Lost (Glenn)

Aelya venait de sortir de prison, et si cette nouvelle aurait du lui décrocher plus d'enthousiasme, en réalité, la peur lui tordait l'estomac. Elle ne savait pas ce qu'elle allait advenir. Elle n'avait pas encore d'endroit où dormir, n'avait plus aucune notion de l'heure, ni de l'étirement du temps qui avait semblé défiler très lentement derrière les barreaux.

Elle ne savait même plus avec qui elle possédait encore des liens maintenant qu'elle était dehors. Parce que la vie avait continué son cours tandis que la sienne s'était comme arrêtée trois ans plus tôt. Elle pensait à quelqu'un, à Glenn, qu'elle avait toujours vu comme son mentor, son allié dans sa vie plus que mouvementée, alors elle prit son portable en main, cherchant le numéro de son ami dans ses contacts avant de le composer, attendant qu'il décroche.

- Glenn ? C'est moi, Aelya, lâcha-t-elle quand elle l'entendit décrocher.

Elle était un peu stressée, ne sachant à quoi s'attendre de sa réaction après tant de temps écoulés sans nouvelle. C'était comme si elle craignait de se voir rejeter, parce qu'en réalité, il ne restait que lui pour l'aider à remonter la pente. Elle avait eu la possibilité de songer à sa vie en dehors de sa cellule, mais elle avait oublié à quel point ça l'avait complètement déconnectée du monde réel. Aelya se sentait perdue au milieu de nulle part, et si ce n'était pourtant pas la première fois qu'elle mettait les pieds en prison, l'effet à sa sortie était toujours le même. Elle ne savait pas par quoi commencer pour se relancer dans la vie active.

Aelya savait que c'était surement mal venu que de recontacter Glenn de cette manière, sans lui donner plus d'explications et surtout, d'agir comme s'ils s'étaient quittés hier, alors que trois années avaient défilés sans qu'elle n'eut le temps de le tenir au courant. Elle aurait pu, en vérité. Aelya aurait pu lui envoyer des lettres, mais il fallait croire qu'elle était bien trop honteuse de sa situation pour pouvoir se soumettre à ça. Elle ne se serait pas vu lui expliquer qu'elle avait encore fauté, et qu'elle était de retour à la case départ tout ça parce qu'elle aimait jouer avec le système. Elle avait toujours voulu le rendre fière, Glenn, après tout ce qu'il avait fait pour elle. Et elle craignait de lire une once de déception dans son regard. Pourtant, elle voulait prendre le risque de le revoir parce qu'elle devait avouer qu'elle avait quand même besoin de lui, de sa présence.

Elle soupira amusée à sa remarque, avant de répondre :

- Maintenant, si t'es disponible. On peut se retrouver au café là où on avait l'habitude d'aller ?

Elle espérait qu'il s'en souvenait, parce qu'elle n'avait rien oublié de leurs petites habitudes de son côté même si ces trois ans lui avait pourri le cerveau.

- Ca me fait plaisir de t'entendre, avoua-t-elle, un léger sourire sur les lèvres.

Spoiler:

Aelya peinait à croire que sa vie pouvait repartir après cette longue pause qu'elle avait du vivre, privée de sa liberté, lui donnant cette impression de ne plus vraiment faire partie de ce monde qui avait continué à tourner sans elle. C'était comme si elle devait ré apprendre à respirer alors qu'elle était longtemps restée en apnée. Elle sourit à sa remarque qui réchauffa son sang, refroidit par le stress de ne plus savoir quoi faire maintenant qu'elle était dehors.

- Je vais bien, t'inquiètes pas. Je t'expliquerai tout, le rassura-t-elle. J'espère que toi aussi, t'en as des choses à me raconter, ajouta-t-elle, amusée.

Elle était rassurée de comprendre qu'il n'avait aucune rancœur perceptible vis-à-vis de sa soudaine disparition parce que Glenn restait dorénavant la seule personne en qui elle avait confiance.

- J'y serai, à tout à l'heure, lança-t-elle avant de raccrocher.

La brune se mit en route jusqu'au café qu'ils avaient l'habitude de fréquenter, choisissant d'arriver en avance pour laisser le temps à toutes ces images de s'imprégner en elle avant que Glenn n'arrive dans son champ de vision. Elle prit place à une table, commandant un café, attendant patiemment que le blond qu'elle avait laissé quelques années auparavant ne vienne apparaître sous ses yeux. Elle appréhendait presque ce moment, ne sachant comment le temps avait laissé leur relation, espérant que celui-ci n'ait pas pu y causer quelques fissures.

