speak is liberating -r.

Revoir Ruby l'autre soir t'avait pas mal secoué, ce qu'elle t'avait dit t'avait tourmenté pendant des semaines. Incapable de penser à autre chose qu'à ses mots et tu avais eu envie d'en parler. Mais à qui ? Tu avais cherché quelqu'un vers qui te tourner et tu n'avais même pas fait attention que tu avais pris rendez-vous avec une psychiatre plutôt qu'une psychologue. Comme il y avait psy dans le mot, tu pensais que c'était pas tellement différent. Tu le découvrirais bien assez vite puisque ta séance était maintenant. Tu attendais dans la salle d'attente prévue à cet effet qu'elle vienne te chercher. Ce qu'elle fit, tu te levais pour la suivre jusqu'à la porte de son bureau, un peu fébrile. Tu aimerais pouvoir faire marche arrière, prendre tes jambes à ton cou et fuir. Tu le faisais assez bien, Ruby pouvait en témoigner, tout comme Bessie. Mais c'était fini maintenant. Tu devais t'accepter tel que tu étais et pour ça, tu allais rentrer dans ce bureau. « Bonjour. » Tu lui tendais la main pour la lui serrer doucement. Après ça, elle t'invitait à t'asseoir sur un sofa et tu t'y installais sans plus attendre. Elle s'installais en face de toi et tu pliais les jambes. Tu les bougeais au moins deux fois en moins de trente secondes, tu ne savais pas vraiment comment t'installer. Alors tu essayais de faire au plus simple, les jambes dans l'alignement de ton corps, rigide comme un parpaing. « Je suis homophobe et bisexuel. » déclarais-tu assez froidement. Tu ne savais pas vraiment comment ça marchait, si elle devait se présenter, si tu devais te présenter. Tu ne voulais pas tourner autour du pot. Tu la payais pour ça après tout et tu avais besoin de quelque chose de concret, de quelque chose que tu pourrais mettre en place dans ta vie pour qu'elle change définitivement.

Les journées se ressemblent, se suivent et la monotonie de la vie s’installe. Je préparai ma semaine de vacances lors des congés de fin d’année pour aller dans ma famille. Ma petite sœur tenant absolument à ce que je passe noël chez eux. Avec le décès de mon mari, tout le monde me surcouvait mais depuis le temps, j’avais fait mon deuil. Certes en hommage à la mort de Jonas, je portais toujours du noir et du blanc ainsi que mon alliance. Sauf devant mes patients, je ne voulais pas qu’ils aient de détails sur ma vie personnelle. Je me faisais la plus neutre possible. Alors quand je vis que j’avais un nouveau, je passais une main sur mon visage pour me lever et aller le chercher. J’entre dans la salle d’attente pour trouver un homme plus jeune que moi et assez chétif. Il est tellement stressé que si on le lançait par la fenêtre, il rebondirait. Je lui intime de me suivre, sans doute M. Tumnus pourrrait-il m’aider à se détendre ? J’attrape la télécommande pour aller m’asseoir en face de lui. J’observe son jeu de jambes avec minutie. Nerveux. Son visage trahit son malaise et je penche donc la tête sur le côté pour ouvrir la bouche mais il me coupe la parole. Ses dires me font hausser un sourcil et je me redresse alors tandis que mon norvégien vint se joindre à nous pour se poser près de moi. « Je vois. » Comme avec tous mes autres patients, j’adoptai une voix calme et apaisante avant de réfléchir. « Dites m’en plus sur cette homophobie ressentie, à quand date votre dernier échange avec un homme ? Autre qu’amical, ça s’entend. » Je lui fais mon sourire le plus doux avant de me lever pour aller me servir un café. « Voulez-vous boire quelque chose ou bien, vous mettre à votre aise ? » Je me tourne vers lui, consciente que ce jeune homme –M. Baratti- s’était donc trompé dans sa démarche car il n’avait l’air de souffrir d’aucune malade mentale. Sauf une trop grande anxiété.

Très vite installé dans le fauteuil, tu ne te sentais pas vraiment à ta place. Tu ne savais pas vraiment pourquoi tu étais venu là, enfin si, tu le savais parfaitement mais tu étais assez sceptique sur le fait que d'en parler à quelqu'un qui avait un diplôme pourrait t'aider dans la vie de tous les jours. Qu'est-ce qui pouvait la rendre si unique après tout ? Le fait qu'elle ait un bout de papier l'autorisant à écouter les autres et à leur prescrire des médicaments si jamais la vie était trop nulle ? Dans ton cas, tu savais que tu n'en aurais pas puisqu'il n'y avait rien pour traiter ce dont tu souffrais. « A des années. » répondais-tu rapidement à sa question. Elle essayait de se montrer sympathique et ouverte, tandis que toi tu restais froid et distant, ne voulant pas trop en dire dès la première séance. Sauf qu'il fallait bien que tu en parles, que tu mettes le doigt sur ton problème et que tu acceptes d'ouvrir les yeux, que tu acceptes de changer ce que tu étais. « Je veux bien un verre d’eau s’il vous plait. » demandais-tu poliment même si tu n'esquissais pas le moindre sourire. Tu la regardais se lever pour aller te chercher un verre d'eau et tu la remerciais dans un murmure lorsqu'elle te le tendait. Tu soufflais un bon coup avant d’approfondir ta réponse. « La dernière fois que j’ai couché avec un homme c’était il y a 4 ans. La dernière fois qu’un homme a tenté de me draguer, j’ai explosé un verre et menaçant de m’en prendre à lui physiquement s’il continuait. » Tu ne dépeignais pas un portrait très élégant de ta personne mais tu étais venu pour lui livrer tes pires secrets, tes hontes et tes peurs, il fallait bien qu'elle se fasse une idée de ce que tout cette colère faisait de de toi.

Il avait l’air complètement perdu. Je le vois à son regard fuyant et sa position qui ne cessait de changer. Pas confortable. Mon imposant chat monte sur mes genoux et je le caresse d’un air distrait tandis que j’écoutais les réponses de mon nouveau patient. C’était assez inhabituel en soi car je n’avais aucune information sur lui. Rien. D’habitude, l’hopital me transmettait un dossier assez épais comme le cas de Monsieur Rutkowski mais pour lui, rien. La démarche venait de lui. Je ne réponds rien lorsqu’il me dit que ça fait des années qu’il a eu une relation avec un homme. Ce n’était donc pas une homosexualité refoulée. Ou bisexualité. « Et avec une femme ? A quand remonte votre dernière expérience sexuelle ? » Les questions étaient intrusives mais sans doute le blocage venait-il de là ? Je me lève doucement pour aller lui chercher un verre d’eau que je lui tends avant d’attraper mon café. C’était un bel homme. Avec un certain charme. Il devait en faire tourner des têtes. « Alors… excusez si mes questions vous froissent mais que s’est-il passé entretemps ? Entre cette relation sexuelle d’il y a quelques années et cet accès de violence ? » j’adopte une position neutre, engageante pour essayer de l’amener à se confier. Histoire d’arriver à trouver une solution à ce problème épineux.