please help me, andreas.

Des semaines entières sans sortir, sans rien faire. Juste broyer du noir et pleurer loesque tu le pouvais. Tu avais perdu du poids, développé des poches sous les yeux, on ne pouvait plus parler de cernes à ce niveau là. Tu avais le teint livide à force d'être terré dans ta chambre. Puis un soir tu avais décidé que tu avais besoin de prendre l'air. Que tu avais besoin de te changer les idées. Tu avais marché un bon moment dans les rues de la ville, sans vraiment savoir où aller. Tu ne voulais pas parler à qui que ce soit donc il était hors de question d'aller trouver une personne qui te connaissait. Ce qui te laissait deux possibilités, soit rentrer chez toi, soit aller boire un verre et peut-être faire une rencontre. Pas amoureuse, tu n'avais pas encore la tête à te relancer dans une telle quête. Tu t'étais finalement arrêté dans un bar pour y boire un verre. Puis un autre. Et encore un. Tu avais fini par perdre le compte. Tu savais que tu n'étais pas en état de rentrer chez toi. Et le gérant n'avait pas l'intention de t'appeler un taxi. Il avait plutôt opté pour une ambulance. Tu ne tenais plus debout, incapable d'avoir des propos cohérents. Tu fus alors escorté jusqu'à l'hôpital. « Hé mais laissez moi, je vais bien ! » beuglais-tu dans le vide. De toute évidence ils ne voulaient pas t'écouter. Tu n'allais pas bien du tout. Ta femme était morte, Tu avais trop bu et tu pouvais faire un coma éthylique. Ce n'était pourtant pas ton genre de te murger ainsi mais ce soir, tu en avais eu besoin. « Regardez, c'est Andy, c'est lui ! C'est mon pote ! » Tu pointais du doigt ton ami ambulancier qui devait être en plein service. Tu ne lui avais pas parlé depuis ton enterrement de vie de garçon. Il avait dû apprendre la nouvelle parce qu'il bossait à l'hôpital mais tu n'en étais même pas sûr. Tu te levais d'un bond pour essayer de le rejoindre. Ce ne fut pas un grand succès vu comment tu titubais. « Dis leur que je vais bien, s'il te plait ! » Ça aurait pu être vrai si dans la seconde qui avait suivi tu n'avais pas attrapé une poubelle pour y déverser le contenu de ton estomac. Les ambulanciers allaient être content, ils n'allaient pas être obligé de te faire un lavage d'estomac, tu y arrivais assez bien seul.

Tu étais content de voir Andreas, enfin c'était relatif. Tu aurais aimé le voir dans d'autres circonstances que dans le cadre de son travail, surtout que tu devais être un genre de boulet pour lui à ce moment là. Arriver comme ça, ça ne se faisait pas vraiment. Mais ce n'était pas comme si tu l'avais prémédité. Tu avais juste bu quelques verres et tu ne tenais pas si bien l'alcool. Pas autant que tu pouvais le penser, ce qui t'avait conduit dans une ambulance puis à l'hôpital, afin qu'on s'occupe de toi. Tu avais affirmé être en pleine forme, ce qui était faux. Il avait raison, tu n'allais pas bien du tout mais tu préférais ne pas y penser. Tu préférais croire que la vie était belle, que des ailes pouvaient te pousser. Tu préférais te laisser bercer par la douce illusion que pouvait apporter l'alcool. Même si ce n'était qu'éphémère. « Bon peut-être que j'ai un peu bu ! » avouais-tu à demi honteux. Ce n'était pas ton genre, d'aller boire un verre dans un bar et de finir aux urgences. Mais tu ne savais plus vraiment ce que tu pouvais faire ou non depuis le départ de Fleur. Ton amour te manquait terriblement. Tu n'aimais pas te retrouver seul dans ton lit le soir, tu n'aimais pas porter une alliance en sachant que celle qui portait l'autre s'en était allée et que tu ne la verrais plus jamais. Andy posait sa main sur ton épaule, te demandant d'écouter ce qu'on te dirait, de rester sagement dans ton lit et qu'il viendrait te voir dès qu'il le pourrait. Tu hochais doucement la tête, bien résolu à l'écouter. « D'accord, d'accord. » De toute façon ce n'était pas comme si tu avais le choix, tu ne pouvais pas rentrer chez toi, pas dans cet état, tu serais incapable de retrouver le chemin de ta maison. Tu avais besoin de repos et peut-être même d'une épaule sur laquelle pleurer, une oreille à laquelle te confier.

