people will stab you in the back and ask why you're bleeding + clive

HJ : Mes débuts sont toujours un peu horribles, je m'en excuse

Tu n'en croyais pas tes yeux, tu avais passé les dernières heures à regarder l'écran de ton ordinateur en te posant les mêmes questions. Encore et encore. Pourquoi ? Qu'est-ce que tu avais fait au monde entier pour que quelqu'un, anonymement, choisisse délibérément de te couvrir de ridicule sur internet, sur cette gazette que toute la ville côtoyait. Tu l'avais toujours trouvé stupide, ce site à ragots, mais comme tout le monde tu le visitais ici et là. Cette fin d'après-midi, alors que tu parcourais les internets en attente qu'un prochain client entre dans ta boutique, tu étais tombée sur cet article sur toi. Cette stupidité qui te faisait passer pour une voleuse aux yeux de toute la ville, y compris tes amis. Alors qu'en réalité, tu travaillais vachement fort pour arriver à payer tes factures. Tu redoublais d'efforts au studio pour trouver des clients et tu t'épuisais la nuit, au bar, pour arrondir les fins de mois difficiles. Tu n'avais tellement pas dormi ni même mangé un repas qui avait un peu de sens, depuis longtemps que ton corps commençait à en ressentir les effets. Il avait maigri, déjà que tu n'avais pas beaucoup de chair sur les os, et les cernes y était plus présente. Jamais tu ne t'étais senti aussi humilier qu'aujourd'hui. Pire encore, tu n'avais jamais ressenti autant de colère qu'à cet instant et tu pouvais jurer sur tout ce que tu possédais que la personne qui avait lancé cette rumeur allait te le payer. Elle pouvait faire sa prière, avant que tu ne la trouves. Rageuse, et peu d'humeur pour discuter avec qui que ce soit, même s'il s'agissait de tattoo, tu te levas de ta chaise après avoir passé trop de temps à relire les lignes de ce court article bidon pour retourner l'écriteau « ouvert ». Tu fermais boutique. Tant pis pour les langues sales, cela leur ferait plus de détails pour leur prochain article. Alors que tu pensais t'enfermer pour le reste de la journée, finalement dos à la porte, tu entendis la clochette de l'entrée retentir t'annonçant qu'il y avait un visiteur dans le studio. Sèchement, sans même te retourner, tu crachas : C'est fermé, revenez demain. Remplit de rage, tu n'en pouvais rien. C'était ton sale caractère, celui qui menaçait toujours d'exploser, qui parlait.

Un peu de temps libre, c’était le genre de choses que Clive ne connaissait pas forcément d’habitude. Entre son boulot, ses sœurs, ses neveux ou encore Swan et son fils, il avait appris à remplir ses journées de manière à ne pas se retrouver à tourner en rond chez lui. Souvent d’ailleurs, il finissait par se laisser bouffer par sa maniaquerie maladive qui était de nettoyer son appartement dans les moindres recoins, une déformation professionnelle certainement. C’était du coup loin d’être innocent si en achetant ces deux hot-dog, Clive avait pris le soin de demander un support en carton et plusieurs serviettes pour s’assurer que ses vêtements seraient épargnés au moment même où il serait amené à les manger. Seulement c’était sans compter sur cette jeunesse adepte du skateboard, du genre à slalomer entre la populace et à se retrouver nez-à-nez avec un Clive des grands jours, le regard noir sur celui qui oserait s’approcher de trop près. Si le premier avait pris le soin de le contourner, le second avait été surpris de l’immobilisme du trentenaire, au point qu’il avait fini par poser le pied à terre pour forcer l’arrêt de sa planche, malheureusement pas suffisamment pour qu’il évite Clive. Un choc minime mais suffisant pour faire sortir l’homme de ses gonds «Non mais toi t’es vraiment le gosse le plus con que je connaisse! T’as pas encore appris qu’on pouvait tourner ou quoi?!» L’attrapant d’une main pour lui montrer la tâche de ketchup sur sa chemise, il le repoussa avant de se mettre à prononcer une multitude d’insultes et de donner un coup de pied dans cette planche de bois à la con. «Dégage ou sinon je te la fais bouffer» L’attention reportée sur sa chemise, il se remit à marmonner toute sorte de choses jusqu’à ce que son regard ne se déporte sur la vitrine d’un salon qu’il connaissait bien. S’il n’avait pas oublié la tâche qu’il avait sur lui, il avait cependant oublié de venir reprendre des nouvelles de Blanche depuis qu’ils avaient terminé son dernier tatouage. Tatouage qu’il avait commencé chez un autre tatoueur avant de le terminer chez elle, pour l’aider à maintenir en vie son