Une petite soirée, loin des tracas (Bàhr)

Toute ma vie avait eu un tracé sinueux, un parcours décousu. J’étais tombé, je m’étais relevé, encore et encore. Je ne savais jamais quand le prochain piège m’attendait, et je ne savais jamais non plus lorsqu’un miracle se préparait au détour d’une embûche. Un autre brouillard se formait actuellement et je n’arrivais plus à voir ce qui se trouvait face à moi. Ce qui était bien clair était dans le passé, mais je ne tenais pas particulièrement à m’y attarder, à celui-là. Alors je continuais à avancer quand même, à tâtons, mains tendues devant moi pour ne pas me frapper à un mur. Je le frapperais quand même. C’était inévitable. En attendant, je promettais à Zelda de rester auprès d’elle, dans ces moments où elle avait le plus besoin de soutien. Et qui sait, peut-être que sa seule présence arriverait à dissiper la brume et à m’ouvrir les yeux, enfin, sur la vérité. « Je suis tellement désolé. Je sais bien que t’es fragile en ce moment, et moi j’arrive avec toutes ces remises en question alors qu’on aurait dû passer une belle soirée … » Je secouai la tête de droite à gauche, relâchant l’air entre mes lèvres. Je ne m’excuserais jamais assez d’être aussi lâche, face à elle, face à nous. Je pourrais le lui dire un million de fois que ma culpabilité ne cesserait quand même pas de décupler. Les yeux reflétant sa tristesse, Zelda me regarda en me proposant finalement de continuer leur soirée pizza, film et karaoké. J’esquissai un faible sourire, le regard attristé. Je ne savais pas si je me sentais encore assez léger pour chanter à tue-tête, mais l’idée de m’allonger auprès d’elle et de regarder film après film me confortait. « Oui, faisons cela. » Dis-je doucement, l’attirant contre moi d’abord, me positionnant face à la télévision. Je n’avais pas particulièrement faim, pas avec cette boule dans ma gorge et ce cœur trop serré. Ça me reviendrait. Ça nous reviendrait. Je l’espérais de tout ce cœur abîmé.