Soirée confession [Feat. Kelia Marshall]

T'hoches juste la tête à sa réponse. Il aurait pas atterri ici s'il avait choisi. C'est un peu comme toi. Sauf que toi t'as eu le choix à un moment et t'es restée ici. A quoi bon partir de toute façon ? Y a rien qui te retient ici mais rien qui t'attend autre part non plus. Il doit être un peu comme toi ce Donovan. Tu sais pas pourquoi mais t'as l'impression que vous vous ressemblez beaucoup. C'est sûrement pour ça que tu commences une conversation avec lui. Que tu fais connaissance. Tu fais pas ça avec les autres. Les gens qui t'inspirent en général ils sont comme toi. Alors c'est sûrement pour ça aussi que tu lui racontes pourquoi t'es plus dans la police. Et à cause de l'alcool qui donne plus de facilités à parler aussi. C'est rare en tout cas. En général t'inventes un truc ou t'expliques rien du tout. Karel est le seul à qui t'as réellement parlé de ça. Il connaît tous les détails. Maintenant ce mec le sait aussi. Même s'il cherche pas à en savoir plus et tant mieux d'ailleurs. Il semble pensif quand même. Alors tu laisses ce silence planer au-dessus de vous comme à chaque fois que vous vous croisez ici. C'est pas plus mal. Puis la conversation reprend doucement et vous parlez de son travail qu'il fait depuis vingt ans. Tu trouves ça admirable. Ta mère aurait été fière de toi si t'étais restée flic pendant vingt ans ou plus. Malheureusement elle a plus aucune raison d'être fière de toi. Bref. Tu demandes à ce flic si y a beaucoup de boulot à Bowen. T'es un peu étonnée de sa réponse. Tu pensais pas que les flics étaient si sollicités dans cette petite ville qui semble tranquille. « La vie de famille est pas trop compliquée avec tout ce travail ? » Ouais alors là c'est vraiment l'alcool qui te fait devenir curieuse. Ou alors t'as peut-être vraiment envie d'en savoir un peu plus sur ce mystérieux inconnu. A chaque fois vous restez côte à côte sans vous parler, aujourd'hui la discussion est lancée, c'est peut-être l'occasion ou jamais d'apprendre des choses sur lui. Et tu sais que connaître un flic ça peut parfois servir. Peut-être que les prochaines fois vous vous contenterez de boire ensemble comme vous le faites depuis un moment maintenant. « Enfin j'suppose que t'as une famille ? » En fait t'en sais rien. Au final vu qu'il est souvent ici à boire tout seul c'est qu'il a pas de famille. Ou alors qu'il fuit sa maison. Bref. Quand t'étais petite tu voyais pas souvent ta mère à cause de son travail alors c'est sûrement pareil pour ses gosses. S'il en a.

En apparence, Donovan peut parfois bourru, et il l'est, mais seulement si on se contente seulement de la couverture. En profondeur, Donovan est juste un homme détruit, brisé qui tant de continuer à vivre malgré tout, alors oui, il est sans doute très maladroit dans ses gestes, dans ses actes, mais c'est sa façon à lui, de dire qu'il souffre sans pour autant se plaindre. Parce que se plaindre ne fait pas partie de ses habitudes. Donovan est le genre à foncer tête baissée même s'il sait qu'il peut avoir des ennuis, il est du genre casse-cou, et encore plus depuis que sa femme est décédée, il considère qu'il n'a plus rien à perdre sauf sa vie. Et au plus profond de lui, sa vie ne coûte rien, il aimerait pouvoir mourir mais n'a jamais eu le courage de le faire lui-même.

Ils discutent. De tout et de rien. De leur métier, enfin du sien pour le coup, parce que Kelia elle, ne l'est plus. Mais Donovan ne l'est plus pour longtemps non plus. Il ne reste jusqu'à trouver toutes les informations sur ces types, et dès qu'il aura tout en main, il ira se jeter dans la gueule du loup en connaissant les conséquences, mais c'est ce qu'il veut. Il prépare cette vengeance depuis tellement de temps qu'il n'a pas le droit d'échouer. Ce sera sa vie contre la leur, et il risque de la laisser mais qu'importe. Il aura accompli ce qu'il souhaitait et venger sa défunte épouse qui mérite de reposer désormais en paix.

