Same sheet [Feat. Freja Ivanova]

Le décès de sa femme avait eu raison de lui, le sentiment de culpabilité le rongeait un peu plus chaque jour qui passait. Donovan n'était plus réellement un homme, il avait la sensation que chaque heure passée à chercher les responsables du meurtre de sa femme n'était qu'une perte de temps. Pas un indice. Pas une trace. Il n'avait rien. Il devait prendre conscience qu'il était probable qu'il ne retrouve jamais les responsables, mais cette idée lui était insoutenable.

Sa journée de travail fini, il était retourné à sa caravane afin de s'y installé, de vider quelques bouteilles et sombrer ensuite dans un sommeil profond et sans cauchemars. Manque de chance, en fouillant dans ses réserves, il se rendit compte qu'il n'avait plus de doses de poudre blanche, il allait devoir retourner voir son fournisseur. Un mec assez connu visiblement vu les clients qu'il avait.

Il savait exactement où se fournir, dans le quartier ouest de la ville, non loin de la fête foraine. Beaucoup de passage, pas de patrouille de police, c'est donc là-bas qu'il se rendit pour obtenir sa dose. Une fois sur place, il n'avait même plus besoin de parler, c'est un client régulier et le jeune homme avec qui il est en affaire sait parfaitement ce dont il a besoin, bien évidemment, il ignore que c'est un policier. En même temps, vu son allure, beaucoup de monde a du mal à se le représenter comme un agent des forces de police.

Une jeune femme brune attire son attention alors qu'il sait éloigner de l'homme qui vient de lui vendre ce dont il avait besoin. Elle devait avoir quoi, dix huit ou vingt ans à tout casser. Il se planta sur le capot de son véhicule en attendant qu'elle se dirige dans sa direction.

" - Tu ne devrais pas toucher à ces merdes, ça détruit la santé et t'es jeune, t'as toute la vie devant toi."

Si vous attendiez de Donovan quelqu'un de subtil, il était tout le contraire et d'ailleurs, c'est souvent pour cette raison qu'il finissait au coeur des bagarres. Bon ok, et aussi parce qu'il était ivre la plupart du temps, mais qu'importe, il n'a plus de raison de vivre et plus rien à perdre.

Même si depuis l'attentat ta vision de la vie a changé, tout n'est pas encore réglé dans celle-ci. A commencer par tes cauchemars qui ont diminué mais n'ont pas encore totalement disparu. C'est pourquoi, lorsque tu as de grosses crises d'insomnie, tu n'hésites pas à reprendre de la cocaïne pour trouver le sommeil. L'héroïne, c'est terminé maintenant et tes proches ne soupçonnent sans doute pas que tu t'es tournée vers une autre drogue. Tout aussi dangereuse que la première. C'est devenu un réel besoin quand ta vie devient trop difficile à supporter et ce soir, cela semble être le cas. Malheureusement pour toi, tu n'as plus ce qu'il te faut à l'appartement pour te soulager alors tu es obligée de sortir en ville pour aller trouver ton dealer. Une fois ta dose en mains, tu es prête à repartir chez toi lorsqu'une voix t'interpelle. C'est un homme plus âgé qui n'est qu'à quelques mètres de toi et qui semble désireux de te faire la morale. Tu soupires, déjà agacée par la tournure de la conversation. « Grande nouvelle ! » Dis-tu comme si tu ne savais pas que la drogue ruinait la santé. Tu ne le sais que trop bien mais tu es incapable de t'en passer définitivement. Du moins, pour l'instant. « De toute façon, je n'ai de leçon à recevoir de personne. » Ajoutes-tu en posant une main sur ta hanche, faisant front au moustachu. S'il désire se confronter à toi, qu'il le fasse... mais il n'est pas tombé sur une petite chose toute frêle. Au contraire, tu es prête à te défendre avec tes propres armes.

Donovan avait été un homme heureux. Il avait eu une femme et il attendait même un enfant, de quoi le ravir au plus haut point. C'était un mari et futur papa qui aurait donné sa vie pour protéger son enfant. Avec sa femme ils avaient décidé de ne pas connaître par avance le sexe du bébé, pour garder un peu de surprise. Si bien qu'il ignore s'il a perdu une petite princesse ou bien le prochain Zidane. Et c'est peut-être cette perspective des choses qui le fait encore plus culpabiliser.

