L'inconnu à la porte [Feat. Devan Matthews]

Depuis quelques jours, Lisandro avait pris la décision de rester cloisonné chez lui. Hormis Kaya son aide à domicile, c'était la seule visite qu'il avait. Sa dernière discussion avec Woody l'avait mis un peu sur le cul, quant à sa récente sortie avec Daemon qui s'était terminé en ring de boxe, dont il portait encore les stigmates au visage, tout tournait dans sa tête sans qu'il n'arrive à faire le tri dans ses pensées.

Le soleil venait de se lever et l'ancien sportif n'avait pas de rendez-vous de prévu, si bien qu'il ne comptait pas bouger ni faire quoique ce soit. Il avait conscience de ne pas rendre la vie facile à Kaya, mais c'était comme ça qu'il avait appris à vivre depuis son réveil du coma. C'était là, un énorme effort qu'il allait devoir faire, mais clairement depuis plusieurs semaines, il n'avait que des pensées noires dans sa tête, l'envie d'en finir avec la vie.

Après avoir pris sa douche et être habillé, il resta cloîtré dans son fauteuil, au fin fond de sa chambre pendant que Kaya parti faire les courses. Lisandro ne lui imposait pas de cuisiner à chaque repas, loin de là, même si elle ne lui faisait pas à manger, le jeune homme n'allait pas s'en frustrer pour autant. Il se retrouvait donc seul chez lui, après avoir eu les recommandations de son aide, lui ayant intimité de ne pas faire de bêtises comme il en avait l'habitude à trop forcer et penser qu'avec un claquement de doigts, il serait capable de remarcher.

Quelques minutes seulement après que Kaya soit parti, la sonnerie retentit. Avait-elle oublié quelque chose ? Il se disait que si c'était elle, elle prendrait le double des clés qu'elle avait. Mais la personne réitera. Il fut alors obligé de se déplacer jusqu'à la porte d'entrée, et ne pouvant voir de qui il s'agissait par le judas, il ouvrit la porte avant de voir un homme qu'il ne connaissait pas.

" - Vous avez besoin de quelque chose ?" fit-il en dévisageant l'homme qui se tenait devant lui.

Il y avait deux Lisandro, pour ceux qui avait eu la "chance" de le connaître avant son accident, ils savaient quel genre de personne il avait été, mais depuis ce dernier, tout avait basculé, quelque chose s'était brisé en lui, et peut-être qu'il ne pourrait jamais redevenir celui qu'il avait été dans le temps. Au fond ça l'inquiétait mais malgré ça, il n'arrivait pas à retrouver une joie de vivre ni même l'espoir de remarcher un jour. Au contraire, ses pensées étaient sans cesse négatives et il s'imaginait constamment le pire. Le départ de Cecilia alors qu'il venait tout juste de se réveiller était sans doute responsable en grande partie.

Déjà qu'en temps normal, il ne faisait pas grand chose de ses journées, refusant de sortir pour ne pas avoir à affronter le regard des autres, mais depuis quelques temps, il se renfermait de plus en plus sur lui-même. Son psychiatre l'avait d'ailleurs remarqué lors de leur séance. Le basané redevenir celui qu'il avait été à son réveil, cet homme dépressif prêt à en finir avec ses jours. Kaya aussi semblait l'avoir remarqué que malgré tous les coups bas qu'il a pu lui faire, elle tente de lui faciliter la vie, de lui rendre le sourire.

Persuadé qu'il s'était tranquille durant le temps où son aide était partie faire les courses, Lisandro finit par entendre quelqu'un toquer à la porte. Il aurait très bien pu faire comme s'il n'était pas là et ne pas ouvrir la porte, mais au fond, il se sentait comme obligé de le faire. Lorsqu'il ouvrit cette dernière, un homme se tenait là. Inconnu aux yeux de Lisandro, un voisin ? Un démarcheur ? Un flic ? Peut-être même aucune de ces trois options. Et effectivement, il eut la réponse lorsque ce dernier se présenta. Le petit ami de Daemon, alors même lui se mettait à le balancer ? Lui qui se disait ami. Il faisait parti de ceux qui l'avaient connu avant son accident. Désormais Lisandro était déterminé à ce qu'il ne remette plus les pieds chez lui, pas après lui avoir fait ce coup bas.

