[MAXYM & FELIX] New life

- Enfin !

Entrée fracassante : la porte s'ouvre, ton sac s'écrase au sol, tu avances jusqu'au lit sur lequel tu te laisses tomber tel un poids mort. Face contre le matelas, le costard froissé du voyage et le corps à l'abandon, tu soupires d'aise de retrouver un peu de ce confort qui vous a cruellement manqué dans l'avion. Même en première classe, enchaîner vingt heures de vol reste une épreuve pour tes grandes jambes et ton incapacité à tenir en place plus de quelques minutes. Après presque une journée d'avion et autant de décalage horaire, ton corps ressemble à du chewing gum et ton cerveau à une horloge montée à l'envers. Tu sens la fatigue peser sur tes épaules et finis par rouler sur le dos, les traits tirés mais une expression sereine sur le visage. Vous voilà arrivés à Bowen, ville perdue à l'autre bout du monde, loin des tracas laissés derrière vous à New York. Après quelques secondes de calme plat, tu te hisses sur les coudes pour observer Chad.

- " L'Australie ? Felix, le plus long voyage que j'ai fait de ma vie, c'est jusqu'à ma cafetière pour trouver la poignée ! "

Des mots empruntés à Ennis Del Mar, pour le faire sourire. Ici, ce n'est pas le Mexique, mais les plages vues depuis le hublot peu avant l'atterrissage en donnent l'impression. Un sourire aux lèvres, tu détailles ton blond en te répétant mentalement son nouveau nom. Maxym Twist. En hommage au Wyoming et à Jack qui voulait partir. C'est fait : vous êtes partis. Dans la précipitation est pour des raisons qu'il vous faudra passer sous silence pour éviter d'être rattrapés par la justice, mais vous l'avez fait ! Tout quitter, repartir à zéro. A ce jour, il ne reste plus dans ta vie que l'essentiel, le vrai : Chad et le chat. Tu ne réalises pas très bien l'ampleur de ce coup de tête, l'avalanche de conséquences qu'il aura probablement sur vos existences. Là, tout de suite, la seule chose qui te vient à l'esprit est de tendre la main dans sa direction pour l'inviter à te rejoindre. Viens me faire un câlin. Le premier de votre nouvelle vie, ici, sur cette terre sauvage qu'aucun de vous deux ne connait. Le goût de la liberté est partout : dans l'odeur des draps, la luminosité tellement plus vive qu'à New York, les bruits différents de ceux auxquels vous êtes habitués et qui vous parviennent depuis la fenêtre laissée entre-ouverte pour permettre à l'air de circuler dans la pièce, caressant ta peau d'une brise légère. Impossible de s'inquiéter pour l'avenir dans ces conditions, tu préfères ronronner de plaisir.

FELIX & MAXYM
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Le paysage est magnifique, le soleil dans le ciel réconfortant, l'atmosphère est moins étouffante qu'à New-York pourtant il y a aussi ce sentiment étrange qui le hante. Cette fois, ils n'ont pas quitté leur appartement pour un de ces voyages dont ils ont l'habitude. Il n'y aura plus la morosité de devoir retrouver la ville, il n'y aura pas les stores que l'on ouvre pour réanimer l'appartement, il n'y aura plus de longues heures passées dans leur canapé symbolique ni même des bains interminables dans leur salle de bains.
Ne reste de leur ancienne vie que ces sacs qu'ils trimbalent et balancent dans un coin en arrivant dans leur chambre d'hôtel. Il a la sensation d'avoir déjà vécu cette situation quelques mois plus tôt au Hilton alors que Chad venait de se faire tirer une balle dans la jambe et que le besoin de fuir était aussi vif que maintenant. Il n'y a que les raisons qui changent cette fois ; elles sont plus grave, plus morbides que les précédentes. Le colosse prend soin de libérer Maurice des longues heures de voyage. Habitué aux changements, le chat n'hésite pas à découvrir chaque recoin de la pièce pour se dégourdir les pattes. Le blond le fixe un instant jusqu'à ce que son autre chat ne le rappelle à l'ordre. Isaak parvient à lui décrocher un sourire tandis qu'il s'approche du lit pour le rejoindre. Son corps au dessus du sien, les mains plantées dans le matelas en guise d'appui, Chad lui vole un baiser.

Felix ... Le rire qui s'échappe de ses lèvres est doux, à l'opposé de son coeur lourd d'avoir quitté tout ce qu'ils possédaient. Il a cette impression détestable de ne jamais être satisfait de rien : lorsqu'ils vivaient à New-York, ce qu'il désirait le plus était de la quitter. Maintenant que c'est fait, Chad a la sensation d'être un autre, le nouveau prénom n'aidant pas. Et si Isaak avait tout simplement fait de lui un autre éternel insatisfait ? Sa main se redresse, se pose sur sa joue. Il l'embrasse longuement pour le pousser à s'allonger complètement tandis que son corps roule à côté du sien et qu'il le serre dans ses bras. Détendu, ici, le stress est moins présent qu'entre les rues de greenwich village, il ne pouvait plus se rendre dans le Bronx sans avoir l'impression d'étouffer. A peine voyait-il les garages dans lesquels s'était déroulée leur nuit d'horreur qu'il se sentait déphasé. S'il n'a rien dit à Isaak -non Felix- c'est avant tout pour le protéger, lui éviter qu'une peine quelconque puisse revenir creuser son âme. Maxym ne veut pas qu'il s'imagine que la mort de Perry puisse l'affecter. Ce qui l'inquiète le plus en réalité, c'est cette facilité à être doux comme un chaton et de plonger dans le plus noir de sa folie l'instant d'après. A partir de quel moment les murs qui scindaient les différentes parties de son existence se sont écroulés ? Est-ce que c'est réparable ? Comme une bagnole qu'on envoie au garage et qu'on récupère en bon état.