Ces dernières semaines avaient été compliqué pour la police de Bowen, avec l'attentat qui avait eu lieu sur la plage, il avait mis sa propre vie en danger, mais là encore, il s'en fichait pas mal. C'était un borderline dépressif, suicidaire, suivi d'un alcoolique et drogué. Et le plus dangereux dans tout cela c'est qu'il est quand même policier et dispose donc d'une arme pour faire ce qu'il décide ou juge bon de faire. Mais entre ce que Donovan juge bon, et ce qui l'est réellement il y a souvent un fossé.

Il traînait souvent en ville le soir, enfin surtout pour arpenter différents bars, ceux desquels il n'a pas encore été viré pour s'être battu et avoir saccagé la moitié de l'intérieur. Mais le lieutenant était comme ça, il noyait sa peine dans l'alcool et aujourd'hui, il ne pouvait plus s'en passer. Comme de la drogue d'ailleurs, même s'il en faisait un usage moins fréquent. Il était d'ailleurs allé se fournir pour avoir une dose assez conséquente pour ne pas revenir toutes les semaines. Et c'est là qu'il l'a vit.

Le jeune homme n'avait pas toujours les mots justes, en fait il ne les avaient jamais. Lorsqu'il essayait de dire quelque chose pour protéger une personne, il fallait toujours que ça soit interprété différemment. Il faut dire qu'il n'avait jamais été très fort de ce côté là pour montrer ou dire ce qu'il ressent. Mais cette gamine.. Il ne pouvait pas la laisser se détruire, elle avait encore tant à vivre.

" - Moi je crois que si. Mais si tu veux on peut continuer cette discussion au commissariat, ce sera moins glamour en revanche. Je te laisse le choix."

Danno n'aimait pas user de son statut de lieutenant pour nettoyer les rues, mais s'il sentait que ça pouvait falloir le coup, il n'hésitait pas à le faire. Tout comme il n'hésiterai pas à l'embarquer si elle refuse de collaborer. On a connu mieux placé qu'un flic consommateur de drogues pour arrêter des personnes en possession de ces bijoux, mais au moins, ça lui sert. Il aurait presque pu s'infiltrer dans un réseau pour le démanteler, mais sa priorité une reste le cartel espagnol responsable de son état actuel et du meurtre de sa femme.

Ces derniers mois, ta vie n'a été qu'une succession de déception, de souffrance et de tristesse. Le seul point de lumière dans celle-ci, ça a été l'arrivée des jumeaux et par conséquent, l'arrivée de ta filleule. Pour ce qui est du reste, tu as l'impression de nager perpétuellement dans un bassin de noirceur sans jamais trouver la sortie, l'issue. Comme si tout moyen de sortir la tête hors de l'eau avait disparu. C'est peut-être le cas, finalement ? Peut-être qu'il n'existe qu'une vie triste et de solitude pour toi. Mais tu ne sais pas vraiment ce que tu as fait pour mériter tout ça. Bref, en ce moment même si tu remontes la pente de l'attentat, tu as l'impression qu'émotionnellement parlant, c'est la catastrophe. Et c'est sans doute pour cette raison que tu continues à avoir besoin de cocaïne pour te soulager. L'homme plus âgé que toi ne semble pas vouloir te lâcher, sans que tu comprennes pourquoi, on dirait qu'il s'est investit dans une mission "sauvetage". Mais tu n'as pas besoin d'être sauvée, tu veux seulement qu'on te foute la paix et rentrer chez toi pour oublier tes démons. Tu arques un sourcil lorsqu'il mentionne que vous pouvez continuer cette conversation au commissariat. Est-ce de la provocation ? Car tu es plutôt bonne à ce jeu-là, toi aussi. « Je t'ai vu acheter ta dose juste avant moi. Un flic qui consomme... ça risque d'intéresser les autorités. » Dis-tu en haussant les épaules. « Je ne sais pas pourquoi tu sembles vouloir m'aider mais ce n'est pas nécessaire. Je suis assez grande pour me débrouiller seule. » C'est faux, totalement faux. Si tu étais capable de te débrouiller seule, tu ne te droguerais plus à l'heure qu'il est. Malheureusement, tu n'as pas encore trouvé la force de te débarrasser de cette mauvaise habitude qui met ta santé en péril. Depuis l'attentat, tu es bien plus consciente de tout ça qu'auparavant et surtout, tu fais davantage attention aux dosages mais ce n'est pas encore suffisant pour que tu arrêtes complètement. Tu n'as pas encore trouvé la solution miracle.

