mari. « Nelligan ! Nelligan ! » Tes mains se posaient sur son épaule pour le secouer et l'obliger à quitter les bras de Morphée. C'était vraiment urgent maintenant. Il ouvrait doucement les yeux ne comprenant pas tout de suite ce qu'il se passait. « Réveilles-toi, j'ai perdu les eaux ! » Etrangement, ce mot eu l'effet d'un electrochoc. Pas moins d'une minute après, il était debout, à enfiler un pantalon marmonnant dans sa moustache, il devait se faire la liste mentale des choses à apporter pour ne rien oublier. Ce serait embêtant, c'est vrai mais à part la petite valise - qui était prête depuis déjà plus d'une semaine - et toi, il n'avait pas grand chose à prendre. « Oh non, oh non.. C'est trop tôt.. » soufflais-tu entre deux contractions, paniquée. Il n'était pas prévu pour aujourd'hui et pourtant, ça semblait être le cas puisque tu commençais le travail.

Exténué, à bout, c’était l’une des premières fois que Nelligan ne se réveillait pas au simple mouvement de Lily-Anaëlle qui se levait du lit, entrouvrait la porte pour s’extirper de la chambre, et aller se servir à la cuisine. Habituellement, le trentenaire demeurait bien alerte, sauf que là, il avait ses examens dans le corps et ses quarts de travail supplémentaires au boulot merdique qu’il occupait. Ajoutons à cela la nervosité grimpante en raison de la date d’accouchement qui arrivait à grands pas … il dormait comme un bébé. Et bientôt, ce ne serait plus lui qui pourrait porter ce titre. Et un peu plus tôt que prévu, d’ailleurs. Les mains de Lily-Anaëlle se posèrent sur les épaules de Nelligan, le secouant alors qu’il ne bougeait pas, et elle répéta son prénom, l’air paniquée. Quand la voix de sa femme et ses mouvements arrivèrent enfin à percer la coquille de son subconscient, Nelligan s’extirpa du monde des rêves, ouvrant lentement ses yeux et laissant se dissiper le brouillard de la nuit avant de poser les yeux vers Lily, qui le sommait de se réveiller, parce qu’elle avait perdu les eaux. Son cœur rata un battement. Elle n’aurait pas à le répéter deux fois. « Quoi ? Déjà ? » S’alarma-t-il en se levant du lit, faisant attention de ne pas la bousculer, et fila jusqu’à ses tiroirs pour s’habiller en vitesse. Rien n’était agencé dans ce qu’il portait, ses chaussettes étaient dépareillées, mais c’était le dernier de ses soucis. Tout en s’activant, il marmonnait des trucs parfois intelligibles, parfois non. « Ça devait pas être avant quelques semaines ... » Il se passa une main sur le front, il avait déjà chaud et ils n’étaient même pas sortis de la maison. En entendant Lily-Anaëlle paniquer autant que lui, il prit sur lui et se promit de ne pas laisser la vague d’angoisse prendre le contrôle sur le calme qu’il devait avoir pour deux. « Tout va bien aller mon amour, les médecins vont s’occuper de toi. De vous deux. » Il attrapa la petite valise toute prête, oh oui elle, elle était prête. Eux, pas du tout. Nelligan aida Lily-Anaëlle à marcher jusqu’à la sortie de la maison, il ferma les lumières, verrouilla la porte, et se dirigea vers la voiture. « Est-ce que … est-ce que tu préfères t’allonger à l’arrière ? Ou assise à l’avant ? » Demanda-t-il, prêt à tout envoyer valser ce qui se trouvait éparpillé sur la banquette arrière.

Nelligan se tirait alors du lit en panique, s'habillant comme il le pouvait. Tu aurais rigolé de son look dépareillé en tant normal mais là tu étais bien trop occupée à penser au bébé et aux contractions que tu ressentais. Il t'aidait à te relever en essayant de te calmer mais tu avais déjà une autre idée en tête, qui te préoccupait pas mal. « Le liquide il était un peu rouge Nelligan ! » Comme s'il y avait du sang mais tu ne voulais pas penser à ça, après tout, qui avait dit que le liquide devait être parfaitement clair et transparent ? Tu ne l'avais pas entendu une seule fois de la bouche des médecins mais c'était l'idée commune, celle que tout le monde avait en tête. Le voir un peu teinté comme ça, ça te donnait le sentiment d'une mauvais nouvelle mais tu ne voulais pas d'une mauvaise nouvelle. Tu avais déjà perdu un enfant, Nelligan aussi et tu ne voulais pas revivre ça. Tu ne voulais pas que votre couple traverse une telle épreuve, c'était assez mortel et tu n'étais pas sûre de pouvoir la surmonter. En tout cas, pas tout de suite. « Plutôt à l'avant. » Tu avais jeté un coup d'oeil rapide à l'arrière et il y avait pas mal de chose à déplacer, c'était un peu le bordel là-dedans. Il faudrait faire le ménage pour y installer le siège auto, parce que ça non plus vous n'aviez pas pris le temps de le faire, ne voyant pas le bébé arriver avant un mois. C'était une erreur de toute évidence mais il serait seul pour galérer avec l'engin. « Je sais que tu vas le faire mais sois prudent d'accord ? » Tu ne voulais pas que dans la panique il prenne des risques inconscients, des risques qui pourraient vous coûter la vie à tous les trois. Tu avais déjà manqué de le perdre il y a maintenant un an de ça alors tu ne voulais pas repasser par là.

