Andreas se revoyait un an et demi en arrière. Quand se lever le matin lui semblait insurmontable. Quand des pensées sombres lui vrillaient le crâne. C’était comme si le destin se jouait de lui ces temps-ci. Comme si on cherchait à le mettre à l’épreuve. Si le karma existait, alors Andy avait dû faire de très mauvaises choses pour subir tout ça. La loi des séries, disait-on…
Il avait longtemps délaissé les cours de yoga. Songeait que c’était une perte de temps. Et l’idée même de se trouver en communauté le dérangeait, ces temps-ci. Mais il avait voulu renouer avec ce hobby sous les conseils de Lennox parce qu’il en avait manifestement besoin. Entre la perte de son père, de sa maison, les embrouilles avec Freja et Woody, cet excès de colère qu’il avait d’ailleurs envoyé dans sa tronche et la toute récente fusillade… Oui, qui n’en aurait pas eu besoin ?
Andreas s’était toutefois montré quelque peu sceptique. Si cette pratique l’aidait à faire redescendre la pression en général, il avait à présent tellement de chose à évacuer qu’il n’était pas certain que ce soit assez fort. Et effectivement… Quand il termina la séance, il se sentait toujours furieux. Abattu. Il avait l’impression d’être une bombe à retardement.
Andreas avait toujours essayé de paraître fort. A l’enterrement de son père il n’avait même pas pleuré. A vrai dire, il avait même fait comme si ça ne le touchait pas – mais son visage l’avait trahi. Fierté mal placée d’un homme qui ne voulait pas reconnaître son erreur. Qui ne voulait pas admettre que peut-être, s’il avait fait l’effort, son père et lui auraient pu se réconcilier avant qu’il ne soit trop tard. Bien sûr qu’il s’en voulait. Et il s’en voulait encore plus de ne pas réussir à exprimer tout ça. Comme si le haïr encore rendait les choses plus faciles. Ca faisait un an et demi qu’ils ne s’étaient pas vus, sa mort ne changerait rien. Si ce n’était la possibilité de changer d’avis qui lui était désormais retirée.
A l’enterrement il s’était promis de rentrer plus souvent. Malgré les kilomètres, malgré sa peur de l’avion. Pour passer plus de temps avec sa mère et sa sœur qui lui manquaient atrocement. Sa petite Lila. La prunelle de ses yeux. Comment avait-il pu la laisser seule tout ce temps ?
C’était peut-être de ça que la vie le punissait finalement.
L’ambulancier se montra très silencieux après ce cours. Il s’y était fait quelques amis mais aujourd’hui il n’avait clairement pas envie de parler. Alors il était juste allé se changer, prêt à partir. Mettant son sac sur son épaule, il quitta le bâtiment avec la grande envie de rentrer se coucher. Oui, c’était mauvais signe quand notre seule envie, c’était de dormir.
Andreas ne la remarqua pas tout de suite, cherchant une musique sur son téléphone. Mais quand il leva les yeux et que Lila apparut devant lui comme par magie, il en lâcha son portable. Au diable la technologie ! Bordel. Elle était là. Il ne savait pas encore pourquoi ni comment, ni même si c’était pour une bonne ou une mauvaise nouvelle mais elle était là. Sa Lila. Il s’approcha vivement d’elle et l’attira dans ses bras, la serrant aussi fort qu’il le pouvait. Avant de réaliser qu’il y mettait peut-être un peu trop de force. Sa petite sœur c’était précisément ce dont il avait besoin à ce moment précis.
« Bordel Lila… t’es folle… T’es vraiment folle… » Et imprévisible, la petite.
« Qu’est-ce que tu fais là… ? »Code by Silver Lungs