Ghost in the shell [ DONOVAN ]

Donovan était dans une routine tous les soirs, une fois qu'il avait terminé sa journée de travail, si toutefois il ne passait pas la nuit au bureau, ce qui lui arrivait assez souvent, il rentrait chez lui et avalait quelques verres d'alcool, puis il fixait la seule photo de sa femme qu'il avait. Il souffrait de son absence, et son mode de vie était déplorable depuis qu'il s'était retrouvé seul du jour au lendemain.

En soit, Danno est un bon flic, il fait simplement trop souvent les mauvais choix en flirtant avec l'illégalité. Il n'était pas tout blanc ça c'est une certitude, il lui arrive même parfois de passer de l'autre côté afin d'obtenir ce qu'il veut. C'est pas si compliqué que ça, ce n'est pas comme s'il était très crédible dans la peau d'un flic, et comme il n'avait plus aucune raison de vivre, il cherchait même à se mettre en danger. Mourir ne lui faisait pas peur et il avait envie de mourir, mais malgré ses nombreuses tentatives avec son arme braquée sur sa tempe, il n'avait jamais réussi à appuyer. Alors il prenait des risques inutiles en espérant que ça suffise à le tuer un jour.

La journée avait été rude et longue et le jeune franco-allemand n'avait qu'une envie : descendre toutes les bouteilles d'alcool se trouvant dans sa caravane. Il n'arrivait pas à trouver le sommeil, il était beaucoup trop agité par les images de sa femme, ses souvenirs qu'il gardait en mémoire et cette phrase qui revenait toujours dans ses cauchemars "Rejoins-moi". Ce soir était un jour sans, parfois il avait envie de fouler la plage, observer la nature, mais pas ce soir. Il n'était pas d'humeur, alors il commença à vie et quelques verres avant de se décider à sortir. Les bars du centre ville étaient souvent pleins et il les connaissait tous, il les avait testé un par un. Même s'il s'était fait renvoyé de certains à cause de son comportement agressif après avoir provoqué une bagarre, celui dans lequel il s'était décidé à aller ne l'avait pas encore mis sur la liste noire.

Le Elm. Rempli à cette heure-ci de la soirée, tout le monde semblait si joyeux que ça lui donnait envie de gerber. Il avanca, se frayant un chemin jusqu'au bar. Il y a de tout, des adolescents venus faire la fête pour célébrer un événement quelconque, il y avait aussi des personnes adultes venues rencontrer une personne d'une application de rencontre et puis il y avait des bandes de potes. Lui était seul. Désespérément seul. Sa seule compagnie c'était l'alcool, il ne vivait que pour ça. Ça lui permettait d'oublier sa souffrance durant quelques instants, même si la douleur était deux fois plus forte lorsqu'elle revenait après qu'il est désaoulé.

Il promena son regard sur les personnes autour de lui sans vraiment y prêter attention. Même s'il sortait très souvent, il n'était pas ce que l'on peut appeler une personne sociable. Donovan était même tout le contraire de quelqu'un de sociable. Il n'avait aucun respect, il était franc et n'hésitait pas à blesser les gens pour obtenir d'eux ce qui lui faut. Non, Donovan est un connard de première et il le sait, mais au fond, il s'en fiche pas mal. Il ne vit pas pour les autres mais pour lui, même si ces dernières années sont plus que compliquées.

Il arrive enfin au bar, demande ce que le barman a de plus fort et il sent le regard de ce dernier sur lui. Est-ce qu'il se doute qu'il a déjà bu ? Le tout est qu'il le sert quand même. Puis arrive une jeune femme à sa gauche, elle demande cinq verres, sans doute avec ses amies et lorsque son regard croise celui de la femme en question, tout s'arrête autour de lui.

" - Miranda ? Miranda c'est toi ?" fit-il en s'adressant à la jeune femme qui ne semble pas répondre à son prénom.

Les hallucinations sont la suite logique de tout ce qu'il ingurgite depuis le décès de sa femme, mais là, devant lui c'est bien elle. C'est Miranda, sa femme. Il s'approche d'elle en déposant une main sur son épaule en l'appelant une fois de plus par son prénom. Cette femme était d'une beauté à couper le souffle et elle avait le même accent que sa femme. Ça ne pouvait être qu'elle.