Rongé par la colère, il ne pouvait tout de même pas laisser l'inconnu dehors, même si savait déjà à l'avance que leur discussion n'allait pas lui plaire et qu'il aurait dû se mêler de ses affaires. Tiens bien que mal, l'ancien footballeur se décala, laissant le passage à cet homme avant de refermer la porte derrière lui. S'il espérait encore être tranquille, c'était fichu. Allant s'installer là où il était avant de se diriger vers la porte, il invita son hôte à s'installer où il le voulait tant qu'il ne restait pas trop longtemps.

" - Je t'écoute." dit-il d'une voix aussi neutre que possible.

En vrai, il bouilliait à l'intérieur, il était à deux doigts d'exploser et si la discussion tournait dans ce sens-là, alors il était certain que les deux hommes allaient forcément se détester à l'avenir. Une idée traversa l'esprit de Lisandro, et s'il était arrivé quelque chose à Daemon ? Non, si c'était le cas son petit ami ne semblerait pas aussi détendu qu'il paraissait à cet instant précis.

Lisandro fixait l'homme qui était désormais dans sa demeure, il se demandait encore pour quelle raison il avait accepté de le laisser rentrer. Parce qu'au fond il n'était pas si fermé que ça, mais la présence de ce dénommé Devan ne lui inspirait rien de bon. Au lieu de ça, il s'était décalé autant qu'il lui était possible avec son fauteuil pour qu'il puisse entrer, puis il l'invita à s'asseoir là où il désirait. Fauteuil, canapé, chaise, autant de mobilier qui ne servira plus jamais à l'italien qui finira ses jours ancré dans ce putain de fauteuil. Ce même fauteuil qui régissait sa vie depuis plus d'un an.

Tout en attendant que le jeune homme se décide à parler, Lisandro aurait pu lui proposer à manger ou tout du moins à boire, mais il n'en avait d'une part pas envie, et d'autre part, il aurait été incapable d'aller lui chercher quoique ce soit dans des placards auxquels il ne pouvait accéder. Alors, il se tenait simplement à côté de lui, tout en se demandant ce qu'il allait bien pouvoir lui dire, visiblement pas quelque chose qu'il était prêt à entendre, encore moins d'un "inconnu", bien que celui-ci soit lié à son ami.

Le voilà qui commence à entrer dans le vif du sujet. Comme il le redoutait il s'agissait bel et bien de Daemon, qu'est-ce que ça pouvait être d'autre après tout ? Il n'était pas là simplement pour faire la causette et lui passer le temps. Daemon allait mal. Lisandro était tellement aveuglé par sa propre douleur que ça lui avait totalement échappé. Comment avait-il pu passer à côté de ça ? Il y a de ça quelques années, il aurait été celui sur qui Daemon pouvait se reposer, se confier, au lieu de ça, il était passé de l'autre côté de la barrière et c'était lui le responsable de tour ça. Bien sûr que ça le touchait, mais cet accident avait fait de lui quelqu'un de différent, quelqu'un qui n'arrivait plus à exprimer ses émotions sans en avoir honte. Quelqu'un de froid voilà ce qu'il était, comme si plus rien n'avait d'importance, que rien ne le touchait, il avait ce masque qu'il portait au quotidien pour se protéger lui-même de tout ce qui se trouvait autour de lui.

" - Très bien, dans ces cas-là je te propose une solution, tu gardes ton Daemon pour toi et tu lui dis de ne plus mettre les pieds ici."

Oui il s'en voulait d'avoir blessé Daemon d'une quelconque façon, mais il n'arrivait pas à l'avouer encore moins face à Devan. Alors plutôt que de reconnaître que ses propos le faisaient réfléchir et qu'il allait peut-être réagir, il préférait jouer la carte du détachement, de la colère, simplement parce que c'est la seule chose qu'il savait faire correctement. La solitude c'est la seule chose qu'il avait toujours connu et il méritait d'être seul, il ne méritait pas que quelqu'un se décarcasse pour lui, alors la meilleure solution c'était de couper les ponts avec son ami de longue date pour lui permettre d'aller mieux. Sans lui, il aura déjà un boulet en moins sur la conscience.