Donovan était une cause perdue et il en était plus que conscient. Mais au fond, il s'en fichait, il ne voulait pas être sauvé. Pourquoi ? Parce que même si quelqu'un le tirait vers ne haut pour lui montrer que la lumière existe toujours, il n'aurait rien pour se rattraper, aucun objectif, aucune raison de vivre, alors il est inutile de perdre du temps à essayer de le sauver alors que c'est tout simplement impossible. Il n'y a plus rien à sauver de lui, tout son être est d'une noirceur telle que, même dans les petits recoins, la lumière ne pourra jamais y accéder.

En voyant cette jeune femme achetee sa dose pour ensuite la consommer, il ne pouvait pas la laisser faire. Pourquoi ? Il n'en avait aucune idée, peut-être qu'il sait pertinemment les dégâts que ça fait, et autant si lui a déjà vécu ce qu'il fallait vivre, la demoiselle n'était qu'au début de sa vie, et en consommant de la sorte, elle se tuait à petit feu. Elle n'était pas dupe et savait sans doute ce qu'elle faisait, mais il avait besoin d'agir, alors que dans d'autres cas, c'est même quasiment certain, il n'aurait pas bougé le petit doigt. Mais il faut croire qu'il n'était pas encore totalement pourri de l'intérieur.

" - Il faut bien s'infiltrer dans le milieu si on veut pouvoir agir."

Cette excuse il l'avait déjà sorti à de nombreuses reprises. Les mâchoires crispées, il savait qu'il risquait gros, que si ses problèmes d'alcoolisme et de droit venaient aux oreilles de ses supérieurs voire encore à ceux du dessus, il pouvait dire adieu à tout ça. Tout ce pour quoi il avait toujours vécu, il ne savait pas faire autre chose. Pourtant, tout avait basculé et il avait glissé sur cette pente qui l'entraîne dans les flammes de l'enfer un peu plus chaque jour.

" - Ouvre les yeux et arrête de te mentir à toi-même. On sait parfaitement que si tu en étais capable, tu ne serais pas là et on n'aurait pas cette conversation."

Peu importe la personne qu'il avait en face de lui, Donovan n'était pas du genre à mâcher ses mots, même si ceux-ci étaient parfois durs et blessants.

S’infiltrer ? Mais bien sûr, c’était l’excuse typique pour ne pas assumer sa dépendance et pour s’assurer une place bien rangée à la police. Quoi que tu dises, au final, sa voix pèserait toujours plus que la tienne. Qui, au commissariat, croirait une pauvre fille droguée dans ton genre plutôt qu’un policier ?  Personne, sans aucun doute. Alors quoi que tu fasses, s’il veut te faire tomber, il en a les pouvoirs. Mais tu ne lui montreras pas que ça te panique, tu es plus forte que ça. « Ouais ouais, garde cette excuse pour ta hiérarchie. » Réponds-tu en levant les yeux au ciel pour lui faire comprendre qu’il n’est pas crédible une seule seconde. Pour ce qui est de la suite de ses paroles, il n’a pas tort et ça a le don de t’énerver davantage encore. Il est franc, parfois même dur dans ses paroles, mais c’est nécessaire face à quelqu’un comme toi. C’est le seul moyen de te faire réagir et il l’a peut-être compris parce qu’il est comme toi, au fond ? Il semble avoir barricadé ses émotions aussi bien que toi, ne laissant paraître aucun ressenti, aucun sentiment. Peut-être que vous n’êtes pas si différents que ça, finalement… « Je ne t’ai pas attendu pour le savoir. » Dis-tu en montrant ton impatience. « Je vais m’en sortir, c’est juste un passage à vide. Ca ne t’arrive jamais ? » En réalité, ce passage à vide dure depuis bien trop longtemps maintenant et tu n’en vois pas le bout. Tu n’en vois pas la lumière. Peut-être as-tu besoin d’une main tendue vers toi pour en sortir ? Peut-être que cette main est celle de Donovan ? Qui sait ? Tout ce que tu sais c’est que tu n’es pas prête à accepter la main qu’il te tend. Pas prête à être aidée, toi qui as toujours eu l’habitude de te débrouiller seule.