" - Je pensais t'avoir perdu à tout jamais Miranda.. Je suis désolé je n'aurai jamais dû te laisser partir."

Donovan était redevenu celui qu'il était avec elle, cet homme fragile et timide, mais surtout qui arrivait à montrer ses sentiments. C'est quelque chose qu'il ne fait plus maintenant. Il a tout fermé à double tour pour être inaccessible.

Malgré ses rendez-vous avec sa psychologue qui lui avait été désigné, le jeune homme n'allait pas mieux pour autant. Il faut dire que lorsqu'il daignait se pointer aux rendez-vous, c'était bien souvent pour jouer les gros durs, mais il lui arrivait bien souvent de ne pas s'y rendre parce qu'à ses yeux, cela n'avait aucun intérêt.

Donovan n'est pas le genre d'homme que l'on fréquente en temps normal, sa tête ne prête guère à l'approcher et il ne s'en ai jamais réellement plein. Déjà à l'époque, quand il était à l'école, il n'était pas du genre très sociable, il était bien souvent dans son coin, à l'écart des autres enfants de son âge. Au contact de sa femme, il avait changé, il avait grandi et mûrit. En s'engageant dans cette relation, il avait également eu de nombreuses responsabilités. Celle d'être un homme bon pour sa compagne, devenue ensuite sa fiancé et enfin sa femme, mais celle aussi d'être un adulte responsable pour devenir papa. Au départ, il n'était pas prêt, il avait pris peur de cette annonce comme quoi sa femme était enceinte, mais avec les mois, il s'y était habitué et avait pris pour acquis son nouveau statut de papa. À la fin, il était même plutôt ravi de pouvoir partager du temps avec son futur enfant. Les choses avaient ensuite rapidement tournées au cauchemar quand elle a été tué par le cartel espagnol dont il était à la poursuite. C'était comme un avertissement, mais Donovan avait pris ça pour une provocation et il se donnait désormais les moyens pour retrouver ces enfoirés responsables de son malheur et de sa descente aux enfers.

En venant dans ce bar, il avait dans l'espoir d'oublier tout ce qui le tracassait, il avait déjà ingurgité quelques verres. Sans doute trop pour l'heure qu'il était, mais personne n'avait cherché à le freiner dans sa consommation. Le franco-allemand était du genre à tout faire dans l'excès, soit il fait tout au maximum, soit il ne le fait pas du tout. Et lorsqu'il s'agissait de boire, il le faisait toujours à outrance.

Soudain, il la vit. Miranda. Sa femme. Ou plutôt son fantôme puisqu'elle était décédée. Pourtant, son esprit refusait d'admettre la vérité, il n'avait jamais accepté son décès et aujourd'hui, il était persuadé qu'elle se tenait devant lui. Il n'était plus assez lucide pour voir la difficulté de la réalité, c'était une trop grosse claque qu'il n'était pas prêt de prendre. Mais la voix de la jeune femme le sortit de ses pensées. Le ramenant de force à la réalité. Elle n'était pas Miranda, il le savait, mais elle lui ressemblait tellement que son esprit avait fait l'amalgame entre les deux.

" - Je.. Je.."

Lui qui avait toujours une grande gueule, cette fois-ci il n'avait aucun mot pour décrire ce qui se passait. Est-ce qu'il allait bien ? Non c'est certain. Il souffrait depuis bien trop longtemps mais toujours en silence. Est-ce qu'elle pouvait lui venir en aide ? Est-ce qu'elle pouvait faire revenir sa femme ? Non ? Bon, alors elle n'était pas d'une très grande utilité. Il la regarda dans les yeux avant de reposer son regard autour de lui avant de s'effondrer sur le tabouret où il était assit auparavant.

" - Euh non.. Je n'ai personne.. Je vais rentrer en voiture.. Merci quand même."

Ce ne serait pas la première fois qu'il rentrerait avec une certaine dose d'alcool dans le sang. Et puis, il était flic, il réussissait toujours à passer entre les mailles du filet et si ce n'était pas le cas, il usait de son statut de lieutenant pour outrepasser ses droits.