Kelia demande ensuite si les flics de Bowen ont du travail. Bien sûr qu'il y a du travail, même si en apparence c'est une ville calme, il y a aussi les dessous que les citoyens lambda de cette ville ignorent. Tous les trafics qui se font la nuit, alors certes, ce n'est pas une ville où la délinquance est en pleine expansion, mais il y a assez de travail pour occuper tous les flics du commissariat sans faire de favoritisme.

Tout en buvant son énième verre, Danno recracha la moitié du contenu de celui-ci en entendant la question de Kelia. La vie de famille ? Il avait vraiment une gueule à être marié et avec des enfants ? Bon ok, il portait toujours son alliance parce qu'il était incapable de la retirer, mais franchement, lui père de famille ? Il ne savait déjà pas gérer une équipe de flics correctement en suivant les règles, ce n'est pas pour avoir des enfants. Et pourtant.. Si les choses s'étaient déroulées autrement, il serait marié et père d'un enfant. Alors après l'euphorie, il redescendit rapidement pour devenir tout à coup presque dépressif.

" - Non j'ai pas de famille, j'ai pas d'amis, je suis du genre solitaire comme mec. J'aurai dû avoir tout ça. J'aurai dû mais on me l'a retiré avant que j'ai eu le temps d'en profiter." répondit-il d'une voix monotone alors que ses poings se serraient inconsciemment, rendant ses jointures blanches.

Ses propos étaient lourds de sens, même si ce n'était qu'une simple explication de ce que la vie lui avait retiré, il y avait une promesse. La promesse de se venger de ces types, et si Kelia était réellement comme lui, alors elle comprendra le double sens de ses dires qui transpiraient la colère. Et d'ailleurs, Donovan pressa le barman pour obtenir deux verres supplémentaires qu'il descendit d'un coup. La douleur qu'il ressentait lorsque le liquide descendait dans sa gorge n'était rien comparé à celle qui réduisait son coeur et son corps en cendre un peu plus chaque jour. D'un homme enjoué et bourré, il était devenu un monstre rempli de colère et, c'est à cet instant que les choses pouvaient mal tournées, il le savait mais il ne contrôlait plus rien. Ni ses mots, ni ses gestes.

T'es un peu surprise d'apprendre que les flics de Bowen ont du travail. On dirait pas que c'est une ville qui a des dessous. Tu repenses à ce que ta boss t'a dit à propos du travail. Comme quoi tu retrouverais peut-être le goût de devenir flic. T'y avais jamais pensé avant qu'elle te dise ça et depuis t'y penses souvent. Mais ce ne sont que des pensées parce que tu sais que tu redeviendras jamais flic. Rien que pour ta conscience c'est impossible. T'as échappé à la justice et tu trouves ça injuste alors tu vas pas retourner bosser pour la justice. Tu fronces les sourcils en écoutant parler Donovan après ta question. T'as supposé qu'il avait une famille. Une femme et peut-être des gosses. Mais à l'entendre c'est tout le contraire. T'avais deviné qu'il était solitaire, il est comme toi et tu les reconnais bien ces gens là. Ses mots résonnent dans ta tête plusieurs fois avant que tu ne les comprennes vraiment. En fait t'as l'impression de t'entendre parler. C'est quelque chose que t'aurais pu dire aussi et de la même façon. Tu l'observes un instant, l'un des seuls moments où tu poses tes yeux sur lui depuis le début de votre échange d'ailleurs. Tu sens beaucoup d'émotions. Mais surtout de la colère. Ouais tu vois qu'il est énervé et que ces mots sont difficiles à prononcer pour lui. Si t'es pas du genre à être désolée pour les autres, là tu te reconnais en lui et ses mots te touchent en plein coeur. Tu sais pas ce que ça veut dire concrètement mais ce type et toi semblez avoir le même genre d'histoire. « Excuse moi j'voulais pas être indiscrète. Ni aller vers un sujet qui t'énerve. » Vu tout ce qu'il s'est enfilé comme verre vaut mieux pas qu'il s'énerve. Alors tu laisses un blanc qui dure quelques secondes ou peut-être quelques minutes. Tu redemandes un verre au barman qui a même plus la force de vous dire de ralentir tellement il a l'habitude de vous. Tu prends un shot en fermant les yeux et poses le verre bruyamment sur le bar. « Quand j'étais flic on m'a tiré dessus. J'étais enceinte. J'ai perdu le bébé. » Tu dis ça d'une voix calme. D'une confession à une autre. Ca t'avait fait du bien de le dire à Karel. Ca te fait du bien de le dire à Donovan aussi. Peut-être qu'en le disant plusieurs fois à haute voix et en acceptant ce qui est arrivé t'arriveras plus facilement à te remettre de tout ça. Même si on s'en remet jamais vraiment. « J'aurais dû avoir une famille moi aussi. » Ca vous fait encore un point commun. Si on t'avait dit ça toutes les fois où tu t'es assise à côté de lui sans jamais lui adresser un mot, tu l'aurais pas cru.