Au bureau, personne ne savait qu'il buvait, parfois même lors de son service, et même si Tahlia semblait avoir des doutes sur lui, en revanche, elle ignorait tout de sa consommation de drogues. Pourquoi ? Parce qu'il prenait toujours le temps de faire ça dans sa caravane, à l'abri de tous les regards, et c'était bien mieux comme ça. C'était son petit monde, sa bulle, là où rien ne pouvait l'atteindre, là où tout disparaît, même ses problèmes, tout comme sa souffrance, mais c'était qu'éphémère, le retour à la réalité faisait encore plus mal.

Forcément quand cette jeune femme lui avait posé la question dans l'autre sens, il avait sorti son excuse pour les occasions. Il l'utilisait bien trop souvent, même si ça ne lui plaisait pas, cette addiction c'était tout ce qui lui permettait de tenir bon chaque jour, malgré les cauchemars qui agitaient ses nuits. Il n'était pas prêt de se laisser berner par une femme encore moins par une qui pourrait être sa fille.

" - De toute manière, on sait tous les deux que ta parole contre la mienne ne vaut rien."

Et ça lui faisait plaisir d'être intouchable sur ce point. Enfin, pas si intouchable que ça, il savait qu'il oscillait entre les deux, et il suffisait de pas grand chose pour qu'il ne bascule entièrement. Et même si pour le moment elle savait qu'elle n'en avait pas le pouvoir, il ne pouvait pas la sous-estimer non plus.

" - Tu peux sortir ton excuse aux autres si tu veux, ça ne prend pas avec moi. Regarde toi en face. Regarde ce que tu es, tu es incapable de te passer de cette merde et pourtant, ça te fait chier. Tu aimerais arrêter mais tu n'y arrives pas, parce que quand tu es sous influence, tout semble plus facile. Mais ça ne durera qu'un temps. Quand tu te seras habitué à cette molécule, il t'en faudra une autre. Il t'en faudra toujours plus et tu ne pourras jamais t'en sortir toute seule. Mais ça te le sait déjà c'est juste que t'as trop de fierté pour avouer avoir besoin d'aide."

Comment pouvait-il savoir tout ça ? Parce qu'il était dans le même cas, ce n'était pas par fierté qu'il n'arrivait pas à demander de l'aide, c'est juste qu'il n'avait jamais eu le courage d'aller de l'avant. Il était bloqué dans le passé avec le fantôme de sa femme qui le hante au quotidien. Il voulait l'aider mais il ne savait pas comment.

" - Si t'as besoin, je peux t'aider. Dans la police on a des spécialistes."

Il savait que c'était peine perdue. Qu'elle n'accepterait mais au moins, il lui avait proposé, si elle ne voulait pas, il ne pouvait pas l'y obliger alors que lui-même était un consommateur régulier.

« Ouais vivent les flics ripoux. » Dis-tu en arquant un sourcil. Tu n'as pas peur de le provoquer ni peur d'être coffrée car ce ne serait pas une première fois pour toi. Et puis, avec un peu de chance, Tahlia pourrait te sortir de là sans trop de soucis. C'est l'avantage d'avoir une colocataire policière. Lorsqu'il se lance dans un monologue, tu tentes de rester autant de marbre que possible mais ce n'est pas aussi simple que ça en a l'air. Surtout lorsqu'il pointe du doigt tes faiblesses avec autant de facilité. Il exprime exactement ton ressenti et tu détestes avoir cette impression qu'il peut lire dans ton esprit comme dans un livre ouvert. Comment peut-il savoir tout ça ? Ce n'est pas possible, tu ne le connais pas. Ce n'est pas la première fois que vous vous croisez entre deux doses achetées mais vous n'avez jamais discuté jusqu'ici. Et tu n'es pas bavarde avec ton dealer, il ne peut pas avoir cafté. Tu restes stoïque un instant, réfléchissant à toute vitesse à ce qui est en train de se passer. « Tu parles pour toi, là ? Parce que je peux aussi jouer à ce petit jeu avec toi. » Réponds-tu avec un peu plus d'émotion que tu ne le voudrais. Ton corps te trahit, il saura forcément qu'il a pointé du doigt tes faiblesses et il n'hésitera sans doute pas à les utiliser. « Je dirais que tu te noies dans l'alcool et dans la drogue pour supporter la perte d'un proche, non ? Malgré que tu sois flic, tu ne peux pas t'empêcher de défier les lois parce que tu te crois au-dessus de tout. Intouchable. » C'est l'impression qu'il donne en tout cas et tu espères avoir eu autant de facilités que lui à toucher ses points faibles de façon à le déstabiliser complètement. Mais la partie ne sera sans doute pas si facile à gagner, malheureusement. « Des spécialistes ? Tu me proposes vraiment une cure, là ? » Demandes-tu en riant presque par sa proposition. Il ne te connait pas alors pourquoi semble-t-il aussi impliqué dans l'idée de te faire sortir de ce milieu ? « Pourquoi ferais-tu tout ça ? » T'as besoin de savoir, besoin de comprendre, pourquoi un homme comme lui s'intéresse à une fille comme toi alors que tu pourrais aussi bien être sa fille.