Donovan était déjà assez paumé comme ça dans sa vie, celle-ci n'avait plus aucune saveur ni même but depuis que sa femme enceinte avait été tué. Est-ce qu'un jour il pourrait s'en remettre ? Est-ce qu'un jour il sera capable d'évoquer cet incident sans perdre ses moyens et sentir cette colère l'envahir ? Il n'y croyait plus, il resterait seul jusqu'à la fin de ses jours qu'il savait compté, mais il s'en fichait pas mal, à quoi bon continuer à vivre si ce n'est que pour observer et constater le mal qu'il cause autour de lui ? C'était tout bonnement impossible.

La jeune femme qui lui faisait face était toujours au même endroit. Elle n'avait pas bougé, peut-être qu'elle avait remarqué que sous ses airs d'ours, il n'était pas si dangereux que ça au final. Et c'était vrai. Il n'était pas méchant, il pouvait paraître froid et arrogant sur les bords, mais il n'en était rien si on apprenait à lire sous toute cette souffrance qui l'habitait. Parce que c'était ça qu'il était finalement : un homme malheureux et brisé par la vie.

" - Oui. Vous lui ressemblez beaucoup.."

D'où sa tromperie et le fait qu'il l'ai pris pour elle au départ. Même s'il avait de l'alcool dans le sang, il n'avait jamais pris quelqu'un pour une autre personne, et cette fois ne fait pas exception. Il pensait vraiment que c'était sa femme qui se tenait devant lui. C'était comme s'il était minable, qu'il regrettait tout ce qu'il avait pu faire, parce qu'il sait qu'avec Miranda, jamais il n'aurait agit de la même manière. Mais depuis son départ, il était perdu et cherchait ses repères. En vain.

Finalement, la jeune femme lui demanda s'il allait bien. Non. Non bien sûr qu'il n'allait pas bien, c'était plus que visible, cette souffrance et tout cet amour qui le submergeait chaque jour, mais il ne pouvait se résigner à dire qu'il allait mal. C'était au-dessus de ses forces. Alors il avait dit qu'il allait bien et qu'il allait tout simplement rentrer chez lui, c'était ce qu'il y avait de mieux à faire. Rentrer, essayer de désaouler avant de reprendre la journée du lendemain qui arrivaient à grands pas. Mais une fois de plus, la jeune femme ne semblait pas du même avis que lui. Le laisser rentrer seul c'était synonyme de potentiel accident, que ce soit pour lui, mais ça qu'importe, en revanche, comme elle appuyait sur le fait, si elle le laissait partir, il risquait de faire un accident et d'ôter la vie à de parfaits innocents. Et même si elle ne le connaissait pas, elle semblait lire en lui comme dans un livre ouvert. Toute cette peine, toute cette souffrance et surtout, ces faiblesses qu'elle semblait connaître bien plus que n'importe qui. Il haussa simplement les épaules.

" - Oui.. Vous avez sans doute raison.."

Mais il n'avait pas d'autres solutions pour rentrer chez lui. Il n'avait personne pour le ramener, hormis peut-être des collègues qui sont dans le coin et qui pourraient le déposer plus près de chez lui, même s'il ne donnerait jamais sa véritable adresse.

Quand la jeune femme s'excusa presque pour le fait de lui avoir donné des conseils. Il ne lui en voulait pas, au fond, s'il en avait la possibilité, il ferait tout pour la retenir ne serait-ce que quelques instants de plus. Mais il n'en avait pas le droit, elle avait sans doute une vie en dehors du fait de s'occuper du déchet qu'il était devenu.

" - Non. Enfin.. Je ne veux pas vous retenir Dina.."

Il se répéta plusieurs fois le prénom de la demoiselle, comme pour se persuader que ce n'était pas Miranda. Un sourire se dessina sur son visage.

" - Et moi Donovan.. Je suis désolé d'avoir gâché votre soirée.."

Donovan regrette presque d'avoir mis les pieds dans ce bar ce soir. Lui qui avait envie d'être seul mais paradoxalement, à qui la compagnie de la jeune femme faisait du bien. Peut-être parce qu'il s'était persuadé que c'était Miranda ? Parce que son esprit refusait d'assimiler les choses telles qu'elles étaient réellement. Au lieu de quoi, la brunette se tourna vers lui, elle le regardait intensément qu'il s'en sentait presque déstabilisé. Puis, elle lui posa cette question qui au final n'en était pas vraiment une. Avec son comportement et sa manière d'agir, ça sautait aux yeux qu'elle lui manquait. Il n'avait vécu que pour elle ces dernières années, il avait tout perdu un beau jour et aujourd'hui, la solitude est sa seule compagnie, bien qu'il apprécie tout de même la compagnie de certaines personnes, mais pas de toutes. Comment était-elle, c'était la question de Dina. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres en repensant à sa défunte épouse. Son avis n'était clairement pas objectif parce que Miranda était tout ce qu'il avait. Et depuis qu'il l'avait perdu, il avait sombré sans que jamais personne ne puisse le sauver des ténèbres.