Spoiler:

Beaucoup de personnes pensent que la ville de Bowen est calme, en apparence c'est le cas, mais c'est qu'ils ignorent c'est tout ces endroits souterrains, où personne ne met les pieds, c'est dans ces endroits là qu'il y a le plus de pourritures. À commencer par des clubs de striptease qui font office de couverture pour du trafic de drogue, ou bien les réseaux de prostitution. Bowen de jour, est une ville différente de Bowen vu de nuit, beaucoup ignorent ce qu'on peut y trouver.

Alors Donovan annonce à Kelia qu'il n'a pas à se plaindre, s'il pensait finir au chômage par manque de travail, ce n'est pas de sitôt que ça arrivera. Et d'un côté tant mieux, il avait aussi besoin de ce boulot, sans quoi, il sombrera totalement, et on le retrouvera mort dans sa caravane, une balle en pleine tête. Son maintien dans son emploi lui permet aussi une certaine assurance pour sa propre survie, mais ça, il le passé volontairement sous silence, tandis qu'il répond à la nouvelle question de la jeune femme.

Une famille. Il aurait dû en avoir une. D'ailleurs, depuis ces huit dernières années, il portait encore son alliance. Jamais il n'avait eu le courage de la retirer, c'était comme accepter que sa femme soit partie, et il était loin de l'avoir accepté. Alors il la portait toujours à son doigt et c'est peut-être ce détail qui avait induit en erreur la jeune femme.

" - Ce n'est pas vraiment un sujet qui m'énerve, c'est.. compliqué."

Si au fond, il était énervé, mais pas contre elle ou même contre sa question, c'était bien plus profond que ça. Mais en attendant, elle commanda un autre verre qu'elle descendit d'un coup avant de balancer une bombe qui explosa en plein visage du lieutenant de police. Il ne s'attendait certainement pas à ce qu'elle se livre sur un quelconque détail de sa vie, et encore moins sur ce qui avait entraîné qu'elle ne faisait plus partie des effectifs aujourd'hui. Pourtant, lorsqu'il accueilli cette confession, il se sentait presque obligé de lui expliquer sa situation, non pas pour être pris en pitié, mais parce qu'ils se ressemblaient bien plus qu'il ne le soupçonnait.

" - J'étais sur une affaire qui concernant un cartel espagnol. Plusieurs fois ils m'ont menacé de laisser tomber sous peine de représailles. Je n'y ai jamais prêté attention. Mais ce jour là, ils s'en sont pris à ma femme qui était enceinte à cette époque. Je me suis promis de la venger quoiqu'il advienne."

Ils se comprenaient mieux que quiconque. Ils pouvaient imaginer la douleur de l'autre.

" - Tu as fais comment ?"

Sous-entendu, comment elle avait procédé pour leur faire payer tout cela. Elle l'avait forcément fait, sinon elle n'aurait pas quitté la police. Tout comme lui se devait de venger la mémoire de sa femme. Il n'avait jamais compris ces pourritures qui s'en prenaient aux familles pour faire plier le principal concerné, c'était tellement simple, tellement faible surtout, plutôt que d'affronter son adversaire en face-à-face.

HRP: