set sail to nowhere (eibell)

Il n’écoutait que très rarement les conseils, Adán, du moins lorsque c’était pour le limiter dans ses éventuels projets. Tu devrais plutôt faire-ci, ne va pas là à ce moment-là, blabla. Il était un peu téméraire en son genre, ou alors insouciant comme le qualifieraient plutôt ses proches. C’était plutôt qu’il n’aimait pas se restreindre, Adán. Il savait fort bien que ce monde érigeait amplement de barrières pour les maintenir à l’écart d’une réelle liberté, alors il n’allait pas lui-même se freiner dans ses envies. Alors il fonçait, encore et toujours. Plus loin, plus haut. C’est pourquoi, quand on l’avait prévenu que la marée dans Gray’s Bay pouvait parfois être très haute et jouer des tours à ceux qui s’aventuraient sur la plage ou sur l’eau, le mexicain avait écouté d’une oreille. Et c’était tout de suite ressorti de l’autre. Disons que lorsqu’il avait une idée derrière la tête, Adán était difficilement arrêtable. L’idée qu’il avait, là, c’était d’aller faire du kayak en haute mer avec Eibell, en partant de Gray’s Bay. Évidemment, il avait tellement fait fi des recommandations des gens au centre nautique, qu’il ne pensa même pas à prévenir son amie des éventuels pépins qui pourraient les attendre au retour, si la marée montait réellement à ce point. Il était trop enthousiaste, Adán, que pour s’en faire pour de tels détails. Et puis, la vie lui souriait toujours. Ils s’en sortiraient, d’une manière ou d’une autre. Les deux amis arrivèrent donc à l’entrée de la baie, et tout allait bien jusque-là. Il y avait de nombreuses familles sur la plage, c’était une magnifique journée ensoleillée, aucun souci à l’horizon. Hakuna matata. « J’espère que ce n’était pas ta journée bras au gym, hier, parce que tu vas en pagayer un coup ! » Se moqua Adán. À vrai dire, Eibell était en très bonne forme, sans doute en bien meilleure condition physique que lui. « Prête à aller découvrir l’île déserte qu’on renommera l’île White-Nevarez ? » Ça sonnait plutôt bien et, surtout, ça laissait entrevoir à quel point le mexicain était prêt à aller à l’aventure, et à se perdre dans l’océan.  

Spoiler:

Adán éclata d’un rire franc et lumineux à la réponse d’Eibell à propos de ses séances au gym. Il hocha la tête en tapotant sa tempe droite de son index, comme pour souligner la vivacité d’esprit de son amie. « Tu as pensé à tout! » De son côté, Adán ne voyait jamais assez loin pour songer à toutes ces choses. Même s’il pouvait planifier quelques activités à l’avance, comme cette randonnée en mer avec Eibell, il ne penserait pas à tous les détails autour. La preuve : il n’avait même pas prévu de lunch, ni même de collation, alors qu’ils partaient pour au moins quelques heures sur l’eau. Avec l’effort physique que ça leur demanderait, sans doute aurait-il été préférable qu’il prévoit quelques aliments, mais non. Il ne pensait pas assez loin. Il ne pensait pas tout court, Adán. D’ailleurs, Eibell releva le fait que s’il lui avait dit qu’ils partaient pour l’autre bout du monde, elle aurait prévu des vivres. Ainsi, la jeune femme n’avait elle non plus prévu aucune nourriture pour la journée qui les attendait. Bon, de toute façon, jusqu’à maintenant, aucun drapeau rouge en vue. Ils n’auraient qu’à revenir lorsqu’ils se sentaient faiblir, lorsque le temps s’allongeait bien trop devant eux et que la nécessité de regagner la terre ferme pointait à l’horizon. « On vivra d’amour et d’eau fraîche et salée ! » Il rit. « Et puis, comme tu dis, tu pars à l’aventure avec un pêcheur ! Je me fabriquerai mon propre harpon et je nous pêcherai les meilleurs poissons autour de l’île. On ne manquera de rien. » Ou à peu près … Il sourit à son amie. Les kayaks de mer qu’il avait loués pour la journée les attendait sur la plage, prêts à être mis à l’eau. Adán n’eut qu’à valider quelques informations avec le préposé et ils purent les traîner jusqu’à la mer. Une fois installé, et par miracle sans avoir chaviré dès qu’il eut mis le pied dedans, Adán regarda Eibell se préparer. « Prête, capitaine ? » Ah, non, aucune hiérarchie entre eux ! Ils étaient tous les deux capitaines, prêts à affronter la beauté de l’océan.  

Spoiler:

Adán continua de rire, sur une lancée de bouffonneries quant à ce dont ils vivraient dans les heures à venir. Évidemment, nul besoin de s’alarmer, sur les eaux qu’ils s’apprêtaient à naviguer, rares étaient les risques que quoi que ce soit se produise. Normalement, après quatre ou cinq heures, ils rentreraient à bon port et pourraient sortir dans un restaurant pour bien se ramener les deux pieds sur terre. « Le meilleur désaltérant que je connaisse ! » Continua le mexicain, ne se prenant évidemment pas au sérieux avec de telles sottises. Eibell continua en disant qu’elle leur trouverait une terre ferme pour y faire un feu, et alors leurs poissons attrapés au harpon pourraient cuire et constituer un succulent repas. « L’idée est quand même invitante, tu n’trouves pas ? Rien que nous, sur une p’tite île inhabitée. Juste le temps de déconnecter. » Adán était loin de se douter qu’au fond, ce scénario-là, il n’était pas si impossible que cela. Même que les prochaines heures le rendraient de plus en plus plausible. « Toujours prêt aussi ! » Eibell se mit confortable et le jeune homme ne détourna qu’à peine le regard, avant de s’emparer de son propre kayak et de le mettre à l’eau. Il attrapa sa pagaie au passage, juste avant de se laisser dériver dans la baie. Il se tourna pour regarder Eibell le rejoindre.