#23 - true friends stab you in the front (grace)

Avec tout ce qui est arrivé dans ta vie, récemment, tu as complètement délaissé tes amis. Pourtant, tu n'en as pas beaucoup mais ça prouve bien que ta situation actuelle ne te laisse pas vraiment beaucoup de temps pour une vie sociale épanouie. Avoir un enfant ça change un homme. Celui qui a dit ça ne savait pas à quel point il avait raison. A présent, tu accordes beaucoup plus de temps à ton fils que tu ne l'aurais imaginé. Parfois, tu en viens même à délaisser ton travail et ça, c'est plutôt inattendu. Tu as toujours été particulièrement investi dans ton travail voire même trop, par moment. Mais aujourd'hui, ta vie a pris un tout autre sens. Bref, en faisant le constat de ta vie, tu as compris qu'il fallait que tu lâches un peu prise. Que tu penses à accorder du temps à tes proches et ce, dès que possible. C'est ce que tu décides de faire, ce soir, en rendant visite à une amie. Une de tes seules amies, pour ne pas dire la seule. Il y a bien Lou-Belle mais à présent, c'est la famille. Grace est la seule vraie amie qui te reste et qui connaisse tout de toi. C'est bien la seule qui peut s'en "vanter", d'ailleurs. Lorsque tu arrives devant la porte de son appartement, tu remets légèrement ta chemise en place puis frappes à la porte. Tu attends patiemment, jusqu'à ce que tu entendes des pas s'approcher. Pour l'occasion et pour te rattraper un peu aussi, tu as apporté de la nourriture chinoise. Tu espères que ça plaira à ton amie et surtout, qu'elle te pardonnera ton absence. Lorsqu'elle ouvre la porte, un sourire se dessine sur tes lèvres en la voyant. « Le fantôme est de retour. » Dis-tu en riant légèrement pour faire passer plus facilement la pilule. Tu ne sais pas dans quel état d'esprit elle est mais quelque chose te dit que tu vas bien vite le savoir.

Malgré le mal qui la rongeait, elle refusait de rester cloîtrer chez-elle à ressasser le passé, se laisser ronger par les remords. Pourtant, il y avait des jours où elle baissait les bras, se laissait tomber dans son nouvel apparemment miteux qu'elle s'était payée pour changer de vie. Les lieux donnaient une belle image de ce qu'elle voulait devenir, elle devait recommencer sa vie, en réécrire une belle et pourtant tout laissait présager qu'elle allait se foutre en l'air sous peu. La blonde s'adonnait à ce qu'elle savait faire de mieux en ce moment, c'est-à-dire ne rien faire, simplement regarder le vide et se vider la tête avec un rien. Ça ne l'occupait jamais réellement longtemps, tout remontait à la surface, la submergeait et elle craquait, ça résumait son quotidien. Attendant patiemment l'heure où elle pourrait se libérer de ses soutiens pour ses blessures et pouvoir réellement tourner la page. Son silence se brisa avec les coups porter à sa porte, rapidement, elle se dirigeait vers la télévision pour l'allumer, donner un semblant de vie à ce logement, puis elle dirigeait ses pas vers l'entrée après s'être assurée de baisser le son. Un sourire se gravait instinctivement sur ses lèvres, comme pour chaque inviter, puis disparaissait légèrement à la vie de Ciàran. Elle ne devrait pas réagir comme ça, il était son ami après tout, mais c'était plus fort qu'elle, il avait disparu d'un coup et elle s'était mise à penser que c'était à cause de l'accident ou qu'elle avait fait quelque chose de mal. « Je n'aime pas tellement ça les fantômes. » Disait-elle simplement en référence à ses absences plus qu'aux croyances, parce qu'elle avait grandi avec l'idée que ça n'existait pas. En posant son regard sur ce qu’il tenait dans les mains, elle pris presque peur. « Tu as quelque chose à me demander ? » La nourriture pour la soudoyer ne fonctionnait pas en temps normal, mais puisqu’elle se laissait mourir de faim, elle ne pouvait pas être contre. « Viens, ne reste pas à l’entrée Ciàran. »

Lorsque le sourire de Grace s’efface en te voyant, tu ne peux t’empêcher de ressentir un petit pincement de culpabilité. Elle n’est pas très heureuse de te voir et ça se perçoit assez aisément. Mais c’est ta faute, après tout, c’est toi qui a disparu récemment. En réalité, c’était pour de vraies raisons à commencer par ton fils et ton travail mais ça n’excusait pas tout. Tu aurais au moins pu prendre de ses nouvelles après son accident. « Même les fantômes italiens ? » Demandes-tu pour détendre un peu l’atmosphère. C’est complètement débile mais c’est tout ce que tu trouves à dire. Tu soupires en entendant les paroles de la blonde. Tu n’as pas apporté de la nourriture dans ce but-là mais plutôt pour te faire pardonner tes absences répétées. « Cette bouffe chinoise veut seulement dire « je suis désolé ». » Réponds-tu en haussant légèrement les sourcils. Puis, lorsque Grace te laisse entrer, tu te sens un peu soulagé et plus détendu. Pas beaucoup, mais assez pour te dire que tout n’est pas perdu. « En plus, je me suis dit qu’avec ton plâtre, ça ne devait pas être simple de faire à manger. » Ajoutes-tu en fronçant les sourcils en voyant qu’elle porte toujours ce satané truc au bras. Ca doit être assez handicapant et tu ne le supporterais sûrement pas bien du tout. « Comment tu te sens ? » Au visage de Grace, tu vois bien que ce n’est pas la joie mais tu demandes plutôt ça sur l’aspect physique. Après son accident, tu n’as pas eu énormément de nouvelles, par ta faute, alors tu essaies de rattraper le coup comme tu peux. Sans être certain que ça marchera. Après tout, tu ne sais pas à quel point Grace t’en veut. « Je te demande pardon d’avoir disparu comme ça. C’est vraiment pas digne d’un ami, je le sais… J’ai pas beaucoup d’amis alors je suis nul pour tout ça mais je suis bien décidé à me rattraper. » Dis-tu sincèrement. Tu espères que tout n’est pas gâché par ta faute parce qu’au fond, Grace est une des seules à tout savoir de toi.

