troublemaker (scarlie)

Charlie en était à ses tours de visite auprès des patients. Elle sortait de la chambre de l'un deux, après s'être montrée réconfortante et optimiste, quand son portable sonna. Interpellée, elle fouilla toutes ses poches à la recherche de ce dernier, déjà inquiète. En général, c'était son biper qui sonnait, son portable restait calme la journée car cela signifiait que l'appel n'était pas lié à l'hôpital, et son entourage savait qu'elle travaillait à ces heures-ci, il était donc rare que son portable sonne. Elle fronça les sourcils en voyant le numéro du commissariat s'afficher. Elle le connaissait, parce que Collin l'avait appelé pas mal de fois du boulot, depuis qu'il travaillait dans la police. C'était sans doute lui, du coup, mais elle trouvait ça étrange et son pouls s'accéléra, pressentant un problème. « Allô, Collin ? » fit-elle, l'inquiétude naissant déjà dans sa voix. Mais ce n'était pas son frère, loin de là. Elle poussa un soupir exaspéré en entendant la voix de Scar, qui semblait en bien mauvaise posture. Mais quelque chose dans sa voix lui indiqua qu'il ne faisait clairement pas le malin, même au téléphone, elle pouvait deviner une visage livide et une expression soucieuse. « Oscar Reynolds, qu'est-ce que t'as encore fait ? » donna-t-elle pour toute réponse. Son ton reflétait une pointe de colère, mais également une douceur amère qui laissait entendre qu'elle appréhendait ce qu'il allait lui dire. « Ca va être compliqué de venir tout de suite. Explique-moi d'abord la situation, tu me fais peur. » dit-elle tout en marchant dans le couloir, jusqu'à trouver un placard à pharmacie dans lequel elle entra pour être tranquille quelques minutes.

Charlie sentit son cœur se serrer en entendant une seconde fois la voix de Scar au téléphone, qui semblait désemparé, et franchement préoccupé. Ce n'était pas tous les jours que la jeune étudiante l'entendait parler avec une telle voix. Cela suffit à la radoucir d'un coup, tandis que son sang refroidissait dans ses veines en prenant conscience de la potentielle gravité de la situation. Une de ses angoisses venait de se réaliser. Il avait mis quelqu'un en sale état, à un point qui allait plus loin qu'une simple bagarre. La jeune femme prit une grande respiration, s'exhortant au calme et éloignant la panique de son esprit. Une chose à la fois, c'était gérable, il fallait simplement ne pas céder sous la pression. « D'accord, écoute, respire. Première chose, est-ce que tu connais le nom du type ? Il a sûrement été transporté ici, je vais le chercher et me renseigner sur son état. Ensuite, j'essaie de venir te voir le plus vite possible et on avisera. En attendant, si y a une problème ou quoi que ce soit, demande l'agent Meers, mon frère sera sûrement plus conciliant, je lui envoie un message dès que j'ai fini avec toi. » La voix calme et sereine, Charlie tentait de garder sa nervosité sous contrôle tandis qu'elle ressortait tel un ouragan de la pharmacie, s'agitant dans les couloirs qu'elle traversait à toute vitesse pour rejoindre les urgences. Il fallait d'abord qu'elle s'assure que le type allait bien, elle en avait besoin. L'angoisse tendait ses muscles et elle ne savait pas quoi dire d'autre à Scar pour le moment, même si elle s'efforçait de garder une image sereine au téléphone pour ne pas l'alarmer encore plus. Ça ne servait à rien de s'imaginer des scénarios catastrophes maintenant, avant de savoir ce qu'il en était.

