You're the Best! Around!

L’ébéniste esquissa un sourire en regardant Jim, avant de rire tout simplement. De son côté, il ne pouvait pas affirmer à 100% n’aimer que les femmes, pas comme le faisait son ami. Disons qu’il ne s’était jamais arrêté seulement sur le sexe d’une personne, il ne voyait pas le monde d’un point de vue aussi binaire, il savait qu’il y avait en réalité une réelle fluidité, autant de genre que d’identité sexuelle que d’orientation sexuelle. La sexualité était pour lui un monde de découvertes et d’expériences toutes aussi belles et diversifiées les unes que les autres, alors il ne s’arrêterait certainement pas à ce que quelqu’un avait entre les jambes. Ça ne définissait pas quelqu’un, pas complètement. Mais Isaiah savait fort bien que cette conception de la sexualité n’était pas partagée de tous, et il n’en demandait pas autant d’ailleurs. En autant qu’il y avait une ouverture d’esprit, lui se souciait peu des préférences des autres. « Ah oui je le sais bien, ça, qu’t’es amoureux ! » De sa belle Grigri, de sa belle blonde, et bordel si l’amour pouvait toujours être aussi beau, lui aussi se laisserait volontiers glisser plus facilement dans ce sentiment. Mais ça n’était pas aussi simple pour Isaiah qui n’osait jamais voir à long terme de cette manière-là. Il l’avait essayé avec Ezekielle et leur futur lui avait finalement renvoyé la balle en pleine face. Même si son cœur était encore capable d’aimer et qu’il le savait, il ne savait plus de quelle manière il devait aimer. Concernant la discussion du pigeon entraîné à retrouver Isaiah de par son odeur, ce dernier éclata de rire. Il haussa finalement les épaules. « Meh. Ceux qui comptent vraiment sauront endurer les mauvaises odeurs. Tu endureras, pas vrai ? » Parce que Jim comptait vraiment pour Isaiah, oui. Il était certainement l’un de ses plus proches amis, un qu’il n’aurait jamais envie de laisser derrière s’il avait un jour à repartir d’ici. Il tenterait de garder contact avec lui, coûte que coûte. Quitte à s’acheter de nombreux pigeons voyageurs qui feraient des allers-retours de Bowen à je-ne-sais-où-dans-ce-monde. « T’es en train de me faire des menaces, là, Jim ?! » Il prit un air faussement offusqué. « Pour la peine, compte sur moi pour lui dire que l’idée vient de toi, ouais !! Vengeance ! » Il le fusilla du regard – pour plaisanter – avant de rire. Quand ils parlèrent de la grande annonce qu’il allait bientôt devoir faire à Aisling et Aino également, Jim sembla un peu plus prendre son temps. Ils avaient beau avoir l’air bien unis, tous les quatre, lorsqu’ils se voyaient, il était vrai qu’entre chaque individu les relations n’étaient pas forcément les plus fortes. Les liens n’étaient pas encore complètement tissés entre certains. Ce n’était pas tout le monde qui se liait d’amitié aussi facilement qu’Isaiah. « Elles seront très contentes pour toi ! Tu pourras leur dire la prochaine fois qu’on se voit, tous ensemble. Ça nous donnera une belle excuse pour fêter. » Même s’ils n’avaient jamais vraiment trop de mal à se justifier, de ce côté-là. « Elle va bien, oui. Le départ de Perry n’a pas été facile pour elle, c’est clair … mais elle s’en sort très bien, et puis, elle sait qu’elle peut toujours compter sur CJ ou sur moi, si jamais … » Il esquissa un sourire. Il avait été très présent, ces derniers temps, auprès de Siobhan et d’Aisling. Et ça avait certainement changé quelque chose entre eux.

Ah, Jim pouvait le répéter autant de fois qu’il le voulait, qu’il était amoureux. Isaiah avait beau le taquiner un peu, il trouvait aussi ça très beau. Sa vision de l’amour n’était peut-être pas la même que tout le monde, il se réjouissait malgré tout constamment quand il croisait des couples aussi unis et amoureux. C’était une des beautés de l’humanité, d’aimer, sous toutes ses formes, et celle-là n’était pas moins bien qu’une autre. La forme d’amour entre Jim et Isaiah était belle, elle aussi, parce que même s’il s’agissait plutôt d’amitié, le sentiment d’attachement n’en était pas moins fort. L’ébéniste chérissait sa relation avec le blond, ce n’était pas pour rien qu’il prenait aussi souvent de ses nouvelles, qu’ils passaient autant de temps ensemble que ce soit à deux ou avec les filles. Sa présence dans sa vie avait pris une bien grande importance, et il était heureux de voir que c’était réciproque – autrement, Jim ne lui aurait pas demandé d’être l’un de ses témoins. Et il ne le foutrait pas à douche pour s’assurer qu’il aurait une bonne odeur pour le mariage. « Tant que tu me savonnes le dos ! » Lança-t-il en riant. C’était ça aussi, l’amitié, non ? Bon, pas certain que Jim partagerait cet avis-là, sachant que ça impliquerait de voir les fesses d’Isaiah d’un peu trop près. Jim se mit finalement presque à genoux devant l’artiste pour l’implorer de ne pas dire à Maxwell la provenance de son surnom pourri mais ô combien amusant. « TOUT ce que je veux ? Ooooh, mon ami, tu ne sais pas dans quoi tu t’embarques, là ! » Lança le jeune homme en riant gaiement. Honnêtement, aucune idée ne lui venait en tête, là maintenant, parce qu’Isaiah n’avait pas l’habitude de profiter des autres ou de faire du chantage pour obtenir ce qu’il désirait, mais c’était quand même marrant de le faire stresser un peu. Ils décidèrent finalement ensemble qu’à la prochaine réunion des quatre fantastiques, Jim annoncerait la grande nouvelle à Aino et Aisling. Et en parlant d’Aisling … elle avait traversé une sacrée période, et Jim prit de ses nouvelles. « J’avoue que les raisons de son départ sont un peu floues … et … pff, moi j’peux pas m’imaginer laisser mon enfant et sa mère derrière sans rien dire … » Il secoua la tête. Un bébé naissant, en plus. Et Aisling qui était déjà si terrifiée à l’idée d’être mère. Mais Isaiah avait du mal à dire du mal des autres sans connaître toute l’histoire. Il haussa les épaules. « Au moins, ça lui aura permis de vraiment se rapprocher de sa fille. » Et elle faisait une très belle et bonne maman. Il esquissa un sourire. « D'avoir été avec elle un moment, pour lui donner un coup de main, j'dois avouer que ça donne envie ... d'avoir une famille. » Avoua-t-il. Au début de sa vie, il ne s'était jamais imaginé être papa, parce qu'il voyageait beaucoup trop, il ne restait pas en place. Mais ça avait changé, quand même, et l'idée n'était plus aussi folle.

Isaiah fit une moue déçue, vexée, que l’un de ses meilleurs amis le pousse de force à la douche si jamais il se pointait à son mariage avec des looks de sans-abri, mais qu’il n’accepterait même pas de lui savonner le dos. « Je pensais … je pensais qu’on était plus proches que ça, Jimmy … » Il porta sa main vers son cœur, dans un geste théâtral tout aussi dramatique que la tête qu’il faisant en levant les yeux au ciel, comme s’il implorait un dieu quelconque de le délivrer d’une telle souffrance découlant de la trahison de Jim. Ce dernier se rattrapa bien assez vite en lui disant que si Isaiah ne révélait pas à Maxwell l’origine de son abominable surnom, il ferait n’importe quoi pour lui. Oh oui, une grande aventure dans laquelle il s’embarquait, c’était certain ! « Je te révélerai les détails de ton forfait aventure quand j’y aurai un peu plus réfléchi ! » Dit-il en se frottant les deux mains ensemble, préparant mentalement un plan diabolique même si au fond, Isaiah n’avait rien de démoniaque, rien de méchant, et qu’il allait sans doute lui faire faire de merveilleuses choses pour le punir. Isaiah n’était pas capable de penser en mal des autres alors encore moins de trouver des idées légitimes de punition ou de torture. Il voulait juste qu’il passe du bon temps, Jim. Tout le temps. Ils parlèrent finalement de la fille d’Aisling, Siobhan, mais d’abord du départ de Perry qui avait créé un assez grand vide dans toute cette situation. À la remarque de Jim, Isaiah fronça les sourcils. « Whut ? » Le blond se reprit en spécifiant qu’il parlait de sa propre adoption. « Aaaaaaaaaah, bordel, ne me