Qu'est-ce qu'elle pouvait bien lui raconter... Qu'elle avait enchainé connerie sur connerie, qu'elle était passée derrière les barreaux une nouvelle fois sans comprendre la leçon ? Elle se décevait quelque part, parce qu'il n'y avait rien de pire que de comprendre qu'elle se laisserait toujours happer par ses vieux démons qui n'attendaient que de s'infiltrer dans les moindres failles de son existence. Elle voulait changer, mais elle ne savait pas comment faire. Peut-être parce qu'elle ne le voulait pas assez, ou peut-être juste parce qu'elle était mal renseignée sur ses capacités, préférant s'accuser de tous les mots pour se convaincre qu'elle était une mauvaise personne et que c'était dans ses gênes, ancré dans chacune de ses cellules qui ne pouvaient pas se transformer.

Le regard perdu dans le liquide sombre qui fumait sous ses yeux, elle fût tirée de ses songes par une voix qu'elle connaissait plus que bien. Elle redressa la tête, un sourire amusé sur les lèvres quand elle découvrit de nouveau les traits de cet homme qui lui avait tant apporté.

- Je te retourne le compliment, depuis quand t'es devenu aussi beau ? Demanda-t-elle, joueuse.

Elle avait l'impression qu'ils s'étaient quittés hier, ne décelant aucun changement sur son visage si ce n'était une forte impression de se replonger dans des souvenirs quand elle plantait son regard dans le sien.

- Déjà je voulais m'excuser de ce silence radio. C'était pas voulu, et c'était pas du tout contre toi, j'ai jamais voulu que tu penses ça d'ailleurs. Je viens tout juste de sortir de prison. Je savais pas qui appeler, y'a que toi qui pouvait comprendre j'ai l'impression.

Elle but une gorgée, tentant de se donner une consistance.

- Je suis pas fière, Glenn. J'ai merdé encore une fois, mais je veux vraiment que celle-ci soit la bonne. Je sais que j'ai pu le dire pas mal de fois, mais là j'y pense vraiment. C'était vraiment trop long. Même tes côtés chiants m'ont manqués là-bas, c'est dire, lança-t-elle en rigolant.

Son sourire s'éclipsa devant les regrets qui l'empoisonnaient.

- Et j'ai pas pu être là pour toi du coup. Je m'en veux.

Re-découvrir le visage de Glenn l'animait d'un certain réconfort, la replongeant dans les souvenirs de leur relation qu'elle avait brisé malgré elle, malgré ses conneries qu'elle enchaînait comme si c'était plus fort qu'elle, n'ayant aucun contrôle sur la manière de gérer sa vie convenablement. Elle restait persuadée que si elle n'avait jamais rencontré Glenn, le chaos aurait sans doute régné davantage sur son quotidien déjà assez tourmenté. Par la sagesse de ses mots, il avait su la canaliser et elle espérait en avoir fait de même quelque part, parce que si elle n'était pas disposée à appliquer une correction dans ses mauvaises actions, elle pouvait au moins faire preuve de soutien quand il en avait besoin.

- C'est vrai, ajouta-t-elle de manière amusée, faisant référence au fait qu'il était naturellement beau.

Elle le voyait comme son grand frère, celui qu'elle n'avait jamais eu, alors son jugement était forcément influencé par l'affection qu'elle lui portait. Elle s'était permis de s'expliquer parce qu'il avait sûrement envie d'entendre les raisons de son éloignement qui n'avait rien à voir avec lui. Elle sourit légèrement à sa remarque qui la rassurait.

- Heureusement que t'es toujours vivant. T'as pas le droit de mourir sinon je ferais un scandale, répondit-elle, entre le sérieux et l'amusement.

Elle porta son verre à ses lèvres avant de reporter son attention sur lui et sur sa proposition.

- Je suis sortie aujourd'hui du coup, toute ma vie est à refaire... Encore, soupira-t-elle, accablée. Faut que je me trouve un nouvel appartement et un nouveau boulot. Si tu veux bien de moi pendant quelques jours, histoire que ça se fasse, promis que j'essayerai de rester sage. Je te ferai même la cuisine et la vaisselle, proposa-t-elle en rigolant.

Elle passerait sûrement plus de temps avec Glenn que dehors, à chercher le danger partout où il se présentait comme elle avait l'habitude de le faire. Elle avait du temps à rattraper avec lui. Aelya secoua la tête négativement à sa question, grimaçant en repensant à la raison pour laquelle elle n'avait pas pu le contacter.

- J'ai passé la plupart du temps en isolement, parce que ça se passait souvent mal avec les autres... Du coup, on m'autorisait à rien faire. Et quand j'en sortais, je me demandais comment t'annoncer la chose. Je voulais pas te savoir inquiet sans pouvoir avoir la chance de tenter de te rassurer. Je sais, j'aurais dû, parce que t'as dû être inquiet. Mais ça aurait été pire de cette manière. J'étais pas prête à mettre des mots sur ce qui m'arrivait... Avoua-t-elle, en baissant les yeux, embarrassée.