salon qu’elle avait de la peine à faire tourner. Trop fière pour demander de l’aide, Clive avait trouvé un prétexte pour se faire tatouer par son ex sans qu’elle ne se doute de quoi que ce soit. Poussant la porte du salon sans tenir compte de la petite pancarte, il n’avait pas fallu plus de deux secondes pour recevoir un accueil des plus chaleureux; Blanche était dans ses mauvais jours, ça risquait de promettre si elle ne comptait pas épargner Clive. «C’est comme ça que tu as décidé d’accueillir ton meilleur client?» qu’il demande tout en marchant en sa direction. Elle avait le dos tourné mais certainement qu’elle reconnaitrait la voix du bowenien de naissance qui se trouvait derrière elle. «Je sais que tu me détestes mais quand même, j’ai ramené deux hot-dog avec moi.» qu’il rajoute en plaisantant. Il faisait principalement écho à toutes les fois où Blanche lui avait sorti qu’elle le haïssait, lors de ses crises de jalousie à l’époque où ils étaient encore ensemble. Un passé qui datait et qui avait laissé place à une belle amitié, du moins pour Clive.

Malgré sa présence au salon, la pancarte « fermée » trônait peu fièrement devant la porte du commerce. Impossible pour la blonde colérique d'ouvrir boutique dans un tel état. Elle était furieuse que ses absurdités paraissent en ligne, rumeurs entièrement fausses, pile poil au moment où son porte-feuille espérait un peu de reconnaissance. Elle avait du mal à se trouver de la clientèle, Blanche, alors que les gens la fuyaient comme la peste. Pas étonnant, lorsque l'on lisait ce qu'on pouvait raconter sur elle. Elle travaillait comme une dingue, nuit et jour, deux jobs à la fois, pour pallier ce manque de fonds constant qui la menaçait. Elle n'avait plus de levier, elle avait refusé volontairement et catégoriquement que Léo lui fournisse à nouveau le moindre billet bancaire. Les ponts avaient été coupés, cassés, cisaillés entre lui et la blonde, il fallait qu'elle apprenne à se démerder seule. Furieusement, Blanche attrapa l'un de ses multiples crayons à dessin qui trainaient un peu partout pour gribouiller. Dessiner lui permettait de canaliser ses émotions lorsqu'elles étaient trop importantes. Avec les années, elle s'était développé cette technique, fatiguée d'éclater en crise de colère à chaque contrariation. Et elle devait avouer que ça fonctionnait. Des tracés rapides et secs parsemaient la page ouverte de son carnet de croquis dans une valse de coups de crayon formant un paysage alors que la porte d'entrée s'ouvrait retentissant des clochettes familières. C'était fermé, Blanche ne pouvait concevoir qu'un client n'avait pas pris la peine de lire la notice avant de pousser la porte. Elle releva la tête, toujours dos à la personne qui arrivait malgré elle dans un mauvais moment, avant de lancer un soupire de désespoir juste avant de reconnaitre la voix familière qui se cachait derrière l'intrus. Elle se retourna, faisant à présent face à cet homme qu'elle connaissait bien, lui affichant une moue désolée. C'est fermé, excepté pour toi. Mais, tu as raison, j'te déteste ! Elle lui fit un clin d'oeil moqueur. Évidemment qu'elle ne le détestait plus, à présent, alors que le temps avait passé entre elle et Clive. Le temps et l'acceptation, en soi, qu'ils étaient mieux séparés qu'ensemble. Ils avaient, autrefois, formé un couple loin de la perfection où les crises de jalousies et les hypothèses malsaines s'y étaient faufilées grugeant toute leur énergie mutuelle. Il faisait ressortir le pire de Blanche, ce qu'elle tentait tant de luter, malgré lui. Une fois cette tension amoureuse disparue, ils avaient enfin été en mesure de développer cette amitié qui jouissait simplement des petits bonheurs de la vie. Blanche secoua la tête, déclinant l'offre de son ami. Merci, mais j'ai pas trop faim. Cette boule dans l'estomac, cette rage qu'elle tentait de canaliser, prenait toute la place ne laissant pas d'espace pour que les chiens chauds puissent s'y loger, eux aussi. Je vois que tu n'as pas pu attendre avant de t'en engloutir un! Ajouta-t-elle à la blague en désignant la tâche sur son t-shirt. En fait, je ne plaisantais pas, je suis réellement fermé... Si tu passais par ici pour un nouveau tatouage. Clive était son meilleur client, voir-même le seul depuis quelques semaines. Il faisait en sorte que la belle pouvait, heureusement, renflouer un peu son coffre-fort. Elle ne faisait que très rarement la reprise d'oeuvres d'autres tatoueurs, mais pour son ex elle avait fait exception.