Son absence l'avait blessé, mais ce n'était pas à lui qu'elle en voulait le plus. Elle ne pouvait rien lui reprocher en vrai, elle s'était enfermée chez elle à attendre que le temps passe, que ses blessures guérissent. Elle restait en vouloir à celui que les croyants adulaient, celui qu'elle avait prié pendant des années, parce qu'elle s'était mise en tête que si c'était lui le déclencheur de destin, il avait mal joué en lui supprimant ceux qu'elle aimait. Son enfant avait disparu, elle n'avait pas eu la chance de pouvoir voir un jour son visage et Léo était parti. Elle faisait de son mieux pour ne pas devenir une moins que rien, ne pas se morfondre seule. « Un fantôme italien reste un fantôme. » Mais il avait le don de lui donner un sourire. Elle le détaillait du regard, comme s'il venait pour quelque chose mal, la soudoyer de faire quelque chose. Elle n'en avait pas la tête ou alors, elle le souhaitait mais ne pouvait pas faire grand-chose avec son bras. Comment ils faisaient les autres avec un plâtre ? Bonne question. « Oh … alors je veux bien de la bouffe chinoise. » Autrement dit, elle acceptait ses excuses. Puis quelques parts, elle avait ses torts, parce qu'elle était vexée, elle n'avait pas réellement cherché à le joindre. « Pas très pratique non. J'ai de la chance de mettre cassé le ‘bon bras'. » Elle riait presque. Celui qu'elle n'utilisait pas pour écrire ou tenir n'importe quel objet. Mais elle s'y faisait, se disant que ça ne devait pas durer une éternité, que bientôt elle allait pouvoir s'en défaire. « Mh … ça va. » Grace mentait, elle ne voulait alarmer personne, sauf que toute personne qui la connaissait un minimum savait qu'elle n'allait pas bien, qu'elle disait n'importe quoi pour ne pas inquiéter. Il venait à s'excuser, elle rendait un sourire triste. « Ciàran, t’excuse pas … je ne voulais pas te mettre mal. » Elle baissait la tête, n’osant pas affronter son regard. « Je me sens comme une coupable maintenant ! » La blonde essayait d’en rire pour détendre l’atmosphère. « Si c’est ce que tu veux ; je te pardonne d’avoir été un fantôme italien. Je n’ai pas beaucoup d’amis non plus, alors je suppose que j’aurais sans doute fait pareil. » Elle grimaçait, elle n’aimait pas déranger les gens, elle ne voulait jamais s’imposer, alors elle se serait faite discrète. « Comment tu vas, toi ? »

Tu perçois un faible sourire chez Grace lorsque tu parles de "fantôme italien" et ça te suffit. Tu n'en demandais pas plus. Tu voulais juste voir si elle t'en voulait beaucoup ou pas assez pour passer au-dessus rapidement. Et visiblement, c'est la seconde option qui est correcte, pour ton plus grand bonheur. Tu ne voudrais pas perdre une amie par manque de temps, ce serait carrément stupide, au fond. Lorsque la blonde accepte tes excuses en acceptant la nourriture, tu sens ton corps se détendre pour la seconde fois. C'est plutôt bon signe. Grace est une de tes seules amies et même si tu es nul pour ce qui est de l'amitié en général, tu tiens beaucoup à la jeune femme. Et quand tu tiens à quelqu'un, tu n'as pas pour habitude de le laisser partir comme ça. Tu te bats quand c'est réellement nécessaire. Tu n'as pas beaucoup d'amis mais au moins, tu peux compter sur ceux que tu as et inversement. Tu hoches simplement la tête, déposant le sac contenant la nourriture sur la table basse du salon. Ton regard s'arrête quelques secondes sur la télévision qui est allumée puis se repose sur la jeune femme. Un léger rictus se dessine au coin de tes lèvres en entendant qu'elle s'est cassée le "bon bras". C'est une manière plus ou moins positive de voir les choses. Comme on dit, il vaut mieux voir le verre à moitié plein qu'à moitié vide. « Si t'as besoin d'un infirmier, d'un cuisinier ou peu importe le métier, n'hésite pas à demander. Je suis là et je suis plutôt polyvalent. » Il était vrai qu'en terme de cuisine, tu t'en sortais pas mal. Et puis, pour ce qui est du côté "soigneur", c'était plus ou moins le même combat. Il n'était pas rare que tu te soignes toi-même après un risque du métier trop conséquent. Comme un tir par balle, par exemple. Heureusement, Grace n'en était pas là. « Ou si tu veux juste que je passe une cuillère pour gratter ton bras sous le plâtre, je peux le faire aussi. » Ajoutes-tu en riant légèrement. C'était carrément stupide mais tu cherchais chaque petit élément possible pour faire sourire ton amie. Tu fronces les sourcils en entendant son "ça va" peu convaincant puis t'assieds sur le canapé, attendant que Grace te rejoigne. « Tu peux faire croire ça à d'autres mais pas à moi. Parle-moi. » Dis-tu le regard inquiet, détaillant les réactions de la jeune femme, observant le moindre détail. Tu sais que sa vie est un beau bordel mais tu sais aussi qu'il faut qu'elle aille de l'avant. Visiblement, Grace n'est pas prête pour ça. « Ne te sens pas coupable pour moi, ce n'est rien, vraiment ! » Tu essaies de rassurer la jeune femme comme tu peux parce que le coupable dans l'histoire, c'est toi, pas elle. Et vu son état, on ne pourrait vraiment pas reprocher quoi que ce soit à Grace. « Moi ça va. Je suis un peu dépassé par la paternité parce que j'étais clairement pas prêt pour ça mais je m'en sors. Enfin, je crois. » Dis-tu avec une moue peu convaincue. Tu écarquilles légèrement les yeux en comprenant que ce n'est absolument pas le sujet à aborder avec Grace alors qu'elle vient de perdre son enfant. Ce que tu peux être con, parfois. « Pardon... Je ne voulais pas... » Tu ne sais même pas quoi dire, au fond. Tu n'as jamais été doué pour discuter de toute façon. Et c'est sans doute parce que tu merdes à ce point que tu évites d'avoir des amis.