fais pas des peurs comme ça ! Peut-être que ta petite escapade de quelques semaines avec Ingrid, c’était pour qu’elle accouche et que vous abandonniez le bébé au bord de la route ! Me laisse pas m’imaginer des trucs comme ça ! » M’exclamais-je, poussant encore une fois la note un peu trop loin. Il n’exagérait toutefois pas en partageant sa soudaine envie d’avoir une famille, lui aussi. Pas que ça lui avait toujours semblé hors de sa portée, non, mais il n’aurait pas cru qu’à cet âge, il serait prêt. « Exactement. » Jim avait tout compris. Il s’était attaché à Siobhan, presque comme il s’attacherait à sa propre fille, mais ça n’était pas le cas. Forcément, ça lui donnait des idées. Visiblement, Jim en avait aussi, pour Ingrid et lui, mais pas maintenant. « Ooooh, oui ! Ils pourront faire un remake de Quatre filles et un chandail ! Bon, version deux amis seulement, et on n’est pas encore certain du sexe de l’un ou de l’autre ! Mais tu vois le genre ! » C’était pas du tout ça le titre, mais on s’en foutait un peu, pas vrai ? Il avait au moins fait l’effort. Il rigola. « Dis … comment t’as su ? Que t’étais amoureux d’Ingrid ? » Osa demander Isaiah, tout d’un coup un peu plus sérieux. C’est qu’Isaiah et l’amour, c’était un beau duo improbable, un concept mystérieux encore malgré sa relation avec Ezekielle qui avait commencé d’une manière bien trop particulière pour qu’on puisse y voir une quelconque comparaison avec n’importe quelle autre relation.
 

Évidemment, Isaiah n’était aucunement sérieux dans cette discussion. Il n’était ni vexé, ni choqué, ni déçu que son ami Jim n’accepte pas de lui laver le dos, même dans une situation autant hypothétique. Il n’était pas du genre à prendre l’air pour une bêtise, Isaiah, encore moins quand c’était lui-même qui avait débuté la plaisanterie. Et puis, si lui ne voyait aucune limite à l’amour et à la sexualité, il savait fort bien que ce n’était pas le cas de tout le monde et que Jim aimait les femmes. Forcément, il ne pouvait s’imaginer en train de passer ses mains savonneuses sur le corps d’un homme. De toute façon, ce n’était pas la relation qu’ils avaient, mais alors loin de là ! Il préférait s’en tenir au stade des plaisanteries à ce sujet, ça valait mieux. Tout comme cette blague quant à la vengeance d’Isaiah et tout ce qu’il ferait faire à Jim s’il voulait qu’il garde le secret du surnom de Maxwell. Et le voilà qui tentait d’embarquer Ingrid avec lui ! « T’es vraiment en train d’me demander si j’peux aussi intégrer Ingrid à ton deal d’esclavage ? Ohlala, si elle savait dans quoi tu cherches à l’embarquer … J’crois qu’elle ne serait pas trop contente ! » Dit-il en secouant la tête de gauche à droite, rapidement. Elle reconsidérerait peut-être son oui, d’ailleurs. Après tout, un mari qui la jette sous les roues de l’autobus, c’est pas forcément ce qu’on recherche, hein ? Héhé ! Bon, certes, Isaiah n’avait aucune vilaine intention alors que ce soit Jim, Ingrid ou les deux, personne n’en serait brimé. Pas autant que le futur bébé de Jim et Ingrid, en tout cas, si le blond continuait sur cette lancée ! « Ouais non j’ai poussé un peu loin mon scénario dramatique, hein, j’t’imagine pas capable d’un tel truc. Mais enfin, bon, n’importe qui peut prendre de mauvaises décisions sous la panique, le stress, le sentiment d’impasse. » Il haussa les épaules. Il ne prenait certainement pas la défense de Perry, parce que ses raisons ne justifiaient pas un abandon total de la sorte, mais Isaiah savait que ça n’était pas un cas isolé. Que ça pouvait arriver à tout le monde, à lui, à Jim. Qu’on ne peut jamais totalement juger d’une situation sans l’avoir vécue, sans être dans les souliers de celui qui la vit. Bref, ils parlèrent de leurs futurs enfants à eux et du remake de Quatre filles et un chandail qu’ils pourraient réaliser. Jim ne savait pas de quoi il parlait, et Isaiah non plus, au fond. « Aucune idée … » Il n’aurait vraiment pas pu raconter l’histoire, alors à quoi bon patiner. De toute façon, une question brûlait les lèvres de l’ébéniste, qui osa finalement la poser à Jim, espérant que ça n’éveille pas trop ses soupçons. Il l’écouta avec un sourire, un éclat de tristesse traversant tout de même son regard quand le blond parla d’une rupture. Fallait-il réellement passer si près de perdre quelqu’un pour se rendre compte à quel point on l’aime ? « Je ne savais pas que vous vous étiez disputés. Je suis ravi que tout aille pour le mieux maintenant. » Et c’était le cas de le dire, ils allaient se marier, bon sang !