Son étreinte se resserre sur son mari alors qu'il murmure doucement à son oreille, les yeux fermés, la fatigue imprégnée de chaque parcelle de son corps tendu d'anxiété et de parkinson. Le plus dur sera de se faire aux prénoms. Graham, il s'en fiche de l'avoir perdu, il n'y tenait plus tant que ça. Et puis Twist, ça le ramène à leurs moments les plus beaux -si on ôte quelques détails honteux. Tu penses que ça ira ? Pour eux, pour leur sécurité, pour leur vie. Son nez caresse sa joue, profite de cet instant de douceur.

Premier baiser australien : tu t'appliques à le prolonger, le rendre poignant en capturant sa nuque avec fougue malgré la fatigue qui vous accable tous les deux et qui laisse clairement sous-entendre que la nuit de noces n'aura pas lieu ce soir. Ce n'est pas grave. L'entendre t'appeler Felix t'amuse ; Chad a cette façon toute particulière de caresser ce prénom de sa voix grave pour en faire traîner les sonorités, les rendre douces, presque innocentes. C'est tout ce dont vous avez besoin pour vous reconstruire maintenant que vous êtes arrivés à destination : un peu de douceur et beaucoup d'innocence, même si cette dernière n'est qu'écran de fumée pour cacher la misère.

Depuis le meurtre, tu te surprends à être beaucoup plus optimiste qu'avant, à moins détester les gens aussi, voire même à leur laisser le bénéfice du doute, parfois. Impossible pour toi de ne pas placer de l'espoir dans ce nouveau départ maintenant que l'ardoise est lavée de ses plus grosses tâches et qu'elle ne demande qu'à être à nouveau remplie de souvenirs. Joyeux, cette fois. Ca ira. Le ton est ferme, confiant, accompagné d'un mouvement de tête pour reproduire encore cette caresse de son nez contre ta joue. C'est rare, mais tu piques un peu. Vingt heures d'avion sans prendre de douche et sans te raser font de toi un ex PDG qui se laisse aller ! Amusé par tes propres pensées, tu gardes les yeux fermés et écoutes la respiration de Chad. Cette dernière a le don de t'endormir plus efficacement qu'une berceuse et tu te sens partir quand Maurice saute sur le lit pour vous rejoindre. Accueillant, tu laisses le matou pétrir ton torse, un sourire aux lèvres. Et dire que tu trouvais ses pattes angoissantes, au début. Il a l'air de bien le vivre ... Tes doigts se perdent dans sa fourrure puis tu rouvres les yeux pour tourner la tête en direction du blond. Vos visages à quelques centimètres l'un de l'autre ne laissent aucune place aux mensonges où aux cachotteries. Dis-moi comment tu te sens. Intense. Tu as besoin de savoir, de te connecter à lui car, malgré votre complicité amicale, amoureuse et maintenant aussi criminelle, tu sens bien qu'il prend sur lui. Chad Maxym Twist, l'éponge humaine, celle qui aspire toujours tes larmes et qui ne recrache jamais rien, s'intoxiquant pour les autres et surtout pour toi, tu en as parfaitement conscience.

C'est le moment où jamais de lui faire cracher le morceau, pourtant. Tu veux vous laisser l'opportunité de repartir sur de bonnes bases, ici, et cela ne sera possible que s'il accepte de s'ouvrir un peu.

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Dans ce changement radical de vie, la seule chose capable de le rassurer un tant soit peu reste l'amour d'Isaak. Il est là, palpable, dans ses baisers, dans ses caresses, dans sa façon de parler ou même de le regarder. Malgré l'épaisse carrure de Chad et son blindage, il n'en reste pas moins le même qu'au début de leur relation : un type facilement perturbé. Lorsque Maurice vient les rejoindre, il y a des airs de leur quotidien de New-York qui se dessine et sa main rejoint à son tour sa crinière rousse qui le fait ronronner de plus belle. Les animaux s'adaptent toujours mieux que nous. Il l'a vu dans le refuge où il bossait dans le Bronx. Les chiens qu'ils ramenaient étaient souvent fracassés, déçus de l'homme jusqu'à la moelle et trouvaient encore le temps de les aimer, de les remercier de les avoir arraché à une mort certaine. Il pense alors un instant à son vieux cocker laissé sur place. S'il revient un jour sur le territoire américain, certain que la bête sera morte entre temps.

Les paroles d'Isaak lui font froncer les sourcils. Lui dire comment il se sent ? Après avoir passé des jours à tout dissimuler, à ne rien laisser entendre ? Il hésite à balancer un simple ça va mais ce serait évident qu'il aurait de fausses consonances. Sa voix déraillerait sous ce mensonge alors il hausse les épaules, se contente de fixer Maurice pour se donner du courage. Lui parler de ce jour atroce passé aux urgences où il aurait aimé l'avoir à ses côtés ? Non, jamais. Sous aucun prétexte. Je gère de mon mieux. Ne pas parler de Perry, de la mort en général, du fait d'être finalement un assassin parmi tant d'autres. Je m'en veux terriblement d'avoir fait confiance en ces types. C'est logique, il avait tout préparé pour offrir une nouvelle vie à Isaak, plus douce, moins parsemée de vieux démons qui reviennent au devant de la scène lorsqu'il n'était pas à ses côtés. Fallait me dénoncer et me laisser aller en taule. Un soupir accompagne ses mots alors que Chad n'ose toujours pas le regarder. Sa voix est fatiguée quand il prononce ces mots. Il le pense vraiment, ne le dit pas parce qu'ils sont là, maintenant. Isaak ne lui a simplement pas laissé le temps de dire quoi que ce soit cette nuit là. Ils sont simplement partis dans la hâte, lui la tête dans le cirage, Maurice pas mieux. Bourré aux anxiolytiques, il n'avait pas su réagir parce qu'il était un zombie. Heureusement, son mari était trop paniqué pour se rendre compte de quoi que ce soit. Chad redresse finalement la tête, sa main contre sa joue, il dépose un baiser sur son front, long, délicat, ses yeux se ferment sous l'intensité de ce contact qu'il lui offre.
Il l'aime mais il n'y a plus de mots assez fort pour le lui prouver, le définir.