Grace pouvait essayer de lui en vouloir pour son absence alors qu’elle en avait cruellement besoin, lui claquer la porte au nez, mais ça lui était impossible. Elle était incapable de lui en vouloir, il n’avait pas été le plus absent et cette solitude dans laquelle elle s’était enfermée, elle l’avait cherchée. Se couper du monde, elle qui voulait se délivrer de ses chaînes, uniquement parce qu’elle avait honte de ce qui lui était arrivée, d’avoir perdu un enfant et maintenant se retrouver en mauvaise position. Si elle sortait et qu’on lui demandait ce qu’il s’était passé, elle se sentait tout aussi mal, elle ne voulait pas expliquer quelque chose qui était flou à ses yeux, tout s’était passé vite, elle n’avait pas eu le temps de réagir que son crâne s’était tapé le sol et son corps s’était abattu sur la route. « C’est gentil, mais je n’ai pas envie de me servir de toi, je me sentirais trop mal. » Disait-elle dans un léger rire. « Puis, si tu fais trop de choses pour moi, elle va se poser des questions. » En visant sa femme, la blonde secouait légèrement la tête, elle ne voulait pas être vue comme une maîtresse, une amante et toutes ces choses. Elle était totalement contre le fait qu’une personne pouvait se perdre dans d’autres bras alors qu’il avait promis sa vie entière à être aux côtés de quelqu’un. Son rire léger revenait embaumer la pièce lorsqu’il parlait de gratter sous son plâtre avec une cuillère. « C’est pire que tout. » Son humeur triste reprenait le dessus lorsqu’il lui demandait comment elle allait. C’était bien une question qu’elle voudrait effacer des répertoires de politesse, elle n’aimait pas y répondre, elle ne savait jamais si elle devait se confier ou non parce qu’elle était loin de vouloir passer pour une victime. Alors elle prétextait toujours aller bien, malgré ce qui se passait dans sa vie, elle faisait croire qu'elle relativisait, elle arrivait à se tenir droite bien qu'elle avait les genoux à terre. « Je ne veux pas t'embêter avec ça, vraiment. » Il y avait tellement de choses qui la bloquaient, la rendait mal. Elle finissait par lui renvoyer la question avant d'avoir le sang glacé à entendre sa réponse. Une pointe de jalousie ou de malaise lui agrippait le coeur et elle tentait de garder son sourire intacte même en étant blessée. Mais ses yeux ne mentaient pas, l'eau venait embrumer sa vue, ne rendant plus que son partenaire flou et c'était mieux, elle ne pouvait pas voir son visage comme ça. Voir le bonheur quand il parlait de son enfant alors que le sien était parti injustement. « C'est ... pas grave. » Sa voix tremblait, la trahissant complètement. « Je suis heureuse pour toi et ta femme. Je suppose qu'on s'y habitue au fur du temps, il ne faut pas être pressé. » Poursuivait-elle pour ne pas concentrer le problème sur elle, sur ses larmes qui finissaient par dévaler sur ses joues. De sa main, elle venait les effacer, soufflant légèrement pour garder son calme et ne pas exploser de tristesse.

Tu ne comptais que peu de personnes parmi tes amis proches et Grace en faisait, évidemment, partie. Elle était l'une des rares femmes avec qui il n'y avait rien de plus que de l'amitié. Une amitié sincère et réciproque, du moins, tu l'espérais. Alors, après ton absence prolongée, il était primordial pour toi de te faire pardonner. De rattraper le temps perdu. Malheureusement, la blonde était aussi têtue que toi et le refusait. Tu ris légèrement à ton tour en entendant que Grace se sentirait mal à l'idée de se servir de toi. Elle est si pure à côté de toi, Ciàran. Si parfaite. Puis lorsqu'elle mentionne le pronom personnel "elle", tu écarquilles légèrement les yeux. Tu avais oublié ce détail. Tu avais oublié que Grace ne savait pas que ton mariage était désormais de l'histoire ancienne. Et qu'en plus, tout cela n'était que comédie. Ce mariage était une pure invention pour unir deux familles mafieuses. Rien de plus. « A ce sujet justement... il faut que tu saches que je suis divorcé. » Murmures-tu en passant une main dans tes cheveux puis en rapportant ton attention sur la jeune femme. Tu ne veux pas mentir à la seule amie que tu possèdes, ou presque. Tu t'es toujours promis d'être sincère avec elle et ce n'est pas aujourd'hui que ça va changer. D'autant plus que Grace est une des seules à être au courant de ton mode de vie. Ton sourire s'élargit par la suite lorsque la blonde confirme que les démangeaisons en dessous du plâtre sont pires que tout. Tu connais ça, toi aussi. Avec ton métier, tu t'es à peu près cassé tout ce qui existe dans le corps. Et on rajoute à ça d'autres marques bien plus permanentes comme cette cicatrice liée à une balle que tu as reçue sur le haut de ton épaule. Mais malgré tout, Grace avait subi des traumatismes psychologiques bien plus importants que tout ce que tu ne connaitras jamais. Tu n'as pas assez de coeur pour subir ce genre de "blessures". « Grace... quel ami je ferais si tu je n'étais pas là pour t'écouter ? Tu ne m'embêtes pas, je t'assure. » Dis-tu en prenant sa main dans la tienne un instant pour la presser. Tu veux qu'elle comprenne que quoi qu'elle en pense, tu seras toujours là pour elle. Même pour les sujets difficiles à aborder. Comme le sujet "bébé", d'ailleurs, que tu abordes sans imaginer que ça puisse blesser ton amie. Tu le regrettes immédiatement en voyant à quel point Grace est touchée par le sujet. Ce que tu peux être con parfois. « Si c'est grave, je suis vraiment con. Je te demande pardon pour mon manque de délicatesse. » Murmures-tu en soupirant et en soutenant son regard. Tu vois que les larmes menacent de couler chez Grace et tu t'en veux. Enormément. Tout ça est ta faute. Comme si la jeune femme n'avait pas assez de peine comme ça, il a fallu que tu en rajoutes. « C'est un enfant hors mariage, Grace... Il faut que tu saches que mon mariage n'en était pas vraiment un. C'était pour le boulot. » Dis-tu en haussant les épaules. Grace n'apprécierait sûrement pas d'apprendre cette nouvelle mais tu te devais d'être honnête avec elle. Elle méritait de connaître la vérité sur toi. Sans doute aurait-elle moins d'estime pour toi en entendant tout ça. Sans doute perdras-tu une amie pour ton manque de sentiments, d'amour et même de coeur.