Donovan ne se considérait pas comme un flic en or, mais en aucun cas il aurait utilisé le terme de flic ripoux. Est-ce que c'est ça qu'il était ? Un flic ripoux ? Il n'hésitait pas à utiliser des armes ou des cartes que d'autres n'avaient pas, mais est-ce que ça faisait vraiment de lui ce qu'elle venait de dire ? C'était assez déstabilisant parce que c'était la première fois qu'il se remettait en question, en temps normal, il se fichait pas mal de ce que pouvait penser les autres, mais là la donne avec changer on dirait. Cette femme avait bien plus d'impact sur lui qu'il n'aimerait l'avouer.

Et comme pour pallier à tout cela, il avait utilisé sa technique, celle de déceler les faiblesses de l'autre, de lui balancer à la figure pour la déstabiliser. Et il voyait bien qu'au fur et à mesure de son récit, ça marchait. Mais elle était comme lui, bien trop protégée du monde extérieur pour montrer ses sentiments. Mais si elle ne le faisait pas de son plein gré, il y a des signes qui ne trompent pas, et la réaction de son corps voulait dire qu'il avait vu juste. En même temps, ce n'est pas compliqué, il sait parfaitement ce qu'elle ressent puisqu'il vit dans le même monde qu'elle.

En revanche, il ne s'attendait pas à ce que cela se retourne contre lui. Il avait pris l'habitude de ne rien laisser paraître, aucune émotion qu'elle soit positive ou négative, mais cette fois-ci elle l'avait touché en plein dans le mille. Cette perte qu'elle évoquait était bien plus compliqué à deviner que l'état dans lequel se trouvait la jeune femme. Et il ignorait comment elle l'avait su, mais ce dont il était sûr c'est que si ça avait été un homme face à lui, il serait déjà en train de lui démolir le portrait. Parce qu'il est incapable de contrôler ses excès de colère, cette colère qui le ronge de l'intérieur et lui pourrit l'existence.

" - Tu as raison. Enfin sur un point seulement, je suis flic et j'aime jouer avec les lois, en revanche, je ne me sens pas intouchable. Je ne le suis pas et je ne le serai jamais."

Là-dessus il était confiant oui, mais il avait ce besoin constant de repousser ses limites, de jouer avec la vie, sa vie. Il enfonca ses mains dans ses poches après l'avoir passé dans ses cheveux. Signe qu'il est nerveux. Il lui proposa de l'aide. Pourquoi ? Il n'en avait aucune idée, mais il en avait la possibilité et s'il pouvait sauver une âme puisqu'il ne peut pas le faire pour lui-même alors autant en faire profiter quelqu'un d'autre.

" - Tu veux la vérité ? J'en sais rien. Des délinquants, des drogués j'en croise tous les jours, je sais à quoi ils ressemblent, mais tu ne fais pas parti de leur monde. Tu ne mérites pas de glisser sur cette pente indéfiniment. Si je te propose ça c'est parce que je sais que derrière cette souffrance que tu refuses de montrer, t'es quelqu'un de bien et j'aimerai que tu puisses profiter de la vie de manière sereine sans avoir à masquer ta douleur avec ces merdes."

Donovan n'avait jamais été fort lorsqu'il s'agissait de dire ce qu'il ressentait ou même pour parler de lui, de son vécu, de ses souffrances. Mais là, les mots lui étaient venu assez naturellement et il avait juste besoin de sauver cette âme perdue pour se dire qu'il avait fait quelque chose de bien au moins une fois dans sa vie. Mais, il ne lui dirait jamais le fin mot de l'histoire.