Blanche, un prénom d’une pureté sans faille, un prénom qui contrastait à merveille avec la femme qu’elle était. Aux yeux de Clive, elle avait toujours semblé délicate, toujours semblé fragile et pourtant elle avait toujours su sortir les griffes, toujours su hausser le ton quand quelque chose ne lui plaisait pas. A l’époque où ils sortaient encore ensemble, il se rappelait toujours du moment où elle ressortait de leur chambre après une dispute, elle avait toujours ce regard assassin et Clive ne pouvait s’empêcher d’en remettre une couche en lui disant que le monstre était enfin sorti de sa tanière. A force, ça finissait par la faire rire et rapidement c’était son sourire le plus délicat qu’elle lui offrait, des situations qui changeaient du tout au tout. Une chose qu’il avait appris en vivant avec elle, c’était de détecter les signes quand ça n’allait pas, lorsqu’elle était empruntée et cherchait à ne rien montrer. Malheureusement elle n’était pas très douée, en tout cas pas aux yeux de celui qui venait d’entrer dans son salon. Cette moue qu’elle avait affiché en se rendant compte de son accueil avait eu tendance à amuser Clive. «Ravi de savoir que certaines choses ne changent pas.» fit-il échos aux dernières paroles qu’elle lui avait adressé, des mots qui l’avaient fait sourire, lui faisant presque oublier la tâche sur sa chemise. Malheureusement pour lui ce fut de courte durée en entendant ce manque d’appétit, ça s’était même lu sur son visage et si elle avait aussi vite changé de sujet, c’est sûrement parce qu’il y avait anguille sous roche. Blanche venait d’avaler quelque chose qui lui restait travers de la gorge, à proprement parlé. «Me parle pas de cette fichue tache, si j’avais eu les deux mains libres je lui aurais fait bouffer son skate à ce gosse.» Et Dieu sait qu’il en aurait été capable, la délicatesse il ne la connaissait pas lorsqu’il s’agissait de régler un problème et cet incident avec sa chemise en était un. Mais heureusement pour lui et malheureusement pour Blanche, il y avait quelque chose qui semblait davantage pourrir l’ambiance ici et Clive n’allait pas tarder à s’en inquiéter. «Je venais simplement voir comment tu allais.» qu’il opta en prenant place dans le fauteuil qu’il connaissait si bien, prenant une morce généreuse du premier hot-dog tandis qu’il déposait le second sur le petit plateau entre Blanche et lui. «Et à en voir ton accueil et ton manque d’appétit, il y a une couille quelque-part, je me trompe?» Et naturellement, son visage s’était durcit, ses sourcils s’étaient froncés mais il n’en oublia pas moins d’avaler ce qu’il avait encore dans la bouche passant sa langue dans le coin de ses lèvres en scrutant Blanche, attendant qu’elle en dise plus. Si elle était maligne, elle parlerait… si elle ne le faisait pas, elle verrait Clive rester dans ce fauteuil en lui tenant la jambe, parce que de toutes ses ex, Blanche était la seule dont il se souciait réellement, parce qu’elle méritait que l’on fasse attention à elle.