Des semaines d’avance, du sang dans le liquide qu’elle venait de perdre, Nelligan n’osait pas penser au pire et pourtant ces éléments laissaient bien présager le bouleversement. Celui contre lequel ils avaient prié, tellement, dans un silence presque solennel. Après avoir entendu Lily-Anaëlle lui dire ses mots, il savait qu’il ne pouvait pas lui aussi sombrer dans la panique, dans la négativité, parce que son épouse avait besoin d’être rassurée, de se battre et d’être forte. Il était évident que quelque chose clochait dans cet accouchement précoce, mais Nelligan avait encore espoir que les médecins prendraient en main la situation, qu’ils en avaient vues d’autres bien avant eux, que tout n’était pas perdu. « Ne pense pas à ça, Lily, c’est peut-être normal, les médecins et les infirmiers sauront mieux quoi faire. » Se reposer sur les professionnels, c’était tout ce que Nelligan semblait capable de faire, pour le moment. Comme si ça allait réellement amener Lily-Anaëlle à mettre sa panique sur pause, le temps d’arriver à l’hôpital et qu’on puisse répondre à leurs questions, à leurs inquiétudes. Bien sûr qu’elles continueraient de planer autour d’eux, mais à part accroître l’angoisse sans jamais pouvoir y faire quoi que ce soit, ça ne servirait à rien. Il valait mieux attendre, donc. Enfin, attendre n’était pas le mot, car autant l’un que l’autre était actuellement proactif en se rendant jusqu’à la voiture. Lily-Anaëlle affirma vouloir aller à l’avant, ce qui était sans doute la décision la plus sage à prendre vu l’état de la voiture. Nelligan lui ouvrit donc la porte, l’aida à s’asseoir, l’aida à boucler sa ceinture, et traversa de l’autre côté pour aller s’asseoir derrière le volant. « Promis. » Il serait prudent, plus que jamais, même s’il n’irait pas à la limite la plus basse parce que le temps pressait. Pas question de reproduire son accrochage avec Jake ou une connerie du genre, pas alors que son enfant allait bientôt voir le monde pour la toute première fois. Pas alors qu’ils formeraient enfin une famille : pas question de l’éclater avant même que tout ne débute. Ils arrivèrent donc sains et saufs à l’hôpital, et Nelligan se gara d’abord à l’entrée des urgences, prenant bien soin de ne pas bloquer la place des ambulances. « Reste ici, je vais aller te chercher un fauteuil roulant. » Il sortit de la voiture, rentra à l’intérieur de l’établissement, chercha rapidement autour de lui jusqu’à trouver les fauteuils, et revint chercher son épouse. « Prête ? » Demanda-t-il alors qu’il allait l’aider à passer de la voiture au fauteuil.

Tu ne devais pas te focaliser sur certaines choses dont la couleur du liquide parce que tu ne voulais pas imaginer le pire. Ce moment devait être l'un des plus beaux de ta vie, un moment où tu tiendrais dans tes bras votre petite fille, tu l'appellerais pour la première fois par son prénom et elle te regarderait avec un petit sourire. C'était comme ça que tu l'imaginais et c'était aussi comme ça que tu rêvais le vivre mais tu ne pourrais pas le savoir tant qu'elle ne viendrait pas au monde. Ce qui n'allait plus tarder à ce rythme là. « Tu as raison.. Tu as raison. » Ce n'était pas le moment de sombrer dans un de ces scénarios de destructions et de chaos comme tu avais l'habitude de vivre dans ta vie. Aujourd'hui tu voulais que l'amour triomphe, tu voulais être heureuse. Tu essayais alors de te mettre des images joyeuses en tête, comme vos retrouvailles, comme votre mariage, comme le voyage au Japon où vous vous étiez dépassés pour tenter de nouvelles expériences. Tu repensais aussi à la saint valentin où tu avais voulu lui faire plaisir et à l'annonce de ta grossesse qui t'avait rendu si heureuse parce qu'il n'y avait pas eu plus beau moment que de voir son sourire à lui, se dessiner. Et sentir ses mains se poser sur ton ventre, à la recherche d'un petit signe pour que Lexi signale sa présence. Tu étais montée à l'avant, lui demandant d'être prudent et il le fit. Il ne dépassait pas la vitesse autorisée, s'arrêtant aux feux et il te tendait la main pour que tu puisses la lui détruire lorsque tu ressentais une contraction. Il semblait vraiment prendre sur lui. Heureusement qu'en plein milieu de la nuit, les rues étaient désertes, vous étiez rapidement à l'hôpital. « D'accord. » Tu le regardais sortir de la voiture et tu en profitais pour retirer ta ceinture, elle te serrait un peu trop et maintenant que vous étiez garés, il n'y avait plus de risque. Tu le voyais arriver à toute vitesse avec un fauteuil roulant. « De toute façon, j'peux pas vraiment dire non, pas vrai ? » Ton rire était nerveux et rempli de stress. Assisse sur la chaise, tu le laissais te pousser pour arriver dans le hall où des infirmiers semblaient attendre que tu arrives pour prendre le relais. Tu attrapais la main de Nelligan, que tu serrais avec douceur, tu lui avais fait assez mal pour l'instant et le pire restait encore à venir.