Tu ne sais pas du tout si tu tapes dans le mille en parlant des faiblesses du policier mais tu l’espères, en tout cas. Parce que ça te tue qu’il ait pu le faire avec toi sans informations complémentaires, juste en t’observant toi et ton comportement. Alors, tu es espères qu’en faisant de même, tu tomberas juste pour le déstabiliser au maximum. Evidemment, comme toi, si c’est le cas, il ne te le dira pas. Il préférera nier ou passer à autre chose. Vous semblez employer les mêmes mécanismes de défense, lui et toi, que ça en devient presque déconcertant. C’est peut-être pour ça qu’il a tant de facilités à te décrypter et inversement. « Si tu ne te sens pas intouchable alors tu aimes clairement abuser de ton pouvoir. » Dis-tu en levant les yeux au ciel. C’est ce qu’il avait essayé de faire avec toi, un peu plus tôt, lorsqu’il t’avait menacé de t’emmener au poste de police. Heureusement pour toi, il semble avoir changé d’avis ou plutôt, il essaie de trouver d’autres solutions un peu moins radicales. Malgré le ton inapproprié que tu emploies et ta constante provocation, il ne se laisse pas démonter. Il n’abandonne pas ni son combat pour t’aider, ni toi. Et d’ailleurs, tu ressens le besoin de lui demander pourquoi est-ce qu’il fait tout ça. Pourquoi désire-t-il t’aider alors qu’il ne te connaît même pas. Tu n’es peut-être pas quelqu’un de bien qui mérite d’être secourue, qu’en sait-il ? « Je ne ressemble peut-être pas à un délinquant « de base » mais tu ne sais pas si je suis quelqu’un de bien… » Murmures-tu en passant une main dans tes cheveux. En ce moment, tu ne te considères pas comme quelqu’un de bien, non. Si tes proches apprennent que tu continues la drogue, tu les décevras, encore. Et ça, non, ça ne fait pas de toi quelqu’un de bien. « Et pour ton information, ce n’est pas tant pour masquer la douleur que je prends ça mais plutôt pour dormir. » Confies-tu sans savoir pourquoi. C’est à cause de tes cauchemars que tu as besoin de prendre de la cocaïne sinon tu ne tiendrais jamais le coup au travail ni dans ta vie quotidienne. « Ecoute, c’est bien gentil de vouloir m’aider mais… je ne suis pas prête pour ça. » Ajoutes-tu en haussant les épaules.

Dans son travail, le jeune homme n'était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, il avait un caractère bien à lui, déjà avant le décès de sa femme, mais depuis, il avait radicalement changé et était devenu une toute autre personne. Il était devenu un homme qu'il détestait voir dans le reflet d'un miroir, mais pourtant, c'est la seule façon qu'il avait trouvé pour continuer de vivre avec cette douleur qui lui broyait le coeur, les poumons et tout autres organes vitales.

" - Non, je ne dirai pas ça. Par contre, que j'aime le danger et prendre des risques inutiles, là oui."

Il avait besoin de cette adrénaline, c'était ce qui le maintenait en vie actuellement, et si pour une raison x ou y, il devait rendre son arme et sa plaque, alors c'est certain qu'il n'hésiterait pas une seconde avant de loger une balle dans son cerveau. Combien de fois il avait joué à la roulette russe en pointant son arme de service sur sa tempe ? Combien de temps il s'était représenté cette scène où il mettait fin à ses jours ? Tellement de fois qu'il ne pourrait pas dire combien exactement.

La provocation, Donovan connaissait. Il ne savait pas communiquer autrement que de la sorte, sans compter qu'avec Tahlia, ils ne faisaient que ça. Toute la journée ils se cherchaient, ils ne pouvaient pas vraiment s'encadrer et pourtant, ils étaient forcé de travailler ensemble puisqu'il était son supérieur.

" - Ça fait maintenant plus de vingt ans que je suis dans la police, alors crois-moi quand je te dis que tu n'es pas une mauvaise personne. Ce n'est pas parce qu'on fait des mauvais choix qu'on est forcément une mauvaise personne."

Voilà qu'il se mettait à parler comme un philosophe maintenant. Pourquoi se donnait-il tant de peine pour remettre cette gamine sur le droit chemin alors que lui-même était sorti des sentiers battus depuis bien longtemps. Trop longtemps pour qu'il puisse y retourner un jour, si toutefois, il arrivait à survivre encore quelques années, ce qui n'était pas gagné vu son comportement.

" - Si c'est pour dormir alors prend autre chose, il y a tellement de médicaments que tu peux prendre pour te détendre plutôt que ... ça."