" - Ma femme est.. Était belle, gentille, douce, mais c'est aussi elle qui savait me ramener sur Terre lorsqu'il le fallait. Elle avait toujours le sourire aux lèvres, elle savait pardonner aux gens même lorsqu'ils l'avaient blessé. Elle était tout ce que je n'aurai jamais plus."

Personne ne pourra égaler son épouse c'est une certitude, et même s'il ne se voit pas retenter une relation amoureuse, si ça venait à se produire, la femme en question ne serait jamais à la hauteur de sa femme. Et c'est notamment pour ça qu'il ne souhaitait pas entamer une quelconque relation, parce que la femme en question en souffrira forcément.

Quand la jeune inconnue, se prénommant Dina lui demanda s'il allait bien. Il n'allait pas lui dire qu'il était au bord du gouffre, qu'il aimerait qu'on l'y pousse parce qu'il n'avait jamais eu le courage de le faire lui-même.  Il n'était pas du genre à montrer ses sentiments, son ressenti, encore moins devant les autres, et cette femme ne faisait pas exception à son caractère habituel, donc il n'allait pas lui dire qu'il était loin d'être bien, mais pour faire bonne figure, il se contenta de simplement lui dire que ça allait, parce que ça lui évitait aussi d'expliquer pourquoi ça n'allait pas. Il comptait rentrer chez lui, ou alors déambuler dans les rues à bord de son pick-up, mais Dina appuya sur le point sensible. Mettre sa vie en danger ne le dérangeait pas le moins du monde, mais celle des autres oui. Il était flic après tout. Dina décida de jouer sur le ton de la plaisanterie sans pour autant se défaire entièrement de son air sérieux.

Elle avait beau le rassurer, lui dire qu'il n'avait rien gâché et qu'elle ne se sentait pas obligé de rester auprès de lui. Après tout, en voyant une demoiselle comme elle, il doutait fort qu'elle soit venue ici seule, ce n'est pas le genre d'endroit à fréquenter. Et il obtient la réponse quelques temps après. Des copines. Ainsi donc, elle avait sans doute l'espoir de passer sa soirée avec ses amies autour d'un bon verre, échanger les dernières nouvelles dans la vie de chacune d'entre elle, mais il était arrivé et, avait interrompu tout ses plans pour la soirée. Quand elle lui annonça qu'elle allait simplement déposer les verres à la table où était ses amies avant de revenir vers lui, il hocha quasiment automatiquement la tête, sans même y réfléchir. Puis quand elle insista il ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle le connaissait tellement bien. Si elle ne s'était pas montré aussi convainquante, Donovan serait parti pour attirer de problèmes à personne, et pourtant, quand elle s'éloigna, ça le démangeait. Le lieutenant de police n'avait pas le droit d'estimer mériter cette attention qu'elle lui accordait. Même si selon ses propos ses amies n'avaient pas besoin d'elle, pas autant que lui, ça ne l'empêchait pas de penser qu'elle était là initialement pour elles et non pour lui.

L'instant qu'elle rejoigne ses copines, Donovan hésita grandement. Devait-il rester ou fuir ? Le dilemme qui s'imposait à lui était compliqué et il n'arrivait pas à se décider, avant qu'il n'est eu le temps d'aboutir à un choix, Dina revient vers lui. Un sourire se dessina sur ses lèvres en reposant à ses propos. Ce serait très malpoli de votre part si seulement elle savait à quel point elle avait raison, mais rien ne lui faisait peur, encore moins de passer pour un malpoli auprès de quelqu'un qu'il ne connaissait pas.

" - Vous êtes au courant que vous avez laisser tomber vos amies pour un inconnu, à moitié saoul et qui vous prend pour quelqu'un d'autre ?"