HJ:

Se dirigeant à toute vitesse vers les urgences, maintenant qu'elle avait le nom de la personne que Scar avait envoyé ici, tout se mélangeait dans l'esprit de la jeune interne après qu'elle eut raccroché. « Ok, je m'occupe de tout, puis j'arrive. » D'un côté, une rage profonde stagnait au fond de son esprit, qu'elle conservait solidement bridée au fond d'elle. Elle exploserait contre Scar plus tard. Car pour le moment, c'était l'angoisse de voir un des scénarios qu'elle avait déjà imaginé et qu'elle avait redouté se voir réaliser, avoir lieu. Et la voix penaude de son meilleur ami au téléphone parvenait à déclencher en elle des instincts protecteurs, comme elle le constatait avec étonnement, à l'image de ceux dont témoignait parfois Scar envers elle. Ça l'enrageait quelque peu de devoir jouer les mères poules au gosse difficile et ingérable, qui nettoyait son bordel derrière lui. Elle avait peur de ce qui pouvait lui arriver. Quelque part, même s'il était en tort et qu'elle avait envie de lui dévisser la tête, l'angoisse de ne plus le revoir ou qu'il lui arrive malheur lui nouait encore plus les entrailles. Elle voulait le protéger, même si c'était injuste. L'adrénaline pulsait dans ses veines tandis que la dame de l'accueil lui annonça qu'en effet, un garçon du nom de Millers avait été monté au bloc opératoire en sale état. La jolie brune fit volte-face d'un mouvement brusque, marchant aussi vite que possible entre les couloirs, s'éclipsant des urgences en priant pour qu'aucun supérieur ne la surprenne ailleurs que dans son service. Elle arriva au bloc indiqué par la dame des urgences, par chance, le jeune homme en sortait justement, encore inconscient, sur un brancard, accompagné de deux infirmières. Charlie vint aux nouvelles, tentant de contrôler son angoisse. Tout allait tellement vite dans cet hôpital que le personnel médical posait rarement des questions sur le pourquoi du comment des médecins demandaient des infos sur l'état de tel ou tel patient. Heureusement pour elle. Il était stable, même si bien amoché. L'étudiante évitait de regarder ce garçon couché sur le brancard, honteuse de prendre le parti de celui qui l'avait mis dans cet état. Elle retourna dans son service, s'efforçant de ne pas courir, pressant le bouton de l'ascenseur plusieurs fois avec impatience. Une fois à l'intérieur, elle ressortit son portable pour contacter Collin. "Yo bro', j'ai besoin d'un immense service. J'arrive au commissariat dans 10 min, essaie de te renseigner sur le cas d'Oscar Reynolds. C'est important pour moi, s'il te plaît." Elle sortit de l'ascenseur, s'élançant dans le couloir à la recherche de son chef de service qu'elle faillit renverser dans sa hâte. Elle prétexta une situation familiale urgente, demandant de pouvoir quitter l'hôpital immédiatement et promettant d'y revenir le plus vite possible. Heureusement, Charlie était une interne assidue qui ne manquait jamais un jour de travail et qui ne chômait pas, son supérieur se montra donc clément.

Tout en se dirigeant vers les vestiaires, elle réfléchit à l'étape suivante de son plan d'action. Il ne la laisseraient sans doute pas rentrer comme ça au commissariat, juste sous prétexte qu'elle voulait voir un type accusé de coups et blessures volontaires. Même si elle pouvait jouer la carte du "mon frère est officier de police ici, soyez cool", ça ne serait sans doute pas suffisant. Une fois son short et son top enfilé à la hâte, elle repassa par le local pharmaceutique et s'empressa de fourrer quelques compresses, désinfectant et autres dans son sac. Techniquement, c'était un vol du matériel de l'hôpital, mais ce n'était pas comme si elle vidait les étagères à médicaments pour les revendre au marché noir. Elle sortit enfin de l'hôpital en toute hâte et grimpa au volant de sa voiture, se rendant jusqu'au poste de police où elle se força à prendre une allure plus sereine et confiante, ainsi qu'un rythme de marche normal. « Bonjour, je m'appelle Charlie Meers. » lâcha-t-elle en levant le menton d'un air confiant face au policier qui venait à sa rencontre. Insistant bien sur son nom de famille au passage. « Je viens voir Oscar Reynolds, il est en garde à vue ici et a besoin de premiers soins. Mon frère m'a appelée en tant que personne qualifiée pour cette tâche. » continua-t-elle d'un ton posé et professionnel. Petit mensonge au passage, mais au moins, le flic ne pouvait pas louper qui elle était. Il afficha une moue dubitative et sembla hésiter quelques secondes. Charlie ne se démonta pas, plantant son regard iceberg dans celui de l'homme, un mince sourire aux lèvres. Putain, Scar, qu'est-ce que tu me fais faire comme conneries aussi, espèce d'abruti. Le policier finit par hocher la tête, l'invitant à le suivre jusqu'à l'endroit où se trouvait Scar. En le voyant, le visage tailladé de multiples lignes de sang et de quelques jolies ecchymoses, les traits de la jeune fille s'adoucirent, avant de froncer les sourcils quand son regard tomba sur ses phalanges ensanglantées. Elle s'approcha de lui, essayant de ne rien laisser transparaître jusqu'à ce que le flic disparaisse dans son dos.