 

Isaiah riait à gorge déployée, c’était un pur délice que de voir Jim complètement confus face aux paroles de l’ébéniste qui, avouons-le, portaient grandement à confusion. Tantôt il promettait de belles et grandes aventures, tantôt il assimilait la chose à de l’esclavage. C’était à n’y rien comprendre ! Sauf qu’il suffisait de connaître un minimum Isaiah pour savoir que jamais, non jamais, il n’aurait recours au chantage pour punir les autres. Le blackmail, les réprimandes, très peu pour lui. Il ne ferait pas de mal même à une mouche, et ça s’appliquait autant physiquement que mentalement, parce que les deux méthodes pouvaient s’avérer dévastatrices. Alors s’il avait dit forfait aventure, ce serait un forfait aventure, même si à la base, Jim achetait son silence, hein ! Le prix était plutôt pas mal. « Oh, que c’est beau, ces preuves d’amour ! » Lui ne pas vouloir l’embarquer dans de mauvaises histoires, elle vouloir tout partager avec elle, même les peines. C’était à se demander comment ils auraient pu en venir à la décision d’abandonner un bébé sur la route, d’ailleurs, et fort heureusement Isaiah ne le pensait pas, et Jim ne l’avait pas fait. Tout est bien qui finit bien. Enfin, pas pour tout le monde. Avec le départ de Perry, Aisling avait un peu moins vu le positif dans tout ce chaos. Au moins, elle n’était pas seule, et Jim semblait d’ailleurs se rendre compte de cette proximité encore plus prononcée qu’auparavant, entre Lingling et Isa. En même temps, avec ses grandes questions sur l’amour, l’ébéniste n’était plus vraiment subtil. Peut-être avait-il besoin de son ami pour l’aider à voir plus clair dans tout ce changement. Isaiah, il avait perdu beaucoup quand Ezekielle avait décidé de ne pas rentrer au pays, de reprendre ses voyages, sans lui. Il ne pensait pas retrouver quelqu’un auprès de qui il se sentait si bien, si complet, aussi tôt. En même temps, c’était un peu comme une évidence, Aisling et Isaiah avaient toujours été comme ça. Là, il n’y avait juste plus personne pour se mettre entre eux. Pas de Chase. Pas de Perry. Pas d’Ezekielle. Pas – ou presque pas – de Ciàran. Isaiah avait simplement enfin ouvert les yeux. Il ne savait juste pas encore ce qu’il voyait très exactement. « Moi ? Eh bien … Comment dire … » Il haussa les épaules. Il se montrait très bavard par moment, le musicien, mais quand il était question de démêler ses sentiments un peu plus profonds, un peu mieux cachés, les mots bloquaient à la sortie de sa bouche. « Tu sais, avant Ezekielle, j’n’avais jamais vraiment pensé être un jour en couple, du moins pas de manière stable, ou engagée … Puis, elle m’a montré ce que c’était et … et même si après notre rupture, j’me suis dit que c’était bien mieux avant, je crois que … qu’j’ai quand même pris goût à une relation de couple. Et que j’ai peut-être à nouveau envie de ça … » Et ça sautait aux yeux, qu’il avait lui aussi une belle blonde en tête, non ?