Quelque chose n'était pas net. Dina n'était pas nette d'avoir acceptée de passer une partie de la soirée à ses côtés. Elle ne le connaissait pas, et même s'ils étaient dans un lieu public, ce n'est pas le genre de choses qui pourraient le freiner dans une situation gênante qui pourrait déraper. Mais ça, la jeune femme l'ignorait, il faut croire qu'elle n'avait pas peur de lui, malgré sa tête avec ses cheveux en bataille et son style vestimentaire négligé.

Est-ce que Danno lui en voulait d'avoir posé cette question, jugée indiscrète concernant sa femme ? Non bien sûr que non. En réalité ça lui faisait même bizarre, parce qu'il n'en avait jamais reparlé depuis que ... depuis qu'elle avait quitté ce monde. Il avait rompu tout contact avec ce qui lui rappelait sa relation passée avec Miranda. C'est-à-dire sa belle famille mais aussi les amis qu'ils avaient en commun. Au début, il pensait qu'il n'y a qu'en coupant les liens qu'il pourrait réussir à passer à autre chose, mais la vérité était tout autre. Il n'avait jamais réussi à se relever de cette douloureuse épreuve. Y arriverait-il un jour ? En avait-il envie ? C'était beaucoup plus de continuer de se détruire lui et tout ce qu'il touchait plutôt que de prendre le risque d'être blessé de nouveau.

Il avait donc répondu à Dina et avait décrit sa femme comme elle était à ses yeux. Certes son avis était sans aucun doute peu objectif mais c'était le sien et il pourrait probablement tuer à mains nues la personne qui irait salir la mémoire de la jeune femme décédée. Dès lors que le sujet de conversation tourne autour du fantôme de sa femme, il a tendance à se mettre en colère, pourtant là, il était étonnant calme, ce qui, en temps normal ne présageait rien de bon. Mais il faut croire que ce soir, tout ne se passait pas comme "d'habitude". Et on étaient loin de la fin de la soirée. Il pencha la tête sur le côté en entendant les propos de son interlocutrice. Dans une certaine mesure, elle avait raison, s'il s'en donnait les moyens, il pourrait peut-être retrouver ce bonheur qu'il avait connu dans les bras d'une autre femme, mais il n'avait pas la force d'approcher la gent féminine, c'était comme s'il trahissait sa femme, même s'il était conscient qu'il s'enfermait lui-même dans une bulle que personne ne pouvait percer s'il ne l'avait pas décidé.

" - Ce serait injuste pour cette personne."

S'il venait à rencontrer quelqu'un alors qu'il ne cesse de penser à Miranda, alors il ne fera que comparer cette femme avec sa défunte épouse. Et ce n'était pas juste de les comparer sans cesse l'une avec l'autre. Qui pourrait lutter contre un fantôme ? Personne. Il refusait d'infliger une telle chose à qui que ce soit.

La jeune femme finit par s'absenter pour rejoindre ses copines l'instant de leur expliquer la situation. Elle est de retour quelques minutes plus tard. Surpris de son propre comportement, il n'avait pas bougé de son tabouret, et revanche, il avait vidé son verre en l'attendant. Il ne put s'empêcher de lui adresser un sourire. Elle n'avait pas peur de lui ? Pourtant tout le monde semblait le fuir dès lors qu'il s'approchait. Pourquoi ce n'était pas son cas ? Parce qu'elle avait vu l'homme brisé derrière sa carapace ? Peut-être qu'elle avait réussi à creuser plus loin que cette apparence qu'il renvoyait pour être tranquille. Parce que passer pour un ours des cavernes, désagréable et capable du pire poussaient les gens à le fuir et le laisser avec sa solitude. Ça lui évitait d'expliquer cette souffrance qui lui brûlait les entrailles.

" - Pourquoi ? Vous ne me connaissez pas non plus et vous ignorez ce dont je suis capable."

Il avait beau être déjà bien saoul, il était plus que sincère dans ses propos. En revanche, il avait vraiment envie de savoir ce qui faisait qu'elle n'avait pas peur de lui.

Après avoir descendu un énième verre posé sur le comptoir devant lui, il se tourna dans la direction de la brune avant de lui répondre.

" - L'ironie du sort veut que je sois flic. C'est marrant comme situation n'est-ce pas ?"

Un flic qui veut tuer les responsables du meurtre de sa femme, drogué et alcoolique, c'est un bon exemplaire pour la jeune génération non ? D'autant plus qu'il se doit d'arrêter les personnes qui agissent comme lui le fait.

À la base, Donovan était venu ici dans l'espoir de passer une soirée seul, de pouvoir  noyer son chagrin dans l'alcool, parce que c'est très certainement ce qu'il faisait de mieux depuis que sa femme était décédée. Alors oui, il lui arrivait de penser à ce qu'elle pourrait lui dire, ces reproches qu'elle lui ferait, mais ce n'était pas assez comparé à la douleur qui lui écrasait la cage thoracique dès lors qu'il songeait à tout laisser tomber pour tourner la page une bonne fois pour toute. Il n'était pas assez fort pour pouvoir avoir le courage de faire cela, c'était bien plus simple de noyer sa peine dans de l'alcool que d'affronter de nouveau les épreuves que la vie allait décidé de lui infliger.

Dina lui dit qu'avec un peu d'effort de sa part, il trouverait certainement sans trop de problèmes une femme qui pourrait le rendre heureux. Mais avait-il besoin ou envie de ça ? Même s'il ne l'avouait pas, oui. Une présence féminine à ses côtés lui ferait très certainement le plus grand bien, seulement, il ne pouvait s'ôter Miranda de son esprit. Dès lors qu'une femme s'intéresserait à lui, la première chose qu'il fera sera de la comparer à sa défunte épouse. À ce qu'elle avait pour habitude de faire, et il refusait de causer plus de peine à quelqu'un que lui-même subissait maintenant. Il n'avait pas le droit d'infliger cela à quelqu'un d'autre que lui.

" - Ce qui pourrait être injuste pour moi ? Je ne comprends pas vraiment le sens de votre question, mais en réalité, je me fiche pas mal de ce qui est injuste pour moi ou non, ça fait bien longtemps que j'ai arrêté de m'intéresser à moi. Quand elle m'a quitté c'est comme si j'avais perdu la seule chose qui me raccrochait à la vie. Depuis, la vie n'a plus la même saveur qu'elle avait autrefois, que je sois heureux ou malheureux n'a aucune espèce d'importance à mes yeux. Comme on dit souvent : on ne récolte que ce que l'on sème."

La vie l'avait déjà puni à de nombreuses reprises, mais la perte de sa femme était de loin la plus douloureuse des épreuves à laquelle il avait à faire face. Un sourire se dessina brièvement sur ses lèvres.

" - Je ne sais pas quel brin de folie vous traverse l'esprit, mais vous demandez à un homme alcoolisé de vous poser toutes les questions indiscrètes qui lui passe par la tête. À cette heure-ci, j'ai ingurgité tellement de verres que je serai capable de vous demandez des choses bien plus que gênantes, ce n'est plus moi qui parle mais c'est l'alcool."

Quoiqu'il avait encore la force de parler et de réfléchir, mais pas assez pour que tout cela soit vraiment cohérent. Et encore moins quand il s'agissait de parler de sa femme décédée. Elle passa alors à l'étape supérieure en essayant de savoir ce qu'il faisait dans la vie. Flic, c'était une belle ironie du sort quand on y pense. Lui qui devait faire respecter les lois, il n'en respectait aucune de son côté et faisait tout ce qui allait à l'encontre de ces mêmes lois.

" - Ouais c'est ce qu'on me dit souvent. L'avantage c'est que je peux facilement me fondre dans la masse sans même attirer l'attention. Enfin, attirer l'attention comme si j'avais une apparence de flic."

Parce qu'attirer l'attention il le faisait de par son style un peu décalé et ses allures je m'en foutisme. Il finit d'écouter les propos de Dina d'une oreille distraite, parce qu'au fond, même si elle avait raison, il n'arrivait pas à l'entendre de la sorte.

" - Vous savez, je me suis fais cette réflexion des dizaines et des dizaines de fois, pourtant, je me dis que ce qu'elle en pense comparé à la manière dont je souffre, je préférai qu'elle me réprimande parce que j'ai tout fait pour la protéger et la venger plutôt qu'elle me reproche de ne pas avoir fait le maximum pour la protéger elle et notre famille."

Alors oui, il savait que quoiqu'il arrive, soit il s'en voudra de ne pas avoir écouté la voix de Miranda qu'il entendait dès lors qu'il essayait de s'endormir, et d'un autre côté, s'il restait ici, à rien faire pour la venger, il finirait par s'en vouloir aussi puisqu'il ne sera jamais en paix. Alors l'un dans l'autre, il fallait qu'il fasse un choix, et ce choix il l'avait fait le jour où il a appris sa mort.

