violet - boutique de BD ∇ pose ton café, malheureuse !

Aujourd'hui était une journée spéciale, un jour marqué en rouge sur le calendrier de ma cuisine. L'anniversaire de ma petite soeur bien aimée. Elle, toujours à New York, gagnait une année de plus ce qui ne me rajeunissait pas du tout. J'adorais les anniversaires, sauf lorsqu'il s'agissait du mien. J'eus envie de lui faire plaisir et de partir à la recherche du parfait cadeau pour célébrer ce jour particulier : le jour de sa naissance. Il fallait dire que, pour moi, sa naissance fut la plus belle chose qui soit. J'étais si heureuse de devenir une grande soeur et il fallait avouer que je prenais ce rôle très à coeur. Dans la petite maison familiale, je voulais m'occuper de tout. J'aidais ma mère avec les biberons, je voulais toujours cajoler le nouveau bébé, je voulais assister aux changements de couches, j'insistais pour que nous prenions notre bain ensemble. Depuis sa naissance, bien des choses avaient changé. Bien des choses, sauf notre relation. En fait, elle avait changé pour le meilleur. Autrefois un « il », ma soeur n'avait jamais été plus épanouie qu'en « elle ».

Je faisais donc le tour des boutiques sur la rue principale afin de dénicher la parfaite petite attention à lui envoyer par la poste. Quelque chose qui lui ferait s’ancrer un sourire sur le visage. Je serais probablement la seule personne à penser à elle, aujourd'hui, puisque pour le reste de la famille « elle » n'existait pas et « il » était décédé. Quel paradoxe! Comment une journée si heureuse pour moi pouvait représenter une torture pour d'autres ? Mes recherches me menèrent devant une petite boutique isolée de la rue vendant des BD. Bingo! Elle les adorait. Alors que moi, je n’y connaissais rien. Je décidais tout de même d'entrer. Au mieux, un charmant vendeur serait disponible pour m'aider dans mes recherches. Les cloches retentirent alors que j'entrais dans la taverne des rêves d'un fanatique de bandes dessinées. Ce que j'étais loin, mais alors loin, d'être. Mis à part Archie, je n'y connaissais pas grand-chose. Je me dirigeais vers un étalage d'éditions semblant être des originaux. En fait, je ne pouvais en être certaine. Je me fiais simplement à la couverture qui semblait dater de plusieurs années. Les dessins étaient plutôt vieux, les couleurs et les formes ne ressemblaient pas à l'art moderne d'aujourd'hui. En me penchant pour mieux voir, mon café glissa de mes mains. J'avais totalement oublié que je tenais, dans mes mains, un large café noir que je venais tout juste d'acheter au coin de la rue. Heureusement pour moi, ma malchance ne sembla pas si mal alors que la majorité du café se retrouva sur mes pieds. Évidemment, quelques-unes des bandes dessinées n'avaient pas été épargnées par mes mains pleines de pouce. J'eus à peine le temps de réagir que le vendeur se rua vers moi. Affolé, il haussa le ton en s'énervant. Je ne pouvais que comprendre sa réaction, j'étais moi-même propriétaire d'une boutique. Cependant, je n'haussais jamais le ton sur l'un de mes clients. Cela était contre mes valeurs de service à la clientèle. Je suis affreusement désolée. Commençais-je par annoncer, très sincèrement. C'est un bête accident... je ne prévoyais pas venir ici et vous emmerder avec du café. Je sortis un mouchoir de mon sac et commençais à éponger les couvertures des bandes dessinées atteintes par la pluie de caféine. Par contre, je demeure tout de même une personne... rien ne sert de hausser la voix sur moi. J'aurais compris même si vous aviez parlé moins fort.

Dans le domaine du commerce, Violet s'y connaissait. Alors, que l'homme qui tenait à boutique se soit affolé à l'idée de perdre des exemplaires de BD, qui devaient être très importantes et qui devaient valoir cher, ne l'avait pas surprise. Elle-même propriétaire d'une boutique, elle savait au combien la maladresse des gens pouvait couter cher aux petits commerçants du coin. Il lui était arrivé, d'ailleurs, de perdre une planche de surf à la suite d'une location qui s'était mal déroulée. La planche, irrécupérable et trop abimée pour être remise sur les tablettes, s'était donc retrouvée accrochée dans la boutique en guise de vulgaire décoration. Un item qui lui avait couté la peau des fesses, surtout en début de carrière. Depuis, elle avait mis des règles plus strictes quant à la location de surfboard afin d'éviter que la situation se reproduise, notamment un dépôt en cas de bris ou d'endommagement des planches qui lui assurerait au moins un coussin pour les remplacer. Pourtant, jamais elle ne s'était énervée sur un client, pas comme le vendeur de la boutique de BD du moins. Je comprends, je suis moi-même propriétaire d'une boutique. Nous n'avons tout simplement pas la même approche. Ajouta-t-elle en riant, histoire de détendre l'atmosphère. Vous pouvez peut-être m'aider, je cherche une bande-dessiner pour offrir en cadeau à une grande connaisseuse.. Mais je suis un peu nulle dans ce domaine. Elle se gratta la tête. J'ai besoin de quelque chose qui voyage bien, je dois l'envoyer jusqu'à New-York.