Divorcé. Elle déglutissait, n'osant plus le regarder. Est-ce que lui rappeler cette période était mauvaise, est-ce qu'il pouvait être affecté par ça ? Sans doute et elle se sentait coupable de la lui rappeler. De plus, elle était inconfortable à l'idée d'un divorce, parce qu'elle avait appris qu'un couple marié devait s'aimer jusqu'à la mort et en l'occurrence, aucun des deux ne semblait sous terre. « Ah ... D'accord. » Elle ne savait même pas si elle devait être désolée pour lui, parce que peut-être qu'il l'avait souhaité, peut-être qu'il n'y avait finalement pas d'amour entre eux-deux. Parce qu'à ses yeux, il n'y avait qu'un seul amour, qu'on le donnait une fois sans pouvoir le reprendre. Qu'une personne, on l'aimait malgré ce qu'il faisait, ses actions, ses défauts et le reste, alors il n'y avait pas de divorce possible. Et en même temps, elle ne l'avait jamais vu, sa femme à lui, alors elle ne pouvait rien dire. Elle se contentait d'enfouir ça dans son crâne, de laisser ce sujet de côté. Elle lui souriait tendrement lorsqu'il disait que c'était le rôle d'un ami d'être là pour écouter, pourtant c'était plus fort qu'elle, si elle n'allait pas bien, malgré les raisons, elle préférait le garder pour elle. Grace avait l'impression d'être une gêne ambulante, qu'un mot de sa part pouvait ennuyer son partenaire, alors elle ne disait pas grand-chose, elle se contentait d'écouter et c'était ce qu'elle faisait de mieux, même si parfois elle ne trouvait pas les mots. Même si la blonde était presque contente qu'il puisse accepter l'écouter, elle lui retournait la question, comment ça allait pour lui et sa réponse poignardait son coeur. Il parlait de son enfant, d'un bébé et elle n'arrivait pas à surpasser sa peine. Il osait lui parler de ça. La blonde tournait les yeux, léger sourire aux lèvres pour cacher sa tristesse qui venait de l'engloutir de nouveau. Elle voulait se contenter de le rassurer, de lui dire qu'il était meilleur père qu'il pouvait le penser, sauf qu'elle n'arrivait qu'à articuler qu'elle était heureuse pour lui et sa femme. « Je ne devrais pas t'empêcher d'en parler si tu en as envie. » Il était mieux pour elle d'oublier rapidement qu'elle avait frôlée l'espoir d'être mère un jour, même si c'était peut-être impossible de passer à autre chose un jour. Un jour elle irait mieux. « Je ne veux pas être celle avec qui tu as des restrictions ou quoi. » Elle essayait de le persuader que non, c'était réellement pas grave. Que ses larmes n'allaient pas rouler le long de ses joues. Il avouait que son enfant était hors-mariage, qu'en plus, il ne s'était pas marié par amour et elle plissait les yeux. Au début elle ne comprenait pas. « Comment ça ? » Elle essayait de chercher une réponse en le regardant, ou plutôt qu'il lui dise que c'était une blague. « Je ne sais même pas par où commencer ... Euh ... » Qu'est-ce qui était le plus grave à ses yeux ? « Tu l'as quand même trompée ? Puis c'est qui la mère de l'enfant ? Tu l'aimes au moins ? » Beaucoup de questions d'un coup et elle n'en avait même pas finie, parce qu'il y avait tellement de points manquant dans son crâne. « Et te marier pour un boulot ... on t'a menacé pour le faire ? » Elle ne connaissait pas réellement bien ce domaine, peut-être qu'elle se trompait et que cette femme était juste une 'promise' et qu'il n'avait pas pu y échapper.

Lorsque Grace détourne le regard, essayant d’éviter le tien, tu laisses s’échapper un léger soupir d’entre tes lèvres. Tu n’as rien dit avant aujourd’hui pour éviter cette situation, justement. Tu ne veux pas que le regard que la blonde pose sur toi change. Tu ne veux pas qu’elle change d’opinion à ton sujet et pourtant, c’est ce qui est en train de se passer. Tu espères que malgré tout ça, votre amitié n’en sera pas affectée parce que c’est quasiment la seule amie que tu possèdes. La seule amie sincère, ou presque. « Tu ne m’en empêches pas, disons que c’est plus une sujet à mettre de côté pour le moment. » T’empresses-tu de répondre pour éviter le sujet de ton divorce et retourner l’attention sur la blonde. Tu sais que le sujet « bébé » est à éviter durant un moment encore et ça ne te pose pas problème si c’est pour éviter de faire souffrir ton amie. Tu as été bien trop peu délicat jusqu’ici et tu comptes bien te rattraper. « Ce n’est pas le cas. » Ajoutes-tu avec un léger sourire au sujet des restrictions. Tu veux que Grace comprenne que tu es prêt à mettre de côté ce sujet le temps qu’il faudra, pour elle. Parce qu’à tes yeux, elle est importante même si elle ne semble pas le comprendre ou l’accepter. Elle semble refuser de se mettre en avant, pour une fois. De mettre sa souffrance en premier. Et d’ailleurs, elle profite de tes confidences pour bloquer le sujet sur toi. Tu soupires, te promettant de dévier à nouveau la conversation sur elle dès que tu le pourras. « Trompée… Oui et non. Si tu gardes l’image d’un mariage conventionnel alors oui, j’ai été infidèle. Mais si on prend le mariage comme il était réellement, non, je ne l’ai pas trompé. On n’était pas vraiment ensemble, en fait… Juste sur les papiers. » Tu sais que c’est quelque chose de difficilement envisageable pour Grace qui croit en l’amour, le vrai. Mais la situation est telle qu’elle est. Tu ne vas pas lui mentir pour enjoliver ton faux mariage. « C’est ma meilleure amie, Lou-Belle. » Réponds-tu en osant poser ton regard sur la blonde pour le scruter durant quelques instants. Tu veux voir si son opinion sur toi a déjà changé ou non. Mais tu ne lis pas grand chose dans ses yeux, tu ne vois que de l’incompréhension, là. « On ne m’a pas menacé mais ce n’était pas une requête. » Autrement dit, si tu avais refusé, tu en aurais subi les conséquences. Mais c’est sans doute compliqué pour Grace de comprendre tout ça. Bien qu’elle sache quel genre de métier tu exerces, elle ne s’y connaît pas assez pour comprendre. Et encore moins alors qu’elle apprécie tout ce qui est conventionnel, ou presque, dans une relation. A l’inverse de toi.

Grace ne pouvait pas lui en vouloir d'avoir parlé de son enfant, elle ne s'en autorisait pas le droit. Parce qu'il avait le droit d'être heureux, de vouloir lui en parler. Peut-être qu'elle aurait été pareille si son enfant était venu au monde, qu'elle en aurait parlé à longueur de journée, que ce qui avait été au début rejeter aurait fini par être le centre de sa vie. Mais elle ne pourrait jamais le savoir et elle ne voulait même pas y réfléchir. Elle voulait retenir ses larmes qui brouillaient sa vue, qui installaient une étrange sensation. La blonde s'expliquait sur la raison et elle retrouvait de son sourire dans sa réponse. Après quelques temps, elle aurait la force de peut-être voir son enfant, d'en entendre parler. Pour l'instant, elle se contentait d'essayer de faire le deuil qui avait fait d'elle presque une femme accomplie, qui l'avait fait imaginer une vie entière et totalement différente de ce qu'elle avait vécue jusque là. Dire qu'elle avait mis tellement de temps à pouvoir dire à ses parents, ses proches croyants qu'elle était tombée enceinte et que non, elle n'était pas mariée et qu'elle ne comptait pas l'être. Ces stress et ses efforts qui avaient été finalement inutiles. La blonde soufflait. Essayant de remettre sous le tapis toutes ces pensées qui revenaient à chaque fois. Elle essayait de passer à autre chose et ne pas montrer sa peine, se concentrant plus sur Ciàran qu'elle-même. Sauf que les nouvelles la déconcertaient, elle ne savait plus où se mettre et quoi penser. De quel côté elle devait être, celle la femme trompée ou celui de son ami qui avait été traîné dans un mariage dont il ne voulait pas. Elle restait muette, l'écoutant jusqu'au bout pour ne pas s'enflammer, pour essayer de comprendre aussi le principe d'un mariage arrangé même si c'était clair pour elle ; il n'y en avait pas, c'était débile. Pour elle, un mariage devait se faire en reconnaissance de l'amour, pas en reconnaissance du business. Elle ne savait pas non plus si elle devait être fière du fait qu'il ait mis sa meilleure amie enceinte ou que finalement elle devait passer au-dessus car si c'était sa meilleure amie, c'est qu'il tenait un minimum à elle et qu'ils n'allaient pas se revoir que pour l'enfant. « Enfin ... un mariage ça reste quand même important. » Soufflait-elle en baissant les yeux. « Elle ne doit pas t'être fidèle non plus, hein ? » Entendre que 'non elle ne l'était pas' l'aiderait sûrement à surmonter le fait que c'était une relation bizarre, que Ciàran jouait son salaud envers cette femme. « Quant à la mère de l'enfant, je suis rassurée quelque part que ce soit une de tes amies. Même si ça doit être pas mal bizarre de voir sa meilleure amie enceinte de soi ... » Elle essayait de rire un peu, même si ça sonnait faux, parce qu'elle était juste gênée. En fait, ça lui venait pas à l'idée d'aller coucher avec ses amis. Elle était tellement coincée que ça lui avait pris un temps avant de se dire qu'elle n'allait pas attendre le mariage avec Léo. « Je n'imagine même pas ta réaction quand elle t'a annoncée la grossesse. » Ça se trouve il avait été l'homme le plus heureux de la terre. Une dernière fois, elle revenait sur le mariage, elle se posait une tonne de question dessus, mais elle n'allait pas l'harceler sur le sujet. « Oh ... je suis contente que vous ayez divorcé, alors. » Est-ce que lui s'en foutait d'être marié de toute manière ou est-ce qu'il était heureux aussi, elle n'osait pas réellement le demander. Même si ce qu'elle disait était déplacé et ça avait été même bizarre le dire, parce qu'elle n'avait jamais souhaité le divorce de personne, c'était même mal vu de le faire.

Tu peux concevoir sans grandes difficultés que ce soit compliqué pour Grace de comprendre ton mariage parce que c'est loin d'être une situation habituelle. L'avantage, c'est que la blonde est au courant pour ton travail et est donc un peu plus apte que les autres à voir ta vie dans sa globalité. Néanmoins, ça ne l'empêche pas d'être perplexe parce qu'elle, à l'inverse de toi, n'imagine pas un mariage sans amour, sans sentiments. Et c'est sans doute le cas pour la majorité des gens mais ta vie est bien loin de celles des autres. Malgré tout, tu n'en changerais pas pour autant parce que c'est ce que tu as toujours connu et tu as appris à l'apprécier telle qu'elle est. « Je ne remets pas l'importance du mariage en cause mais ce n'est juste pas fait pour moi... Tu me connais, tu sais que je ne suis pas fait pour être mis en cage. » Car c'est exactement comme ça que tu concevais le mariage et la vie de couple en général. C'est pour cette raison que tu n'as jamais pris le temps de t'investir dans une vraie relation même quand les sentiments semblaient frapper à ta porte. « Non, elle fait ce qu'elle veut de sa vie. » Ajoutes-tu avec un sourire amusé. Grace semble presque s'inquiéter pour ta femme et c'est plutôt mignon même si tu n'en doutais pas vraiment, elle est si humaine comparé à toi. Tu te demandes bien comme elle fait pour supporter ton tempérament et ta manière de vivre qui est opposée à la sienne. Visiblement, Grace semble voir des choses chez toi invisibles aux autres. « Oui c'est assez bizarre surtout que je ne pensais pas lier ma vie à la sienne de cette façon... » Dis-tu en haussant les épaules. Bien que tu aimes Lou-Belle davantage encore à présent qu'elle est devenue la mère de ton fils, tu ne pensais pas qu'elle deviendrait ta famille. Parce qu'au fond, ta famille, avant elle, avant Gabriel, ça s'arrêtait à ton père et toi. Tu t'es privé de t'attacher à quelqu'un par peur de finir par le perdre, comme avec ta mère. C'est plus simple de ne pas s'investir pour ne pas en souffrir, finalement. C'est une solution de facilité, peut-être, mais c'est comme ça que tu envisages ta vie. Et pas autrement. « Surtout qu'elle a fait un déni de grossesse et on ne l'a su qu'à cinq mois. Alors ouais, c'était un peu le bordel... » Et le mot semblait bien faible pour la situation dans laquelle vous vous trouviez à l'époque. Pourtant, aujourd'hui, tu es heureux d'avoir un fils même si ce n'était pas dans tes projets du tout. « C'est étonnant d'entendre ça venant de toi. » Dis-tu en riant légèrement, essayant de rendre l'atmosphère un peu moins pesante. « Mais merci. » Toi aussi, tu es soulagé que ce divorce ait enfin été prononcé. Ce n'est pas contre ton ex-femme mais c'est juste que, tu avais l'impression que ta vie n'était plus la tienne, qu'elle était destinée à ton travail et à rien d'autres. Avec ce divorce, tu retrouves un semblant de liberté. « On mange ? J'espère que ce n'est pas déjà froid. » Lances-tu en fronçant les sourcils et en attrapant le sac de nourriture chinoise que tu as apporté.

C'était l'image qu'il avait d'une relation ? Une cage. Elle restait le regarder perplexe. Peut-être que c'était parce qu'il n'avait pas trouvé une personne qu'il aimait réellement. Grace ne s'était jamais sentie en prison en étant avec Léo, elle avait tué sa relation avec ses mensonges, mais en sa présence, elle s'était sentie bien, il lui avait toujours suffit et jamais elle n'avait détourné les yeux vers un autre. Mais Grace avait toujours été différente de tout le monde et elle n'avait jamais eu réellement envie de s'embarquer dans les coups d'un soir, elle n'avait jamais eu envie d'embrasser un inconnu. L'idée d'avoir une relation avec une personne pour qui elle ne ressentait rien ne l'attirait pas, elle préférait être seule. C'était, sans doute, de ça qu'il parlait, mais elle n'osait plus revenir sur le sujet, pour ne pas paraître lourde avec ses idées. « Tu peux penser ce que tu veux. » Elle souriait, les gens avaient un avis sur tout et ils pouvaient bien penser ce qu'ils voulaient, Grace était personne pour corriger qui que ce soit sur quelque chose qu'elle ne connaissait pas réellement. « Elle n'habite pas à Bowen ? » Peut-être que ça allait le saouler qu'elle le questionne sur sa femme, mais c'était plus fort qu'elle. Elle était curieuse et voulait en savoir plus sur cette femme dont elle avait déjà entendu parler quelques fois sans jamais avoir d'informations sur qui elle était réellement. Elle aurait pu s'en douter que ce n'était pas un mariage fait par amour, mais elle était fantaisiste, elle voulait croire qu'il n'y avait que du beau partout, que les gens voyaient le Monde avec les mêmes yeux qu'elle. Grace venait à parler de l'enfant, de sa mère précisément. Si elle restait contre l'adultère, elle était rassurée que l'enfant ne soit pas d'une inconnue. Elle avait entendue tellement d'histoires d'enfants abandonnées aux portes des maisons des autres parents. « Tu avais une autre façon de lier sa vie à la tienne ? » Elle souriait, le taquinant un peu sur ce qu'il disait ou plutôt la formulation qu'il avait employé qui laissait grandement penser à autre chose. « Il ne faudrait pas que vous vous embrouillez maintenant. » Elle riait alors que sa phrase était sérieuse, il y avait trop de risques qu'elle veuille l'éloigner de son enfant. Un déni de grossesse. Elle grimaçait, le choc avait dû être plus grand pour elle que lui finalement. Est-ce qu'en parlant de 'bordel' il faisait référence au fait qu'il aurait pu envisager de lui demander d'avorter s'ils l'avaient su tôt ou est-ce qu'elle se faisait des films ? « Tant que tu es restée à ses côtés dans ce 'bordel' c'est bon. » Grace avait eu la bonne idée d'affronter les premiers mois seule, en n'en parlant à personne, pas même au père de l'enfant et c'est n'est que parce qu'elle s'est remise avec Léo par la suite qu'elle pouvait juger qu'une grossesse sans accompagnement moral était compliquée. Ce qu'elle disait n'étonnait pas que Ciàran, elle n'osait même pas croire qu'elle était contente d'un divorce. « Me remercie pas, c'est pas comme si tu avais besoin de ma bénédiction pour te sentir soulagé. » Disait-elle avant de rire nerveusement. Elle n'avait pas à avoir ce rôle, loin de là. « On peut manger, oui ! Et si c'est froid, j'ai toujours un micro-onde chez-moi, même si le goût risque d'être infâme après. » Grace se replaçait avant de prendre ce que lui donnait Ciàran. « Je ne veux pas être lourde, mais … Tu n’as pas peur que des gens veuillent du mal  à ta meilleure-amie et ton fils avec ce que tu fais ? » Pas ce qu’il faisait à l’instant, parce que manger asiatique avec Grace ne risquait pas de faire de mal à ses proches, mais le fait qu’il soit mafieux. Peut-être que c’était bien vu d’avoir une descendance dans ce milieu, mais la blonde n’arrivait qu’à y voir des risques.