Ton appel à l'aide était minable. Tout comme le faire de se mettre une cuite au point d'en faire un malaise. Tu aurais pu mourir sur ce coup-là. Tu ne savais pas ce qui t'avait pris. Ou plutôt tu le savais mais tu ne voulais pas l'admettre. Ce n'était pas toujours facile de faire face à la vérité. Surtout quand elle renvoie à une tristesse qu'on ne pouvait pas maîtriser. La mort de Fleur t'avait laissé un trou béant à la place du cœur et toi qui avait toujours un sourire sur le visage, c'est comme si tu avais oublié comment faire. Tu ne voyais plus que du gris et du noir autour de toi. « Andy ! » Tu affichais un léger sourire en le voyant passer la porte avec un café dans la main. Cela te ferait sûrement du bien, la solution saline commençait à te réhydrater et tu sentais la gueule de bois pointer le bout de son nez. Les effets n'allaient pas être joyeux mais ça t'apprendrait à ne pas recommencer. Un point sur lequel tu pouvais en être sûr. « Je crois que j'ai un peu mal au ventre et la tête me tourne mais je crois que ça va un peu mieux. » Tu savais qu'il voulait savoir plus comment tu allais psychiquement que physiquement mais tu ne te sentais pas capable de lui avouer toute la vérité. Quelle genre de personne fait une chose pareille ? Tu ne voulais pas décevoir tes amis, encore moins ta famille. La chance que tu avais c'est qu'ils s'étaient tous éloignés, de ce fait ils ne pouvaient pas te voir. « Je te dois des excuses, je n'aurais pas dû t'interpeller comme ça. » Il avait sûrement mieux à faire que de jouer les babysitters pour toi, comme son travail ou alors rentrer chez lui, retrouver son homme et dormir un peu. Il avait un travail monstre et des horaires pas toujours facile à vivre. Tu le privais sûrement de ces moments tout ça parce que tu avais simplement trop bu. Tu te sentais si égoïste en ce moment.

Andreas n'hésitait pas à te couper net. Tu l'écoutais sans rien dire, te contentant d'hocher la tête à la tête à la fin. Tu restais quelques secondes sans rien dire avant d'oser contester sans vraiment être sûr de toi. « Oui mais quand même.. » Tu ne pouvais pas t'enlever le sentiment de culpabilité, même s'il avait raison. Tu avais eu peur de la suite, peur d'être seul et voir que tu ne l'étais pas autant que tu le pensais, ça t'avait presque soulagé. C'était un peu comme un signe du destin. Retrouver la seule personne capable de t'épauler dans cette épreuve, au moment où tu en avais vraiment le plus grand besoin. « J'ai pas vraiment donné de signe de vie non plus tu sais, t'es pas fautif. » Tu ne blâmais personne, tu ne te sentais pas capable de le faire alors que toi-même tu préférais faire le mort. Tourner comme un poisson rouge dans ta chambre, voir et revoir les cartons que tu avais récupérer de chez Fleur, sans pour autant avoir le courage de faire le tri. Vivre dans le souvenir de ta bien-aimée, voilà à quoi tu passais ton temps lorsque tu ne travaillais pas. « Je suis désolé pour toi, ça a dû être horrible, vraiment ! » Il y avait différentes façons de perdre les gens, tu le savais bien maintenant mais tu trouvais quand même qu'un incendie restait une façon horrible de perdre une personne. Ce n'était pas une mort douce, à partir de ce constat là, rien ne pouvait bien se passer par la suite. Bien que lui n'ait pas vraiment perdu Lennox, mais il pouvait comprendre ton ressenti. Les sensations n'étaient peut-être pas les même mais affronter la mort - même si on y échappe - restait une douloureuse épreuve. Fleur avait peut-être des sédatifs lui permettant d'alléger ses douleurs mais son coeur, lui, était lourd. Elle était triste pour toi, triste pour elle mais elle devait garder la face pour ne pas que tu t'effondres. Et de ton côté c'était pareil. Aujourd'hui, tu avais le droit de t'effondrer, de te laisser aller et d'exprimer toute ta tristesse. « Elle est partie Andreas, et je sais que le dire, que pleurer ou que me prendre une cuite ne la fera pas revenir. C'est fini et je crois que c'est bien ça le problème. » Le savoir ne t'avait pas aidé à mieux le vivre. Au contraire, tu trouvais que ça apportait comme un poids au dessus de votre bonheur. Une ombre qui venait tout cacher.