Depuis bien longtemps, depuis la mort de sa femme en fait, Donovan avait cessé de s'intéresser à lui, de savoir ce qui pourrait le rendre heureux. Il s'était enfermé dans son malheur et chaque jour, la douleur qui lui brûlait les entrailles était un peu plus grande que la veille. Et ce, chaque jour qui passait. Il souffrait tellement qu'il en oubliait presque la rationalité de la chose. Alors oui, forcément la question de Dina le laissa perplexe, parce qu'il ne s'était jamais posé lui-même cette question. C'était un peu comme s'il était spectacle d'une vie qui n'était pas réellement la sienne.

" - Vous pensez qu'un homme qui ne sait pas protéger ce qu'il a de plus cher mérite un autre sort ? Je ne suis pas vraiment de cet avis."

Oui, il était persuadé de mériter ce qui lui était arrivé, et qui lui arrivait encore. Cette douleur il était persuadé que c'était le karma qui s'acharnait sur lui, comme une conséquence de tout ses actes passés. Il payait ce qu'il avait fait et il ne pouvait plus y échapper.

Comment la jeune femme pouvait-elle dire une telle chose ? Il y a des personnes qui font des choses horribles, comme tuer des êtres humains, et même eux ne méritaient pas de souffrir ? Alors là, ce n'était clairement pas l'avis de l'allemand. Dina finit par s'excuser d'avoir remuer le couteau dans la plaie, mais de quoi s'excusait-elle au juste ? D'être venue s'occuper d'un homme alcoolisé totalement désespéré qui ne pensait s'en sortir qu'en se tirant une balle dans la tête ? Au contraire, elle ne devrait pas s'excuser mais bel et bien se féliciter d'être venu auprès de lui ce soir. Peut-être que ça aurait été le soir où il aurait pu passer à l'acte après tout. Chaque soit était différent, et pourtant ils se ressemblaient tous. Il se rendait dans un bar et buvait au point de ne plus se souvenir de son prénom, c'était le même programme chaque soir après la journée de travail.

Son interlocutrice semblait bien décidé à ce qui lui pose les questions qu'il avait en tête, mais en réalité, les seules qu'il avait n'avait rien à voir avec le type de questions qu'elle avait pu lui poser sur lui et sa femme, mais puisqu'elle insistait, alors il se lança.

" - Est-ce que vous êtes célibataire ou bien y-a-il quelque part un homme qui fait battre votre coeur ?"

Sinon, il avait une idée derrière la tête, bien qu'il n'était pas persuadé que ce soit une bonne chose. Elle ressemblait tellement à sa femme qu'il ne pouvait pas vraiment la laisser partir, c'était comme s'il acceptait de laisser partir le souvenir de sa défunte épouse, et malgré les années qui s'étaient écoulées il n'avait jamais pu s'y résigner.

" - Je dirai plitot que c'est une bonne chose, personne ne soupçonne que je suis flic, donc ça me laisse une marge de manoeuvre assez importante pour faire ce que je souhaite. Après mon "style" ne convient pas vraiment à mes supérieurs qui aimeraient que je sois plus ... présentable. Mais pour dire vrai, j'écoute très peu ce qu'ils me disent, ça rentre par une oreille et ça ressort par l'autre."

Donovan partit dans un éclat de rire, sans doute dû à l'alcool. À tel point qu'il rigolait tellement qu'il failli tomber de son siège, mais malgré ce petit moment d'inquiétude, ça ne l'empêchait de continuer de rire avant d'essayer de reprendre son sérieux, bien que ce fut laborieux.

" - Vous avez sans doute raison, c'est une question de point de vue."

Et clairement ce soir, il ne se sentait pas assez lucide pour pouvoir débattre sur une telle chose alors il préférait avouer qu'il avait très certainement tord sur le sujet plutôt que d'entrer dans une conversation qu'il n'était pas sûr de pouvoir suivre vu le degré d'alcool ingurgité en une soirée. Ses yeux commençaient d'ailleurs à être rempli de sang. Il ne manquait plus qu'il renifle une petite ligne lorsqu'il sera dans sa caravane, et ce sera le même schéma que la veille et que celui du lendemain.