Nous y voilà : Chad s'en veut. Tu le soupçonnais mais n'avais pas réussi à amener le sujet sur le tapis, incapable de trouver un moyen d'en parler sans lui laisser l'occasion de croire que tu le tiens pour responsable de vos déboires. Bien sûr qu'il n'y est pour rien ; c'est comme une évidence à tes yeux. Tout ceci est forcément la faute d'un con qui a mal fait son boulot, voilà tout. On ne peut pas prévoir quand la connerie humaine frappera, tu en sais quelque chose : des cons, tu en as viré à la pelle de la Compagny, parfois même des que tu pensais être de bons employés. Comment lui faire comprendre qu'à tes yeux, il reste ce héro - non, ce dieu - que tu aimes plus que tout, à New York, dans le Wayoming, au Canada ou en Australie ? Les conséquences de cette fuite ne t'apparaissent probablement pas encore dans leur intégralité mais tu sais déjà, au plus profond de toi, que jamais tu ne regretteras d'avoir choisi Chad plutôt que le confort de ta vie de millionnaire. Tu le lui as dit, lorsque vous avez échangé les alliances dans la suite du Hilton : tu ferais tout et n'importe quoi pour lui. Tu n'es pas qu'un homme d'affaires, tu es aussi un criminel. Plus où moins repentis, jamais recouvert du sang de ses victimes, mais tu as précipité suffisamment de vies en enfer par de simple claquements de doigts et mensonges de flic ripoux pour garder jusqu'à la tombe cette étiquette sur le front. Jamais tu n'aurais pu le sacrifier pour sauver ta peau. Il est ta moitié, ton âme soeur, ton roi. Sûr que s'il avait fallu tomber, tu aurais volontairement pris toute la responsabilité du meurtre sur tes épaules. Sous les barreaux, tu aurais pensé à lui en serrant les dents, impatient de le voir au parloir ; de lui dire que, malgré tout, tu le remercies d'avoir fait ça pour toi.

Ca : tuer Perry. Le tabasser tellement qu'il n'était plus qu'un tas de purée d'os. Des images te reviennent tandis que Chad t'embrasse le front. Peut-être est-ce parce que tu as vu d'autres horreurs dans ta vie, notamment lorsque tu bossais pour les stup, mais tout ce sang ne te donne pas de cauchemars. Il te fait au contraire dormir comme un bébé depuis qu'il a été versé. Tu entends à nouveau les côtes qui craques et les gargouillis de salive de ton ennemi agonisant ; c'est, pour toi, le son de la Justice qui a enfin été rendue. Ni plus, ni moins. Jamais. Murmure amoureux, fébrile de le savoir si culpabilisé par cette situation qui est aujourd'hui la votre.

Quelle importance d'être en fuite, tant que vous êtes ensemble? Et puis ce n'est qu'une question de temps avant que tu ne trouves le moyen d'utiliser votre argent sans que la géolocalisation des retraits bancaires ne vous vendent aux yeux des autorités. Grâce à lui, vous n'aurez pas de limite à la reconstruction d'un univers à votre mesure, selon vos goûts, vos envies, vos sensibilités personnelles ... Tu as garder des contacts précieux en plus des cinquante mille dollars en petites coupures qui devraient vous être livrés demain, par coursier privé. Felix Twist n'est peut-être personne, ici, à Bowen, mais Isaak Coalman est toujours un roi de la magouille dans le milieu sans frontières du trafic d'informations et d'influence. Tout ce que ta mémoire et tes coffres forts numériques détiennent de souvenirs et de preuves compromettantes sont autant de lingots d'or à négocier en direct ou par l'intermédiaire de médiateurs avec des victimes de chantage potentielles ou des adversaires toujours désireux de court-circuiter la concurrence. Tu ne manques pas de ressources pour vous faire rebondir et ça, Chad devrait le savoir. Mais il a l'air si perturbé que tu passes tout ça sous silence et te contente d'appuyer ton front contre ses lèvres. Parfois, tu as tellement d'amour pour lui que tu redécouvres ce que veut dire la folie amoureuse.

- Allonge-toi. Ta main se pose sur son épaule, le pousse pour l'installer confortablement sur le lit tandis que tu te redresses et relève son t-shirt pour embrasser son nombril. Le corps entre ses jambes, tu caresses son torse d'un main tout en le débarrassant de son pantalon de l'autre. Tu connais un moyen efficace de le détendre et prends ton devoir conjugal très au sérieux, toujours partant pour lui montrer combien tu l'aimes, faute de trouver les mots pour le lui dire.

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Jamais.
Parfois les mots sont de trop et les silences plus révélateurs. Cette fois, Chad n'a pas besoin de longues phrases pour être mis en confiance. La douceur d'Isaak parle pour lui et son corps s'exécute, s'allonge. Il devine sans difficulté où son mari veut en venir et le colosse se crispe sous ses lèvres. Il aime ce contact prolongé, là n'est pas le problème mais dans sa fatigue, il n'est pas certain de savoir s'il pourra réellement l'honorer. Alors, plutôt que de décevoir l'être qu'il aime, ses mains attrapent son visage pour le faire cesser ses mouvements. Non, arrête. Sa tête se redresse, ses yeux plongent dans les siens et le silence qui s'en suit tisse un peu plus le lien qui les noue l'un à l'autre. Dans tout son désespoir, Chad peut ressentir un espace de bonheur. Un bonheur délicat, qui s'immisce dans son coeur, crescendo. Un bonheur qui prend son temps par rapport à New York, à croire qu'ils avaient emboîté le pas sur la ville, les passants et les voitures qui roulaient à vive allure dans ses veines. La présence d'Isaak est un rayon de soleil de soleil qui frappe tendrement contre la vitre.