 

Isaiah n’était visiblement pas autant axé sur le romantisme, les mots doux et les gestes d’amour que Jim et sa copine Ingrid. Il n’était pas un glaçon, détrompez-vous il était même l’une des personnes les plus chaleureuses de la ville. Jim pouvait en témoigner par le nombre de câlins qu’il pouvait lui faire, même quand il n’y avait pas vraiment de raison valable pour les justifier. Toutefois, en amour, Isaiah n’était pas du genre à trouver des petits surnoms mielleux, à se transformer en guimauve quand il était dans les bras de l’être aimé, ou encore à acheter des cadeaux à tout bout de champ pour son amour. Certes, il dépeignait là un portrait qui ne représentait sans doute pas Jim non plus, mais Isaiah était quand même bien loin derrière ces preuves d’amour. Peut-être parce que jusqu’à maintenant, il n’avait été qu’avec une seule personne, Ezekielle, et qu’elle n’était pas non plus du genre à se laisser aller à ce genre de comportement. Qui sait de quoi aurait l’air Isaiah dans une autre relation. « Patience, patience, ça vient ! » Dit Isaiah en rigolant. Et puis, c’est vrai que s’il laissait Jim élaborer sur la pensée d’Isaiah, ils seraient encore ici demain matin. Déjà qu’Isaiah ne savait pas lui-même comment verbaliser ce qu’il avait en tête, il n’osait même pas imaginer avec l’ignorance de Jim (il n’était pas dans sa tête après tout) ainsi que son débit de voix. L’ébéniste reprit finalement la parole pour se lancer dans une tirade plus ou moins longue à propos d’Ezekielle, de ce couple qu’ils avaient formé alors que jamais il n’aurait cru vivre une telle relation, et son envie de revivre ça, désormais. Il se sentait complètement perdu, Isaiah, parce qu’il n’avait jamais eu l’impression d’être le genre de personne à courir après l’amour. Mais, comme disait Jim, c’était l’amour qui venait à lui et pas l’inverse. Ça sonnait peut-être drôle, ou con, mais ce n’était pas si faux. Quoique … s’il attendait qu’Aisling vienne à lui sans qu’il ne bouge ne serait-ce que le petit doigt, il attendrait peut-être longtemps. « T’étais ami, avec Ingrid, avant de … enfin avant que vous commenciez à vous fréquenter ? Qu’est-ce que t’as dit, pour lui faire comprendre que t’étais intéressé à plus qu’une simple amitié ? » Alors là, si Jim ne se doutait pas de l’heureuse élue, ça ne faisait sans doute plus de doute. Enfin, à moins qu’il ne pense qu’il s’agissait d’Aino.
 

Certes, si Isaiah semblait n’avoir aucun sujet tabou, il était vrai que lorsque cela impliquait des sentiments quelque peu profonds en lui, il avait un peu plus de mal à les extérioriser. Pas parce qu’il avait honte d’aimer, non au contraire, il était conscience de la chance qu’il avait de se laisser envelopper d’un aussi beau sentiment. Il en profitait, Isaiah, et il aimait. Il aimait les autres, il aimait si fort, tellement fort qu’il se perdait justement dans ce large sentiment. C’était à force de passer du temps avec Aisling et Siobhan qu’il avait ouvert les yeux sur la particularité de l’amour qu’il portait à la jeune femme. C’était une toute autre sorte d’amour que celui qu’il partageait avec tellement d’autres personnes. C’était un amour plus grand encore que celui qu’il avait cru lui porter tout ce temps. Si ça avait évolué ou s’il s’était juste enfin réveillé, ça, il ne le savait pas vraiment, Isaiah. Il ne cherchait pas à le savoir, non plus. Ce qui importait, c’était que là, maintenant, il savait qu’il ne pourrait sans doute plus être avec d’autres sans penser à elle. Et ça n’était pas quelque chose de facile à vivre quand on nageait dans l’ignorance. C’est pourquoi il décida de s’ouvrir à Jim, contre toute attente. Il n’avait certainement pas planifié cela pour aujourd’hui, mais ça leur venait naturellement, à tous les deux, de s’ouvrir au moment opportun. Et s’il y avait une personne – autre qu’Aisling – avec qui il avait réellement besoin et envie d’en parler, c’était bien son Jimmy-Jim-Jim. Alors il lui posait effectivement de nombreuses questions, parce qu’il avançait en terrains inconnus et il aurait bien besoin qu’on l’éclaire un peu. Et comme Jim avait une si belle aura lumineuse, il s’était dit qu’il aurait peut-être les réponses à ses questions. Mais peut-être qu’Isaiah était le seul à les détenir, ces réponses. « Ah, oui, ça s’est fait … tout en douceur. Et dans « l’ordre des choses ». Même si je crois pas qu’il y ait vraiment un ordre à suivre. Tu vois ce que je veux dire. » Il hocha la tête avec un sourire. Sa situation était différente de celle de Jim et Ingrid. Lui connaissait Aisling depuis des années maintenant. Ils ne pourraient pas juste commencer à coucher ensemble sans se poser davantage de questions. Ils avaient déjà dépassé ce stade-là. « Je ne sais pas si c’est le bon moment. Je sors à peine de ma relation avec Ezekielle. Et elle … » Il eut un léger sourire, presque gêné. Il n’aurait plus la possibilité d’esquiver la question ou de faire planer le suspense. « Elle a déjà assez mal vécu le départ de Perry. Et elle est bien prise avec ses études, et Siobhan … Je … Je ne sais pas si elle a vraiment la tête à ça. » Surtout, il savait à quel point les hommes avaient pu faire souffrir Aisling. Il ne voulait pas être un de ceux-là. Il voulait, pour toujours et à jamais, être celui qui arriverait à la réconforter, à la faire rire et sourire, à faire renaître l’espoir en elle. Peut-être, donc, était-ce justement le parfait moment.