HJ:

HJ:

La jeune femme sentit sa poitrine se serrer. Elle pouvait lire toute la culpabilité du monde dans le regard de son ami, et pour le coup, ça lui faisait passer l'envie de l'engueuler. Il se fustigeait probablement déjà bien assez tout seul, pas la peine d'en rajouter une couche pour le moment. Elle s'agenouilla devant lui, plongeant son regard clair dans celui de Scar, une lueur pleine de chaleur et de compassion dans ses iris, tandis qu'elle prenait les mains ensanglantées du garçon entre les siennes. Elle resta quelques secondes ainsi, avant de déposer un baiser sur sa joue amochée, aussi délicatement que possible pour ne pas lui faire mal. « Chaque chose en son temps. Laisse-moi nettoyer tout ça. Le type va s'en sortir. Il est dans un sale état, mais ça va aller. Et j'ai envoyé un message à Collin. Ça va s'arranger, t'en fais pas. » souffla-t-elle, son visage près du sien, avec autant de conviction que possible. L'esquisse d'un sourire prit place sur ses lèvres, avant qu'elle ne baisse les yeux vers les mains de Scar. Elle sortit des compresses et une bouteille d'eau et entreprit de laver la couleur rouge terreuse qui s'y était incrustée en séchant. Elle versa ensuite un peu de désinfectant sur une autre compresse propre et tamponna doucement le visage du jeune homme de ses mains délicates et adroites.

S'appliquer à nettoyer chaque parcelle de peau du visage de Scar lui permettait de se concentrer, de contenir le milliard de pensées et de suppositions qui ne demandaient qu'à tourner dans sa tête. Elle refoulait son inquiétude du mieux qu'elle le pouvait, laissant un calme plat prendre le dessus durant encore quelques instants, se concentrant sur les blessures de son ami. « Tu m'entraînes dans rien du tout. Collin et toi, il est temps que vous compreniez que je suis majeure et vaccinée depuis bien longtemps et que je fais mes propres choix, bons ou mauvais. Je suis pas en sucre, je vais pas me briser juste parce que je traîne avec l'un ou l'autre idiot congénital qui fait des conneries à longueur de journée. Et j'ai le droit de garder espoir d'un jour raisonner cet idiot et de rester à ses côtés autant que je le souhaite. Et crois-moi, c'pas prêt de se terminer. » Charlie s'était exprimée d'une voix inébranlable, sur un ton sans réplique. Calme mais déterminée et totalement imperméable à la moindre protestation. Oui, Scar devait s'en vouloir à mort en ce moment et il le méritait sûrement. Mais la jolie brune refusait catégoriquement qu'il se fustige également pour ce qu'il pensait lui faire à elle. Elle choisissait d'être ici et de le soutenir ou non, c'était elle qui s'infligeait ou ne s'infligeait pas des choses. Elle esquissa un faible sourire lorsque le brun la remercia, l'air toujours aussi coupable, et elle serra doucement ses mains entre les siennes. « Va falloir faire quelque chose à propos de ça, hein... Tu sais ? » reprit-elle à mi-voix, presque dans un murmure. Inutile de préciser qu'elle parlait de ses accès de colère de plus en plus problématiques et violents.