Sa main sur son torse, il a encore envie de s'excuser, de se faire pardonner pour les dents retrouvées, pour ce voyage précipité, pour la perte de cet argent qui n'en finit plus. Il voudrait s'ouvrir en deux pour faire partir ces asticots qui le dévorent de l'intérieur mais aurait trop peur qu'ils s'en prennent à Isaak. Ses bras le ramènent contre lui alors qu'il le serre contre son torse. Chad pourrait se perdre dans le sexe mais il n'a pas envie de se réconforter en lui donnant des coups de reins qui ne vaudraient rien. Alors il le prend dans ses bras, certainement parce que cela reste la seule chose à faire lorsque les coutures du coeur craquent et laissent s'échapper la douleur jusqu'ici contenue avec application. Depuis la mort de Perry, c'est comme si le minotaure cruel redécouvrait l'homme qu'il aime sous une autre lueur, moins sale cette fois, plus sereine. Si une partie des démons d'Isaak est morte ce soir là, une autre s'est logée au coeur de sa cage thoracique. Chad les sent faire la fête, allumer un feu pour danser tout autour et lui faire de la peine.

Dans cette étreinte, il sent ses émotions se nicher dans chaque partie de son organisme, éviter ses pensées pour ravager son corps, en faire de la bouillie à manger à la petite cuillère. C'est ça, le colosse est en train de devenir de la compote pour les monstres qui vivent en lui et une part de lui ose espérer que ce départ suffira à lui redonner de la consistance. Laisse-moi juste le temps de ... De quoi ? Même lui n'en sait rien, termine par le lâcher pour se redresser, s'approcher de la fenêtre et profiter du paysage qui n'a plus rien à voir avec la froideur de New-York. Ici tout semble plus lumineux, travaillé dans l'unique but de donner un peu le sourire aux gens. Le chant des oiseaux, la chaleur ambiante le pousse à se sentir plus léger. Chad fait un terrible constat tandis qu'il se retourne vers Isaak pour lui demander une clope : il ne sait plus poser des mots sur ce qu'il ressent. Il s'est refermé comme après la balle que Wilf lui avait mis dans la jambe. T'as une clope ? Sa main tremblante lui rappelle qu'ils n'ont pas tout prévu et la panique l'empêche de respirer correctement. Il faudra qu'on fasse le tour des neurologues ... Il a rien, pas ses dossiers, seulement ses traitements. Il va devoir tout recommencer de zéro, reprendre les examens, faire un bilan, répéter ce qu'il a déjà fait. Avant de voir ses doigts faibles, Chad avait oublié Parkinson, submergé par la crainte d'être séparé d'Isaak.
Heureusement, la réalité se rappelle toujours à eux.

Arrête.
Ton corps bien dressé répond sans même consulter ton esprit. Ce que Chad veut, Chad obtient ; c'est encré dans tes gênes. Il n'y a que la colère et la jalousie pour te faire désobéir à ses ordres, or tu ne ressens ni l'un ni l'autre. Plus depuis Perry. Docile, tu abandonnes tes idées de pipe pour remonter à sa hauteur et le laisser te câliner. A quatre pattes au dessus de lui, tu sens l'étreinte se resserrer et ressembler cruellement à celle de la piscine. Mains s'accrochent à ses épaules pour lui apporter du soutien, lui dire que tu ne lâcheras pas. Encore une fois, les rôles s'inversent tant et si bien que tu ne sais plus où commence l'être que tu es et celui qu'il incarne. Vos destins si intimement liés rendent chaque émotion plus poignante, plus pénétrante aussi. Tu pourrais presque sentir ses tourments vibrer sous sa peau, chercher à passer le barrage de ta chemise pour s'incruster dans la tienne. Le savoir tracassé te mine autant que si tu l'étais toi-même. Sûr que s'il venait à avoir envide de pleurer, ce seraient tes yeux qui se baigneraient de larmes pour exprimer cette tristesse. L'un comme l'autre est un prolongement de sa propre moitié. Tu te sens si lié à lui que l'envie de t'en griller une te prend avant même qu'il ne te questionne à ce propos. Vous êtes connectés.

Sortant le paquet de clopes, tu en pinces une entre tes lèvres puis le lui tends, observant sa silhouette se découper dans la lumière qui entre par la fenêtre. Ce sont ses doigts tremblants contre l'emballage qui finissent pas te ramener à la réalité. Parkinson. Si vous aviez pu l'oublier à New York, elle aussi. Connasse qui voyage sans papiers ; clandestine de son corps. On s'en charge demain, si tu veux. Passer des coups de fils, graisser des pattes, rien de plus facile. Il faudra juste être prudent, le faire depuis une cabine téléphonique ou depuis l'hotel, par exemple, avant d'avoir l'opportunité de t'équiper en matériel informatique digne de ce nom, avec tout ce que cela inclus de composants illégaux pour pouvoir téléphoner ou surfer sur le darkweb sans te faire repérer. Te redressant, tu rapportes le feu à sa hauteur pour allumer vos clopes simultanément. La première taffe est un véritable soulagement. L'air résigné tu regardes ta cigarette qui se consume : cette saloperie est plus coriace que la coke, difficile de s'en sevrer. Je ne te laisserai pas tomber, Chad. Je t'aime. Ton regard s'accroche au sien. La dernière fois que tu le lui as dit, il avait le visage plein de sang et un cadavre à vos pieds. Ici, tout est plus beau, plus frais, plus hospitalier. Ta main part se loger derrière sa nuque ; toujours ce besoin de coller ton front au sien, comme si ce simple contact pouvait vous permettre de communiquer par télépathie. Ensemble. Tes phrases les plus grandiloquentes n'arrivent pas à la cheville de ces mots bruts, chargés de souvenirs et de promesses dont la noirceur en effraierait plus d'un. La situation actuelle ne change rien au pacte. Elle ne fait que renforcer la démesure de ton amour pour lui. Perdu dans un silence poignant, tu finis par te reculer pour le laisser fumer à sa guise. Ton regard se tourne alors vers l'extérieur, à la recherche d'un peu de baume à mettre sur vos coeurs. Tu n'as pas ton pareil pour sauter du coq à l'âne : Je suis certain qu'on doit pouvoir trouver un club de boxe en plus d'un bon neuro, dans cette ville.

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Si Chad se force à se ressaisir, c'est avant tout pour Isaak. Il a bien remarqué sa mine soudainement cassée, limite creusée par la fatigue alors que son sourire vient de se faire la belle : il est le fautif. Tout est de la faute du colosse qui peine à retenir ses émotions. Pourtant, alors qu'il attrape la clope, que l'air d'Australie caresse sa joue, le blond reprend lentement ses repères. Son je t'aime résonne au creux de ses oreilles et part directement se loger dans son coeur. Chad lui adresse un sourire tendre, léger avant de tourner à nouveau le visage pour lui offrir son profil. Il laisse sur le bas côté ses états d'âme et hausse les épaules. Non, je dis pas ça pour te presser. Il peut se débrouiller, il doit pouvoir y arriver, passer entre les mailles du filet, faire attention. Et puis c'est sa maladie à lui, pas la sienne, son fardeau, son boulot ; il ne veut pas qu'Isaak le ressente à sa place. Depuis qu'ils se connaissent, le blond a toujours fait en sorte d'être le plus léger possible, de ne pas représenter un embarras quelconque aux yeux de celui qu'il aime et aujourd'hui, il a seulement la sensation d'échouer. Ça arrive dans une vie de perdre parfois, de se tromper souvent, de lâcher un peu l'affaire puis de mieux revenir. La faiblesse, c'est juste normal, un mécanisme humain pour laisser le corps se reposer mais lui n'y arrive pas. Il est passé trop de choses pour se laisser glisser le long de la pente ; tout ce qui l'intéresse, c'est le sommet. Pas par soucis de domination, seulement par peur de la soumission. Chad ne veut pas être considéré comme le dernier des crétins, qu'on le bouffe, qu'on ne le respecte plus. Il s'est tellement laissé faire par le passé que le spectre brisé de son ancien lui le poursuit.

Je m'occupe du club. Pour ne pas non plus passer pour un assisté. Le colosse tire sur sa clope, se concentre sur chaque détail composant le paysage. Maurice saute sur le rebord de la fenêtre pour les rejoindre et la moustiquaire l'empêche d'aller plus loin. A New York, rare les fenêtres qui ont des moustiquaires, au pire elles ont des barreaux comme en prison. Ici on empêche les insectes d'entrer, pas les criminels. La preuve il y en a deux dans cette chambre. Viens, on va faire un tour, ça nous fera du bien de prendre l'air. T'es tout pâle. La fumée quitte ses lèvres alors qu'il s'approche d'Isaak pour l'embrasser à nouveau, plus calmement, sans la langue, une caresse comme une autre. Chad ne sait pas l'heure qu'il est mais sent bien que son corps a besoin de s'oxygéner après ce long voyage dans le stress. Les cachets qu'il a gobé avant sa nuit, en plus de ceux de Parkinson commencent tout juste à se dissiper dans son organisme et lui rendre sa vraie nature. Il est un peu plus enjoué lorsqu'il attrape Maurice pour lui faire un bisou. Si Isaak n'avait pas accepté de le prendre avec eux, le colosse serait déjà enroulé dans les draps de leur lit tout beau et tout propre à pleurer toutes les larmes de son corps.

Je me change avant. Il écrase sa cigarette sur le rebord de la fenêtre et se dirige vers son sac pour en sortir un t shirt mis en boule et un short. Ils sont un peu froissés mais fait confiance à son corps pour les assouplir. Ce n'est qu'en se changeant que Chad se rend compte du peu de choses qu'ils ont emporté avec eux. Tandis qu'il enlève son pantalon pour enfiler ses nouvelles affaires, le colosse s'efforce de faire la discussion pour ne pas laisser ce silence les plomber. Qu'est-ce qui va le plus te manquer ? Une habitude, un détail, à moins que ce ne soit le Sapphire, ou sa boîte, leur appartement ? Ils avaient tout là-bas, plus particulièrement Isaak. Chad a toujours eu le syndrome qu'ont les vagabonds : peu d'attache. Tout se trouve dans l'humain et l'affectif. Heureusement, les deux à qui il tient le plus sont avec lui : Isaak et Maurice. Le reste lui semble si futile qu'il pourrait s'en vouloir mais n'y parvient pas. Son coeur a atteint sa taille maximum et seul son mari peut s'y trouver sans que celui-ci ne se brise.

C'est probablement aussi l'une des raisons pour lesquelles tu l'aimes, même si tu en râles plus que tu n'en fais l'éloge. Son autonomie, sa volonté de gérer sa vie seul, sans jamais s'imposer comme un fardeau. Tu le trouves admirable autant qu'il t'exaspère, parfois, lorsque tu te dis qu'il ne comprendra jamais que tu es là pour lui, que vous ne faites qu'une seule et même personne et que ses problèmes sont les tiens, quelque soit sa volonté de ne pas te les imposés. Un sourire tendre t'échappe ; aujourd'hui est une trop belle journée pour se disputer où avoir ce genre de conversation. Tu l'aimes, c'est le principal, alors tu le laisses faire les choses à sa sauce. Tu pourrais en monter un ... Coach Twist ! Sourire délicat sur tes lèvres tandis qu'il t'embrasse du bout des siennes. Je suis tout le temps tout pâle. Ta génétique britannique ... Heureusement que tu as pensé à prendre la crême solaire !

C'est après elle que tu te mets à fouiller dans ta valise quand Chad te demande ce qui va le plus te manquer. Joueur, tu te laisses happer par sa question et y réfléchis sérieusement tout en retirant ta chemise pour te passer la crême sur les bras et les épaules. Peut-être bien de martyriser Irène ... ou de conduire la Porsche. Ton sourire se veut innocent alors que ton ombre qui s'étire contre le mur est plus cornue que celle d'un diable. Tu finis par rire, conscient d'être un connard irrécupérable. Et toi ? T'approchant de lui, tu lui tends le tube de crême ainsi que ton dos pour qu'il en étale dessus. Il n'a pas le temps de répondre que l'excitation du quizz te fait surenchérir, taquin : Attends, je sais : Ta collection de joggings dégueulasses ! Ton rire s'élève à nouveau, épuré, sincère, celui d'un enfant. Huit ans que tu n'avais pas ri comme ça, preuve que Chad est un dieu, que son sacrifice a su ressusciter des morceaux de toi morts en prison.

FELIX & MAXYM
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Il fronce les sourcils. Tu es plus pâle que d'habitude. Son mauvais caractère revient au galop, jamais bien loin même baignant dans toute sa bienveillance. S'il parvient à vouloir reprendre le dessus, c'est que Chad se sent déjà un peu mieux. Même s'il sent qu'un mal plus profond le ronge, le colosse a toujours eu cette capacité presque surnaturelle de ne pas se laisser abattre. Si la mort d'Eros n'a pas su le mettre au tapis alors rien d'autre ne le pourra. Bien qu'il se sente au bord de la rupture, il se sent à la fois plus solide que jamais. Tandis qu'il termine d'enfiler son t shirt, son regard dégringole sur le dos de son mari.
Mécanique, Maxym lui étale la crème solaire, une couche bien épaisse pour être certain que sa peau ne souffre pas trop du soleil. Une fois terminé, il s'en étale sur les bras et enfile une casquette. Ici, son bonnet laissé au canada ne lui sera plus d'aucune utilité. A croire qu'Isaak avait tout prévu et qu'il le savait. Un instant et il s'imagine bien, vivre éternellement au milieu de ces montagnes ou bien dans celles du Wyoming. Devenir un cowboy, abandonner ses principes et faire du rodeo, chasser l'élan et toutes ces conneries bien cliché qu'apportent de vivre là-bas et qui le charment plus que de raison.

Irène. Il l'imagine alors, partagée entre l'inquiétude et le soulagement : l'inquiétude de ne pas savoir ce qu'il se passe et le soulagement de ne plus avoir à supporter les sautes d'humeur d'Isaak. Ne me sous-estime pas, la nouvelle collection de jogging ne sera pas mieux ici. Sauf si je laisse tomber la boxe pour le surf. Là, il comprend que Mike doit l'attendre, se faire un sang d'encre pour lui mais aussi pour le combat. Finalement, jamais Chad n'aura l'occasion de monter dans l'octogone. Il aurait trop de remords de faire un combat quelconque sans son coach à ses côtés. Un soupir quitte ses lèvres alors qu'il se voit déjà, laisser repousser ses cheveux, retrouver leur blondeur éclatante. Si j'étais matérialiste je te dirais notre canapé ... et notre appartement en général. Il était quand même beau. Leur paradis. Là-bas, leur intimité était préservée à un point où il se sentait flotter. Jamais Chad n'a été plus heureux qu'entre ces murs. Une part de lui doit encore être en train de les hanter, de les attendre comme un chien abandonné dans l'espoir qu'ils reviennent pour continuer où ils se sont arrêtés. La porte défoncée de leur chambre lui revient en un flash douloureux. Non finalement, rien ne me manque puisque tu es là. Ces mots ne sont pas prononcés par sentimentalisme mais réalité. L'avoir à ses côtés le rend heureux. Maxym n'a jamais eu besoin d'énormément de choses. Enjoué, il tend ses lunettes de soleil à Isaak. Prêt ? Ils ne peuvent pas se permettre de se laisser abattre éternellement dans ce lit. Dans toute la gravité de la situation, Chad prend sur lui pour ne plus rien laisser paraître.
Il veut le voir sourire.

Ta carcasse bouge sous les gros doigts de Chad qui, quand il se concentre comme ça, oublie sa force de bœuf pour étaler consciencieusement et avec toute la vigueur qui le caractérise la crème dans ton dos. Pas dérangé à l'idée qu'une seule baffe de sa part pourrait te dévisser les cervicales, tu apprécies toute la poigne dont ses grandes mains sont capables. Elle t'excite autant qu'elle te rassure, cette force un peu folle.

Rapidement, tu troques la chemise pour une tenue de plage signée Chanel. Même en vacancier, ton style vestimentaire reste au summum de l'élégance. Chad le boxeur, Maxym le surfeur ... Un vrai fantasme. Tu lui tires la langue, te l'imaginant sans mal faire chavirer le cœur des filles en train de bronzer sur la plage, dans son short à fleurs, avec un bronzage tellement moins cramoisi que le tien.

Tout en continuant de l'écouter, tu t'assures d'avoir pris ton portefeuille et te mets à tâtonner tes cheveux à la recherche de tes lunettes. Chad te les tend, tu lui souris et les enfiles avant même d'être sorti de l'hôtel. Vos yeux bleus vont devoir se faire à la luminosité incroyable de cette ville. Vous êtes à l'opposé de la sombre New York. Prêt. Allons faire du repérage pour trouver le quartier où acheter notre nouveau chez nous ! Dans lequel le premier meuble que tu veux voir livrer sera un canapé semblable à celui que vous aviez là-bas, pour recommencer à zéro, là aussi, et le baptiser le jour de votre emménagement.

En fait, l'excitation dépasse ton état de fatigue. Tu réalises que tu es en train de vivre ta lune de miel. C'est pourquoi ta main attrape la sienne et le traîne à ta suite après avoir jeté un au revoir à Maurice. Une fois dans l'ascenseur, tu ne peux t'empêcher de fourrer ton nez dans son cou, d'y déposer un baiser entre chaque étage.