En ce qui a trait au domaine de la vente, Violet ne se disait pas experte, mais elle en connaissait les différents aspects par l'entremise de sa boutique qu'elle avait ouverte six ans plus tôt. Cette année, cela fera sept ans qu'elle fait rouler son petit commerce bien apprécié des habitants de Bowen. Elle avait fait des erreurs, évidemment, mais elle avait grandi des mauvaises surprises et avait appris à gérer les imprévus. Alors, en se faisant bousculer en entrant dans la boutique de bande dessiner dans laquelle elle n'avait jamais mis les pieds auparavant, sa vision de gérer une entreprise en prit en coup. Elle ne voulait certainement pas dire aux autres comment faire les choses, elle n'était pas ainsi, mais Violet sentait important de toujours dire aux autres comment elle se sentait. Elle s'était légèrement sentie brusquée. Heureusement, elle n'en tiendrait pas rigueur. Ne vous inquiétez pas! On a tous nos mauvaises journées. Vous êtes pardonné La jeune commerçante sentait le besoin de se justifier. Elle avait été directe, oui, et l'homme se tenant devant elle ne connaissait pas sa personnalité. Comment pouvait-il savoir que la jeune femme n'avait aucune onze de méchanceté ? Prenez votre temps ! Elle le laissa donc ranger la boutique, alors qu'elle flânait ici et là regardant les articles à l'effigie des personnages des bandes dessinées populaires qu'étaient exposés dans la boutique.

Même après presque sept lunes dans cette ville, Violet découvrait de nouveaux endroits ainsi que de nouveaux habitants qu'elle ne connaissait pas déjà. C'était la beauté de cette ville : elle réservait des surprises. L'homme était une drôle de rencontre. Il semblait perturbé, plus que pour un simple accident de café sur des numéros à vendre. Il lui fit une suggestion, Violet l'écouta avec attention. Elle n'y connaissait rien, elle, aux bandes dessinées. Les dates, les parutions, les numéros spéciaux, tout cela était un monde inconnu. Elle fit donc confiance au vendeur, c'était la seule chose qui lui restait. Je pense que ça fera, je vous fais confiance. Comme je vous ai dit, je n'y connais pas grand-chose dans ce domaine. Elle l'avait dit en riant, une main dans les cheveux. Elle avait l'article dans les mains. Le numéro n'était pas scellé. Mauvaise idée, pensait-elle, j'ai tout de même massacré tout une pile de numéros. Je vais la prendre. Et vous pouvez ajouter à mon reçu les numéros que vous ne pourrez pas récupérer. Elle avait sortie son porte-feuille. Combien je vous dois ? L'équité, c'était important pour elle. Elle tenait à réparer ses erreurs. Et Violet s'en voudrait d'avoir mis dans le pétrin un vendeur aux yeux de son patron. La boutique de surf situé sur Horshoebay.

Violet se sentait coupable malgré sa maladresse involontaire. Elle n'avait pas fait exprès de renverser son café sur les exemplaires de collections, ruinant fort probablement une grande partie des albums atteints par la caféine. Malgré son accident, elle se sentait redevable envers la boutique. Elle savait qu'elle ferait perdre des ventes au commerçant, dans le meilleur des cas. Dans le cas contraire, il se ferait fort probablement sermonner par son patron. Même s'il avait été impatient envers elle, sa bonne volonté et sa compréhension lui implorait d'au moins rembourser les pertes qu'elle lui avait causées. Chose que le vendeur lui refusa. Violet insista tout de même avant qu'il ne lui sorte son exemplaire recouvert d'une pellicule plastique protectrice, ce qui aurait dû être sur tous les numéros qu'elle avait gâchés.. J'insiste, vraiment. Je ne partirai pas d'ici sans vous avoir payé pour tous les dommages que je vous ai causés. C'est la moindre des choses. Elle avait été ferme, gardant tout de même sa douceur légendaire. C'était important pour elle de lui rendre ce qu'il lui était dû, ou du moins de lui éviter de se faire engueuler par son patron. Le vendeur lui sortit un exemplaire neuf en lui proposant un emballage cadeau, ce qu'elle accepta avec plaisir. Ce temps d'emballage leur permit de discuter plus amplement. Le garçon lui demanda si cela fonctionnait. Violet lui sourit. La boutique ou le surf ? Elle gloussa alors qu'il apposait des bouts de scotchs sur l'emballage. La boutique fonctionne bien, oui. En même temps, c'est un peu l'endroit rêvé pour tenir ce genre de boutique. Elle observa l'homme un instant avant de renchérir. Si vous avez toujours rêvé d'en faire, je vous offre la chance de vous y mettre. J'y donne des leçons. Laissez-moi vous offrir quelques heures de cours pour me faire pardonner.