Leur relation était unique. Ensemble, ils ne s'entendaient pas, ne pouvant pas s'apporter ce dont l'autre avait besoin, mutuellement. Bien mieux séparés en fin de compte, mieux pour leurs coeurs et leurs têtes. Elle l'avait aimé, elle l'avait détesté, il faisait sortir le mauvais côté d'elle comme il savait la faire sourire et apaiser la tempête qu'elle se créait elle seule. Blanche, l'éternelle réactive, beaucoup trop près de ses émotions, beaucoup trop près des sentiments, rouge de colère pour une banalité. Clive avait toujours eu ce don de dédramatiser les situations. Jadis, par ses paroles, la désignant de monstre au passage, avec son air séducteur qui faisait fondre la blonde. Aujourd'hui, toujours avec ses paroles, mais aussi son humour qui apaisait, autant qu'elle le pouvait, les maux de sa vie. Blanche en était d'ailleurs reconnaissante, de cette présence rassurante qui lui faisait du bien, quand elle en avait besoin. Pour coup, il avait raison : certaines choses ne changeaient pas. Cette relation particulière, qu'ils avaient bâtis avec les années, elle, n'était pas prête de changer. Ils s'étaient désormais liés d'une amitié propre à eux, caractérisée par leur passé, défini par leur histoire, que personne ne pouvait répliquer. Il était important à ses yeux. La blonde était bien loin de se douter qu'il, pour apaiser ses tourmentes, s'était improvisé client. Et si elle venait à l'apprendre, si elle venait à comprendre ce pour quoi il était toujours fourré dans son studio, pourquoi il tenait tant à ce que ce soit elle qui touche son corps, qui encre sa peau, ses colères ne tarderaient à reprendre le dessus. Parce que la pitié, surtout la sienne, Blanche n'en avait pas besoin. Elle vivait très bien sans. Quitte à avoir un compte bancaire en déficit. La luxure, ça n'avait jamais vraiment été son truc, de toute façon, elle s'en fichait.
La blonde ne tarda pas à lui désigner la tâche qui trônait peu fièrement sur la chemise de Clive, imprégnée dans le tissu délicat du vêtement. Clive! lâcha-t-elle alors qu'il exprima la frustration qu'il ressentait face à l'événement, avant de soupirer tant il la désespérait. C'est qu'un gamin insouciant, j'suis certaine que tu étais pire à son âge. Blanche l'imaginait bien, Clive, un gamin exécrable, des mauvais coups pleins les poches, un peu mauvais garçon, sans réelle malice derrière la tête, s'attirant les pieds dans des bêtises plus stupides les unes que les autres. Elle ne l'avait pas connu sous cet angle et, à cet instant, la blonde se demandait qui il avait été, avant qu'elle ne fasse sa connaissance. Il était plus âgé, ils n'avaient pas fréquenté les établissements scolaires en même temps. Puis, ça te donne un air séduisant! Elle plaisantait, évidemment, la tâche ne gâchait pas sa personne, mais elle ne l'embellissait pas pour autant. Cambridge lui balança une lingette humide, habituellement utilisée pour désinfecter ces plans de travail, afin qu'il puisse se débarrasser de son indésirable visiteuse. Elle tentait de faire la discussion, dissimulant son irritation tant qu'elle le pouvait, mais mentir n'était pas dans ses habiletés. Et l'homme le savait. Tant qu'il s'enquit de ses questions, s'intéressant à son moral. Il avait vu juste. Coupée de son appétit, boutique fermée alors qu'on était en plein jour, ce n'était pas habituel. Blanche soupira, roulant les yeux au ciel, exaspérée d'être aussi piètre menteuse devant la mine sérieuse de son interlocuteur. Tu te trompes.. avoua-t-elle en ajoutant une couche de fausseté dans l'ambiance minée de la pièce. Elle mentait, ils le savaient tous les deux, mais Blanche ne savait pas comment aborder le sujet. Comment expliquer que ce qui minait son moral c'était ce foutu article rempli de stupidités sur ce ridicule site internet de pacotille ? Sauf peut-être que je vole mes clients, mais ça, tout le monde le sait excepté moi, il faut croire. cracha-t-elle, la rage dans la voix. Mais j'veux pas t'embêter avec ces conneries, Clive. T'en fais pas, ça va, je gère. Comme toujours...