Dehors, il fait une chaleur moins étouffante que tu ne le pensais. Un petit vent frais rend le soleil de cette fin d'après-midi parfaitement supportable. Inspirant profondément, tu tends les bras vers le ciel. Ici commence notre nouvelle vie ! Poussant un rire espiègle, tu te mets à gambader le long du trottoir, souriant aux passants, allant même jusqu'à leur dire " bonjour ", ce qui ne surprend personne ici. T'as vu ça ? Ils sont polis ! Cette faune sauvage te fascine, toi qui ne la fréquentes que trop rarement. Il faut dire que tu as connu les pires quartiers du Bronx lors de tes interventions et les meilleurs de Manhattan après ta libération mais rarement la banalité rassurante de la normalité. Ici, tu es quelqu'un de normal. Ni violeur, ripoux, ex taulard, millionnaire ou patron de strip club, ni personne. Un anonyme sans journalistes dans son ombre, sans réputation qui le précède. Bref, tu peux être qui tu veux. Alors, ce soir, tu seras Felix Twist, l'heureux époux de Maxym Twist, un mec souriant et enjoué.

FELIX & MAXYM
new life

Isaak a toujours été le plus enthousiaste des deux. Chad ne peut s'empêcher de rester sur la réserve quoi qu'il arrive. parce qu'à force de se dire que le pire peut se passer, le blindage qui entoure son coeur et sa tête n'est plus une illusion et il se sent parfois capable de pouvoir tout traverser sans sourciller. Dans l'ascenseur, alors que leurs reflets les fixent dans le miroir, ce qui frappe le plus le blond est la sérénité présente chez son mari. Jusqu'ici, jamais il ne l'avait vu aussi souriant et léger, comme si un poids s'était enlevé de ses épaules pour le laisser respirer, débloquer certains tiroirs pour en fermer d'autres. Ses yeux  n'ont pas la même lueur et la chaleur naissante au fond de son ventre n'est pas un rêve : il est heureux de le voir dans cet état et se dit que cela vaut bien quelques cauchemars pourvu que l'âme d'Isaak puisse trouver la paix intérieure. Lunettes sur le nez, sa carrure impressionnante bouge beaucoup moins que celle de son mari qui découvre tout autour d'eux avec la curiosité d'un gamin. Chad se contente de quelques sourires de temps à autre mais ne bouge pas les bras comme lui. Son pas est plus lourd aussi, comme s'il tentait de garder les pieds sur terre pour deux. La beauté des paysages, le sourire des gens n'est qu'une façade. N'importe qui peut sortir de derrière cette tapisserie plus vraie que nature.

Sourire aux lèvres, Chad s'avance jusqu'à lui pour le serre contre lui tout en continuant de marcher. Ses bras entourent ses épaules alors qu'il dépose un baiser sur sa tempe. Toujours un brin protecteur et calme, il hausse finalement les épaules. C'est toi qui n'étais pas poli à New-York. Sans compter sa réputation qui le précédait, trop ancrée dans les têtes pour pouvoir les convaincre du contraire : Coalman n'était qu'un salaud mais surtout la pire traînée de la ville. Ici, il est comme vierge, une page blanche à recommencer, de la bonne comme de la pire des façons.

Concentré sur leur objectif premier, Chad fixe des immeubles de quelques étages qui ne donnent pas tellement envie et pointe du doigt les panneaux à louer collés aux façades. On pourrait prendre un appart du genre, t'en penses quoi ? Habitué à son appartement du Bronx, celui dans lequel il avait emménagé avec Isaak lui semble être un rêve, un mirage qui n'a jamais vraiment existé. L'ambiance des pièces lui manque, même la porte défoncée de leur chambre le rend nostalgique. Il n'y a finalement que la salle de bains dans laquelle il s'est écroulé qui ne lui rappelle que du négatif ; le reste était un paradis qui lui manque déjà atrocement. Il n'y avait que dans leur bulle d'amour impénétrable que Chad parvenait réellement à se ressourcer. Il se doute qu'ici les choses seront différentes, que les règles de ne faire entrer personne chez eux n'existeront plus mais pourtant, il se surprend à rêver d'une reconstitution modeste de leur bunker. Le petit balcon que le colosse pointe des doigts n'a rien de l'empire de Greenwich ; il est fade, médiocre, sans âme, une copie des autres appartements qui le précèdent dans le reste des étages. Mais si le blond le pointe du doigt, c'est avant tout parce qu'il sait que leur budget n'est plus aussi extensible avant et que cela lui paraît suffisant pour deux et demi (eux + Maurice).
Puis il s'imagine bien boire un café le matin sur ce minuscule balcon.
Pourquoi pas.

Il sous-entend à demi mot que c'était toi l'énergumène, à New York, ceux à quoi tu réponds par un " pfff " faussement condescendant. Vous savez tous les deux qu'il a raison mais ce n'est pas pour autant que tu en éprouve de la culpabilité. Qu'ils soient américains ou australiens : les autres tu t'en fous. Il n'y a que tes proches et toi qui comptiez. Quelque soit l'explication à ton impression de mieux vis à vis d'autrui, il n'empêche que cela te donne de l'espoir. Peut-être que vous allez réellement vous plaire ici ? Peut-être que vous en ferez la terre sacrée de mise à exécution du pacte ? Qui sait ce qui vous attend dans cet endroit inconnu ... Ce n'est ni plus ni moins qu'un autre voyage comme le Wyoming où le Canada, à tes yeux. Du moins pour l'instant, parce que tu es fatigué et excité, complètement déconnecté du reste dont tu te fiches autant que des gens.

La question de Chad sur les appartements te ramène à la surface. Levant le nez dans la direction indiquée, tu gardes le silence. On devine derrière tes lunettes que tu es en train de réfléchir à la proposition ainsi qu'à la largeur de votre champ d'action. Tendrement, tu finis par attraper sa main, délogeant son bras de ton épaule pour te placer face à lui, planté au beau milieu du trottoir et indifférent aux regards des quelques passants qui se demandent ce que tu fous à le regarder dans le blanc des yeux. Ta bonne humeur se transforme en déclaration d'amour enflammée : il n'y a pas de demi-mesure avec toi. Mon amour. Nous avons tout abandonné pour être libres. Je refuse que tu te sentes enfermé dans ce genre d'appartement trop petit pour nous. Tu as besoin d'air, d'une vue sur l'océan ... de quoi faire du surf au réveil. Plaisanterie visant à calmer l'émotion dans ta voix. Il y a toujours cette idée d'être en train de vivre ton voyage de noces qui flotte dans ta tête et te rend plus romantique que la moyenne. Je veux que tu choisisses le logement de tes rêves. Je m'occuperai du reste. Comme tu t'es occupé des papiers, comme tu as magouillé depuis des années pour te payer le luxe d'avoir le choix et comme tu continueras de magouiller tant que cela te permet d'offrir leurs rêves à ceux que tu aimes.