Il avait tenté de rassurer Lily du mieux qu’il le pouvait, Nelligan, mais la vérité était que lui aussi était terrifié à l’idée de perdre cette enfant, cette petite fille qu’ils attendaient avec tellement d’impatience, un peu de peur aussi, surtout du côté de sa femme qui se remettait énormément en question. Mais il savait qu’elle serait dévastée si jamais quoi que ce soit devait arriver cette nuit, ou aujourd’hui, pendant l’accouchement. Lui le serait tout autant. Nelligan chérissait tellement l’idée d’être père, et puis au point où ils en étaient, la petite Lexi n’était plus qu’une idée dans leur tête non, elle était réelle, belle et bien là, il n’avait qu’à poser sa main sur le ventre de son épouse pour parfois la sentir le chercher en retour. Elle n’était que de l’autre côté de son ventre et n’attendait qu’à les rencontrer, elle aussi. Alors Nelligan ne supporterait pas de devoir faire le deuil de cette enfant qui avait déjà une si grande place dans sa vie, dans son cœur. C’est pourquoi il se dépêcha à conduire sa bien-aimée et sa future fille à l’hôpital, pour que rapidement elles soient entre les mains de docteurs qualifiés pour une telle situation, pour d’éventuelles complications. Et s’il y en avait, Nelligan avait tout l’espoir du monde pour qu’ils fassent ce qu’il fallait. Pour qu’ils sauvent sa famille. Après beaucoup d’impatience aux feux de circulation, après des coups d’œil nerveux à l’indicateur de vitesse et après de nombreuses contractions de Lily durant lesquelles sa main se voyait broyée, Nelligan se gara enfin face à l’hôpital. Il s’empressa d’aller chercher une chaise roulante et, au moment de la transférer de la voiture au fauteuil, Lily se permit une blague qui fit également rire – nerveusement – son mari. « Non, pas vraiment, parce que Lexi elle semble assez prête d’arriver ! » Un peu trop, d’ailleurs, mais ça Nelligan se retint de le mentionner. Nelligan aida Lily à s’installer plus ou moins confortablement – elle ne le serait jamais totalement dans sa condition, et puis la poussa jusqu’à l’intérieur du hall. Des infirmiers, mis au courant par un Nelligan énervé, attendaient à l’intérieur. L’un d’entre eux fit signe au trentenaire qu’il conduirait Lily-Anaëlle à l’endroit adéquat, alors il s’écarta de derrière le fauteuil et alla prendre la main de son épouse, marchant à côté d’elle alors qu’on la poussait jusqu’à l’unité des naissances. Rapidement, on lui trouva une place dans une chambre et Nelligan resta debout à ses côtés, ne lâchant pas sa main. On leur indiqua que leur docteur viendrait bientôt les rencontrer. « Tout va bien aller, tu vois, ils n’ont pas trop l’air de s’inquiéter … » Dit-il d’une voix douce, alors qu’au fond, il se demandait juste si le fait que le médecin viendrait vite à leur rencontre signifiait qu’il y avait rapidement quelque chose à régler …  

L'infirmier te conduisait dans une chambre occupée par un autre couple, le travail avait dû commencer pour eux aussi parce que tu voyais le ventre mais pas d'enfants, peut-être une césarienne programmée, tu ne pouvais pas vraiment savoir et tu ne comptais pas demander. Tu t'installais sur le lit, te posant confortablement, une main sur le ventre, l'autre dans celle de Nelligan. Tu soufflais, souffrant terriblement lorsqu'une contraction se présentait à toi. Il y en avait de plus en plus et ce n'était clairement pas une partie de plaisir. « Je ne sais pas, peut-être que ça veut aussi dire qu'ils sont débordés et qu'ils n'ont pas le temps de venir me voir tout de suite. » Oui, encore une fois, tu imaginais le pire, mais tu aurais vraiment aimé qu'un médecin se pointe à ton arrivée, ça aurait peut-être été plus rassurant surtout quand tu savais ce qu'il y avait dans ton liquide amniotique. Pourtant, il ne vous fallait pas attendre plus de dix minutes, un médecin passait la porte pour venir près de vous deux. « Bonjour, je suis le docteur Sullivan, on va vous passez en salle d'accouchement, le travail a déjà bien commencé et vous êtes quasiment dilaté à 10 cm. Pour la poche des eaux, tout va bien, des