 

Isaiah hocha la tête quand Jim affirma que chaque personne avait son propre rythme et son propre ordre. Il n’aurait pu dire mieux, au fond. Et si quelqu’un voulait se marier à l’autre après une semaine, qui était-il pour juger ? Et si l’ordre d’Aisling et d’Isaiah s’avérait un peu différent des autres, parce qu’ils étaient d’abord tombés amis avant de tomber amoureux, est-ce que cela avait réellement une quelconque incidence sur le reste ? Enfin, pour Aisling, il ne savait pas, mais pour lui, c’était exactement ça : c’était en apprenant à connaître chaque merveilleux détail de sa personne, chaque secret enfoui qu’elle avait ressorti peu à peu pour lui, qu’il était tombé amoureux d’elle. Pas comme cette citation du je suis tombé amoureux de lui comme on s'endort : d'abord doucement et puis tout d'un coup. Non. Pour Isaiah, ça avait été doucement, tout le long de leur relation. Du début jusqu’à la fin, sans même qu’il ne s’en rende vraiment compte, Isaiah avait développé des sentiments à l’égard de sa meilleure amie. Il n’était pas tombé tout d’un coup, par la suite. Il avait juste ouvert les yeux. Là était toute la différence. Les sentiments qui s’étaient dessinés face à lui n’étaient pas une surprise. Ils étaient une évidence. « Surtout de nos jours, je pense. Il existe autant de relations possibles que d’humains … Et on n’accorde plus autant d’importance aux « conventions ». Mon arrière-grand-mère serait sans doute bien choquée de voir comment j’ai mené ma vie sentimentale ces dernières années. » Isaiah eut un léger rire. Son arrière-grand-mère était décédée, paix à son âme, mais elle se retournerait sans doute dans sa tombe en sachant combien de relations sexuelles il avait pu avoir avec des hommes, avec des femmes, sans jamais se marier, sans jamais s’engager à quoi que ce soit. « Booon, faudrait vraiment arrêter de philosopher, toi et moi ! Ou alors qu’on s’y mette sérieusement, et qu’on écrive un bouquin. How to Embrace Your True Self, by Isaiah et Jimmy-Jim-Jim. » Lança-t-il en allongeant ses mains face à lui et en les éloignant l’une de l’autre à mesure qu’il annonçait le titre. Les deux amis n’en avaient toutefois pas encore fini avec les voix de leurs cœurs, et Isaiah parla de sa relation encore récente avec Ezekielle. S’il ne s’était jamais imaginé en couple auparavant, il s’imaginait maintenant bien mal se replonger dans une relation aussi rapidement. « Et pourtant j’ai jamais été du genre à m’attacher. » Il eut un léger rictus. « Cette ville a le don de changer les gens. » Parce qu’il n’était pas le seul à avoir vu sa vie ébranlée par les histoires entre les murs de Bowen. À la question du blond, Isaiah haussa les épaules. « J’ai pas trop de mal à m’imaginer me prendre un râteau. Et j’ose espérer que ça ne changerait pas trop les choses entre elle et moi si ça devait arriver. Mais, j’sais pas, j’ai pas envie d’aller trop vite alors qu’elle est pas prête à l’entendre. Et peut-être que moi non plus … » Mais Jim avait raison, il ne fallait pas attendre trop longtemps. Qui sait, elle lui passerait peut-être sous le nez. Et Aisling n’était pas le genre de femme qu’on laissait filer entre nos doigts. « J’verrai. J’y vais toujours au feeling, de toute façon, tu m’connais. Quand ça sera le moment, j’le saurai. » Du moins, il l’espérait.