FELIX & MAXYM
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Un appartement pas plus grand qu'un cagibi quand on le compare à ce qu'ils avaient là-bas, dans cette autre vie qui lui paraît soudainement si lointaine. Tendre les bras, même s'ils étaient télescopiques, ça ne suffirait pas pour la saisir. Chad se projette ici comme il pourrait le faire ailleurs. Rien ne lui donne vraiment envie parce qu'il sait qu'il va continuer de comparer sans cesse. Il veut pas tomber dans le cercle des vieux cons qui disent que c'était mieux avant.
Forcément que c'était bien avant. C'est toujours bien quand on quitte quelque chose : on pense qu'aux bons souvenirs. Alors qu'il erre dans les rues, il revoit leurs soirées l'un contre l'autre, les repas interminables, les petits restaurants sympathiques, les ronrons de Maurice. Il pense pas à la balle, à Perry, au Sapphire, ou même à Nero, il pense pas au stress permanent de perdre l'homme qu'il aime sous prétexte que d'autres voulaient le détruire ou le posséder. Mais posséder, c'est aussi détruire, ça va de paire. Il a appris avec le temps à plus vouloir lui mettre des chaînes. Ses traces de jalousie, c'est surtout un manque de confiance en lui, pas en Isaak. Une vieille maladie incurable, comparable au cancer ou à une merde au moins aussi grave.

Il se retourne, lui fait face, leurs corps s'arrêtent, le monde continue. Les passants les effleurent, les évitent de leur mieux. Ils ne sont rien de plus que des touristes un peu emmerdants qui profitent sans se soucier que d'autres bossent, que ce sol est leur quotidien. Difficile de se faire à l'idée de ne pas être en vacances quand tout autour d'eux est comparable à une carte postale. S'ils étaient en voyage, les choses seraient plus faciles mais la seule facilité reste leur amour. Qu'importe le décor, il reste une évidence qui les lie l'un à l'autre. L'ours soupire, hausse les épaules. Ils avaient déjà eu tellement de mal pour choisir leur appartement de Greenwich alors ici où ils ne connaissent rien ... J'ai pas envie qu'on se prenne la tête avec ça aujourd'hui. Ses mots sont secs mais il sait qu'Isaak le connaît suffisamment pour ne pas mal le prendre. Chad le fait à nouveau tourner sûr lui-même pour emboîter le pas. Ses doigts se lient aux siens, amoureux. Un couple en lune de miel avec des cadavres à leur poursuite.

On pourrait se trouver un endroit où manger ce soir ? Il faut qu'on parle. Ce n'est jamais bon signe paraît-il. Mais Chad se rend compte après avoir pris quelques rayons de soleil qu'il ne peut définitivement pas tout garder pour lui. Le visage de Mike faussement calme lui revient en tête alors qu'il était sur le point de sombrer. Son nez tombe dans les menus des restaurants qu'ils croisent à la recherche d'un plat vegan qui pourrait les satisfaire.

Pas envie de se prendre la tête aujourd'hui. Tu ne peux qu’acquiescer. A force de cohabitation et d'efforts de communication, tu as appris à lâcher du leste. Le Isaak des débuts lui serait rentrer dans le tas pour le seul principe de ne pas s'entendre dire non. Mais tu n'es plus cet homme là. Plus avec Chad en tout cas. Ton amour pour lui est plus fort que ton amour de la provocation. Compréhensif, tu hausses également les épaules et reprends ta marche sans t'inquiéter plus que ça. Avec les cinquante mille dollars qui arrivent demain, tu te fous de dormir une nuit de plus où de moins à l'hôtel. Tu as d'ailleurs ta petite idée sur comment passer le temps avant d'emménager dans un nouvel appartement ... Puisque ni lui ni toi n'avez d'emploi ici, tu comptes bien l'épuiser autant qu'il ne se tuait à l'entraînement. Être son dernier combat tous les soirs jusqu'à tard dans la nuit, pour le reste de ta vie, est l'une de tes closes mentales au même titre que celles signées au bas de votre contrat de mariage.

Après quelques centaines de mètres, tu trouves un restaurant végétarien et pointes la carte du doigt pour attirer l'attention de Chad. Il faut qu'on parle ... Puisqu'il fait beau, autant manger en terrasse. Il faut qu'on parle ... Prenant place, tu oublies de remercier la serveuse qui passe vous déposer les menus. Il faut qu'on parle ... Des images du Hilton te reviennent : tu revois votre tentative maladroite de sortir prendre l'air après la nuit au Sapphire. La nuit avait été aussi mouvementée que celle que vous venez de vivre. Ajouté au fait que vous soyez à nouveaux logés dans un hôtel de luxe, cette situation te déstabilise. Ce dont vous aviez parlé à cette terrasse de l'Upper East Side avait signé un tournant majeure dans votre couple, ce qui te fais soudainement angoisser pour des raisons aussi délirantes qu’hypothétiques : Il t'en veut d'avoir fait de vous des fugitifs ! Il veut rentrer ! Pire, il te quitte !

Tes yeux s'affolent, tu enlèves tes lunettes et cherches son regard. Qu'il comprenne que tu t'inquiètes et que tu as besoin de réponses immédiates, alors que vous n'avez même pas encore commandé. De toute façon, ça ne passera pas tant que tu n'auras pas perdu cette boule au ventre. Qu'est-ce qu'il y a ?