examens seront fait après l'accouchement et on avisera après. On va commencer par une échographie pour voir la position de votre bébé d'accord ? Et pour la péridurale, malheureusement vous ne pourrez pas l'avoir, c'est un peu trop tard maintenant. » Tu grimaçais, tu aurais vraiment aimé l'avoir parce que ça faisait un mal de chien mais la bonne nouvelle c'est que tu étais pas mal avancée dans ta dilatation et que Lexi allait bientôt naître. Pour le reste, tu ne relevais pas parce que tu ne savais pas quoi dire. Ca ne semblait pas aussi grave que tu le pensais et le médecin avait l'air de savoir ce qu'il faisait. Ce qui était quand même assez rassurant. Il demandait ensuite à parler à Nelligan en privé et tu les regardais alors tous deux s'éloigner pour aller discuter dans le couloir. « J'ai un dernier point à voir avec vous, si ça venait à mal tourner, faut-il sauver votre femme ou votre enfant ? » Ce ne serait sûrement pas le genre de question qu'ils prendront le temps de poser au bloc lorsque tout le travail aura commencé. Il fallait le savoir au tout début pour pouvoir ajuster ses gestes en fonction de ce qui se passerait.

Nelligan jetait des regards nerveux et gênés à l’autre couple, de temps en temps, essayant à la fois de créer une certaine distance sans vouloir pour autant paraître froid. Ce moment-là était un moment tellement intime, à ses yeux, qu’il avait du mal à savoir s’il devait partager ces précieuses secondes avec cet autre couple qui devait, tout autant qu’eux, vouloir vivre ce moment-là ensemble, à deux. Il leur adressa donc rapidement un sourire, échangea un regard avec l’homme l’air de dire I feel you, bro, avant de mettre toute son attention, toute sa force, vers Lily-Anaëlle. Il lui serrait la main, la massait, respirait avec elle comme pour lui rappeler les techniques qu’ils avaient apprises dans leurs cours prénataux. Honnêtement, il se sentait juste impuissant et inutile, alors il tentait du mieux qu’il le pouvait de ne pas être passif dans cette journée qui serait l’une des plus belles de sa vie – du moins, il l’espérait. Nelligan oublia bien vite le fait qu’ils n’étaient pas les seuls dans la chambre ou encore le fait que Lily-Anaëlle avait encore ses contractions quand on les prit en charge, dix minutes plus tard. Tout allait trop vite, et les propos du docteur mettaient du temps à se rendre au cerveau de Nelligan. Quand il mentionna qu’il était trop tard pour la péridurale, le jeune homme tourna un doux regard vers son épouse. Ils en avaient parlé, il savait qu’elle l’aurait voulue, mais ce n’était plus de leur ressort. « C’est pas grave, t’es une championne, t’es une battante. Et puis, je vais être là, juste à côté de toi, j’te lâcherai pas. » S’il avait pu prendre ne serait-ce qu’une partie de sa douleur, il l’aurait fait, sans hésiter, la totalité même. Malheureusement, ça n’était pas possible et c’était toujours la femme, dans l’histoire, qui devait subir les douleurs de l’accouchement. Ce ne serait pas Nelligan qui changerait quoi que ce soit à ce concept naturel, même avec toute la volonté du monde. Alors que des infirmières poussaient le lit de Lily-Anaëlle hors de la chambre, le Dr Sullivan demanda à parler à Nelligan, en privé. Il fronça les sourcils, laissant bien malgré lui aller la main de Lily-Anaëlle, et se retira avec le médecin. Sa question désarma un Nelligan qui n’avait pas du tout prévu qu’on lui largue une telle bombe. Sa voix tremblante parvint à demander : « Mal tourner ? Il … il se passe quelque chose ? Il y a des risques que ça tourne mal ? » On ne montrait jamais cette partie de l’histoire, dans les films, on ne montrait jamais cette sombre couche du tableau. Une question aussi cruelle, aussi dure. Puis, comme si les paroles venaient finalement de complètement s’acheminer jusqu’à son esprit, il sursauta en prenant conscience de ce qu’on lui demandait : « Je ne peux pas répondre à ça … Les deux ! Vous devez sauver les deux ! » Dit-il en élevant la voix sans même le réaliser. C’était le désespoir et la peur qui grondaient en lui.  