Lisandro savait des le début qu'il n'aurait jamais dû laisser entrer Devan, c'était une erreur. Il avait fait une erreur, et maintenant il devait l'assumer et accepter ce que l'homme s'apprêtait à dire. L'italien savait que ça n'allait pas lui plaire, mais il ne se voyait pas non plus le jeter dehors à coup de pieds au cul. S'il avait été valide, ça aurait sans doute été une autre histoire, mais la question ne se posait pas puisqu'il était dans ce fauteuil probablement jusqu'à sa mort.

Il le laissa parler sans l'interrompre, déjà parce qu'il ne voyait pas vraiment quoi répondre, et puis parce que ça lui permettait également de préparer ce qu'il allait lui dire. Certes ça n'allait pas plaire, c'était certain, mais depuis son accident, c'est la seule défense qu'il avait trouvé pour se protéger lui, mais surtout, protéger ses amis. La preuve, il faisait souffrir Daemon alors que cet homme avait le coeur sur la main, lorsque tout le monde l'avait abandonné, lui était resté auprès de lui, il avait encaissé tellement de choses pour lui, que c'en était presque surhumain. Et pourtant, il ne s'en était jamais plains, en tout cas, pas face à lui, mais ça ne semblait pas être le cas vis-à-vis de son petit ami.

Bien sûr que lorsqu'il insunia que Lisandro n'en avait que faire de Daemon, il avait envie de se lever, de lui dire qu'il se trompait sur toute la ligne, et pourtant, il n'en fit rien. Par fierté ? Non. Par peur ? Non plus. Tout simplement parce qu'il savait que quoiqu'il dise, ce ne serait pas suffisant pour convaincre Devan que ses intentions n'avaient jamais été mauvaises. Mais comment le croire alors qu'il avait tout fait pour pousser Daemon à bout afin qu'il jette l'éponge et qu'il tire un trait sur leur amitié ? S'il l'avait c'était uniquement pour le protéger, pour ne pas qu'il souffre, et aujourd'hui, il aavait lamentablement échoué.

" - Tu penses tout savoir, mais la vérité c'est que tu ne sais rien. Tu es peut-être le copain de Daemon, mais tu ne connaît rien de moi."

Et d'ailleurs, c'était sans doute pas plus mal comme ça. Lisandro n'avait pas envie d'avoir des personnes qui se disent amis alors qu'au final, ils n'ont jamais rien partagés ensemble. Daemon lui, savait parfaitement ce qu'avait traversé le brésilien, même s'il ne pouvait pas imaginer la douleur qu'il ressentait en son for-intérieur, il l'avait suivi pendant ses compétitions, il savait pertinemment que le sport c'était sa seule raison de vivre. Il savait aussi que la seule personne à qui Lisandro avait tout confié, s'était barré le jour où elle avait appris qu'il ne remarcherait jamais. Il avait été abandonné et aujourd'hui, cette peur de l'abandon le hantait, voilà pourquoi il préférait limiter le dégâts pendant qu'il en avait encore le pouvoir.

" - C'est sûr que rester dans un fauteuil roulant toute sa vie c'est un meilleur choix. J'ai pas choisi d'être comme ça, si j'avais eu le choix, je ne serai certainement pas ici et toi non plus d'ailleurs."

Il venait de livrer une petite partie de sa vie à cet homme qui ne le connaissait pas, c'était un grand pas, et s'il avait ne serait-ce qu'un minimum de compréhension, alors il ne continuera pas de le traiter comme un parfait connard, même si c'est ce qu'il est devenu en façade depuis son masque. Il suffit de creuser pour savoir que ce n'est qu'une apparence.

Comme cet homme pouvait pénétrer dans sa maison et m'accuser comme si tous les malheurs de Damon étaient dû à lui ? Lisandro était peut-être gentil, mais il était comme tout le monde, il avait ses limites et là, clairement Devan était en train de jouer avec dangereusement. Mais que pouvait-il faire ? Daemon allait mal, lui aussi, alors pourquoi faire comme si de rien n'était ?