Il faut dire que ta vision d’un couple et même de l’amour est très différente de celle des autres. Pour ne pas dire unique. Tu n’as aimé qu’une personne dans ta vie, ta mère. Malheureusement, on te l’a arraché bien trop tôt et pour des raisons qui sont liées à toi. Alors, depuis cet événement, tu t’es interdit de t’attacher, interdit de prendre part à l’amour et aux sentiments. Tu ne veux pas revivre la perte de quelqu’un qui compte pour toi, ça a été bien trop douloureux même si ça t’a permis de forger une carapace en acier. Donc, depuis lors, tu t’es juré de construire une vie seul, libre comme l’air et loin de toutes souffrances. Et malgré qu’elle ait une vision à l’opposé de la tienne, Grace ne te juge pas. Jamais. C’est sans doute pour cette raison qu’elle est toujours ton amie, à l’heure actuelle, et tu lui es reconnaissant pour ça. Tu secoues négativement la tête lorsqu’elle te demande si ton ex-femme vit à Bowen. La situation est des plus compliquées, c’est donc légitime que Grace se pose des questions et au fond, ça ne te dérange pas de lui répondre parce que tu as décidé de ne plus rien lui cacher. Même si tu ne lui cachais déjà pas grand chose. « Non, elle est restée en Italie, c’est là-bas qu’est sa vie. Je ne voulais pas l’obliger à quitter toute sa famille pour moi alors que ce mariage ne voulait rien dire. » Dis-tu en haussant légèrement les épaules. Même si tu n’es pas la personne la plus humaine du monde, on ne peut pas te retirer ton honnêteté. Il était clair depuis le début que ce mariage n’était pas un mariage d’amour et tu n’as jamais obligé ton ex-femme à quoi que ce soit. Dans ce mariage, vous avez toujours été libres de vos mouvements et c’est tout ce qui compte, du moins à tes yeux. Tu ne peux t’empêcher de rire lorsque Grace te demande si tu comptais lier ta vie à celle de Lou d’une autre façon. Elle n’a pas tort, sur ce point. De toute façon, tu ne comptes lier ta vie à personne si ce n’est toi-même. « Non. En fait, je pensais que Lou resterait toujours une simple amie, je n’imaginais pas qu’il puisse se passer… ce qu’il s’est passé mais… » Mais tu étais dans une mauvaise période à cette époque-là et Lou avait été une oreille attentive en plus d’être une amie sous les couettes. Elle avait rempli tous les rôles, finalement. Et c’est ce que tu cherchais à cet instant-là de ta vie. « Mais on a rien contrôlé, c’est arrivé comme ça. » Ajoutes-tu en fronçant un peu les sourcils. Grace ne comprendra sûrement pas qu’on puisse agir de cette façon entre deux amis mais tu ne lui demandes pas de comprendre. Juste de te soutenir quand c’est nécessaire. Et il faut dire que la blonde remplit parfaitement bien ce rôle depuis un moment maintenant. « Non en effet. » Dis-tu en pouffant de rire à ton tour même si la situation n’est pas du tout drôle. Si vous veniez à être en froid avec la mère de ton fils, ce serait plutôt problématique. Heureusement, votre amitié semble plutôt solide. « J’ai dû m’absenter quelques semaines pour le travail mais après j’ai été là. Le jour de l’accouchement, je ne l’ai pas lâché et depuis, elle est même venue vivre chez moi pour qu’on puisse s’occuper plus facilement de Gabriel. Ca s’arrête là, je te rassure. » Rétorques-tu, à ton tour taquin. Si autrefois vous aviez couché ensemble avec Lou, aujourd’hui, vous aviez retrouvé une simple amitié mélangée à un nouveau rôle de parents. « Non bien sûr mais ton avis compte pour moi. » Grace fait partie de ton cercle d’amis très restreint et tout ce qu’elle peut penser de toi t’intéresse. Et te touche, d’une certaine façon. Alors oui, avoir sa « bénédiction », ça compte pour toi. Tu hoches la tête lorsque la jeune femme accepte d’entamer le repas et confirmes quand elle ajoute qu’au micro-ondes, le goût risque d’être assez mauvais. Heureusement, la nourriture est encore assez chaude pour que vous la mangiez dans l’immédiat. Tu ouvres quelques raviers de nourriture, les tendant à Grace pour qu’elle se serve puis fais de même. Tu soupires en entendant sa question parce que c’est assez douloureux pour toi de l’admettre. Mais si, évidemment que tu es terrifié à cette idée. « S’il leur arrive quoi que ce soit, je ne me le pardonnerai jamais c’est sûr… C’est pour ça que j’évite de me montrer trop en public avec eux mais je sais que ce n’est pas suffisant. Mais je n’ai pas le choix de vivre comme ça… Pourquoi penses-tu que je ne veuille lier ma vie à personne ? C’est trop dangereux je le sais mais un travail comme le mien, ça ne se quitte pas en étant en vie. » Il n’y avait qu’une sortie possible, la mort. Et ça, tu le savais pertinemment en rentrant dans la mafia mais à l’époque, les enjeux et les risques étaient moins importants, moins élevés.

Grace se demandait comment ce mariage aurait vécu s'ils avaient été tous les deux à Bowen, si elle avait quitté son Italie pour rejoindre ce petit bout d'Australie. Ça devait être si étrange d'être marié à une personne qui n'était pas dans le même pays, mais comme il l'avait dit, ce n'était pas un mariage par amour, ce mariage l'importait peu, sans doute qu'ils ne se connaissaient pas tant, qu'ils ne se parlaient même pas. La blonde se posait des questions sur les mariages ordonnés par les autres, pour elle, c'était par amour qu'on passait une bague au doigt d'une autre personne. Grace ne s'imaginait pas se marier un jour, même si elle avait rêvé au moins une fois de ce jour où elle serait celle qui défilerait en blanc devant les autres. Elle n'avait pas trouvé la bonne personne et ne comptait pas chercher. Avant, elle posait son amour et sa foi dans la religion, ça occupait son temps et ça la permettait à ne pas faire d'écart, aujourd'hui, elle n'avait plus personne à qui se dévouer, elle trouvait simplement des occupations pour enlever Léo de sa tête, même s'il finissait toujours par revenir. « Oui, rien contrôlé, je vois. » Pas vraiment, en fait. Elle ne comprenait toujours pas par quelle magie une personne avait envie de son amie autrement que pour l'amitié. Elle avait mentalement des années d'écart avec le monde réel et même si elle essayait de le rattraper, elle restait se poser trop de questions. C'était peut-être ça son problème. Maintenant qu'il avait lié sa vie à une amie grâce ou à cause d'un enfant, il devait faire attention à ne pas se prendre la tête avec. Même si elle était plutôt renfermée et timide, Grace avait quelques amies qu'elle peinait à garder, alors elle n'imaginait même pas la difficulté de la mission. « T'es pas obligé de t'expliquer, tu fais ce que tu veux avec elle, hein ! » Même s'il était divorcé depuis peu, maintenant qu'il lui avait fait un enfant, il n'était plus à ça près avec le péché et elle ne voulait pas qu'il cherche à expliquer ses comportements, il devait bien être plus comme les autres qu'elle, ce n'était pas de Grace qu'il allait obtenir des leçons sur la vie avec les autres. « Je trouve ça bien que tu aies décidé de t'installer avec elle pour Gabriel. » Disait-elle sincèrement. C'était presque la meilleure des solutions si les deux parents ne cherchaient pas à se trouver quelqu'un dans l'immédiat, parce qu'à partir de là, elle trouvait ça étrange. « Oh. » Un sourire timide venait embaumé son visage qui rougissait légèrement, elle n'imaginait pas ses avis importants, généralement ses paroles s'envolaient, les seules personnes qui l'avaient écouté étaient les croyants qui demandaient des conseils. Ils devaient se remémorer ses mots quelques temps avant de les laisser partir. Après quelques minutes de discussions, ils se décidaient de manger ou plutôt, Ciàran lui rappelait qu'il avait apporté de la nourriture. Grace ne mangeait que très peu depuis quelques jours à cause de la déprime qui l'enlevait goût à tout. Elle venait maladroitement mettre un doigt sur un sujet sensible mais qui la démangeait depuis le début. Sa réponse lui installait un sentiment triste, se rendant compte que ce n'était pas parce qu'il n'en avait pas envie, mais parce qu'il avait peur qu'il ne se liait à personne. Et vu ce qu'il faisait, c'était compréhensible, elle aussi aurait trop peur que quelqu chose arrive à ses proches. Lorsqu'il venait à faire référence à la mort, elle se sentait mal à l'aise, regrettant sa question. Elle ne voulait pas imaginer la mort de quiconque, encore moins d'une personne qu'elle appréciait. « Je suis sûre que tu fais ce qu’il y a de mieux et je suis certaine qu’il n’arrivera rien à vous trois. » Elle l’incluait dans sa réponse pour lui dire de faire attention à ce qu’il faisait pour ne pas finir dans le trépas. « On devrait peut-être parler d’autre chose. » Ou arrêter de parler et manger. Ce qu’elle commençait à faire pour masquer  ses émotions. Elle ne voulait pas le mettre mal, elle avait suffisamment posé de questions pour passer pour une personne chiante et ne voulait pas s’enfoncer dans ce surnom. Ça lui donnerait une trop bonne raison de ne plus la revoir après.  

Non, tu n’es pas obligé d’expliquer les raisons de tes actes à Grace et pourtant, tu as envie de le faire. Tu en as même besoin parce que tu ne veux pas que son opinion de toi change. C’est la seule qui ne critique pas tes choix ni ta vie même si elle ne les cautionne pas. La seule qui ne te juge pas, finalement. Et c’est rare dans ton entourage car habituellement, tout le monde a toujours un petit commentaire déplacé à faire. C’est plus fort que lui, l’être humain a besoin de se mêler de ce qui ne le regarde pas. Mais Grace est différente, bien au-dessus de la plupart des gens. C’est sans doute pour cette raison qu’elle est si précieuse à tes yeux. « Je sais mais ça ne me dérange pas de t’expliquer comment se sont passées les choses. Sauf si ça t’embête de m’entendre me plaindre. » Dis-tu avec un rictus au coin des lèvres. En réalité, tu ne te plains pas vraiment mais c’est un peu l’impression que tu as. Pourtant, à côté de Grace, tu n’as vraiment aucune raison de le faire. Elle a une vie bien plus difficile que la tienne en ce moment. « Oui, il peut nous voir tous les deux comme ça. Et vu qu’on n’a pas vraiment été préparé, c’est plus facile de devenir parents à deux. » Parce que contrairement à ce qu’on croit, on ne naît pas parents, ça s’apprend. Avec le temps. Petit à petit, ça devient de plus en plus facile et de plus en plus automatique. Tu as très vite adopté les bons gestes mais seulement parce que tu t’es documenté et surtout, tu as été aidé par Lou. Lorsque la jeune femme te demande si tu n’as pas peur de mettre ta famille en danger à cause de ton métier, ta réponse est sans appel. Bien sûr que si. Tu as perdu ta mère à cause de ce métier à haut risque que tu pratiques depuis des années, si tu perdais Gabriel ou même Lou à cause de ça, tu ne t’en remettrais certainement pas. Alors oui, bien sûr que tu as peur, mais il n’y a pas vraiment de solution à ce problème, si ce n’est protéger deux fois plus encore ta famille. « Oh je n’ai pas peur pour moi… Je sais me défendre. » Bien mieux que la plupart des gens, tu es même très doué pour ça d’ailleurs et davantage encore pour l’attaque. « Mais c’est gentil de m’inclure dedans. » Ajoutes-tu avec un léger sourire aux lèvres. Tu ne peux t’empêcher de rire lorsque Grace ajoute que vous devriez parler d’autre chose. Sans doute d’un sujet plus réjouissant ? « Ouais c’est une bonne idée sinon je vais te rendre encore plus triste que tu ne l’es déjà. » Tu n’es pas dupe, tu vois bien que Grace ne va pas bien, qu’elle est triste et déprimée. Mais qui ne le serait pas à sa place ? Néanmoins, tu as envie de faire quelque chose pour elle parce qu’elle mérite d’avoir quelqu’un pour enlever un peu de poids de ses épaules. Pour la soutenir et l’épauler. « J’aurais dû t’emmener manger dehors mais je n’étais pas sûr que tu accepterais. » Dis-tu en haussant légèrement les épaules et en commençant à entamer le repas. Tu passes finalement d’autres plats à Grace pour qu’elle se serve, bien décidé à la faire manger.