Au fur et à mesure des années, ça devenait une question difficile à poser à la famille parce que ce n'était jamais le moment facile pour faire un choix, mais certaines familles prenaient le temps d'en discuter. Aujourd'hui, c'était assez rare qu'un accouchement vire au drame mais il fallait être prêt à tout et savoir ce que vous deviez faire s'il fallait prioriser. De toute évidence, le jeune homme ne semblait pas pouvoir trancher et ça ne le surprenait pas tellement. « Il y a toujours un risque, on ne sait jamais ce qui peut se passer dans une salle d'accouchement, notre travail c'est de faire notre maximum pour que tout le monde se porte bien et c'est ce que nous allons faire, ne vous inquiétez pas ! » Le médecin affichait un léger sourire, sûr de lui avant de retourner dans la chambre pour reprendre la mesure de l'ouverture du col avant de prendre sa décision. « Le travail est bien avancé, on va vous passez en salle d'accouchement. » Tu jetais un coup d'oeil à ton époux, cherchant à attraper sa main, curieuse de savoir ce qu'ils avaient bien pu se dire derrière la porte mais ce n'était plus vraiment le moment d'y penser, dans peu de temps, tu allais attaquer la phase la plus difficile de l'accouchement. Les femmes avaient beau l'éclipser une fois l'enfant né mais tu avais bien retenu ça de tes cours de préparations à l'accouchement. Une fois installée sur la table en métal, la main de Nelligan dans la tienne et les jambes relevé, tu écoutais ce que te disais le médecin. « Très bien, quand je dis poussez, vous poussez, d'accord ? Poussez ! » Tu t'exécutais alors, tendant à être la meilleure des élèves. Tu criais et la douleur que tu ressentais dans le haut des cuisses était une vraie torture. Tu comprenais l'importance de la péridurale mais de toute évidence Lexi semblait pressée de vous montrer sa petite tête de bébé. « Encore un petit effort, j'aperçois la tête. » Tu poussais une nouvelle fois, criant un peu plus fort. La main de Nelligan devait ressembler à de la compote tellement tu la pressais mais à ça aussi, il avait été préparé avec toi. « Elle s'enfonce, on la perd ! Monsieur, il faut que vous sortiez. » Tu n'entendais plus que les bips en fond sonore, ils se faisaient de plus en plus loin et bientôt, tu n'entendais plus rien. Tu ne voyais pas les soignants s'agiter autour de toi en essayant de te réanimer. Ton cœur n'avait a priori pas supporter la charge émotionnelle de cet accouchement. Le medecin mit au moins une demie-heure avant de retrouver un Nelligan mort d'inquiétude dans la salle d'attente « Votre petite fille se porte bien et quant à votre femme, elle est encore en salle de réveil, elle sera montée dans sa chambre quand elle sera réveillée. En attendant, vous pouvez vous rendre à la nurserie pour admirer votre beau bébé. Félicitations M. Malinowski ! » Il lui tendait la main pour le féliciter avant de s'en aller sauver d'autres vies.

C’aurait été chose reconnue, si tous les futurs pères se faisaient poser une telle question avant un accouchement, non ? C’était le genre d’information qu’on donnait aux gens, pour éviter qu’ils se sentent mis au pied du mur, en proie à la décision la plus difficile de leur vie. C’était le genre d’ultimatum qui nécessitait un minimum de préparation, de réflexion : la preuve, Nelligan avait été incapable de formuler une pensée cohérente et il avait donc décidé de ne pas avoir à choisir. Il ne choisirait pas, non. Impossible de choisir entre la femme de sa vie et sa fille, celle qui provenait de son amour avec Lily-Anaëlle, celle qui était constituée d’un peu des deux, celle qu’ils avaient créé ensemble. Choisir entre l’âme sœur et le miracle, ça n’avait aucun sens, et Nelligan n’avait pas envie d’aller à contre-sens, non. Il avait promis à Lily-Anaëlle qu’une fois Lexi dans leurs bras, ils se laisseraient aller avec le courant. Il ne commencerait certainement pas maintenant à nager à contre-courant. Sauf que pour tenir cette promesse, encore fallait-il qu’ils puissent tenir Lexi dans leurs bras au moins une fois … Nelligan chassa cette pensée terrifiante de sa tête au moment où le médecin lui assurait qu’il ferait en sorte que tout le monde se porte bien. Il hocha la tête, encore pétrifié par l’éventualité qu’on venait de lui faire supposer. « Merci, docteur. » Ils retournèrent dans la chambre pour passer à la salle d’accouchement sans plus tarder, où Lily-Anaëlle se faisait alors transférer sur une table en métal, ce qui semblait être loin du confort idéal pour le travail qui était à venir. Pour le moment, tout se déroulait comme dans le meilleur des scénarios. Lily-Anaëlle poussait, criais, broyait la main de son époux. Face à tout ça, Nelligan était prêt, il l’était depuis longtemps. C’était le film qu’il se passait en tête quand il visualisait ce moment. C’était ce moment heureux qui lui pinçait le cœur alors même que ce n’était qu’en pensée, alors maintenant que ça