L'italien avait toujours eu tendance à fuir quand tout devenait trop compliqué, que ce soit en amour ou même en amitié, parce que lui-même avait été abandonné et qu'il pensait que c'était là la seule option qui lui restait pour arranger les choses. Mais au plus profond de lui, il savait que fuir n'était qu'une option disponible pour les lâches dans son genre, en avait-il vraiment envie ? Ne regretterait-il jamais d'avoir laissé son ami quand il avait le plus besoin de lui ? C'était vraiment un ami indigne, Daemon avait toujours été là pour lui, même avec ce putain de fauteuil et lui quoi ? Il fuyait dès que les choses devenaient difficiles parce qu'il avait peur de les affronter. Il faisait un piètre ami et voilà pourquoi il voulait laisser Daemon, il méritait d'avoir des amis bien plus à la hauteur que l'était Lisandro. Il méritait mieux que lui. Il en était désormais conscient.

" - Arrête ce petit jeu Devan. Je te jure, arrête ça, ça risque de très mal finir. Tu n'en a pas envie et moi non plus."

Lisandro n'était pas du genre violent, en revanche, lorsqu'il était en colère, il disait parfois des paroles dures, très dures, qu'il en pensait pas forcément et il n'avait pas envie que Devan soit la cible de sa colère, mais c'est tout de même lui qui l'avait fait naître en venant se pointer chez lui pour lui faire la morale concernant son amitié avec Daemon. La vérité c'est qu'il supporte très mal qu'une personne vienne chez lui et lui dise quoi faire, mais cela ne le laissait pas indifférent non plus, surtout lorsqu'il s'agissait de Daemon.

" - Et même si je décidais de rester, qu'est-ce que je peux faire pour lui ? Je suis cloué dans ce putain de fauteuil, Daemon a vraiment pas besoin d'un boulet en plus dans sa vie crois-moi. Si je disparais, ça lui permettra qu'il puisse se concentrer enfin sur sa propre vie, c'est ce qu'il mérite plutôt que de s'occuper des autres et se négliger."

Oui il avait beau se trouver des excuses, c'est juste qu'il n'assumait pas avoir besoin d'aide. Enfin, lui le savait, mais son esprit avait encore du mal à se l'avouer.

" - Putain mais c'est quoi ton problème avec la fierté ? Ça n'a rien à voir avec de la fierté c'est bien plus compliqué que ça. Mais t'as raison reste borné sur ton idée, on va bien avancer comme ça."

Sa voix s'était faite comme résigné, sans le savoir, Devan venait de créer une fissure dans sa carapace, saurait-il le déceler pour s'engouffrer dedans ? Mais s'il brusquait trop l'italien, il risquait tout simplement de refermer cette fissure sans plus jamais pouvoir s'y introduire.

Lisandro avait tendance à s'emporter un peu vite parfois, il était impulsif, en revanche, il détestait se battre. Mais parfois, si on le poussait vraiment hors de ses retranchements, alors c'est la seule solution qui s'imposait à lui. Mais dans le cas présent, hormis gueuler sur Devan ou le foutre à la porte, il n'avait pas spécialement envie de le frapper, ou peut-être lui mettre une simple gifle mais il n'en avait rien fait essayant de contrôler ses émotions le plus possible.

Il avait écouté le jeune homme jusqu'au bout, et il savait qu'il avait raison, mais le tout n'était pas de le savoir, c'était d'en prendre conscience et d'essayer de vivre avec. Ce n'était pas si simple que ça en avait l'air, même si aux yeux des autres, il suffit "d'accepter son handicap". Est-ce qu'ils avaient seulement une idée de ce qu'il pouvait ressentir au fond de lui ? De passer de joueur de football professionnel à handicapé coincé dans un fauteuil roulant ? Son corps avait diminué de moitié, passé le bassin, il ne sentait plus rien. Vous voyez le film Intouchable ? Et bien c'est pareil, on pourrait lui verser de l'eau brûlante sur les jambes qu'il ne le sentirait même pas.

" - Ne dit pas que tu imagines ce que tu ressens, tu ne peux pas l'imaginer. Tu ne peux pas te douter de ce que ça fait d'être réduit à ce point et de laisser une femme, une inconnue qui plus est, de laver, t'habiller comme si t'étais un gamin à qui on apprenait à faire ses lacets."