Son regard s'arrêta sur sa bière, piquant sa curiosité et son inquiétude.

- Ça se passe comment toi ? T'as réussi à réduire ? Demanda-t-elle, en désignant le verre d'alcool.

Aelya se sentait plus confiante maintenant qu'elle avait Glenn devant elle, et c'était comme si le temps n'avait pas éraflé leur complicité. Elle tentait de laisser les mauvais souvenirs derrière elle pour se concentrer uniquement sur le présent et ce qu'elle désirait construire pour ne pas replonger. Parce qu'elle savait qu'elle avait un goût prononcé pour la destruction. Elle lâcha un petit rire à sa remarque, haussant un sourcil amusé.

- Tu feras les présentations, parce que je les ai jamais connu ces deux-là, admit-elle, rieuse. Par contre, si jamais ma cuisine est infecte, je veux que tu te souviennes que je ferais pas ça pour t'empoisonner mais que c'est simplement un don que je possède pas, se justifia-t-elle sur le ton de la plaisanterie.

Elle s'était confiée sur la nature de son silence qui avait duré trois ans, trois longues années où elle avait rêvé de s'échapper par la petite fenêtre de sa cellule qui de temps à autre, avait laissé passer de la lumière dans son quotidien sombre.

- C'est un peu glauque vu comme ça, mais ouais c'est clair que tu aurais été le premier à assister à mon enterrement quelque part, répondit-elle d'un air cynique. Et sinon ça se passe bien ton boulot ? Demanda-t-elle, curieuse.

En fréquentant Glenn depuis toutes ces années, elle avait pu apercevoir sa descente aux Enfers dans l'alcool et toutes les conséquences que ça entrainait sur sa santé mentale et physique. Elle avait tenté de le raisonner, de l'aider, et de lui faire réaliser qu'il avait un penchant bien trop appuyé pour la liqueur, mais elle avait vite compris que c'était plus fort que lui, et qu'il avait du mal à résister à l'appel de la boisson. Elle hocha la tête, les traits inquiets, quand il avoua qu'il avait quand même dépassé un certain stade dans son alcoolisme et qu'elle n'avait pas été là pour le soutenir. A vrai dire, même avant son incarcération, elle n'avait pas été avec lui toute la journée et toute la nuit alors souvent, elle s'était fiée à ce qu'il lui racontait sur sa consommation quand elle voyait trainer quelques bouteilles dans un coin alors qu'elle lui rendait visite. Surement qu'au début, il avait très certainement diminué l'ampleur de sa consommation devant le déni, mais il avait fini par accepter d'avoir un problème et elle ne pouvait qu'être fière de lui. S'il ressentait le besoin de boire jusque dans ses veines, il ne pouvait définitivement pas arrêter par la seule force de sa volonté et que ce n'était peut-être qu'une question de temps avant qu'il replonge de manière plus significative. Elle ouvrit la bouche pour lui donner son point de vue avant qu'il n'enchaine directement sur un autre sujet plus léger.

- Ouais, bien sûr, t'arrêtais pas de m'en parler, rigola-t-elle. D'ailleurs, tu continues tes séances ?

Elle savait qu'il en avait besoin de par sa personnalité, ses problèmes, et ça la rassurerait de constater qu'il avait continué sa thérapie durant son absence, bien qu'elle savait que le sujet tournerait autour de l'homme qui lui faisait tourner la tête.

Ces trois ans avaient eu le don de l'achever dans tous les sens du terme, et à force de laisser l'aigreur pourrir ses cellules, elle avait oublié certains détails de sa vie d'avant. C'était toujours en elle, mais forcément, il fallait un temps d'adaptation pour que tout ce qui représentait son quotidien ne refasse surface. Elle comprit par le biais de son sous-entendu qu'elle avait déjà rencontrés ces choses, ce qui tiqua sa curiosité.

- Ca me dit quelque chose, c'est pas tes squelettes ? T'es tellement accroché à eux qui font de toute façon partie du décor, s'amusa-t-elle en s'imprégnant des souvenirs qui remontaient peu à peu à la surface.

C'était étrange que de revivre ce passé qui n'était pas si lointain que ça et en même temps qui semblait presque irréel. Elle avait l'impression qu'une partie d'elle était toujours cloisonnée entre les quatre murs de sa cellule. Aelya rigola à sa remarque sur la cuisine et sa manière de faire.

- Tu sais très bien que je suis capable de foirer des pâtes, j'ai deux mains gauches en cuisine, plaisanta-t-elle. Mais j'accepte le défi, ajouta-t-elle, en lui envoyant un clin d'oeil.