Charlie vit bien du coin de l’œil que Scar avait envie d'exprimer le fond de sa pensée après la tirade de la jeune femme, mais il s'en garda bien et elle sentit une petite pointe de satisfaction germer dans sa poitrine. Elle savait qu'il voulait seulement la protéger, tout comme Collin. Qu'ils voulaient ce qu'il y avait de mieux pour elle. Et autant elle les aimait par-dessus tout pour cela, autant elle se devait de leur rappeler une fois de temps en temps qu'elle faisait des mauvais choix si ça lui chantait et qu'il ne tenait qu'à elle d'en décider. Elle les aimait profondément pour leur instincts de préservation envers elle, mais elle voulait qu'ils se souviennent de temps à autre qu'elle n'était pas un oisillon tombé du nid et que l'étouffer ne mènerait à rien.

L'étudiante afficha une petite moue incertaine quand Scar affirma qu'il n'avait aucune envie de ressembler à un légume. Elle pouvait comprendre son point de vue, mais d'un autre côté, elle devait bien lui signaler que ça commençait à déconner grave, cette histoire. S'il finissait par tuer quelqu'un ? Elle ne voulait même pas y penser. Il s'en voulait déjà à mort pour ses actes d'aujourd'hui. Il avait tout sauf un mauvais fond et il savait que si ça dégénérait encore et que ça allait plus loin qu'un mec sur un lit d'hôpital, il ne se le pardonnerait pas. « Je sais. Mais il va bien falloir qu'on en parle, Scar, parce que ça peut plus arriver. Tu peux pas m'appeler chaque fois que t'envoies quelqu'un à l'hosto. Et surtout... J'veux pas qu'il t’arrive quelque chose. À choisir entre toi qui est un légume, ou toi derrière les barreaux ou même plus de toi du tout, tu sais bien ce que je préfère. » répondit-elle en essayant d'adopter le ton le plus conciliant possible. En temps normal, elle se serait sûrement emportée contre lui, le traitant d'irresponsable et de tous les noms possibles. Mais c'était réellement important, cette fois, et elle voulait qu'il l'entende, vraiment. « Si je suis capable de t'aimer en cet instant précis, j'crois que je peux t'aimer sous n'importe quelle condition. » affirma-t-elle d'une voix sarcastique, plantant un regard aussi tranchant que malicieux dans celui de son meilleur ami.

Charlie se mordit la lèvre. Pour tout dire, elle n'y connaissait rien dans le domaine, ne savait même pas d'où venait réellement les problèmes de gestion de colère de Scar et elle ne connaissait pas l'étendue des possibilités qui pouvaient peut-être résoudre ce souci. « Dis pas de conneries. Si j'ai déjà réussi à te calmer par le passé, c'est que c'est pas insoluble, tu penses pas ? » répondit l'interne avec un petit sourire en coin, essayant de paraître convaincante. Ce n'était clairement pas tous les jours que son ami l'écoutait, mais il était déjà arrivé qu'elle parvienne à l'apaiser suffisamment pour qu'il contienne sa violence. « Puis arrête de dire que t'es une tare. C'est pas dans tes gênes, tu t'es jamais mis en colère à ce point contre moi, alors que le ton est déjà bien monté. Tu sais garder le contrôle selon la personne, donc ta théorie foire, cqfd. » ajouta la jolie brunette après une pause. Encore une fois, elle ne s'y connaissait pas suffisant pour affirmer toutes ces choses avec certitude, mais c'était quand même vachement logique, quand on y réfléchissait. Il n'était pas un fou furieux incontrôlable s'il savait se contenir avec certaines personnes. « Et tu les rattrapera, comme un singe ! Ça t'irait plutôt bien. » taquina Charlie pour rebondir sur la plaisanterie du jeune homme. « Mais t'avises pas de finir derrière les barreaux. D'ailleurs, Collin arrive. » ajouta-t-elle, presque menaçante, avant de jeter un coup d’œil à son portable et de prévenir Scar de l'arrivée du policier. À ses paroles et sa mine déconfite, elle plaça sa main dans la sienne, son regard clair se teintant de douceur, le visage confiant.