se déroulait sous ses yeux, il laissait l’euphorie s’emparer de lui parce qu’ils se rapprochaient enfin de la famille dont ils avaient toujours rêvé à deux. Lily-Anaëlle souffrait certes et ça l’inquiétait, mais ça faisait aussi partie d’un accouchement. Jusqu’à ce que ça dépasse les limites auxquelles on était habitués. « Elle s'enfonce, on la perd ! Monsieur, il faut que vous sortiez. » L’information avait mis du temps avant de se rendre jusqu’à son esprit, même que ce ne fut que lorsque des infirmiers s’emparèrent doucement de ses bras et de ses épaules pour le reculer jusqu’à la sortie qu’il sortit de sa transe. « Non, non, laissez-moi rester ! » Supplia-t-il. « Je ne veux pas la laisser, je veux être à ses côtés ! J’ai promis que je serais à ses côtés ! » Et les promesses, Nelligan les accumulait, Nelligan les juraient à Lily-Anaëlle parce qu’il voulait tout bien faire. Malheureusement, là, c’était hors de son contrôle et il ne croisa même pas son regard une dernière fois alors qu’on lui faisait passer le cadre de la porte. « Ne m’enlevez pas à ma femme. » Ou plutôt, ne me l’enlevez pas, pensa-t-il alors qu’il avait tout juste vu son regard sombrer lorsque les bips s’étaient accélérés. Un infirmier l’avait conduit, lui et son corps inerte qui ne marchait qu’en glissant ses pieds sur le plancher, jusqu’à une salle d’attente dans le même couloir. Cinq chaises alignées, contre le mur. Il se laissa tomber sur une de celles-ci, tournant lentement la tête vers la porte de laquelle on venait de le sortir contre son gré. Il fixait la porte. Il attendait. Son cœur avait cessé de battre en même temps que celui de sa femme avait faibli. Et Nelligan ne retrouva la force de respirer correctement que lorsque le médecin vint enfin à sa rencontre. Il se leva d’un coup, propulsé par une énergie d’espoir qui fut décuplée lorsqu’on lui annonça que sa femme et sa fille se portaient toutes les deux bien. Cette nouvelle relâcha tout le stress et toute la peur de Nelligan, qui s’écroula sur la chaise en poussant un soupir de soulagement. « Merci, merci, merci … » Il lui fallut cinq bonnes minutes avant de retrouver un peu de contrôle sur lui-même, et alors les paroles du médecin lui revinrent en tête. Il pouvait aller voir sa fille à la nurserie. Il suivit donc les indications vers celle-ci et, une fois arrivé, on lui indiqua dans quel berceau Lexi se trouvait. Elle était belle, toute minuscule, enroulée dans sa petite couverture blanche agencée à son petit bonnet. Nelligan souriait, bêtement, se sentant tout d’un coup tellement léger qu’il aurait pu croire en son reflet dans la vitre s’il y avait vu des ailes. Quinze minutes plus tard, Nelligan décida de remonter à la chambre de Lily-Anaëlle et c’est avec joie qu’il vit qu’elle s’y trouvait. Elle avait toutefois dû se rendormir entre-temps, alors il s’assit silencieusement à ses côtés, laissant son cœur reprendre vie en la regardant se reposer, paisible.  

Allongée sur cette table froide et rigide, tu ne te sentais pas vraiment bien installée mais tu n’avais pas vraiment le choix. Tu écoutais le médecin qui te demandait de pousser une toute première fois, sans plus attendre, tu t’executais. Appliquant ce que tu avais appris pendant tes cours de préparation à l’accouchement. Mais tu sentais que quelque chose n’allait pas, sans pouvoir l’exprimer. Ta vision se troublait et tu ressentais une douleur dans la poitrine, une douleur anormale. Une douleur qui n’aurait pas dû se trouver là et en une fraction de secondes, tu étais partie. Il y avait du noir, que du noir, au point d’en avoir peur. Tu l’appelais de toute tes forces mais personne ne semblait t’entendre. C’etait donc ça la mort ? Le néant et rien de plus. Comment ne pas avoir peur du noir et de l’abandon juste après ça ? Un choc te secouait vivement, tu avais l’impression de tomber dans un trou béant sans fin. Une légère lueur semblait apparaître mais tu ne te sentais pas assez forte pour la rejoindre. Un nouveau choc, une secousse qui traversait tout ton corps. Elle te faisait revenir à toi. A nouveau tu respirais, mais tu n’avais plus conscience. Tu ne savais pas ce qui s’en passait dans cette salle d’accouchement mais ta dernière pensée allait à ton mari. Lorsque tu ouvrais les yeux, on t’annonçait que tu allais être montée dans ta chambre. Sans un mot, tu te laissais porter et bercer par les mouvements du lit. Tu dormais, encore insouciante. Lorsque tu repris connaissance tu essayais difficilement d’ouvrir les yeux. « Nelligan ? » murmurais-tu doucement, ne sachant pas encore où tu étais, qui se trouvait là et surtout ce qui s'était passé. « Qu’est-ce que... Lexi ? » Tu avais commencé à articuler aussi doucement que tu le pouvais avant d'être percuté par la question. Les yeux ouverts, tu avais fait le tour de la chambre et tu ne voyais pas son minuscule lit. S’il lui était arrivée malheur, tu ne te le pardonnerais sûrement jamais.