Et même qu'il pouvait lui fournir ces médicaments dont il parlait. Il utilisait souvent son statut de flic pour faire peur, même si dans le fond il n'était pas méchant. Généralement, il jouait les gros durs et jouait avec l'illégalité quitte à ce qu'une affaire soit foirée à cause de ses principes, mais si pour une fois il pouvait utiliser sa plaque pour une bonne raison, alors il n'allait pas se priver de le faire.

" - Je peux te les obtenir." finit-il par lui dire.

Les dernières paroles de la jeune femme ne le surprit pas tant que ça. Personne n'était vraiment prêt, lui-même ne l'était pas, mais peut-être que si on lui tendait la main, il finirait par accepter qui sait.

" - Pourquoi ? Je sais que ça ne te plait pas d'être comme ça. Tu veux t'en sortir et je te propose une alternative, les spécialistes seront là pour t'épauler alors oui, ce ne sera pas rose tous les jours, mais t'es forte et tu peux t'en sortir si tu t'en donnes les moyens. Et là, je te propose simplement de prendre la perche que je te tends. C'est l'occasion de repartir à zéro et de te construire une nouvelle santé. Mais si tu ne veux pas, je ne peux pas t'y obliger. Si tu changes d'avis, tu sais où me trouver."

Il s'apprêtait à partir. Il était bien trop ici dans le coin et si elle décidait de changer d'avis, il serait ravi de l'aider à reprendre sa vie en main. Ses mains enfoncées dans ses poches, il se dirigeait vers son pick-up garé un peu plus loin. Au fond, il espérait qu'elle chercherait à le rattraper, mais il en doutait fort. Donovan savait que ses paroles devaient faire écho dans son esprit avant qu'elle ne prenne pleinement conscience de la chance qui lui a accordé.

Ça vous fait un point commun cet amour du danger et des risques inutiles. Ça te ressemble plutôt bien, oui, même si tu encoures sans doute plus de risque que le policier. « Et me menacer de me coffrer si je n'arrête pas la drogue, c'est pas abuser de ton pouvoir, ça ? » Demandes-tu en arquant un sourcil, un rictus aux lèvres. Ce n'est pas tant un reproche, plutôt une constatation. Là, en fait, ça t'amuse presque plus que ça ne t'énerve, tu n'es plus tant que ça dans la provocation finalement. Ou du moins, pour l'instant. Tu plisses légèrement les yeux lorsqu'il t'explique qu'il peut voir que tu n'es pas une mauvaise personne sur base de son expérience. Certes, prendre de la drogue ça ne fait pas de toi automatiquement quelqu'un de mauvais mais mentir à tes proches et les décevoir, ça oui. C'est sans doute pour cette raison que tu as de plus en plus de mal à te regarder dans le miroir. Mais le policier n'a peut-être pas tort sur toute la ligne. « Et toi, tu te situes dans quelle catégorie ? Les bons ou les mauvais ? » Demandes-tu, légèrement curieuse. S'il en sait tant sur toi, tu as le droit d'inverser la tendance. Même si tu as l'impression d'avoir déjà saisi quelques bribes de sa personnalité et de sa façon de fonctionner assez proche de la tienne. « Tu crois que je ne le sais pas ? J'ai déjà essayé un tas de trucs avant de prendre cette merde... » En réalité, tu avais commencé par l'héroïne en voyage sous les conseils d'une mauvaise fréquentation et puis à ton retour à Bowen, tu avais tenté de prendre des médicaments pour arrêter l'héroïne. Malheureusement pour toi, ça n'avait pas été si évident. Du coup, sous les conseils de Landon tu étais passée de l'héroïne à la cocaïne progressivement pour effacer toutes les marques de ton corps. Mais arrêter totalement la drogue était devenu complètement impossible. C'était trop douloureux et trop difficile pour toi. Quand il demande pourquoi tu continues à te pourrir la santé, tu ne sais même pas quoi répondre... La vérité c'est que tu ne le sais pas toi-même ou plutôt que tu ne veux pas voir la vérité en face. Tu soupires lorsqu'il s'éloigne, hésitant pendant quelques secondes à le rattraper ou non. Puis, finalement, tu n'en fais rien. Tu restes avec ses paroles ancrées dans ta tête et sa silhouette qui s'éloigne au loin. Ce qui est certain, c'est que ce flic a réveillé chez toi certains trucs qui te plaisent et te déplaisant à la fois.