Andreas avait bien raison et ça tu n'en doutais pas une seconde. Même si c'était difficile pour toi d'en entendre parler, pour accepter les mots qu'il disait, que toi tu disais. Il était peut-être temps pour toi de passer à l'acceptation, de mettre fin à ton deuil et d'avancer dans ta vie. Mais ça ne voulait pas dire que tu allais retomber amoureux demain et vivre une grande histoire d'amour. Cela voulait juste dire que tu pourrais reprendre le cours de ta vie, doucement et ne plus te lamenter par son absence. « Je crois même qu'elle serait déçue de moi. » Fleur n'avait pas eu la réelle occasion de te connaître triste, tu avais bien sûr affecté par l'annonce de son cancer, mais pour elle, pour son beau sourire, tu affichais ton plus beau et tu discutais avec elle comme si de rien. Et lorsque tu la quittais, il n'y avait personne vers qui te tourner pour t'aider à le vivre. Tu n'avais pas envie de te morfondre auprès de tes amis, tu n'avais pas envie d'être un boulet. Voilà où tout ça t'avait conduit, à prendre une cuite dans un bar et à finir à l'hôpital pour subir un lavement ainsi qu'une réhydratation par intraveineuse. « Il y a eu un moment où je me suis senti bien, Fleur n'existait plus, ma peine non plus mais c'est vite disparu et boire un verre de plus n'aidais pas à retrouver ce sentiment de quiétude. Je regrette vraiment, mais c'est trop tard. » Tes sentiments en ce moment étaient les plus importants, c'est ceux qui pouvaient vraiment te permettre de te reprendre en main. Le coup de pouce que tu avais besoin pour t'aider à tourner la page, c'était malheureux qu'il se passe ainsi mais au moins, cette fois, tu n'étais pas seul. Tu étais vraiment heureux d'avoir quelqu'un à qui parler, quelqu'un qui t'écoutera sans faille. « J'étais pas un grand fan d'alcool mais je crois que je ne vais pas boire de sitôt ! » Depuis que tu étais adolescent, tu n'avais jamais été contre de boire un verre, mais contrairement aux autres, toi il te faisait presque toute la soirée quand eux ça ne durait pas plus de 10 minutes. Tu n'avais jamais compris cet intérêt pour les étudiants de boire jusqu'à en vomir, de se mettre dans un état si minable qu'on ne se souviendra de rien le lendemain. Tu trouvais ces gens tristes à l'époque et aujourd'hui c'est toi qui avait connu cette situation. Tu avais envie de le graver en grandes lettres rouges : plus jamais. « J'aime plutôt l'idée du laser game, ça aura le mérite d'être plus sympa ! » finissais-tu en souriant, tu avais envie de finir sur une note plus légère.