Une dizaine de minutes s’écoulèrent, pendant lesquelles Nelligan ne lâchait pas Lily-Anaëlle du regard, sa main dans la sienne, comme s’il avait peur de détourner les yeux une seconde et de la perdre de nouveau. Comme s’il craignait qu’elle ne disparaisse, qu’elle s’évapore et s’en aille, que ce cauchemar ne s’était finalement jamais retransformé en rêve. Qu’elle n’existait plus. Alors il s’accrochait à sa vue, et à sa main, pour ne plus jamais risquer d’avoir à la laisser aller. Pour qu’on ne la lui enlève jamais, sa belle et douce Lily-Anaëlle. Sa respiration changea, à un moment, et ses lèvres s’agitèrent tout doucement et on l’entendit, faiblement, murmurer le prénom de son mari. Nelligan se leva rapidement de sa chaise, joignant sa main libre à l’autre, sur celle de son épouse. Il s’approcha de la tête du lit, de son visage, et se pencha doucement vers elle pour qu’elle prenne conscience de sa présence. « Je suis là, mon amour. Je suis là. » Dit-il d’une voix émotive, le cœur en accéléré et la gorge nouée de la retrouver alors qu’elle aurait pu lui glisser d’entre les doigts. Elle regarda autour d’elle une fois ses yeux ouverts, balayant la chambre du regard, demandant où était Lexi. Sans doute craignait-elle qu’ils l’aient perdue, sans doute pensait-elle au pire. Tout comme Nelligan avait envisagé ce pire, quand on l’avait de force sorti de la salle d’accouchement. Il passa une main sur le front de Lily-Anaëlle en s’empressant de répondre : « Elle va bien. Lexi va bien. Elle est à la nurserie, nous pourrons aller la voir quand tu te sentiras assez en forme. » Nelligan sourit en la regardant, s’abaissant pour venir coller son front à celui de sa femme. « Nous sommes là, tous les trois. » Il ferma les yeux, fortement, comme pour s’assurer qu’il n’était pas en train de dormir, qu’il n’était pas en train de rêver et que tout cela était bien réel. Quand il les rouvrit, Lily-Anaëlle était toujours là, allongée devant lui, le regardant alors qu’il éloignait doucement son visage pour mieux la voir. « Je t’aime tellement. Ne me refais plus jamais aussi peur … » La main de Lily-Anaëlle toujours entre ses mains, il la porta contre son propre visage pour y déposer un baiser, des larmes de soulagement coulant sur ses joues.

Tu avais murmuré son prénom et il était là, fidèle au poste. Il te l’avait promis de ne jamais te quitter et il tenait sa promesse comme jamais. C’était dans ces moments-là de toute façon que vous vous rendiez compte de l’amour que vous aviez l’un pour l’autre, rien ne pourrait jamais vous séparer, si ce n’est la mort. Elle avait essayé de t’emporter avec elle aujourd’hui mais en vain. Il serrait tes deux mains pendant que tu cherchais, paniquée, le berceau de ton enfant. Ta fille était arrivée bien plus tôt que ce qui était prévu, peut-être avait-elle un soucis. Tu en apprendrais plus après, il te disais qu’elle était en sécurité, tu pouvais relâcher la pression. Tu sentais cette boule dans le ventre se dissipais à mesure que tu reprenais vraiment conscience de tout ce que tu étais en train de vivre. « J’ai eu si peur pendant un instant.. » murmurais-tu encore fragilisé par cette frayeur. Tu avais presque mené ta grossesse à terme et tu imaginais mal sortir de là sans avoir un petit bébé à dorloter une fois que tu rentrerais chez toi. Tu pouvais chasser cette idée de ton esprit maintenant, comme il venait si bien de le dire, vous étiez là, tous les trois. Un chiffre qui te faisait sourire. « J’aimerais la voir ! » Tu ne savais pas si tu sentais assez forte pour te lever, ni même dans combien de temps tu le serais mais tu avais envie de la voir, c’était plus fort que toi. Tu l’avais senti grandir pendant des mois, tu lui avais parlé tous les jours dès que tu avais su pour son existence alors forcément tu avais ton instinct maternel de jeune maman qui était éveillé, il était aux aguets. « Mais avant, qu’est-ce qui s’est passé ? » Parce que dans ton souvenir, tu étais en train de pousser comme te l’avait demandé le médecin et la seconde d’après, tu avais un énorme trou noir. Tu n’avais pas la moindre idée de ce qui avait pu se passer et personne n’était venu te l’expliquer alors peut-être que lui aurait une explication à tout ça.