Il avait peut-être été un peu sec, mais, c'est exactement ce qui lui passait par la tête, les gens ne pouvaient pas s'imaginer tant qu'ils ne l'avaient pas vécu, ou du moins, eu quelqu'un de leur entourage proche dans cet état. Daemon lui pouvait comprendre, enfin en tout cas mieux que Devan c'était certain. Lisandro laissa Devan poursuivre son discours sans vraiment écouter jusqu'à cet instant, ce moment où il lui disait que pour rendre la pareille à Daemon, il faudrait qu'il recommence à vivre. C'était les mots de trop, l'italien sentit son coeur se serrer, ses yeux devenir humides et il essayait tant bien que mal de refouler ses larmes. Pas devant Devan, il n'avait pas le droit de paraître aussi faible, aussi vulnérable. Mais sa voix le trahit.

" - J'arrive pas à recommencer à vivre.. Je.. Putain.. Laisse oublie.."

Il se tourna afin que Devan ne puisse plus voir son visage, il se dirigea vers sa chambre afin de ne pas montrer ce visage vulnérable qu'il cachait à tout le monde, derrière ce masque qu'il s'était construit après son accident, mais au fond, ce masque devenait de plus en plus à porter. Devan avait raison, il devait réapprendre à vivre, mais pour cela, il fallait que son esprit l'accepte, parce que son corps lui, ne demandait qu'une chose : remarcher, pour ça fallait-il encore qu'il se donne les moyens pour. Oui, il avait sans doute d'autres amis, mais aveugler par son handicap, il ne voyait pas les gens qui l'entouraient, il préférait se terrer chez lui, le seul endroit où il se sentait réellement en sécurité, à l'abri du monde extérieur qu'il fuyait, mais il n'allait pas pouvoir le faire indéfiniment, il en avait bien conscience, il ne faisait que retarder l'inévitable.

Le jeune homme n'était pas du genre très émotif, il avait pour habitude de ne jamais montrer ses émotions, il avait toujours tout garder en lui, et parfois, c'était trop, il avait besoin d'évacuer. Dans le temps, il lui suffisait de passer plusieurs heures sur un terrain, de shooter dans un ballon de football afin de faire sortir tout ce qu'il gardait en lui. Mais cette fois-ci, il ne le pouvait pas, il n'avait pas encore trouvé d'autres solutions pour extérioriser, et la seule qu'il avait trouvé, c'était de faire tomber son masque, de laisser couler ses larmes tout en se cachant. Oui il avait honte. Honte d'être faible, d'être vulnérable à ce point, et ça ne changerait certainement plus maintenant.

Alors qu'il essayait de se reprendre, le jeune homme qui était chez lui, et dont, il avait presque oublié la présence noyé dans ses pensées sombres, se manifesta en commençant par se confier à lui. Est-ce qu'il le faisait dans le seul but de faire réagir Lisandro ou bien parce qu'il avait envie de lui confier une telle chose ? La premeire option était sans doute la plus probable. Il l'écouta sans l'interrompre. C'est vrai que c'était une belle histoire et Lisandro se reconnaissait parfaitement dans celle-ci.

Depuis son accident, il avait fait une croix sur beaucoup de choses, se disant qu'il ne pourra plus jamais refaire telle ou telle chose. Au lieu de ça, Devan venait de lui prouver qu'il ne fallait jamais baisser les bras, alors que c'est exactement ce qu'il faisait depuis plus d'un an, se renfermant derrière son handicap pour ne pas accepter la vérité en face. Pourtant, vu de l'extérieur, ça semblait si simple de prendre conscience des choses et de faire le nécessaire pour reprendre sa vie en main. Mais ça ne l'était pas totalement, en tout cas, pas pour l'italien qui s'était si longtemps enfermé dans sa prison, entre ses quatre murs pour ne pas affronter la vérité en face.

" - Le handisport est une chose mais.. Je n'y arriverai pas.. Je.. Voir ces gens qui acceptent leur handicap, qui font leur vie comme si de rien n'était, ça ne sera jamais moi.."

En vérité, Lisandro manquait tellement de confiance en lui qui lui fallait être encouragé pour y arriver. Est-ce que Daemon accepterait de l'encourager et de l'aider à entamer de telles démarches ? Pour cela, il fallait déjà qu'il accepte son handicap avant de commencer à vivre avec son handicap, ce qui n'était pas demain la veille que ça arriverait.