Elle avait pas mal d'auto dérision et de recul sur ses capacités, ce qui lui permettait de rire du fait qu'elle était trop souvent maladroite, et ça se ressentait même dans les relations qu'elle nouaient avec les autres. Elle haussa les sourcils quand il ajouta qu'il était maintenant médecin. Elle se sentait fière de lui, parce qu'elle savait à quel point ça n'avait pas été facile et à quel point il avait du gérer beaucoup de choses à côté.

- Waw... Félicitations ! T'as vraiment géré ! Mais j'ai jamais douté de toi et de tes capacités, Glenn. T'es capable de tout, faut juste que t'arrives à te faire confiance pour ne pas sombrer, lança-t-elle, faisant référence à ses problèmes émotionnels.

Pour ce qui était de sa propre personne, il était clair qu'elle ne pouvait pas en dire autant. En même temps, elle ne s'était jamais franchement donnée les moyens de sortir de ses travers. Elle aurait sans doute apprécier voir son ami totalement sevré de l'alcool qui représentait surement son plus gros combat. Aelya peinait à dissimuler son inquiétude même si elle savait que ça ne servait pas à grand chose de lui rappeler ce qu'il savait déjà. Elle lâcha un petit rire à sa remarque, terminant suite à cela le café qu'elle avait commandé.

- Avoue que c'est presque le cas, je voyais bien tes yeux s'illuminer à chaque fois que tu parlais de lui, le taquina-t-elle.

Elle hocha la tête quand il lui confirma qu'il allait toujours voir son thérapeute, soulagée.

- C'est une bonne chose. Et si tu te soules à vos séances plutôt qu'à l'alcool, c'est toujours ça de pris, répondit-elle sérieusement.

Parce que même si ça l'agaçait, Aelya était persuadée que son état serait surement bien pire sans ces séances. Elle acquiesça à sa remarque sur ce fameux gars qui le rendait dingue. Elle soupira intérieurement en le voyant demander une nouvelle bière au serveur, désirant pour le moment se focaliser sur ce qu'il s'apprêtait à lui dire.

- Comment ça, beaucoup plus claire ? T'es en couple du coup ? Demanda-t-elle avec un sourire en coin.

Elle remarqua le serveur revenir avec un nouveau verre d'alcool et lança un regard appuyé à Glenn.

- T'aurais pu commander autre chose histoire de me surprendre, le piqua-t-elle avec un léger sourire.

Aelya revoyait dans sa tête Glenn prendre soin de ses squelettes comme s'il s'agissait de vraies personnes, avec une patience qu'elle n'aurait sans doute jamais. Elle s'était amusée de ça pendant très longtemps, jusqu'à ce qu'elle parte en prison.

- Te connaissant, j'en doute pas, répondit-elle, amusée.

La brune lâcha un petit rire à sa remarque qui laissait entendre qu'elle pouvait seulement s'occuper du minuteur. Elle hocha la tête, acquiesçant à cette idée qui ne servait en réalité pas à grand chose mais simplement à lui montrer qu'elle pouvait être de bonne volonté si c'était pour lui. Lorsqu'il ajouta de manière bien trop modeste qu'il n'était pas d'accord avec les mots d'Aelya sur ses capacités, celle-ci leva les yeux au ciel de manière dépitée devant son potentiel qu'il ne savait pas remarquer. C'était Glenn tout craché, à se sous-estimer, préférant colmater ses fêlures sous l'effet des substances chimiques qu'il absorbait sans compter. Quelque part, elle était pareille. Elle n'avait pas à lui faire la morale sur sa consommation, sur les erreurs qu'il pouvait faire, mais en même temps, elle ne pouvait pas le laisser sombrer de la sorte et juste se contenter de le regarder. Aelya trouvait ça courageux et bénéfique qu'il puisse enfin considérer le lien toxique qu'il nouait à l'alcool, mais elle voulait qu'il vienne réellement à se prendre en main pour de bon, au moins avant que son foie lâche. Ce qui n'était qu'une question de temps devant toutes les années qu'il avait passé à noyer cet organe dans l’éthanol et elle craignait qu'un jour il n'ait plus le temps de le réparer.

Elle se laissa porter par une conversation moins anxiogène pour des retrouvailles, souriant de manière taquine quand Glenn lui parla de Max, avant d'aborder un air complètement surpris quand elle remarqua la bague qu'il portait au doigt.

- Mais nan ? Vous êtes mariés ? Félicitations pour vous deux, je suis tellement contente pour toi, Glenn ! Bon je suis juste dégoutée de pas avoir pu venir à votre mariage, mais c'est de ma faute, lança-t-elle, déçue.

Les yeux rivés sur sa bague, un sourire excité sur le coin des lèvres, elle ajouta :

- Vas-y raconte ! Parce que j'en ai loupé des épisodes.