Il avait eu peur lui aussi, pas en ce moment, mais un peu plus tôt, quand tout son monde avait failli lui glisser d’entre les doigts. Lily et Lexi, elles étaient son monde, et il n’aurait pas supporté de perdre l’un ou l’autre, ou pire encore, les deux. Oh, comme il aurait été démuni, Nelligan, s’il s’était retrouvé seul du jour au lendemain le jour-même où ils auraient dû devenir une belle petite famille. Heureusement, le pire était derrière eux maintenant, Lexi était en bonne santé et il ne restait plus qu’à ce que Lily-Anaëlle reprenne des forces, et ils pourraient rentrer à la maison, débuter cette nouvelle vie à trois. Les médecins avaient dit que sa convalescence pourrait prendre un peu de temps, mais Nelligan était prêt à attendre. Il viendrait à tous les jours, la voir elle et Lexi. De toute façon, la maison serait bien trop grande sans elles. Dès l’éveil de Lily-Anaëlle, Nelligan avait entrepris de la rassurer, de l’informer sur la localisation de Lexi, sur son état et sur le fait qu’ils pourraient aller lui rendre leur toute première visite ensemble depuis sa naissance. Cette idée lui réchauffait le cœur, et il eut un grand sourire quand son épouse s’empressa de dire qu’elle voulait la voir. « J’me doutais bien que tu ne voudrais pas te rendormir, en sachant cela. » Et il avait bien sûr déjà préparé la chaise roulante pour la conduire jusqu’à la nurserie. Pas question qu’elle se tienne debout après tout ce qu’elle avait enduré, alors marcher à travers les couloirs de l’étage, encore moins. Avant tout, Lily lui demanda ce qui s’était passé. Elle avait perdu conscience bien rapidement, même alors que les infirmières n’avaient pas eu le temps de refermer complètement la porte de la salle d’accouchement face à Nelligan, il avait eu le temps de la voir sombrer. Ça lui avait foutu la plus grande peur de sa vie. « L’accouchement a été difficile sur toi … Ton cœur a, je sais pas … lâché … je sais pas exactement, tu t’es évanouie … je n’ai pas pu rester, ils m’ont forcé à quitter la salle. J’étais mort d’inquiétude … » Il secoua la tête, des frissons lui parcouraient encore le dos quand il repensait à cette scène d’effroi. « Les médecins disent que tu pourrais rester ici jusqu’à décembre, pour te garder sous surveillance. Et Lexi aussi. » Ajouta-t-il, pour la préparer à ces longues semaines à venir.  

Il avait raison et il te connaissait plutôt bien. Et puis il fallait dire que c'était aussi un instinct primaire. Tu venais d'avoir un enfant, même si le médecin préconisait sûrement de te reposer, tu voulais à tout prix la voir. C'était tout à fait compréhensible. Ils devaient avoir l'habitude, tu ne devais pas être la première à avoir eu un accouchement compliqué. Il approchait le fauteuil roulant du lit mais avant de t'aider à t'y installer, tu voulais comprendre ce qui s'était passé. Tu l'avais interrogé à ce sujet mais il ne savait rien de plus que toi. « J'.. J'ai bien cru que je n'allais jamais te revoir, jamais vous revoir. » Tu attrapais sa main que tu serrais si fort. Les larmes te montaient. Pendant cet instant où ta vie est devenue noire. Il n'y avait rien d'autre que le néant. Tu n'avais même pas une image heureuse de ta vie, comme ton premier baiser avec Nelligan, votre mariage, vos retrouvailles, votre lune de miel. Et tant d'autres souvenirs si heureux les uns que les autres. Tu n'avais rien à quoi t'accrocher. Mais plus maintenant. Il était là, il te tenait la main. Plus que jamais, tu n'étais pas seule. Tu n'allais pas l'être de sitôt non plus. Tu te relevais alors pour te glisser dans le fauteuil, tandis qu'il t'annonçait la mauvaise nouvelle. « J'imagine bien, oui.. » Tu te doutais bien qu'avec une faiblesse cardiaque et un bébé né avant le terme, tu n'allais pas sortir après quelques jours de maternité. Il allait falloir attendre que Lexi prenne du poids, que tu te sentes bien. Il te faisait traverser un dédale de couloir avant d'arriver à l'endroit que tu attendais avec impatience. Il ouvrait la porte de la nursery, te traînant jusqu'à la couveuse où elle se trouvait. « Nelligan, c'est horrible ce que je vais dire mais.. » Tu laissais quelques instants avant de lever ton regard vers lui, avant de lui avouer ce que tu avais en tête. Mauvaise mère que tu faisais déjà. « Elle n'est pas très belle non ? » Tu ne savais pas si c'était lié à l'accouchement et aux émotions qui se mélangeaient en toi, la faute aux médicaments ou si alors elle était vraiment comme ça. Hideuse. .