" - Y'a plein de choses à faire je ne dis pas le contraire, mais il va falloir un temps d'adaptation.. Tant que je.. Je saurai pas faire avec ça.. Alors rien ne pourra changer.."

Il en avait conscience, tant qu'il n'avait pas accepté son handicap ainsi que son fauteuil, il ne pourrait pas débuter sa nouvelle vie. Mais il n'avait pas la force pour arriver à cette étape, il avait besoin d'aide. Maintenant, il fallait qu'il prenne sur lui et accepte l'aide qu'on lui propose tout en essayant de se dire que c'est normal et qu'il n'a pas à se sentir diminuer. Ça c'est encore autre chose. Il y avait beaucoup de travail à faire sur lui-même en perspective. Mais il avait besoin de Daemon pour y arriver pleinement.

" - J'ai besoin de lui pour y arriver.." fit-il dans un murmure, comme si avait honte d'avouer qu'il avait besoin de quelqu'un pour avancer.

Il écouta Devan avec attention. Lui faire des choses pour accepter son handicap ? Il était déjà beaucoup trop honteux d'annoncer qu'il ne pouvait même pas prendre sa douche tout seul et qu'il avait besoin de son aide pour ça. Lui qui était si pudique, ça avait déjà été un énorme pas que de laisser quelqu'un voir son corps entier de la sorte. Mais c'est surtout qu'il n'avait pas eu le choix.

Devan n'avait pas tord, Lisandro prônait à tout bout de champ que personne ne pouvait le comprendre, que personne n'imaginait ce qu'il vivait, s'il se retrouvait avec des personnes dans sa situation, en fauteuil roulant, peut-être qu'il changerait d'avis s'il prenait le temps de discuter avec eux. Au fond, la véritable raison c'est que l'italien ne se sentait pas comme eux, il ne voulait pas se l'avouer tout simplement. Voir ces personnes si diminuées, si abîmées par la vie, et pourtant, qu'il le veuille ou non, il en fait désormais parti et ce, depuis deux ans. Il peut s'estimer heureux de toujours avoir ses jambes même s'il ne peut plus les utiliser, car certaines personnes n'ont plus la jambe de les apercevoir chaque jour quand ils se réveillent.

Le discours du jeune homme touchait le basané, il avait presque l'impression que tout le monde se battait pour lui, alors qu'il s'était persuadé qu'il était seul d'une part, et que la vie ne méritait pas d'être vécue puisqu'il avait baissé les bras depuis longtemps. Bien trop longtemps. Il allait lui falloir du temps pour se remettre sur le bon chemin et essayer d'avancer suite à cette conversation, qui, même si elle avait été très tendue par moment, lui avait fait du bien, mais il n'était sans doute pas prêt à l'avouer au jeune homme.

Cependant, il y a encore une chose qui le bloquera tant qu'il ne l'aura pas accepté. Le regard des autres sur sa personne. Cela faisait des mois et des mois qu'il était enfermé chez lui, qu'il utilisait son aide à domicile pour faire tout ce dont il avait besoin sans mettre le nez dehors. Et lorsque c'était le cas, quand daemon l'avait tiré de sa zone de confort, la panique l'avait envahi. Maintenant, sa prochaine mission, c'était d'accepter le regard des gens quel qu'il soit. Même s'ils se moquent, même si le regardent de travers, c'est une énorme étape, mais avec le soutien de Daemon il pourra très certainement la surmonter.

" - Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.. Je.. Il a déjà essayé.. Une fois.. C'était pas franchement une réussite.. J'y arrive pas, le monde extérieur c'est encore trop compliqué.. J'ai passé trop de temps enfermé ici, dans ma zone de confort, et maintenant devoir affronter le regard des autres, les gens qui n'ont que de la pitié, ceux qui vont se moquer.. Je suis pas assez fort pour surmonter tout ça."

Lisandro ne cessait de se rabaisser, de ne jamais croire en lui, alors que finalement c'est les autres qui croyaient en lui plus que n'importe qui. Au fond, Daemon avait trouvé la solution, il ne fallait pas être tendre avec Lisandro, il fallait l'obliger à sortir d'ici sans lui demander son avis, ni même sans le prévenir, auquel cas il était prêt à trouver des tas d'excuses pour ne pas y aller.